EXAMEN EN COMMISSION

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MERCREDI 6 OCTOBRE 2021

Mme Jacqueline Eustache-Brinio , rapporteure . - La proposition de loi de Jérôme Durain et plusieurs de ses collègues vise à sécuriser l'intégration des jeunes majeurs étrangers pris en charge par l'aide sociale à l'enfance (ASE).

Les questions relatives à la prise en charge des mineurs non accompagnés (MNA) font l'objet d'une attention soutenue de la part du Parlement et des pouvoirs publics depuis plusieurs années. La semaine dernière encore, nos collègues Hussein Bourgi, Laurent Burgoa, Henri Leroy et Xavier Iacovelli ont présenté à la commission des lois et à la commission des affaires sociales un rapport d'information important sur le sujet. À cette occasion, ils ont notamment formulé des recommandations sur l'objet de cette proposition de loi, à savoir l'accès au séjour des MNA. Nous y reviendrons par la suite.

Cette proposition de loi a été inspirée à Jérôme  Durain par un cas particulier, celui de  Laye Fodé Traoré, dont nous avons tous entendu parler. Ce jeune Guinéen pris en charge par l'aide sociale à l'enfance à l'âge de 16 ans bénéficiait d'un contrat d'apprentissage dans une boulangerie de Besançon, mais, arrivé à sa majorité, il n'a pas obtenu de titre de séjour et s'est vu notifier une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Il a néanmoins pu être régularisé par le préfet. D'autres cas similaires ont fait l'objet de contentieux devant le juge administratif.

Ces cas révèlent-ils un dysfonctionnement qui nécessiterait l'intervention du législateur ? Les éléments factuels que j'ai pu obtenir des administrations au cours de mes auditions me laissent penser qu'il y a effectivement parfois des difficultés à résoudre, mais que supprimer par la loi le pouvoir d'appréciation de l'administration ne serait pas une solution adaptée.

Les deux premiers articles de la proposition de loi visent à permettre l'octroi de plein droit d'un titre de séjour aux MNA recueillis après 16 ans et suivant soit une formation professionnelle qualifiante - c'est l'objet de l'article 1 er -, soit un enseignement ou des études en France, comme le prévoit l'article 2.

Le régime d'accession au séjour actuel est, en effet, plus favorable aux mineurs recueillis avant 16 ans. Ils bénéficient d'un titre de plein droit, sous réserve du respect de trois conditions seulement : le caractère réel et sérieux de la formation suivie ; la nature des liens avec la famille restée dans le pays d'origine ; un avis positif de la structure d'accueil dans la société française.

Les MNA recueillis entre 16 et 18 ans doivent, eux, passer par la procédure d'admission exceptionnelle au séjour. Elle permet au préfet d'accorder un titre aux MNA suivant une formation professionnelle qualifiante et satisfaisant les mêmes critères.

Selon les données transmises par la direction générale des étrangers en France (DGEF), plus de 92 % de l'ensemble des demandes de titre déposées par des MNA trouvent une issue favorable. Ce chiffre montre bien que le problème ne réside pas dans les voies d'accès au séjour : elles sont pleinement opérantes lorsqu'elles sont mises en oeuvre dans de bonnes conditions.

Cela est également valable pour les titres étudiants. Le fait de conduire des études secondaires ou universitaires non professionnalisantes ne constitue pas un obstacle à l'obtention d'une carte de séjour, et ce quand bien même les MNA concernés ne disposent pas d'une voie d'accès dédiée. En effet, une circulaire de 2012, dite circulaire Valls, a permis de leur accorder un titre sur la base de l'admission exceptionnelle au séjour. Selon la DGEF, 671 cartes « étudiant » ont été délivrées en 2019 sur ce fondement.

Ces taux élevés d'octroi de titre de séjour sont cohérents avec la politique conduite par les départements pour la prise en charge des MNA, qui représente un investissement humain, social et financier important. Ils reflètent également la possibilité d'intégration de ces jeunes dans la société française, en particulier par leur engagement dans des formations professionnalisantes telles que l'apprentissage.

Les difficultés existent, mais sont minoritaires. Je suis également convaincue qu'elles peuvent être résorbées à droit constant.

Premier obstacle à l'admission au séjour, les délais de traitement excessifs peuvent être résolus par des dispositifs de dépôt et d'examen anticipé des demandes. Par exemple, la ville de Paris et la préfecture de police ont mis en place depuis 2017 un protocole spécifique. Il prévoit le dépôt des demandes de titres des MNA six mois avant l'accession à la majorité et leur traitement au travers d'un circuit dédié. La prise d'une décision avant les 18 ans est systématique et les ruptures de parcours sont ainsi évitées. D'autres départements ont également signé des protocoles avec les préfectures. Au niveau de l'État, une circulaire du 21 septembre 2020 doit permettre de généraliser, au moment de l'octroi d'une autorisation de travail, nécessaire notamment pour les MNA qui entrent en apprentissage, un premier examen de la validité des demandes de séjour qui seront déposées à la majorité. Ces mesures me paraissent bien plus efficaces qu'une intervention du législateur.

Le deuxième obstacle a trait aux difficultés à faire reconnaître la validité des documents d'état civil. Je souligne tout d'abord qu'en 2019 seuls 6,5 % des dossiers se sont soldés par des refus. De plus, un refus ne repose jamais sur un critère unique. Si des difficultés récurrentes sont ensuite constatées, comme dans le cas de la Guinée, la solution réside fondamentalement dans une solution diplomatique et de coopération entre la Guinée et la France.

Enfin, et surtout, je ne suis pas favorable à l'octroi de plein droit d'un titre aux MNA recueillis après 16 ans, car il viendrait significativement réduire les marges d'appréciation du préfet, qui sont à mon sens indispensables. Outre les considérations liées à l'ordre public, l'examen au cas par cas des demandes permet de prendre en compte la complexité des parcours et la volonté d'insertion, particulièrement quand le jeune est arrivé récemment sur le territoire national.

Par ailleurs, la marge d'appréciation laissée au préfet est le fondement de la procédure d'admission exceptionnelle au séjour. Dans la pratique, les préfets disposent toujours des moyens de régulariser la situation d'un jeune qui ne satisfait pas complètement les conditions d'admission, mais pour qui l'octroi d'un titre est pleinement justifié.

Enfin, les décisions des préfets sont toujours susceptibles de recours juridictionnels et le contrôle du juge administratif est rigoureux.

Il me semble donc que le système actuel est équilibré et qu'à une modification des voies d'accès au séjour il faut préférer l'amélioration des procédures de dépôt et d'examen des demandes. En ce sens, je rejoins totalement les recommandations émises par les rapporteurs de la mission d'information sur les MNA.

Je serai plus brève sur les articles suivants. L'article 3 est une conséquence de l'article 1 er : il vise à permettre le dépôt anticipé des demandes de titre de séjour qui seraient formulées selon la procédure prévue par la proposition de loi. Par cohérence, je n'y suis pas favorable.

L'article 4 vise à élargir le périmètre de l'admission exceptionnelle au séjour aux jeunes pris en charge entre l'âge de 16 et 18 ans et dont la formation n'est pas destinée à apporter une qualification professionnelle.

Comme je l'ai évoqué précédemment, cela est déjà permis depuis 2012 par une circulaire et cette procédure est pleinement appliquée. Il n'est donc nul besoin de le préciser dans la loi.

Enfin, l'article 5 est plus délicat. Il tend à supprimer l'appréciation de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans le pays d'origine dans les critères pris en compte pour la délivrance d'un titre à un jeune majeur étranger pris en charge par l'ASE.

Concrètement, ce critère conduit le préfet à examiner la réalité, la stabilité et l'intensité des liens développés sur le territoire national et de les confronter à ceux conservés dans le pays d'origine. Il permet d'écarter les demandes de titres de séjour des jeunes majeurs dont l'essentiel des liens familiaux et personnels demeure dans le pays d'origine et qui y seraient, le cas échéant, mieux accompagnés.

S'il n'est logiquement pas pris en compte au moment de l'admission à l'ASE, qui relève de la protection de l'enfance, ce critère trouve en revanche tout son sens dans le cadre de l'accès au séjour. Par ailleurs, les décisions de refus de titre ne se fondent que très marginalement sur ce critère, comme j'ai pu le vérifier au cours de mes auditions. Là aussi, son bon usage est soumis au contrôle scrupuleux du juge administratif. Il me semble donc qu'il conserve toute sa pertinence.

Le sujet des MNA est éminemment important et justifie que nous ayons ce débat en séance, dans le cadre de l'espace réservé. En revanche, ce texte ne me paraît pas apporter une solution à la difficulté soulevée et je vous propose donc de ne pas l'adopter.

M. Jérôme Durain , auteur de la proposition de loi . - Je remercie le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain d'avoir inscrit ce texte dans la niche du 13 octobre prochain. Je salue le travail de la rapporteure, même si je suis en désaccord avec elle.

Il aurait fallu commencer par modifier le titre de la loi, qui est un peu long, pour l'appeler « loi Ravacley », du nom de ce boulanger de Besançon, un patron qui n'est pas un militant politique ou syndical, mais qui s'est mobilisé pour son apprenti. Celui-ci faisait du bon travail, était inséré, avait appris un travail, mais du jour au lendemain il s'est vu notifier une OQTF, laquelle pouvait d'ailleurs ne pas être conduite à son terme. Ce type de situation n'est pas si marginal.

Je le dis à mes collègues de la droite que je sais soucieux de l'argent public, on peut mettre fin à ce gâchis humain, financier et procédural, qui remet en cause le fonctionnement de l'institution judiciaire et des centres de rétention administrative (CRA), ainsi qu'à cette bureaucratie inutile.

Vous estimez, madame la rapporteure, que tout cela peut être résolu à droit constant ; nous pensons le contraire. L'accompagnement d'un MNA coûte 25 000 euros par an. Si tout cela ne sert qu'à renvoyer ces jeunes à la frontière, alors on a travaillé pour rien.

Je suis d'accord avec votre propos sur le rapport qui nous a été présenté la semaine dernière : certaines propositions permettraient d'améliorer la situation.

Je voudrais dissiper un malentendu. Derrière votre argumentaire il y a l'idée que nous allons créer un appel d'air. Mais supprimer le pouvoir discrétionnaire d'appréciation du préfet ne crée en rien une automaticité et une régularisation de plein droit. Les critères qui sont fixés seront de toute façon examinés. Aujourd'hui, nous avons une automaticité inverse. Il m'est arrivé de confier un dossier de régularisation pour une famille qui le méritait à un préfet prenant ses fonctions dans le département : il m'a répondu qu'il acceptait, mais qu'il n'en prendrait plus aucun autre. Pour tous les autres dossiers, le refus sera donc automatique...

Les critères qui existent dans la loi s'appliquent de plein droit : un jeune qui n'a pas de bonnes notes, ne manifeste pas de volonté d'intégration et se comporte mal n'aura de toute façon pas de titre de séjour. Il n'y a pas, je le redis, d'appel d'air.

Le droit constant n'est pas une bonne situation : des cas comme celui de Besançon, nous en voyons tous les mois dans nos départements. En tant que sénateurs, nous sommes sollicités et nous envoyons des courriers aux préfets pour demander des régularisations.

Autre argument sous-jacent, qui n'a pas été développé ici, mais que j'ai parfois entendu : on se demande pourquoi ce ne sont pas des Français qui font le travail. C'est ainsi ! Ce sont des boulots difficiles, ces jeunes sont méritants, mais le système est imparfait. Évitons de nous retrouver dans la situation de la Grande-Bretagne, qui connaît une pénurie de main-d'oeuvre.

Le protocole conclu entre la Ville de Paris et la préfecture est une bonne expérience. On peut attendre que les choses se résolvent in fine par des grèves de la faim et une communication autour des mobilisations locales, mais cela ne me paraît ni humain, ni digne, ni respectueux de la tradition de notre pays.

Il n'y a pas de danger de péril migratoire en vue. Il est de bon esprit que d'essayer de modifier à la loi à la marge.

M. Jean-Yves Leconte . - Lorsque nous constatons un dysfonctionnement dans l'application des lois, c'est le rôle du Parlement de proposer des modifications. Or il se trouve que le cas que nous avons évoqué est emblématique : il a suscité une large mobilisation et a été résolu de manière satisfaisante, mais beaucoup d'autres ne le sont pas.

Des jeunes sur lesquels les départements ont beaucoup investi ont un parcours d'intégration réussi puis, du jour au lendemain, parce qu'ils ne sont plus mineurs, se retrouvent seuls pour gérer leur admission au séjour, une difficulté qui ne se posait pas auparavant. C'est la raison pour laquelle il faut changer les choses. Des dizaines de cas ne trouvent pas d'issue positive.

La République doit traiter tous les êtres humains qu'elle a accueillis de la même manière, quelle que soit leur nationalité. Ce n'est pas parce que c'est un Guinéen, et qu'il y a des difficultés avec l'état civil de ce pays, qu'il doit être traité différemment d'un ressortissant d'un pays comme le Maroc, où il n'y a pas de tels problèmes.

Il faut changer les choses, et c'est au Parlement de le faire. Un jeune sans document d'identité devenu majeur depuis quelques jours n'est pas capable, seul, lorsqu'il n'a pas la chance d'être soutenu par des citoyens mobilisés, d'avoir recours au juge administratif pour résoudre son problème. On ne doit pas se contenter de dire qu'une personne vulnérable a les armes du droit pour se défendre ; on doit trouver une solution qui lui permette de continuer son parcours d'intégration.

Il n'existe aucune automaticité : les critères sont stricts, et l'administration les évalue. Les mots ont un sens : on parle d'admission « exceptionnelle ». Nous proposons, pour notre part, que l'admission soit naturelle et logique, sauf en cas de problème.

En matière de droit des étrangers, il existe de véritables injustices. Adopter cette proposition de loi permettrait de travailler à l'amélioration de ce droit.

M. Alain Marc . - Je voudrais souligner la qualité du travail de notre rapporteure. Nous sommes saisis de ce type de problématique, que nous étudions avec les sous-préfets et les préfets. Adopter cette proposition de loi nous ferait aller vers une automatisation de l'obtention des titres de séjour, ce qui me gêne considérablement.

Nous voulons que les préfets retrouvent de l'efficacité. Dans ce domaine, lorsque les parlementaires travaillent de concert avec le préfet de département, les choses se passent bien. Personnellement, je suis favorable à ce que les préfets conservent leur pouvoir d'appréciation.

Je ne voterai donc pas cette proposition de loi.

Mme Maryse Carrère . - Certains jeunes majeurs étrangers sont pris en charge par les départements depuis plus de quatre ans et formés par l'école de la République. On investit dans leur formation et du jour au lendemain, parce qu'ils ont 18 ans, ils font l'objet d'une OQTF : c'est d'une extrême violence pour ces jeunes qui ont mis un espoir dans notre pays.

Je voterai cette proposition de loi. Car ces jeunes viennent souvent pallier des difficultés de recrutement dans de nombreuses filières en tension. Dans mon département, nous étions aux côtés de la chambre de métiers et de l'artisanat et de la fédération du bâtiment et des travaux publics pour soutenir certains jeunes majeurs étrangers auprès du préfet. Les artisans venaient nous supplier de garder ces jeunes !

J'aimerais aussi souligner la différence entre les départements. Le droit constant n'est aujourd'hui peut-être pas suffisant : dans certains départements, les préfets donnent des autorisations de travail pour les jeunes majeurs en apprentissage quasiment systématiquement ; dans les Hautes-Pyrénées, ce n'est pas le cas, et il faut se battre et argumenter. La justice ne donne pas toujours raison au préfet : quelques jeunes ont gagné et il a été enjoint au préfet de leur délivrer un titre de séjour d'un an avec autorisation de travail.

L'appréciation du préfet n'est donc pas toujours sûre et équitable. Parfois, celui-ci ne donne pas d'explications à ses décisions de refus : il est difficile pour les jeunes de comprendre pourquoi ils n'ont pas reçu de titre de séjour.

Cette proposition de loi a le mérite de fixer un cadre plus clair et plus transparent. Elle conduit non pas à une automatisation, mais à une règle plus juste et plus équitable.

Mme Nathalie Goulet . - La proposition qui nous est soumise a au moins le mérite de poser la question des MNA. Après le rapport de la commission des lois et de la commission des affaires sociales, on voit bien qu'il n'est pas possible de rester à droit constant.

Les responsabilités de l'État en l'espèce sont majeures. Je ne suis pas d'accord avec Jean-Yves Leconte : l'État devrait vérifier les états civils bien en amont. Le département où le jeune arrive n'est pas celui où il sera domicilié après la répartition faite par le ministère de la justice, ce qui pose problème. D'autant que les départements ne communiquent pas entre eux sur le sujet.

Je comprends les critiques faites par mes collègues et la rapporteure, mais nous devons avoir un débat pour mettre le Gouvernement devant ses responsabilités. Tout le monde parle d'immigration en ce moment - c'est un irritant.

Il faut essayer d'amender largement le texte avec les propositions de la commission des lois et celles des affaires sociales, de façon à obtenir des réponses du Gouvernement sur des sujets qui sont de la compétence de l'État.

Mme Agnès Canayer . - Je comprends la générosité des auteurs de ce texte, notamment leur volonté de trouver une solution pour ces MNA qui se retrouvent à l'âge de 18 ans dans des situations complexes. J'ai été présidente d'une mission locale : on nous demande d'intégrer des jeunes dans des dispositifs, notamment la garantie jeunes, pour qu'ils obtiennent un titre de séjour. C'est le monde à l'envers ! Ces dispositifs qui reposent normalement sur l'engagement des jeunes sont utilisés à des fins de régularisation, ce qui est contreproductif.

Il existe aujourd'hui des solutions - je pense aux conventions passées avec les acteurs de l'insertion pour anticiper les 18 ans des jeunes et mettre en place un parcours d'intégration. Un dispositif quasi automatique qui porte atteinte à la liberté d'appréciation du préfet ne va pas dans le bon sens.

Je suivrai les conclusions de la rapporteure.

M. Thani Mohamed Soilihi . - Je remercie le groupe socialiste d'avoir mis en débat ce sujet très sensible. J'ai été frappé par les chiffres cités par la rapporteure : ils montrent que le système fonctionne globalement et que les situations d'exception qui ont poussé nos collègues à légiférer sont marginales. Faut-il pour autant changer la loi ? Je ne le pense pas compte tenu des garanties de notre système judiciaire.

Il ne s'agit pas de n'importe quels enfants : ils sont confiés à l'ASE, et sont donc encadrés. Ils sont en lien avec des associations, dont il faut souligner l'excellent travail sur le terrain. Si des cas sont ressentis comme injustes, il est possible d'aller jusqu'à la Cour européenne des droits de l'homme.

Dans mon département, l'adoption de cette peine créerait un bouleversement monumental ! Il faut aller vers un système qui permette aux départements de mieux assumer leurs responsabilités, au lieu de changer la législation.

Je suivrai la position de la rapporteure.

Mme Marie Mercier . - Je félicite la rapporteure pour son travail. Je partage l'état d'esprit de Jérôme Durain : nous venons du même département et de la même ville. À Chalon-sur-Saône, le centre interprofessionnel de formation d'apprentis (CIFA) prend en charge ces jeunes, qui ont pratiquement tous un parcours exemplaire.

Je m'occupe plus particulièrement de quelques dossiers. Deux de ces jeunes ont fait une formation de boucher, sont devenus bouchers, et tout va bien. Un autre a fait une formation d'horticulture, mais il n'a pas trouvé d'emploi. Il s'est alors tourné vers une formation de boulanger, sauf qu'il n'a plus l'âge - il est né en 2000 - pour bénéficier de ce dispositif. Adopter cette proposition de loi n'apporterait aucun changement pour lui. Dernier cas que je veux vous citer, celui d'un jeune dont on m'avait dit qu'il était extraordinaire et pour lequel j'avais « mis mes tripes » sur la table : le préfet m'a fait savoir qu'il n'était ni mineur ni isolé, et qu'il avait de faux papiers d'identité. Les préfets ont des informations confidentielles que nous n'avons pas. Chaque situation est particulière et il faut laisser l'État instruire le dossier, et la direction des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) donner son avis. L'ASE a des failles dans l'accompagnement des mineurs, et nous devons être très vigilants sur ce sujet.

La République doit accueillir nos jeunes, mais de manière légale.

M. Philippe Bas . - Chacun d'entre nous peut vivre des situations individuelles où son sens de l'humanité et de la solidarité est interpellé. Mais nous avons aussi une responsabilité. Le caractère automatique de la délivrance de titres de séjour que prévoit cette proposition de loi contribue à créer des opportunités pour la mise en place ou le développement de filières d'immigration clandestine.

Ces filières sont devenues à l'échelle mondiale un bon moyen, pour des enfants à qui les parents veulent donner un avenir, de franchir les continents et les océans pour rejoindre des pays comme les nôtres, être pris en charge par l'ASE et trouver ensuite les moyens de régulariser leur situation. Il est normal de soutenir ces enfants quand ils sont réellement mineurs, ce qu'il faut toujours vérifier. Il est également normal d'aider, avec les contrats « jeune majeur » dans les départements, ceux qui ont montré des mérites particuliers. Mais le caractère automatique de la délivrance des titres de séjour est une limite à ne pas franchir pour prévenir de graves dérives.

C'est la raison pour laquelle je suis les préconisations de notre rapporteure.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio , rapporteure . - Je partage les derniers propos de notre collègue Philippe Bas sur les risques que pose ce texte, en particulier s'agissant des filières de passeurs. Le taux de délivrance des titres à ces jeunes dans le cadre de l'admission exceptionnelle au séjour est de 94 % : ils ont donc tous une chance. Les préfets doivent pouvoir examiner au cas par cas les dossiers, car les situations sont toutes différentes.

L'automatisation ne va pas aider le jeune. Celui-ci doit prouver qu'il a envie de s'insérer, de travailler dans le pays dans lequel il souhaite rester. Je préside la commission des titres de séjour du Val-d'Oise : je peux vous dire que des services entiers du département examinent de près ces situations.

Pour finir, il me revient de vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution. Je considère que ce périmètre inclut les dispositions relatives aux voies d'accès au séjour ouvertes aux jeunes majeurs étrangers précédemment pris en charge par l'ASE, et les dispositions relatives à la procédure et aux critères d'examen des demandes de titre de séjour formulées par les jeunes majeurs étrangers précédemment pris en charge par l'ASE.

EXAMEN DES ARTICLES

M. François-Noël Buffet , président . - Aucun amendement n'ayant été déposé, je mettrai successivement aux voix les articles du texte.

Articles 1 er , 2, 3, 4 et 5

Les articles 1 er , 2, 3, 4 et 5 ne sont pas adoptés.

La proposition de loi n'est pas adoptée.

Conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique portera en conséquence sur le texte initial de la proposition de loi déposée sur le Bureau du Sénat.

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