EXAMEN DES ARTICLES

ARTICLE UNIQUE

Autorisation à ratifier l'accord modifiant le traité instituant
le Mécanisme européen de stabilité

. Le présent article propose d'autoriser la ratification de l'accord modifiant le traité instituant le Mécanisme européen de stabilité (MES), signé les 27 janvier et 8 février 2021 par la France et les dix-huit autres États membres de la zone euro.

L'apport essentiel de cet accord tient à l'instauration, dans le cadre du MES, d'un filet de sécurité en faveur du Conseil de résolution unique (CRU), dans la limite de 68 milliards d'euros. Concrètement, il s'agit de presque doubler les ressources à la disposition du CRU lors de la mise en résolution d'une banque. L'intervention du MES est toutefois strictement encadrée : sauf procédure d'urgence, elle est décidée à l'unanimité, n'est possible qu'à titre subsidiaire, une fois les ressources du Fonds de résolution unique (FRU) épuisées, et temporaire, le prêt étant ensuite remboursé par le CRU au moyen de contributions supplémentaires prélevées sur le secteur bancaire.

Ce faisant, la résolution d'une banque de la zone euro n'impliquerait plus directement les finances publiques d'un État membre et reposerait, à terme, uniquement sur des ressources privées.

Outre l'instauration du filet de sécurité, cet accord comprend trois autres modifications principales :

- la réforme des instruments d'assistance financière de précaution aux États membres auxquels le MES peut recourir, en introduisant un nouvel outil, la ligne de crédit de précaution assortie de conditions. Contrairement à l'unique instrument actuellement prévu, l'octroi de cette nouvelle ligne de crédit ne serait pas conditionné à la signature d'un accord précisant les réformes structurelles à mettre en oeuvre, mais au respect ex ante de critères attestant d'une situation macroéconomique et financière saine de l'État bénéficiaire ;

- le renforcement des compétences et de l'indépendance du MES, en particulier concernant l'évaluation de la soutenabilité des dettes en zone euro et la négociation des réformes en cas de programme d'assistance financière ;

- l'inscription d'une nouvelle règle de vote pour les situations de restructuration de l'endettement public d'un État, afin de simplifier la restructuration de l'endettement public d'un État en réduisant le risque qu'un groupe minoritaire de créanciers s'y oppose.

L'accord modificatif participe donc du renforcement du cadre de résolution des établissements de crédit au sein de la zone euro, parachevant la logique de séparation vis-à-vis des comptes publics à l'oeuvre depuis le lancement de l'union bancaire.

Trois points d'attention doivent cependant être soulignés, concernant :

- la date d'entrée en vigueur du filet de sécurité : si les États parties ont convenu d'une mise en oeuvre anticipée dès le 1 er janvier 2022, les délais de ratification et, surtout, l'existence d'un recours en cours d'instance devant la cour constitutionnelle de Karlsruhe risquent, à tout le moins, de retarder le processus ;

- la procédure d'urgence de mise en oeuvre du filet de sécurité : en cas de menace pour la viabilité économique et financière de la zone euro, la décision peut être prise à la majorité qualifiée de 85 %. Toutefois, cette procédure n'est ouverte que deux fois ; au-delà, elle est suspendue et un vote à l'unanimité est requis pour la réactiver ;

- les conditions dans lesquelles, en cas de recours au filet de sécurité, les contributions ex post des banques seraient appelées pour permettre au CRU de rembourser le MES. Compte tenu des implications financières pour les banques françaises, la souplesse prévue par l'accord politique des États parties, autorisant un échelonnement du remboursement du CRU au MES sur une période maximale de cinq ans, devra être pleinement mobilisée pour calibrer le plus précisément possible les contributions ex post requises de la part du secteur bancaire.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission a adopté cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LA MODIFICATION DU TRAITÉ INSTITUANT LE MÉCANISME EUROPÉEN DE STABILITÉ

A. LE MÉCANISME EUROPÉEN DE STABILITÉ ET L'UNION BANCAIRE : DEUX OUTILS POUR RENFORCER LA STABILITÉ FINANCIÈRE DE LA ZONE EURO INSTITUÉS EN 2012

À la suite de la crise des dettes souveraines et face à la fragilisation du secteur bancaire de la zone euro au début des années 2010, deux évolutions majeures ont été décidées :

- d'une part, la définition d'un outil de stabilisation financière de la zone euro avec l'institution du Mécanisme européen de stabilité (MES) ;

- d'autre part , le renforcement du cadre prudentiel du système bancaire européen, avec la création de l'union bancaire .

1. La création du Mécanisme européen de stabilité

Dans l'urgence de la crise des dettes souveraines, les États membres de l'Union européenne ont mis en place en mai 2010 un dispositif de stabilisation financière prenant la forme de deux programmes de prêts :

- le Mécanisme européen de stabilisation financière (MESF) , mécanisme créé au sein de l'ordre juridique européen 2 ( * ) permettant d'apporter une assistance à tous les États membres de l'Union européenne par l'autorisation accordée à la Commission européenne d'emprunter au nom de l'Union jusqu'à 60 milliards d'euros sur les marchés financiers, avec une garantie implicite du budget de l'UE. Trois États membres ont bénéficié de son aide - l'Irlande, le Portugal et la Grèce -, pour un montant total de 54 milliards d'euros environ ;

- le Fonds européen de stabilité financière (FESF) , dispositif intergouvernemental et temporaire créé uniquement par les États membres de la zone euro, doté d'une capacité de prêt effective totale de 440 milliards d'euros, financée par les titres émis par le FESF sur les marchés et garantis par ses actionnaires - les États membres de la zone euro. Trois pays ont bénéficié de son soutien - l'Irlande, le Portugal et la Grèce -, pour un montant cumulé de 188,4 milliards d'euros.

Le MES a pris la suite de ces deux instruments.

Il a été mis en place en octobre 2012 par les États membres de la zone euro sous forme d'un traité intergouvernemental 3 ( * ) , en dehors du cadre juridique européen. Cette création a été rendue possible par la révision simplifiée du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) du 25 mars 2011 4 ( * ) .

Constitué sous forme d'une institution financière internationale , le MES a pour but de mobiliser des ressources financières et d'apporter un soutien à la stabilité économique et financière de la zone euro . Sa gouvernance reflète la logique intergouvernementale ayant présidé à sa création, puisqu'il s'appuie sur :

- un conseil des gouverneurs, composé de l'ensemble des ministres des finances des États parties, avec à sa tête le président de l'Eurogroupe ;

- un conseil d'administration élu par les gouverneurs ;

- un directeur général, élu par le conseil d'administration pour une durée de cinq ans 5 ( * ) .

Sa capacité de prêt totale atteint 500 milliards d'euros , financée par des emprunts du MES sur les marchés financiers et garantis par ses actionnaires. À la différence du FESF, le MES est doté en capital par ses actionnaires , à hauteur de 702 milliards d'euros, dont 80 milliards de capital effectivement libéré 6 ( * ) , les droits de vote des États membres correspondant à leur part dans le capital - comme le détaille le tableau ci-après.

Fournie à la demande de l'État membre, l'aide est conditionnée à l'engagement de l'État bénéficiaire de prendre des mesures correctrices, formalisées dans un protocole d'accord - memorundum of understanding ou MoU. L'assistance peut prendre différentes formes : une ligne de crédit, un prêt direct ou en vue d'aider un État à recapitaliser ses institutions financières, une intervention sur les marchés pour soulager les conditions d'emprunt de l'État, etc.

À ce jour, trois pays ont bénéficié des aides du MES : Chypre, la Grèce et l'Espagne, pour un montant total de 89 milliards d'euros .

Participation des États membres au capital du MES
et droits de vote associés

(en milliards d'euros)

Clé MES (%)

Capital souscrit

Part libérée

Parts appelables

Total

Autriche

2,758

2,2

17,2

19,4

Allemagne

26,899

21,7

167,9

189,6

Belgique

3,445

2,8

21,5

24,3

Chypre

0,195

0,2

1,2

1,4

Espagne

11,795

9,5

73,6

83,1

Estonie

0,185

0,1

1,2

1,3

Finlande

1,781

1,4

11,2

12,6

France

20,2

16,3

126,1

142,4

Grèce

2,791

2,3

17,4

19,7

Irlande

1,578

1,3

9,8

11,1

Italie

17,751

14,3

110,8

125,1

Lettonie

0,275

0,2

1,7

1,9

Lituanie

0,406

0,3

2,6

2,9

Luxembourg

0,25

0,2

1,6

1,8

Malte

0,09

0,1

0,5

0,6

Pays-Bas

5,665

4,6

35,3

39,9

Portugal

2,486

2

15,5

17,5

Slovaquie

0,985

0,8

6,1

6,9

Slovénie

0,467

0,4

2,9

3,3

Total

100

80,0

620,0

700,0

Source : commission des finances du Sénat, à partir du MES

2. La création de l'union bancaire

Pour répondre à la fragilité résultant du lien entre la dette souveraine et les bilans bancaires que la crise de la zone euro a mis en évidence, l'union bancaire a été lancée en 2012 .

Elle comprend les trois piliers suivants :

- un mécanisme de surveillance unique (MSU), entré en vigueur le 4 novembre 2014, sous l'égide de la Banque centrale européenne ;

- un mécanisme de résolution unique (MRU), placé sous l'égide du Conseil de résolution unique (CRU), opérationnel depuis le 1 er janvier 2015 ;

- une garantie européenne des dépôts .

Si les deux premiers piliers sont effectifs, le troisième reste à finaliser afin de remplacer l'harmonisation des systèmes nationaux de garantie des dépôts par un véritable système européen. Les propositions formulées en ce sens par la Commission européenne restent n'ont pour l'instant pas abouti, faute de consensus entre les États membres.

L'union bancaire concerne toutes les banques de la zone euro, mais seules les plus importantes relèvent de la responsabilité des entités européennes. Pour les autres, ce sont les autorités nationales de supervision et de résolution qui restent directement compétentes.

L'objectif principal du MRU est d'éviter que le contribuable soit, comme en 2008-2009, contraint de venir au secours des banques en difficulté.

Pour cela, il est structuré autour du Conseil de résolution unique (CRU), agence de l'Union européenne, et s'appuie sur deux dispositifs :

- le renflouement interne , aussi désigné sous l'anglicisme de « bail-in », qui vise à impliquer directement les personnes privées en cas d'entrée en résolution d'un établissement de crédit. Il est ainsi prévu que les actionnaires et les créanciers de la banque concernée assument les premières pertes, à hauteur de 8 % du passif ;

- le Fonds de résolution unique (FRU), qui peut intervenir sur décision du CRU, dans la limite de 5 % du passif de la banque concernée. De fait, en cas d'utilisation du FRU, le CRU devient automatiquement responsable du plan de résolution, quelle que soit la taille de l'établissement bancaire. Le recours au fonds de résolution n'est toutefois pas automatique et suppose notamment de vérifier une condition d'intérêt public.

Dans le cadre du MRU, le FRU est abondé par des contributions ex ante des banques des États participants dans des compartiments nationaux progressivement mutualisés, selon des modalités prévues dans l'accord intergouvernemental sur le transfert et la mutualisation des contributions au FRU signé le 21 mai 2014.

Son niveau cible est fixé à 1 % des dépôts couverts de tous les établissements des États membres participants, devant être atteint au 31 décembre 2023. Initialement estimée à 55 milliards d'euros, cette cible atteint désormais près de 75 milliards d'euros.

B. LA RÉVISION DU TRAITÉ INITIAL SIGNÉE DÉBUT 2021 : UNE EXTENSION DES MISSIONS DU MÉCANISME EUROPÉEN DE STABILITÉ

1. Du projet initial d'un « Fonds monétaire européen »...

Au titre de ses missions, le MES est autorisé à octroyer un prêt à un État membre pour l'aider à recapitaliser un établissement de crédit . Cette faculté a été mobilisée en faveur de l'Espagne entre 2012 et 2013, avec un programme de 100 milliards d'euros pour lui permettre de recapitaliser son système bancaire, dont 41,3 milliards d'euros ont été effectivement utilisés.

S'il permet d'accompagner un État, ce processus ne répond toutefois pas à l'objectif de couper le lien entre les finances publiques nationales et le système bancaire.

C'est la raison pour laquelle, rapidement, une réflexion s'est engagée pour mettre en place une facilité de soutien du MES au CRU permettant de renforcer les marges de manoeuvre du mécanisme de résolution unique.

Initialement, l'ambition poursuivie était d'intégrer le MES au sein de l'ordre juridique de l'Union européenne, en constituant un fonds monétaire européen. La Commission européenne a présenté en décembre 2017 une proposition de règlement en ce sens. Par rapport au cadre en vigueur, un fonds monétaire européen aurait apporté trois changements essentiels , concernant :

- la nature juridique , en intégrant le MES dans le cadre juridique de l'Union européenne ;

- la gouvernance , en unifiant au sein d'une même entité les fonctions de suivi et d'évaluation de la situation macroéconomique et financière des États membres et d'assistance financière en cas de difficulté ;

- les missions , en dotant le fonds monétaire européen d'une fonction directe de soutien au mécanisme de résolution unique, à même de renforcer la distinction entre comptes publics et résolution bancaire.

2. ...à la révision du traité instituant le Mécanisme européen de stabilité

Ce projet s'est toutefois heurté à l'opposition de plusieurs États membres, ayant conduit l'Eurogroupe à envisager, comme alternative, la révision du traité instituant le MES . Tout en reprenant l'objectif de filet de sécurité au FRU, cette solution a donc conduit à abandonner l'unification juridique et fonctionnelle initialement poursuivie .

Dans le cadre de la déclaration de Meseberg du 19 juin 2018 7 ( * ) , la France et l'Allemagne ont posé les jalons de cette révision, fixant trois objectifs à la révision du traité instituant le MES :

- l'inclusion d'un « backstop » ou filet de sécurité commun au profit du FRU ;

- le renforcement de l'efficacité des instruments de précaution ;

- le renforcement du rôle du MES dans l'évaluation et le suivi des futurs programmes.

Les négociations se sont ensuite poursuivies, conduisant l'Eurogroupe à un accord politique en juin 2019 , ensuite formalisé dans une modification du traité instituant le MES signée les 27 janvier et 8 février 2021.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : AUTORISER LA RATIFICATION DE L'ACCORD MODIFIANT LE TRAITÉ INSTITUANT LE MÉCANISME EUROPÉEN DE STABILITÉ

A. L'AUTORISATION DE LA RATIFICATION DE L'ACCORD MODIFIANT LE TRAITÉ INITIAL DE 2012 AYANT INSTITUÉ LE MÉCANISME EUROPÉEN DE STABILITÉ

En application de l'article 53 de la Constitution, l'article unique du présent projet de loi vise à autoriser la ratification de l'accord modifiant le traité instituant le Mécanisme européen de stabilité (MES) signé par la France et les dix-huit autres États membres de la zone euro 8 ( * ) les 27 janvier et 8 février 2021 9 ( * ) .

Cette signature est intervenue conjointement avec celle de l'accord modifiant l'accord intergouvernemental sur le transfert et la mutualisation des contributions au FRU, afin de déterminer les conditions d'appel éventuel des contributions ex post au FRU lui permettant de rembourser l'utilisation du filet de sécurité apporté par le MES.

Toutefois, aucune autorisation n'est sollicitée pour ratifier ce second accord, le Gouvernement considérant qu'il ne relève pas de l'article 53 de la Constitution, lequel soumet à autorisation législative préalable la ratification des traités ou accords qui « engagent les finances de l'État, [...] modifient des dispositions de nature législative, [...] relatifs à l'état des personnes, [...] comportent cession, échange ou adjonction de territoire ».

Si une loi avait été nécessaire pour ratifier l'accord intergouvernemental initial, dans la mesure où il conduisait à d'importantes modifications du cadre national de garantie des dépôts, tel n'est pas le cas de l'accord modificatif qui ne concerne que les modalités d'appel par le FRU des contributions ex post des banques en cas de mobilisation du filet de sécurité.

B. LES PRINCIPALES DISPOSITIONS DE L'ACCORD MODIFICATIF

L'accord modificatif opère quatre modifications principales par rapport au traité initial :

- la création d'un filet de sécurité - aussi désigné sous l'anglicisme de « backstop » - apporté par le MES au FRU, permettant au MES de prêter jusqu'à 68 milliards d'euros au Conseil de résolution unique . L'objectif est ainsi de compléter, à titre subsidiaire et en cas d'épuisement ou d'insuffisance de leur niveau, les ressources du FRU ;

- la réforme des instruments d'assistance financière de précaution aux États membres auxquels le MES peut recourir, en introduisant un nouvel outil, la ligne de crédit de précaution assortie de conditions (ou PCCL 10 ( * ) ). Contrairement à l'unique instrument actuellement prévu 11 ( * ) , l'octroi de cette nouvelle ligne de crédit ne serait pas conditionné à la signature d'un accord précisant les réformes structurelles à mettre en oeuvre, mais au respect ex ante de critères attestant d'une situation macroéconomique et financière saine de l'État bénéficiaire, renvoyant par exemple aux règles du Pacte de stabilité et de croissance ;

- le renforcement des compétences et de l'indépendance du MES , en particulier concernant l'évaluation de la soutenabilité des dettes en zone euro et la négociation des réformes en cas de programme d'assistance financière, ce qui devra conduire à une nouvelle allocation des tâches avec la Commission européenne ;

- l'inscription d'une nouvelle règle de vote pour les situations de restructuration de l'endettement public d'un État , afin que les créances émises à partir du 1 er janvier 2022 prévoient des clauses d'action collective avec clauses d'agrégation simple - dites « single-limb CACs ». Par rapport aux clauses actuelles, cette modification entraîne deux changements en cas de renégociation de l'endettement : d'une part, l'application de la majorité simple au lieu de la majorité qualifiée et, d'autre part, la négociation globale et non au niveau de chaque ligne d'émission. Concrètement, il s'agit ainsi de simplifier la restructuration de l'endettement public d'un État en réduisant le risque qu'un groupe minoritaire de créanciers s'y oppose dans l'espoir d'obtenir, par la suite, de meilleures conditions de remboursement. Une modification du cadre réglementaire national sera nécessaire pour tenir compte de ce changement.

L'encadré ci-après détaille les principaux changements opérés par l'accord modificatif.

Principaux changements opérés par l'accord modificatif
au traité instituant le MES

Les principaux changements apportés par l'accord modificatif au traité initial de 2012 concernent les articles suivants :

- l'article 3, concernant les buts du MES , afin d'étendre les missions du MES à la fourniture du filet de sécurité au FRU et au suivi et à l'évaluation de la situation macroéconomique et financière de ses membres ;

- l'article 12, concernant les principes du MES , afin de permettre au MES de fournir le filet de sécurité au FRU avec des prêts qui ne sont octroyés « qu'en dernier ressort et uniquement si cela est budgétairement neutre à moyen terme » et de prévoir l'application de clauses d'agrégation simple à tous les nouveaux titres d'État d'une maturité supérieure à un an émis dans la zone euro à partir du 1 er janvier 2022 ;

- l'article 14, concernant l'assistance financière octroyée par le MES à titre de précaution , afin d'introduire la ligne de crédit de précaution assortie de conditions (PCCL), en renvoyant à la nouvelle annexe III le détail des critères d'admissibilités applicables (cf. infra ) ;

- l'introduction de l'article 18 bis , concernant la facilité du dispositif de soutien, à savoir le filet de sécurité que le MES peut apporter au FRU ;

- l'article 40, concernant le transfert des soutiens octroyés au titre du FESF , afin de permettre au conseil des gouverneurs de décider une augmentation de capital du MES pour faciliter la reprise des droits et obligations du FESF, sous réserve de l'accomplissement, par chacun des États parties, de leurs procédures nationales applicables 12 ( * ) ;

- l'introduction de l'annexe III , détaillant les critères d'admissibilité applicables à l'assistance financière octroyée par le MES à titre de précaution ;

- l'introduction de l'annexe IV , concernant les critères d'approbation des prêts et des versements au titre du filet de sécurité du MES au FRU.

Source : commission des finances du Sénat

Outre l'article 1 er , qui procède aux modifications au sein du traité initial, l'accord modificatif dont la ratification est proposée comprend quatre autres articles :

- l'article 2, qui confie au secrétariat général du Conseil de l'Union européenne le rôle de dépositaire ;

- l'article 3, qui prévoit la publication, par le dépositaire, d'une version consolidée du traité instituant le MES ;

- l'article 4, qui concerne la ratification de l'accord modificatif par chacune des parties et charge le dépositaire d'informer les autres signataires du dépôt de chaque instrument de ratification ;

- l'article 5, qui précise que l'accord modificatif entre en vigueur lorsque l'ensemble des signataires ont déposé leur instrument de ratification.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : AUTORISER LA RATIFICATION DE L'ACCORD MODIFICATIF, TOUT EN SOULIGNANT LA PERSISTANCE DE CERTAINES INTERROGATIONS

A. LE « FILET DE SÉCURITÉ » : UN APPORT ESSENTIEL, DES INCERTITUDES À LEVER

1. Un apport déterminant pour renforcer l'union bancaire

L'apport essentiel de l'accord modificatif tient à l'instauration, au sein du MES, d'un filet de sécurité en faveur du FRU.

En coupant le lien entre finances publiques et système bancaire , ce dispositif vient parachever l'objectif poursuivi depuis la crise de la zone euro. Comme le détaille le schéma ci-après, le filet de sécurité doit permettre d'assurer la neutralité budgétaire à moyen terme de la résolution d'une banque de la zone euro.

Deux éléments sont à relever :

- ce n'est plus l'État membre dont la banque est mise en résolution qui intervient directement, mais le MES par le truchement du CRU. Autrement dit, les États membres ne sont ici qu'indirectement concernés , au titre de leur participation au capital du MES ;

- surtout, le MES n'intervient qu'à titre subsidiaire, en dernier ressort et après s'être assuré de la capacité du CRU à lui rembourser les sommes prêtées, selon le principe de neutralité budgétaire à moyen terme . Les montants levés par le MES et prêtés au CRU font ensuite l'objet d'un remboursement par ce dernier, au moyen de contributions ex post du secteur bancaire.

Le soutien accordé prend la forme d'une ligne de crédit renouvelable . Cette caractéristique, qui constituait une priorité française, doit permettre de crédibiliser et de pérenniser le filet de sécurité apporté au CRU.

Conséquences de l'introduction du filet de sécurité sur l'utilisation
de ressources publiques en cas de résolution d'une banque de la zone euro

Source : commission des finances du Sénat

Le filet de sécurité du MES conduira presque à doubler la capacité financière du CRU : une fois la cible de 1 % des dépôts couverts atteinte en 2024, les ressources mobilisables atteindront 143 milliards d'euros environ , à savoir 75 milliards d'euros au sein du FRU 13 ( * ) , et 68 milliards d'euros au titre du filet de sécurité du MES. A la différence du plafond de ressources prévu pour le FRU, évoluant au gré des dépôts couverts, ce niveau est fixé en termes nominaux. Toutefois, ce montant ne figure pas dans le texte lui-même, mais résulte de l'accord politique auquel l'accord modificatif renvoie. Il reviendra à la documentation secondaire de le prévoir, avec d'autres éléments, pour opérationnaliser le mécanisme de filet de sécurité.

2. Une procédure complexe de mise en oeuvre, fruit des négociations entre les parties

C'est le nouvel article 18 bis du traité , introduit par l'accord modificatif, qui définit le filet de sécurité et les conditions de sa mise en oeuvre.

La procédure est la suivante :

- la demande initiale doit être présentée par le CRU et proposée par le directeur général du MES au conseil des gouverneurs ; elle concerne un soutien financier du MES « couvrant toutes les utilisations possibles du FRU prévues par le droit de l'Union, sous réserve de garanties adéquates » (article 18 bis , §1). Il s'agit donc bien de renforcer les marges de manoeuvre du CRU sans condition spécifique d'utilisation, dans la limite où ce dernier démontre de sa capacité ultérieure à rembourser le MES ;

- le conseil des gouverneurs fixe ensuite les modalités et conditions financières du soutien et apprécie la condition de « permanence du cadre juridique » (article 18 bis , §1 et 8). Cette condition, ajoutée à la demande de l'Allemagne, vise à assurer que le cadre juridique applicable en matière de résolution et de défaillances bancaires demeure conforme à celui qui prévaut actuellement au sein de l'Union européenne. En d'autres termes, il s'agit d'exclure le recours au filet de sécurité si la législation de l'UE produit des effets non équivalents à ceux de la législation en vigueur lors de la signature du traité modifié. Dans l'éventualité où cette condition serait soulevée par un État membre, il reviendrait à la Cour de justice de l'UE de se prononcer sur l'éventuel changement du cadre juridique ;

- la décision d'octroyer un soutien revient in fine au conseil d'administration, statuant à l'unanimité, sous réserve de la procédure d'urgence applicable (article 18 bis , §6). Cette procédure est activée lorsque la Commission européenne et la Banque centrale européenne (BCE) concluent, dans des évaluations distinctes, que l'absence d'utilisation du filet de sécurité du MES « menacerait la viabilité économique et financière de la zone euro ». En ce cas, la décision du conseil d'administration est prise à la majorité qualifiée de 85 % des voix exprimées . Tant qu'une procédure relative à la permanence du cadre juridique est en cours, la procédure d'urgence est désactivée.

Il s'agit donc, dans des circonstances extrêmes, de simplifier le recours au filet de sécurité du MES, qu'un club d'États pourrait bloquer - Allemagne, France et Italie, ayant chacun plus de 15 % des droits de vote.

Cette double procédure assure aux États membres dont les secteurs bancaires sont les principaux contributeurs une maîtrise du dispositif.

La description du processus de mise en oeuvre reflète le compromis auquel sont parvenus les États parties entre les objectifs de souplesse et d'encadrement du filet de sécurité . Il en résulte néanmoins une procédure baroque à certains égards.

3. Trois points d'attention

Le rapporteur souhaite insister sur trois éléments .

Le premier concerne l'entrée en vigueur du filet de sécurité . Les États parties ont convenu d'une mise en oeuvre anticipée du filet de sécurité dès le 1 er janvier 2022 , ce qui explique l'inscription rapide du présent projet de loi à l'ordre du jour.

À ce stade, seulement six États ont déposé leur instrument de ratification 14 ( * ) , tandis qu'aucun texte en ce sens n'a encore été présenté par le Gouvernement dans quatre États membres 15 ( * ) .

Surtout, la loi autorisant la ratification de l'accord par l'Allemagne fait actuellement d'un recours devant la cour constitutionnelle de Karlsruhe . Si les représentants de la direction générale du Trésor entendus par le rapporteur ont témoigné d'une certaine confiance de la part de leurs homologues allemands sur le fond du recours, un recours analogue ayant déjà été formé et rejeté lors de la ratification du traité initial, il s'agit à tout le moins d'un facteur d'incertitude sur le calendrier d'entrée en vigueur .

Le deuxième élément concerne la procédure d'urgence . Aux termes du sixième paragraphe du nouvel article 18 bis du traité modifié, « après deux cas d'utilisation de cette procédure de vote d'urgence, [son] application est suspendue jusqu'à ce que le conseil des gouverneurs décide d'annuler cette suspension. Lorsqu'il décide d'annuler cette suspension, le conseil des gouverneurs réexamine la majorité des votes requise pour l'adoption d'une décision dans le cadre de ladite procédure et définir les circonstances dans lesquelles un réexamen devra avoir lieu à l'avenir, et peut décider de modifier le présent paragraphe en conséquence, sans abaisser le seuil de vote ».

Concrètement, la procédure d'urgence s'apparente donc à un fusil à deux coups , à l'issue desquels la procédure est suspendue. Il revient alors au conseil des gouverneurs de statuer à l'unanimité sur la réintroduction de la procédure d'urgence, en réexaminant les conditions dans lesquelles elle intervient et en renforçant le seuil de vote applicable. Le conseil des gouverneurs reste souverain dans sa décision d'inscrire ce réexamen à l'ordre du jour. Cet organe dispose donc, en quelque sorte, d'un pouvoir de révision simplifiée du traité. L'éventuelle modification décidée par le conseil des gouverneurs n'entrerait ainsi en vigueur qu'après l'accomplissement, par chaque État, de ses procédures nationales de ratification.

Dans ces conditions, la procédure d'urgence peut être appréhendée comme une disposition « périssable » , qui n'a plus cours au bout de deux utilisations. Ces exigences résultent d'une demande de certains États, en particulier l'Allemagne et les pays nordiques, pour encadrer le recours à la procédure dérogatoire.

Par-delà la complexité du dispositif, l'objectif principal semble cependant atteint : la procédure d'urgence assoit la crédibilité de l'activation du dispositif. Seules des circonstances économiques exceptionnelles et particulièrement graves pourraient conduire à utiliser deux fois cette procédure. En ce cas, il semble logique d'envisager un réexamen par les ministres de l'économie et des finances de la zone euro.

Le troisième élément porte sur les conditions dans lesquelles, en cas de recours au filet de sécurité, les contributions ex post des banques seraient appelées pour permettre au CRU de rembourser le MES.

Le filet de sécurité du MES n'est mobilisé que de façon subsidiaire et temporaire : il prend la forme d'un prêt du MES au CRU. Pour le rembourser, le CRU est habilité à lever des contributions supplémentaires auprès des banques de la zone euro. C'est l'objet de la modification de l'accord intergouvernemental sur le transfert et la mutualisation des contributions au FRU.

Ce cadre s'impose pour assurer l'indispensable neutralité budgétaire à moyen terme du filet de sécurité . Il est le gage d'une marge de manoeuvre renforcée pour le CRU, tout en préservant les comptes publics des États membres.

Néanmoins, la Fédération bancaire française (FBF) a fait part au rapporteur d'un point d'interrogation majeur concernant le recours aux contributions ex post .

En effet, les sommes mobilisées dans le cadre de la résolution d'un établissement de crédit incluent à la fois des besoins en fonds propres et des besoins en liquidité, pour permettre à la banque de reprendre ses activités. Une fois la confiance restaurée, la banque soutenue doit pouvoir progressivement recourir au marché pour se financer, lui permettant de rembourser l'aide en liquidité reçue à plus brève échéance que l'apport en capital.

La FBF considère donc que le CRU doit expressément tenir compte de cette distinction avant tout appel aux contributions supplémentaires des banques, afin de les réduire au strict nécessaire . Ces préoccupations sont compréhensibles eu égard à la part des banques françaises dans leur contribution au FRU.

De ce point de vue, le rapporteur estime que la souplesse prévue par l'accord politique des États parties , autorisant un échelonnement du remboursement du CRU au MES sur une période maximale de cinq ans, doit être pleinement mobilisée pour calibrer le plus précisément possible les contributions ex post requises de la part des banques .

B. UN RENFORCEMENT BIENVENU DES OUTILS DE PRÉCAUTION

A l'initiative de la France, la palette d'outils de précaution que le MES peut mobiliser est élargie par l'accord modificatif .

Actuellement, un seul instrument s'applique : la ligne de crédit assortie de conditions renforcées, à laquelle un État ne peut accéder que sous réserve de la conclusion préalable d'un protocole d'accord par lequel il s'engage sur la conduite de réformes structurelles. Si elle assure un droit de regard naturel des créanciers sur l'utilisation de l'aide reçue, cette procédure s'accompagne également de difficultés politiques et symboliques .

C'est pourquoi l'accord modificatif introduit un nouvel outil, aux conditions d'octroi assouplies, sous réserve d'une condition d'éligibilité renforcée.

Qualifié de ligne de crédit assortie de conditions , cet instrument de précaution est en effet réservé aux États faisant face à des difficultés financières mais qui ont, jusqu'alors, respecté des critères attestant de caractéristiques économiques et financières saines .

Détaillées dans une nouvelle annexe introduite au sein du traité, ces conditions renvoient notamment aux règles du pacte de stabilité et de croissance . Le traité permet au conseil des gouverneurs du MES de décider d'une modification de ces critères, faculté qui pourrait par exemple être utilisée en cas d'évolution des règles budgétaires européennes.

Le schéma ci-après récapitule les deux instruments d'assistance financière du MES à titre de précaution résultant du traité modifié.

Présentation des deux instruments d'assistance financière
du MES à titre de précaution

Source : commission des finances du Sénat

C. UN ACCORD CONTRIBUANT À PÉRENNISER UN MÉCANISME INTERGOUVERNEMENTAL

Plus généralement, l'accord modifiant le traité instituant le MES porte la marque du contexte dans lequel il a été négocié.

L'échec des négociations concernant la proposition d'un fonds monétaire européen a conduit les parties à pérenniser le MES en tant que structure intergouvernementale.

Dans la mesure où la double unification fonctionnelle et juridique qu'aurait permis la création du fonds monétaire européen a été écartée, plusieurs ajustements du MES s'imposaient . L'accord modificatif contribue en ce sens à préciser à la fois la gouvernance du MES , en accentuant le rôle de son directeur général, et ses missions , en lui adjoignant un rôle d'évaluation et de suivi de la situation macroéconomique et financière.

À défaut d'une inscription dans l'ordre juridique européen, ces ajustements se justifient pour pérenniser le MES comme mécanisme intergouvernemental , en affirmant son positionnement vis-à-vis des institutions de l'UE, en particulier la Commission européenne. Dès lors que les États parties en assument le financement, il est logique que le MES dispose d'un rôle reconnu dans le cadre des missions d'assistance économique et de soutien à l'union bancaire qui lui reviennent.

Pour assurer la cohérence de leur action, un protocole de coopération a été conclu entre le MES et la Commission européenne 16 ( * ) .

Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article sans modification.


* 2 Sur le fondement de l'article 122, alinéa 2 du TFUE.

* 3 Traité instituant le mécanisme européen de stabilité, signé à Bruxelles le 2 février 2012.

* 4 Révision ayant ajouté un alinéa à l'article 136 du TFUE prévoyant que « Les États membres dont la monnaie est l'euro peuvent instituer un mécanisme de stabilité qui sera activé si cela est indispensable pour préserver la stabilité de la zone euro dans son ensemble. L'octroi, au titre du mécanisme, de toute assistance financière nécessaire, sera subordonné à une stricte conditionnalité ».

* 5 Cette fonction est occupée depuis octobre 2012 par l'allemand Klaus Regling.

* 6 Soit 16,3 milliards d'euros pour la France.

* 7 Voir le texte de la déclaration.

* 8 A savoir l'Allemagne, l'Autriche, la Belgique, Chypre, l'Estonie, l'Espagne, la Finlande, la Grèce, l'Irlande, l'Italie, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, le Portugal, la Slovénie et la Slovaquie.

* 9 Les États membres de la zone euro ont signé l'accord modificatif le 27 janvier 2021, à l'exception de l'Estonie qui l'a signé le 8 février 2021 en raison de la composition concomitante de son gouvernement.

* 10 Pour precautionary conditioned credit line .

* 11 La ligne de crédit assortie de conditions renforcées ou ECCL pour enhanced conditions credit line .

* 12 Pour la France, une disposition introduite en loi de finances serait nécessaire.

* 13 Selon les dernières estimations du montant correspondant à la cible de 1 % des dépôts couverts en 2024.

* 14 Il s'agit de l'Autriche, la Grèce, la Lettonie, Malte, la Slovaquie et la Slovénie.

* 15 A savoir Chypre, l'Estonie, l'Italie et le Portugal.

* 16 Voir le protocole .

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