Rapport n° 823 (2020-2021) de M. François BONHOMME , fait au nom de la commission des lois, déposé le 15 septembre 2021

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N° 823

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 septembre 2021

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi permettant la réélection des juges consulaires dans les tribunaux de commerce (procédure accélérée),

Par M. François BONHOMME,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet , président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Alain Richard, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche , vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Jacky Deromedi, Agnès Canayer , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, MM. Ludovic Haye, Loïc Hervé, Mme Muriel Jourda, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Thani Mohamed Soilihi, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mmes Lana Tetuanui, Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled .

Voir les numéros :

Sénat :

674 et 824 (2020-2021)

L'ESSENTIEL

Réunie le mercredi 15 septembre 2021 sous la présidence de François-Noël Buffet (Les Républicains - Rhône), la commission des lois a adopté avec modifications la proposition de loi n° 674 (2020-2021) de Nathalie Goulet (Union centriste - Orne) permettant la réélection des juges consulaires dans les tribunaux de commerce , sur le rapport de François Bonhomme (Les Républicains - Tarn-et-Garonne).

I. LA RÉÉLIGIBILITÉ DES JUGES CONSULAIRES EN EXERCICE ET ANCIENS JUGES : CORRIGER UNE MALFAÇON DE LA LOI PACTE

Depuis 1961, les juges des tribunaux de commerce ne sont plus élus directement par les commerçants, mais par un collège électoral composé de délégués consulaires, ainsi que des juges consulaires en exercice et des anciens juges du tribunal concerné.

À l'initiative du Sénat, la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle , dite J21 , tout en étendant la compétence des tribunaux de commerce aux litiges entre artisans, a inclus ces derniers parmi les membres du collège électoral des délégués consulaires et parmi les personnes éligibles aux fonctions de juge consulaire. Cette réforme devait s'appliquer à compter du 1 er janvier 2022.

Toutefois, la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises , dite loi PACTE , a réformé les modalités d'élection des juges consulaires, qui seront désormais élus par les membres des chambres de commerce et d'industrie et des chambres de métiers et de l'artisanat (CMA), en plus des juges et anciens juges du tribunal. Cette réforme doit entrer en vigueur à compter de la fin du mandat des délégués consulaires élus en 2016, soit le 2 novembre 2021. En pratique, elle ne doit donc s'appliquer qu'à compter des élections des juges consulaires de l'automne 2022.

Or la loi PACTE a privé d'éligibilité les membres en exercice et anciens membres du tribunal de commerce concerné ou des tribunaux limitrophes , sans que cela ait été souhaité par le législateur (les juges des tribunaux non limitrophes restant, eux, éligibles). De ce fait, entre 450 et 500 juges consulaires, sur les 793 juges dont le mandat expire en 2021 (pour un total de 3 357 juges consulaires en exercice) , ne seraient pas rééligibles .

Il serait extrêmement dommageable pour le fonctionnement des juridictions de devoir se passer des services de ces magistrats expérimentés . La proposition de loi vise à corriger cette malfaçon. Dans sa rédaction initiale, elle rétablissait l'éligibilité des juges en exercice dans le tribunal et les tribunaux limitrophes ; la commission y a ajouté, sous certaines conditions, leurs anciens membres et ceux des tribunaux non limitrophes (article 1 er ).

II. DIVERSES AUTRES AMÉLIORATIONS DU RÉGIME ÉLECTORAL DES JUGES CONSULAIRES

À l'initiative du rapporteur, la commission des lois a profité de l'examen de cette proposition de loi pour apporter diverses autres améliorations au régime électoral des juges consulaires :

- elle a rétabli l'inéligibilité des personnes condamnées pénalement pour agissements contraires à l'honneur, à la probité ou aux bonnes moeurs , frappées d'une peine complémentaire d'interdiction professionnelle ou sanctionnées civilement au titre de législations étrangères relatives à l'insolvabilité des entreprises, équivalentes à la législation française (article 1 er ) ;

- elle a limité à cinq le nombre de mandats, successifs ou non, qu'une même personne peut exercer en tant que juge consulaire dans un même tribunal , conformément à l'intention du législateur lors de l'adoption des lois J21 et PACTE (article 2) ;

- elle a ajusté la composition du corps électoral des juges consulaires , en imposant notamment aux anciens juges, pour être électeurs, d'avoir exercé leurs fonctions pendant au moins six années, de n'avoir pas été déclarés démissionnaires et de ne pas être frappés d'inéligibilité (article 3).

III. LA PROROGATION DU MANDAT DES DÉLÉGUÉS CONSULAIRES ÉLUS EN 2016

Enfin, l'article 4 de la proposition de loi, introduit par la commission à l'initiative du rapporteur, vise à proroger jusqu'au 31 décembre 2021 le mandat des délégués consulaires élus en 2016 , ce qui aura également pour effet de reporter jusqu'au 1 er janvier 2022 l'entrée en vigueur du nouveau collège électoral prévu par la loi PACTE , afin de permettre aux élections prévues en novembre et décembre 2021 de se tenir selon les anciennes règles .

*

* *

La commission des lois a adopté la proposition de loi ainsi modifiée .

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
Rééligibilité des juges consulaires en exercice et anciens juges -
Inéligibilité liée à certaines condamnations

L'article 1 er de la proposition de loi vise à rétablir l'éligibilité aux fonctions de juge de tribunal de commerce des juges en exercice dans le tribunal et les tribunaux limitrophes, corrigeant ainsi une malfaçon législative.

La commission a complété cet article en rendant éligibles, sous certaines conditions, l'ensemble des membres en exercice et anciens membres des tribunaux de commerce, et en rétablissant l'inéligibilité liée à certaines condamnations pénales et civiles.

1. La réforme du collège électoral des juges consulaires

Depuis 1961 1 ( * ) , les juges des tribunaux de commerce ne sont plus élus directement par les commerçants, mais par un collège électoral composé de délégués consulaires, ainsi que des juges consulaires en exercice et des anciens juges du tribunal concerné . Les délégués consulaires sont eux-mêmes élus pour cinq ans par un collège constitué essentiellement de commerçants (personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, sociétés commerciales par l'intermédiaire de représentants).

L'élection des délégués consulaires a lieu en même temps que celle des membres des chambres de commerce et d'industrie (CCI) et dans la même circonscription (même si les délégués consulaires sont répartis, le cas échéant, entre les différents tribunaux de commerce dont le ressort est compris dans la circonscription d'une chambre). La dernière élection s'est tenue le 2 novembre 2016.

Des élections de juges consulaires ont lieu chaque année, dans la première quinzaine du mois d'octobre et dans le ressort de chaque tribunal, pour pourvoir les sièges devenus vacants. Les juges consulaires sont élus pour quatre ans, sauf pour leur premier mandat qui ne dure que deux ans.

À l'initiative du Sénat, la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle , tout en étendant la compétence des tribunaux de commerce aux litiges entre artisans, a inclus ces derniers parmi les membres du collège électoral des délégués consulaires et parmi les personnes éligibles aux fonctions de juge consulaire . Cette réforme devait s'appliquer à compter du 1 er janvier 2022 2 ( * ) .

Toutefois, la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises , dite loi PACTE , a réformé les modalités d'élection des juges consulaires, qui seront désormais élus par les membres des CCI et des chambres de métiers et de l'artisanat (CMA), en plus des juges et anciens juges du tribunal . L'institution des délégués consulaires est donc supprimée 3 ( * ) . Cette réforme doit entrer en vigueur à compter de la fin du mandat des délégués consulaires élus en 2016, soit le 2 novembre 2021. En pratique, elle ne doit donc s'appliquer qu'à compter des élections des juges consulaires de l'automne 2022.

2. Une malfaçon de la loi PACTE : la modification inaperçue de certaines conditions d'éligibilité aux fonctions de juge consulaire

2.1. La suppression de l'éligibilité des juges consulaires en exercice et anciens juges du tribunal et des tribunaux limitrophes

Jusqu'à la loi PACTE , étaient éligibles aux fonctions de juge d'un tribunal de commerce , en application de l'article L. 723-4 du code de commerce :

- les membres du collège électoral des délégués consulaires (c'est-à-dire pour l'essentiel les commerçants ou représentants de sociétés commerciales, ainsi que les artisans à compter de 2022, auxquels s'ajoutaient les juges consulaires en exercice et anciens juges), inscrits dans le ressort du tribunal de commerce concerné ou dans le ressort des tribunaux limitrophes ;

- les juges des tribunaux de commerce non limitrophes .

La loi PACTE a modifié cet article L. 723-4 pour tenir compte de la suppression des délégués consulaires. Sont désormais éligibles :

- les membres des collèges électoraux appelés à élire les membres des CCI (c'est-à-dire pour l'essentiel les commerçants ou représentants de sociétés commerciales) et des CMA (c'est-à-dire les artisans), inscrits dans le ressort du tribunal de commerce concerné ou dans le ressort des tribunaux limitrophes ;

- les juges des tribunaux de commerce non limitrophes .

Du fait de cette nouvelle rédaction, les juges et anciens juges du tribunal et des tribunaux limitrophes ne sont plus éligibles, en cette qualité, au tribunal de commerce . Ils ne sont éligibles que s'ils sont par ailleurs commerçants, artisans ou représentants de sociétés commerciales pour l'élection des membres des CCI.

Il ressort des travaux préparatoires de la loi PACTE que cette exclusion des juges en exercice et anciens juges de l'éligibilité aux fonctions de juge consulaire n'a pas été voulue par le législateur . Elle résulte clairement d'une malfaçon.

Une pratique contraire à la loi en 2019 et 2020

À défaut de disposition contraire, la nouvelle rédaction de l'article L. 723-4 du code de commerce est entrée en vigueur dès le lendemain de la publication de la loi PACTE - contrairement à la réforme du collège électoral et à la suppression des délégués consulaires, qui doit entrer en vigueur à compter de la fin du mandat des délégués consulaires élus en 2016, soit le 2 novembre 2021. Le Gouvernement a, jusque récemment, eu une interprétation inverse et indubitablement contra legem , ce qui a conduit à accepter l'enregistrement des candidatures de juges en exercice ou d'anciens juges lors des élections des juges consulaires de 2019 et 2020 4 ( * ) . Aucune contestation électorale n'a, semble-t-il, été élevée pour ce motif. Pour 2021, en revanche, le Gouvernement a reporté les élections de près de deux mois afin de permettre à la proposition de loi d'être adoptée et d'autoriser ainsi les juges en fonctions et anciens juges à se porter candidats 5 ( * ) . Les élections auront lieu du 22 novembre au 5 décembre 2021.

L'éligibilité aux fonctions de juge consulaire avant la loi PACTE

Art. L. 723-4 du code de commerce [éligibilité aux fonctions de juge consulaire]

Sont éligibles aux fonctions de juge d'un tribunal de commerce les personnes âgées de trente ans au moins :

1° Inscrites sur la liste électorale dressée en application de l'article L. 713-7 [liste électorale pour l'élection des délégués consulaires] dans le ressort du tribunal de commerce ou dans le ressort des tribunaux de commerce limitrophes ;

2° Qui remplissent la condition de nationalité prévue à l'article L. 2 du code électoral ;

3° À l'égard desquelles une procédure, de redressement ou de liquidation judiciaires n'a pas été ouverte ;

4° Qui, s'agissant des personnes mentionnées au 1° ou au 2° de l'article L. 713-7, n'appartiennent pas à une société ou à un établissement public ayant fait l'objet d'une procédure, redressement ou de liquidation judiciaires ;

5° Et qui justifient soit d'une immatriculation pendant cinq années au moins au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, soit de l'exercice, pendant une durée totale cumulée de cinq ans, de l'une des qualités énumérées à l'article L. 713-8 ou de l'une des professions énumérées au d du 1° de l'article L. 713-7.

Sont également éligibles les juges d'un tribunal de commerce ayant prêté serment, à jour de leurs obligations déontologiques et de formation, qui souhaitent être candidats dans un autre tribunal de commerce non limitrophe du tribunal dans lequel ils ont été élus, dans des conditions fixées par décret.

Art. L. 713-7 du code de commerce [corps électoral pour l'élection des délégués consulaires]

Sont électeurs aux élections des délégués consulaires :

1° À titre personnel :

a) Les commerçants immatriculés au registre du commerce et des sociétés et situés dans le ressort du tribunal de commerce, sous réserve, pour les associés en nom collectif et les associés commandités, des dispositions du III de l'article L. 713-2 ;

b) Les chefs d'entreprise inscrits au répertoire des métiers situés dans ce ressort ;

c) Les conjoints des personnes énumérées au a ou au b ci-dessus ayant déclaré au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers qu'ils collaborent à l'activité de leur époux sans autre activité professionnelle ;

d) Les capitaines au long cours ou capitaines de la marine marchande exerçant le commandement d'un navire immatriculé en France dont le port d'attache est situé dans ce ressort, les pilotes maritimes exerçant leurs fonctions dans un port situé dans ce ressort, les pilotes de l'aéronautique civile domiciliés dans ce ressort et exerçant le commandement d'un aéronef immatriculé en France ;

e) Les membres en exercice des tribunaux de commerce, ainsi que les anciens membres de ces tribunaux ;

2° Par l'intermédiaire d'un représentant :

a) Les sociétés à caractère commercial au sens de l'article L. 210-1 et les établissements publics à caractère industriel et commercial dont le siège social est situé dans ce ressort ;

b) Au titre d'un établissement faisant l'objet dans ce ressort d'une inscription complémentaire ou d'une immatriculation secondaire, à moins qu'il en soit dispensé par les lois et règlements en vigueur, les personnes physiques mentionnées aux a et b du 1° et les personnes morales mentionnées au a du présent 2°, quel que soit le ressort dans lequel ces personnes exercent leur propre droit de vote ;

c) Les sociétés à caractère commercial dont le siège est situé hors du territoire national et qui disposent dans ce ressort d'un établissement immatriculé au registre du commerce et des sociétés ;

3° Les cadres qui, employés dans ce ressort par les électeurs mentionnés aux 1° ou 2°, exercent des fonctions impliquant des responsabilités de direction commerciale, technique ou administrative de l'entreprise ou de l'établissement.

L'éligibilité aux fonctions de juge consulaire après la loi PACTE

Art. L. 723-4 du code de commerce [éligibilité aux fonctions de juge consulaire]

Sont éligibles aux fonctions de juge d'un tribunal de commerce les personnes âgées de trente ans au moins :

1° Inscrites sur les listes électorales des chambres de commerce et d'industrie et des chambres de métiers et de l'artisanat dressées dans le ressort du tribunal de commerce ou dans le ressort des tribunaux de commerce limitrophes ;

2° Qui remplissent la condition de nationalité prévue à l'article L. 2 du code électoral ;

3° A l'égard desquelles une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire n'est pas en cours au jour du scrutin ;

4° Qui, s'agissant des personnes mentionnées aux 1° ou 2° du II de l'article L. 713-1 du présent code, n'appartiennent pas à une société ou à un établissement public à l'égard duquel une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire est en cours au jour du scrutin ;

bis Qui n'ont fait pas fait l'objet des sanctions prévues au titre V du livre VI ;

5° Et qui justifient soit d'une immatriculation pendant cinq années au moins au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, soit de l'exercice, pendant une durée totale cumulée de cinq ans, de l'une des qualités énumérées au I de l'article L. 713-3 ou de l'une des professions énumérées au d du 1° du II de l'article L. 713-1.

Sont également éligibles les juges d'un tribunal de commerce ayant prêté serment, à jour de leurs obligations déontologiques et de formation, qui souhaitent être candidats dans un autre tribunal de commerce non limitrophe du tribunal dans lequel ils ont été élus, dans des conditions fixées par décret.

Art. L. 713-1 du code de commerce [corps électoral pour l'élection des membres des CCI]

II.- Sont électeurs aux élections des membres des chambres de commerce et d'industrie territoriales et de région :

1° À titre personnel :

a) Les commerçants immatriculés au registre du commerce et des sociétés dans la circonscription de la chambre de commerce et d'industrie, sous réserve, pour les associés en nom collectif et les associés commandités, des dispositions du III de l'article L. 713-2 ;

b) Les chefs d'entreprise inscrits au répertoire des métiers et immatriculés au registre du commerce et des sociétés dans la circonscription ;

c) Les conjoints des personnes énumérées au a ou au b ci-dessus ayant déclaré au registre du commerce et des sociétés qu'ils collaborent à l'activité de leur époux sans autre activité professionnelle ;

d) Les capitaines de la marine marchande exerçant le commandement d'un navire immatriculé en France dont le port d'attache est situé dans la circonscription ; les pilotes maritimes exerçant leurs fonctions dans un port situé dans la circonscription, les pilotes de l'aéronautique civile domiciliés dans la circonscription et exerçant le commandement d'un aéronef immatriculé en France.

2° Par l'intermédiaire d'un représentant :

a) Les sociétés commerciales au sens du deuxième alinéa de l'article L. 210-1 du présent code et les établissements publics à caractère industriel et commercial dont le siège est situé dans la circonscription ;

b) Au titre d'un établissement faisant l'objet dans la circonscription d'une inscription complémentaire ou d'une immatriculation secondaire, à moins qu'il en soit dispensé par les lois et règlements en vigueur, les personnes physiques mentionnées aux a et b du 1° et les personnes morales mentionnées au a du présent 2°, quelle que soit la circonscription où ces personnes exercent leur propre droit de vote ;

c) Les sociétés à caractère commercial dont le siège est situé hors du territoire national et qui disposent dans la circonscription d'un établissement immatriculé au registre du commerce et des sociétés.

Article 5 du décret n° 99-433 du 27 mai 1999 6 ( * ) [corps électoral pour l'élection des membres des CMA]

I. - Sont électeurs, sous réserve d'être immatriculés ou mentionnés, selon les cas, au répertoire des métiers depuis au moins six mois à la date de clôture du scrutin :

1° Les personnes physiques ainsi que les dirigeants sociaux des personnes morales immatriculées à ce répertoire ;

2° Les conjoints collaborateurs mentionnés à ce répertoire.

2.2. La suppression d'inéligibilités liées à certaines condamnations pénales et civiles

La nouvelle rédaction de l'article L. 723-4 du code de commerce a également eu pour effet de supprimer les motifs d'inéligibilité liés à certaines condamnations pénales et civiles .

Cet article, rappelons-le, définit les personnes éligibles aux fonctions de juge consulaire par référence à un collège électoral - jusqu'à la loi PACTE , il s'agissait du collège appelé à élire les délégués consulaires, depuis, il s'agit du collège appelé à élire les membres des CCI et CMA. Aux inéligibilités énoncées à l'article L. 723-4 s'ajoutent donc celles qui résultent, indirectement, des incapacités privant de la qualité d'électeur au sein de ces collèges.

Jusqu'à la loi PACTE , étaient éligibles aux fonctions de juge consulaire les personnes inscrites, dans le ressort du tribunal ou des tribunaux limitrophes, sur la liste électorale établie pour l'élection des délégués consulaires. Or, pour faire partie du collège électoral appelé à élire les délégués consulaires, il fallait :

- n'avoir pas été « l'auteur de faits ayant donné lieu à une condamnation pénale pour agissements contraires à l'honneur, à la probité ou aux bonnes moeurs » ;

- n'avoir pas été frappé depuis moins de quinze ans de faillite personnelle ou d'une des mesures d'interdiction ou de déchéance prévues au livre VI du code de commerce (qui sanctionnent divers abus ou fraudes ayant contribué à l'insolvabilité de l'entreprise) ;

- ne pas être frappé d'une peine d'interdiction, suivant les modalités prévues par l''article 131-27 du code pénal, d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale ;

- ne pas avoir été condamné à des peines, déchéances ou sanctions prononcées en vertu de législations équivalentes, en vigueur dans les États membres de l'Union européenne ou parties à l'accord sur l'Espace économique européen 7 ( * ) .

Désormais, sont éligibles aux fonctions de juge consulaire les personnes inscrites sur les listes électorales des CCI et CMA. Or les conditions qui y sont mises sont moins strictes que pour la participation à l'élection des délégués consulaires :

- pour la participation aux élections des membres des CCI, il n'existe aucune incapacité liée au fait d'avoir été condamné pénalement pour agissements contraires à l'honneur, à la probité ou aux bonnes moeurs 8 ( * ) ;

- pour être électeur aux élections des membres des CMA, il suffit de ne pas être sous le coup d'une peine d'interdiction des droits civiques 9 ( * ) .

Néanmoins, la loi PACTE a ajouté à l'article L. 723-4 du code de commerce un nouveau motif d'inéligibilité aux fonctions de juge consulaire tenant au fait d'avoir fait l'objet des sanctions prévues au titre V du livre VI du code de commerce 10 ( * ) . Cette disposition est surabondante en ce qui concerne les commerçants, mais utile en ce qui concerne les artisans.

3. La proposition de loi : le rétablissement de l'éligibilité des juges en exercice dans le tribunal et les tribunaux limitrophes

La proposition de loi aujourd'hui soumise à l'examen du Sénat a pour objet de corriger en partie cette malfaçon en ajoutant à la liste des personnes éligibles « les juges du tribunal de commerce et de tout autre tribunal de commerce limitrophe conformément à l'article L. 722-6 ». Cela paraît tout à fait opportun, afin d'éviter, comme le relève l'exposé des motifs, un « tarissement du vivier des juges ». Selon les estimations du Gouvernement et de la Conférence générale des juges consulaires de France (CGJCF), entre 450 et 500 des 793 juges consulaires dont le mandat arrive à échéance en 2021 (sur un total de 3 357 juges consulaires en exercice) seraient inéligibles si la proposition de loi n'était pas adoptée, soit une proportion considérable d'environ 60 %. Il serait extrêmement dommageable pour le fonctionnement des juridictions de devoir se passer des services de ces magistrats expérimentés , parmi lesquels leur président est souvent choisi.

4. Les compléments apportés par la commission des lois

4.1. L'éligibilité sous conditions des anciens juges

Au-delà des juges en exercice, il a paru souhaitable à la commission de rétablir également l'éligibilité des anciens juges , qui représenteraient une cinquantaine de juges aujourd'hui en exercice. La commission a adopté, en ce sens, l' amendement de réécriture COM-1 du rapporteur , qui rend éligibles, de manière générale, les membres en exercice et anciens membres des tribunaux de commerce 11 ( * ) . Néanmoins, les anciens juges ne seraient éligibles qu'à la condition d'avoir exercé leurs fonctions pendant au moins six années et de n'avoir pas été réputés démissionnaires, ce qui est cohérent avec les conditions qui leur sont imposées pour être électeurs 12 ( * ) .

4.2. Des précisions sur les conditions d'éligibilité des juges en exercice et anciens juges

Le même amendement précise que les juges et anciens juges doivent, pour être éligibles :

- remplir les conditions imposées aux autres candidats (nationalité, absence de procédure de redressement ou de liquidation judiciaire en cours, absence de sanctions personnelles prévues au titre de la législation sur l'insolvabilité des entreprises...) à l'exception de celle tenant à l'inscription sur les listes électorales des CCI et CMA. Ces conditions d'éligibilité, qui relèvent de la loi 13 ( * ) , sont aujourd'hui prévues à l'article R. 723-6 du code de commerce, relatif aux modalités de dépôt et d'enregistrement des candidatures ;

- être domiciliés ou disposer d'une résidence dans le ressort du tribunal ou des tribunaux limitrophes 14 ( * ) .

4.3. Le rétablissement des inéligibilités liées à certaines condamnations

Enfin, par le même amendement, la commission des lois a rétabli les inéligibilités liées :

- aux condamnations pénales pour agissements contraires à l'honneur, à la probité ou aux bonnes moeurs 15 ( * ) ;

- aux condamnations à une peine d'interdiction prévue à l'article 131-27 du code pénal ou par des législations étrangères équivalentes 16 ( * ) ;

- aux sanctions civiles prononcées sur le fondement de législations étrangères relatives à l'insolvabilité des entreprises, équivalentes à celles prévues au titre V du livre VI du code de commerce 17 ( * ) .

La commission des lois a adopté l'article 1 er ainsi modifié .

Article 2 (nouveau)
Limitation du nombre de mandats dans un même tribunal

Introduit par la commission des lois, par l'adoption d'un amendement COM-2 du rapporteur, l'article 2 de la proposition de loi limite à cinq mandats, successifs ou non, le nombre de mandats qu'un juge consulaire peut exercer dans le même tribunal.

Jusqu'en 2016, les juges consulaires ayant effectué quatre mandats successifs dans un même tribunal devaient observer un « délai de viduité » d'un an avant d'y être élus à nouveau (« Les juges des tribunaux de commerce élus pour quatre mandats successifs dans un même tribunal de commerce ne sont plus éligibles dans ce tribunal pendant un an », ancien article L. 723-7 du code de commerce).

Afin de limiter la « professionnalisation » de ces fonctions judiciaires qui, en principe, doivent être exercées par des personnes appartenant au monde de l'entreprise, et d'assurer le renouvellement des juges 18 ( * ) , la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle , précitée, a entendu limiter strictement à quatre le nombre de mandats dans un même tribunal . Elle a donc prévu que « les juges des tribunaux de commerce élus pour quatre mandats successifs dans un même tribunal de commerce ne sont plus éligibles dans ce tribunal ».

Réintroduisant un peu plus de souplesse, la loi PACTE du 22 mai 2019, précitée, a relevé à cinq le nombre de mandats.

Toutefois, la réforme a été privée d'effet par une interprétation du Conseil d'État, selon laquelle cette inéligibilité ne s'applique que si les cinq mandats ont été continus 19 ( * ) .

Suivant une recommandation de la Conférence générale des juges consulaires de France, la commission des lois a estimé opportun de faire obstacle à cette jurisprudence en limitant strictement à cinq le nombre de mandats pouvant être exercés par un juge dans un même tribunal .

La commission des lois a adopté l'article 2 ainsi rédigé .

Article 3 (nouveau)
Électorat

Introduit par la commission des lois, par l'adoption d'un amendement COM-3 du rapporteur, l'article 3 de la proposition de loi vise à retoucher la composition du corps électoral des juges consulaires, en imposant notamment aux anciens juges, pour être électeurs, d'avoir exercé leurs fonctions pendant au moins six années, de n'avoir pas été déclarés démissionnaires et de ne pas être frappés d'inéligibilité.

En application de la loi PACTE du 22 mai 2019, précitée, les juges consulaires seront élus dans chaque tribunal, à compter de 2022, par un collège électoral composé, d'une part, des membres élus des chambres de commerce et d'industrie (CCI) et des chambres de métiers et de l'artisanat (CMA), établis dans le ressort du tribunal, d'autre part, des membres et anciens membres du tribunal. Sont néanmoins privés de l'électorat les personnes frappées de certaines sanctions pénales, civiles ou disciplinaires 20 ( * ) .

1. Les conditions auxquelles les anciens juges du tribunal peuvent participer à l'élection

Reprenant une proposition de la Conférence générale des juges consulaires de France, le Gouvernement, par un décret du 11 février 2021, a resserré les conditions dans lesquelles les anciens membres du tribunal peuvent participer à l'élection des juges consulaires , en précisant :

- qu'a seul la qualité d'ancien membre du tribunal le juge ayant exercé ses fonctions pendant au moins six années et n'ayant pas été réputé démissionnaire ;

- qu'une même personne ne peut, en tant qu'ancien juge, être inscrite sur la liste des membres du collège électoral de plusieurs tribunaux de commerce 21 ( * ) .

Sur le fond, il paraît opportun de fixer un temps d'exercice minimal des fonctions juridictionnelles pour pouvoir participer, en qualité d'ancien membre du tribunal, à l'élection de ses juges. Il n'est pas non plus illégitime de retirer l'électorat aux anciens juges réputés démissionnaires 22 ( * ) , comme c'est déjà le cas pour ceux qui ont été déchus de leur mandat à titre disciplinaire. Il est enfin souhaitable qu'une même personne ne puisse, en qualité d'ancien juge, participer à plusieurs scrutins.

Néanmoins, la loi ne prévoit rien de tel, puisque l'article L. 723-1 du code de commerce se contente de mentionner les « anciens membres du tribunal » en tant que membres du collège électoral. Dès lors, la légalité de ces dispositions réglementaires est sujette à caution .

Pour plus de sécurité juridique, la commission a décidé de les élever au rang législatif .

2. L'incapacité électorale liée à la sanction disciplinaire de déchéance

L'article L. 723-2 du code de commerce exclut du corps électoral les personnes « déchues de leurs fonctions ou de leur mandat » .

En pratique, cette disposition vise à priver de l'électorat les anciens juges consulaires ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire de déchéance . Or celle-ci est assortie d'une inéligibilité qui peut être temporaire ou définitive. Il n'est pas cohérent qu'une personne redevenue éligible reste néanmoins privée, définitivement, de l'électorat . Aussi la commission a-t-elle prévu que les personnes concernées retrouveraient la capacité électorale en même temps que l'éligibilité.

Quant à la référence à la déchéance d'un « mandat », ajoutée par la loi PACTE , elle paraît dénuée de portée. S'il s'agissait de viser les membres élus des chambres consulaires qui auraient éventuellement été déchus, l'intention est satisfaite, puisqu'il faut être membre en exercice pour pouvoir participer à l'élection des juges consulaires, en application de l'article L. 723-1 du code de commerce. Par ailleurs, ni la loi, ni le règlement ne fixent le régime disciplinaire des membres des chambres consulaires ni ne prévoient de sanction de déchéance. La commission a donc supprimé cette référence.

La commission des lois a adopté l'article 3 ainsi rédigé .

Article 4 (nouveau)
Prorogation du mandat des délégués consulaires

Introduit par la commission des lois, par l'adoption d'un amendement COM-4 du rapporteur, l'article 4 de la proposition de loi vise à proroger le mandat des délégués consulaires élus en 2016, ce qui aura également pour effet de reporter l'entrée en vigueur du nouveau collège électoral prévu par la loi PACTE , afin de permettre aux élections prévues en novembre et décembre 2021 de se tenir selon les anciennes règles.

Selon le calendrier établi par la loi PACTE du 22 mai 2019, précitée, les premières élections de juges consulaires par le nouveau collège électoral - composé non plus de délégués consulaires mais des membres des CCI et CMA, en plus des juges en exercice et anciens juges du tribunal - devaient avoir lieu en octobre 2022 . En effet, la réforme devait entrer en vigueur à compter de la fin du mandat des délégués consulaires élus en 2016, soit le 2 novembre 2021, après les élections de 2021 23 ( * ) .

Afin de laisser le temps nécessaire à l'adoption de la proposition de loi aujourd'hui en discussion, le décret n° 2021-1046 du 6 août 2021 précité a reporté cette année les élections de plusieurs semaines . Elles se tiendront du 22 novembre au 5 décembre 2021.

De ce fait, si la loi n'est pas modifiée, c'est le nouveau collège électoral qui sera appelé à participer aux élections de 2021 .

Or rien n'est prévu à cet effet . Le renouvellement général des membres des chambres consulaires, qui seraient désormais appelés à participer à l'élection des juges consulaires, doit avoir lieu quelques semaines seulement avant cette élection 24 ( * ) . En cas de contentieux électoral, les recours seraient vraisemblablement encore pendants. Ce calendrier rendrait impossible d'établir les listes électorales pour l'élection des juges consulaires dans des conditions satisfaisantes 25 ( * ) . D'ailleurs, le Guide pratique pour l'organisation de l'élection des juges des tribunaux de commerce pour l'année 2021 , publié le 23 août dernier par le ministère de la justice, part du principe que l'élection aura lieu selon les anciennes règles, avec les délégués consulaires élus en 2016 26 ( * ) .

Il est donc indispensable de proroger jusqu'au 31 décembre 2021 le mandat des délégués consulaires élus en 2016 , ce qui aura également pour effet de reporter au 1 er janvier 2022 l'entrée en vigueur des dispositions de la loi PACTE qui modifient la composition du collège électoral pour l'élection des juges consulaires.

La commission des lois a adopté l'article 4 ainsi rédigé .

*

* *

La commission des lois a adopté la proposition de loi
ainsi modifiée .

EXAMEN EN COMMISSION

__________

MERCREDI 15 SEPTEMBRE 2021

M. François Bonhomme , rapporteur . - Depuis 1961, les juges des tribunaux de commerce ou « juges consulaires » ne sont plus élus directement par les commerçants, mais par un collège électoral composé, d'une part, de délégués consulaires, eux-mêmes élus par les commerçants et, d'autre part, des juges consulaires en exercice et des anciens juges du tribunal concerné.

À l'initiative du Sénat, la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle, dite « J21 », tout en étendant la compétence des tribunaux de commerce aux litiges entre artisans, a inclus ces mêmes artisans parmi les membres du collège électoral des délégués consulaires et les personnes éligibles aux fonctions de juge consulaire. Cette réforme devait s'appliquer à compter du 1 er janvier 2022.

Toutefois, ce régime électoral à deux degrés ne donnait pas satisfaction. La participation à l'élection des délégués consulaires était faible, celle des délégués eux-mêmes à l'élection des juges l'était également. Il est donc apparu nécessaire de réformer le mode d'élection des juges des tribunaux de commerce pour le simplifier et resserrer les liens entre les tribunaux et leur base électorale, c'est-à-dire le monde de l'entreprise.

C'est pourquoi la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (Pacte) a prévu que les juges consulaires seraient désormais élus par les membres des chambres de commerce et d'industrie (CCI) et des chambres de métiers et de l'artisanat (CMA), qui sont eux-mêmes élus tous les cinq ans par les ressortissants des chambres - commerçants et sociétés commerciales d'un côté, artisans de l'autre. L'institution des délégués consulaires est donc supprimée. En revanche, les juges consulaires en exercice et anciens juges font toujours partie, ès qualités, du corps électoral.

Cette réforme doit entrer en vigueur à compter de la fin du mandat des délégués consulaires élus en 2016, soit le 2 novembre 2021. En pratique, elle ne doit donc s'appliquer qu'à compter des élections de juges consulaires prévues en octobre 2022.

Or cette réforme a eu des effets collatéraux qui n'ont pas été perçus lors de l'adoption de la loi Pacte.

Jusqu'à la loi Pacte, la loi définissait le champ des personnes éligibles aux fonctions de juge consulaire par référence au corps électoral des délégués consulaires. Sous réserve de satisfaire à un certain nombre de conditions supplémentaires, toutes les personnes inscrites, dans le ressort du tribunal ou des tribunaux limitrophes, sur la liste électorale pour l'élection des délégués consulaires étaient éligibles aux fonctions de juge. Or, à côté des commerçants ou des représentants des sociétés commerciales, les juges consulaires en exercice et les anciens juges participaient à l'élection des délégués consulaires.

Désormais, la loi définit le champ des personnes éligibles aux fonctions de juge consulaire par référence au corps électoral des membres des CCI et CMA. Or les juges et anciens juges ne participent pas, en tant que tels, à l'élection des membres des chambres consulaires.

En d'autres termes, la loi Pacte a accidentellement privé de l'éligibilité les juges consulaires en exercice et les anciens juges dans le tribunal et les tribunaux limitrophes. C'est d'autant plus paradoxal que les juges en exercice dans les tribunaux non limitrophes demeurent, pour leur part, éligibles, en application d'une disposition spéciale.

L'inéligibilité des juges en exercice et anciens juges aurait des conséquences catastrophiques pour les tribunaux de commerce. Pour la seule année 2021, sur 793 juges consulaires dont le mandat arrive à expiration, entre 450 et 500 deviendraient inéligibles si la loi n'était pas modifiée. Il s'agit, en général, des magistrats les plus expérimentés, parmi lesquels le président du tribunal est très souvent choisi. Les tribunaux de commerce ne peuvent tout simplement pas se passer de leurs services.

C'est ce qui a conduit notre collègue Nathalie Goulet à déposer cette excellente proposition de loi, qui vise à rétablir l'éligibilité des juges consulaires en exercice dans le tribunal et les tribunaux limitrophes.

Le Gouvernement a perçu tout l'intérêt de ce texte, puisqu'il a engagé la procédure accélérée pour son examen et qu'il l'a inscrit à l'ordre du jour de la session extraordinaire. Bien plus, les élections consulaires prévues en octobre 2021 ont été repoussées par décret jusqu'à fin novembre, afin que cette proposition de loi puisse être adoptée d'ici là. Il est impératif qu'elle entre en vigueur avant le 22 octobre, date du début des opérations préélectorales.

Je vous proposerai donc d'adopter cette proposition de loi très bienvenue, tout en la complétant par d'autres dispositions relatives au régime électoral des juges consulaires. Il s'agit également de dispositions tout à fait consensuelles, qui ne sont donc pas de nature à retarder l'adoption définitive du texte.

En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, il nous revient d'arrêter le périmètre indicatif du projet de loi. Je vous propose de considérer que ce périmètre comprend les dispositions relatives au régime électoral des juges consulaires. En revanche, il ne comprend ni les règles de droit commercial de fond ni les règles de compétence de la juridiction commerciale.

M. André Reichardt . - Je veux rappeler la spécificité du droit local en Alsace-Moselle, où il n'y a pas de tribunaux de commerce.

EXAMEN DES ARTICLES

Article unique

M. François Bonhomme , rapporteur . - Comme je vous l'ai dit, la proposition de loi de Nathalie Goulet vise à rétablir l'éligibilité des juges en exercice dans le tribunal et les tribunaux limitrophes.

Il me paraît opportun de rétablir également l'éligibilité des anciens juges. Une cinquantaine de juges aujourd'hui en fonctions s'étaient portés candidats et avaient été élus en cette qualité. Il serait dommage de se priver de ces compétences.

Par ailleurs, je vous propose de rétablir l'inéligibilité liée à certaines condamnations pénales et civiles, qui a malencontreusement disparu avec la loi Pacte. Tel est l'objet de l'amendement COM-1 .

L'amendement COM-1 est adopté.

Articles additionnels après l'article unique

M. François Bonhomme , rapporteur . - Jusqu'en 2016, les juges consulaires ayant effectué quatre mandats successifs dans un même tribunal devaient observer un « délai de viduité » d'un an avant d'y être élus à nouveau.

Afin d'assurer le renouvellement des juges, la loi « J21 » a entendu limiter strictement à quatre le nombre de mandats dans un même tribunal, seuil relevé à cinq mandats par la loi Pacte. Or cette réforme a été entièrement privée d'effet par une interprétation du Conseil d'État, qui a estimé que cette inéligibilité ne s'applique que si les cinq mandats ont été continus.

Je vous propose donc, au travers de l'amendement COM-2 , de réaffirmer l'intention du législateur en levant toute ambiguïté.

L'amendement COM-2 est adopté et devient un article additionnel.

M. François Bonhomme , rapporteur . - L'amendement COM-3 vise à préciser la composition du corps électoral des juges consulaires. Il élève au rang législatif certaines conditions imposées aux anciens juges pour participer à l'élection, introduites par le décret du 11 février 2021 alors qu'elles relèvent du domaine de la loi.

S'agissant des anciens juges frappés de déchéance, il aligne la durée pendant laquelle ils sont privés de capacité électorale sur celle de leur inéligibilité.

L'amendement COM-3 est adopté et devient un article additionnel.

M. François Bonhomme , rapporteur . - Selon le calendrier établi par la loi Pacte, les premières élections de juges consulaires par le nouveau collège électoral devaient avoir lieu en octobre 2022. En effet, la réforme devait entrer en vigueur à compter de la fin du mandat des délégués consulaires élus en 2016, soit le 2 novembre 2021, après les élections de 2021.

Or, je vous l'ai dit, le Gouvernement a reporté cette année les élections de plusieurs semaines. Elles se tiendront du 22 novembre au 5 décembre 2021. De ce fait, si la loi n'est pas modifiée, c'est le nouveau collège électoral qui sera appelé à participer aux élections de 2021. C'est impossible en pratique, compte tenu des dates prévues pour les élections au sein des CCI et CMA. Il est donc indispensable de proroger jusqu'au 31 décembre 2021 le mandat des délégués consulaires élus en 2016. Tel est le sens de l'amendement COM-4 .

L'amendement COM-4 est adopté et devient un article additionnel.

Mme Nathalie Goulet . - Les lois « balais » que l'on nous propose peuvent avoir des effets indésirables, preuve qu'il n'est pas toujours très opportun de légiférer en urgence. J'ai été au bon endroit au bon moment pour proposer ce texte. Je remercie le rapporteur !

M. François Bonhomme , rapporteur . - Je remercie à mon tour Nathalie Goulet, qui a fait preuve de sagacité et de réactivité. Sans cette proposition de loi, nous aurions eu un problème considérable en perdant un vivier précieux pour les tribunaux de commerce.

La proposition de loi est adoptée à l'unanimité dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article unique

M. BONHOMME, rapporteur

1

Eligibilité des juges consulaires en exercice et anciens juges ; inéligibilité liée à certaines condamnations

Adopté

Articles additionnels après l'article unique

M. BONHOMME, rapporteur

2

Limitation à cinq du nombre de mandats, successifs ou non, dans un même tribunal

Adopté

M. BONHOMME, rapporteur

3

Précisions relatives au corps électoral

Adopté

M. BONHOMME, rapporteur

4

Prorogation du mandat des délégués consulaires élus en 2016

Adopté

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mme Nathalie Goulet, sénateur de l'Orne, auteur de la proposition de loi

MINISTÈRE DE LA JUSTICE

Cabinet du garde des Sceaux, ministre de la justice

Mme Christelle Hilpert , conseillère affaires civiles et prospectives

M. Thierry Lescouarc'h , conseiller services judicaires

Direction des services judiciaires

Mme Soizic Guillaume , sous-directrice des ressources humaines de la magistrature

Mme Catherine Vedrenne , cheffe du bureau des magistrats exerçant à titre temporaire et des juges élus ou désignés

Mme Lucia Alem , adjointe à la cheffe du bureau des magistrats exerçant à titre temporaire et des juges élus ou désignés

CONFÉRENCE GÉNÉRALE DES JUGES CONSULAIRES DE FRANCE

Mme Sonia Arrouas , présidente

M. Jean-Luc Adda , administrateur

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl20-674.html


* 1 Décret n° 61-923 du 3 août 1961 relatif aux tribunaux de commerce et aux chambres de commerce et d'industrie .

* 2 Articles 94 et 95 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 précitée.

* 3 Article 40 de la loi PACTE précitée.

* 4 Voir les Guides pratiques pour l'organisation des élections des tribunaux de commerce publiés par le ministère de la justice en juillet 2019 et juillet 2020 .

* 5 Décret n° 2021-1046 du 6 août 2021 relatif au report exceptionnel des élections des juges des tribunaux de commerce .

* 6 Décret n° 99-433 du 27 mai 1999 relatif à la composition des établissements du réseau des chambres de métiers et de l'artisanat et de leurs chambres de niveau départemental et à l'élection de leurs membres .

* 7 Article L. 713-9 du code de commerce, abrogé à compter du 2 novembre 2021.

* 8 Voir le II de l'article L. 713-3 du code de commerce. Il faut, en revanche, n'avoir pas été frappé depuis moins de quinze ans de faillite personnelle ou d'une mesure d'interdiction ou de déchéance prévue par la législation relative à l'insolvabilité des entreprises, ne pas être frappé d'une peine complémentaire d'interdiction professionnelle suivant les modalités prévues par l'article 131-27 du code pénal, et ne pas avoir été condamné à des peines, déchéances ou sanctions prononcées en vertu de législations étrangères équivalentes.

* 9 II de l'article 5 du décret n° 99-433 du 27 mai 1999 précité.

* 10 Cette inéligibilité est plus large que l'incapacité électorale mentionnée précédemment, puisqu'elle concerne également les dirigeants condamnés à payer tout ou partie de l'insuffisance d'actif en raison d'une faute de gestion.

* 11 Rappelons qu'avant la loi PACTE , seuls les anciens juges du tribunal et des tribunaux limitrophes étaient éligibles. L'amendement étend l'éligibilité aux anciens juges des tribunaux non limitrophes.

* 12 Voir le commentaire de l'article 3 de la proposition de loi. En l'état du droit, pour être éligibles, les anciens juges des tribunaux non limitrophes doivent, en application de dispositions réglementaires, avoir exercé au moins trois années (article R. 723-6 du code de commerce). Notons que les juges ayant été déchus de leurs fonctions à titre disciplinaire sont également inéligibles, de manière temporaire ou définitive.

* 13 Les conditions d'éligibilité à des fonctions juridictionnelles font, selon toute apparence, partie des règles constitutives d'un ordre de juridiction qui, en application de l'article 34 de la Constitution, relèvent du domaine de la loi (voir, à titre de comparaison, la décision du Conseil constitutionnel n° 2002-461 DC qui, à propos de la juridiction de proximité, énonce que le mode de désignation de ses membres relève du domaine de la loi ; à propos de juges élus, voir a contrario la décision n° 91-166 L du 13 juin 1991, déclassant des dispositions relatives à l'établissement matériel des listes électorales pour l'élection des conseillers prud'hommes).

* 14 En l'état du droit, l'article R. 723-6 précité impose aux juges en exercice des tribunaux non limitrophes de justifier qu'ils disposent d'une résidence dans le ressort du tribunal où ils se portent candidats.

* 15 Notons que l'absence d'une telle condamnation pénale est une condition pour faire partie du collège électoral des juges consulaires (article L. 723-3 du code de commerce). L'article R. 723-6 du même code, par un renvoi à cet article L. 723-3, impose également aux candidats d'attester sur l'honneur qu'ils n'ont pas fait l'objet d'une telle condamnation ; cette disposition est néanmoins juridiquement fragile, les conditions d'éligibilité à des fonctions juridictionnelles relevant, comme il a été indiqué, du domaine de la loi.

* 16 Pour les motifs déjà exposés, on ne saurait considérer que cette disposition est satisfaite par l'article R. 723-6 du code de commerce. Cette inéligibilité ne s'applique aujourd'hui légalement qu'aux commerçants, par le jeu du renvoi aux conditions fixées à l'article L. 713-3 du même code pour être inscrit sur les listes électorales des CCI, et non pas aux artisans.

* 17 Pour les seuls commerçants, et en ce qui concerne les seules sanctions de faillite personnelle et d'interdiction professionnelle, cette disposition est également satisfaite par les conditions imposées par la loi pour être électeur des CCI.

* 18 L'exposé des motifs du projet de loi invoquait également les exigences d'impartialité et d'indépendance liées à l'exercice de fonctions juridictionnelles, mais on voit mal quelles garanties apporte à cet égard la limitation du nombre de mandats dans le temps. Seule une stricte non-rééligibilité pourrait constituer une garantie d'indépendance.

* 19 Conseil d'État, 10 juillet 2020, n° 436954 : « Il ressort des travaux préparatoires de la loi du 22 mai 2019 que le législateur a, par l'expression "mandats successifs", entendu se référer à des mandats se succédant les uns aux autres sans interruption. » L'invocation des travaux préparatoires de la loi ne laisse pas de surprendre, car leur examen conduit à la conclusion inverse.

* 20 Article L. 723-2 du code de commerce.

* 21 Article R. 723-2 du code de commerce, dans sa rédaction issue du décret n° 2021-144 du 11 février 2021 relatif aux élections des membres des chambres de commerce et d'industrie et des juges des tribunaux de commerce .

* 22 Le code de commerce prévoit trois cas dans lesquels un juge consulaire est réputé démissionnaire : lorsqu'il se trouve dans un cas d'incompatibilité après son entrée en fonctions, lorsqu'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire est ouverte à son égard et lorsqu'il n'a pas satisfait à son obligation de formation initiale dans le délai imparti.

* 23 En application de l'article R. 723-5 du code de commerce, les élections des juges consulaires ont lieu, en règle générale, au cours de la première quinzaine du mois d'octobre.

* 24 Du 1 er au 14 octobre 2021 pour les membres des chambres de métiers et de l'artisanat (arrêté du 1 er avril 2021 fixant les dates de scrutin et de la campagne électorale en vue du renouvellement quinquennal des membres des chambres de métiers et de l'artisanat et de leurs chambres de niveau départemental ) et du 27 octobre au 9 novembre 2021 pour les membres des chambres de commerce et d'industrie (arrêté du 18 mars 2021 portant convocation des électeurs et relatif au dépôt des candidatures pour l'élection des membres des chambres de commerce et d'industrie ).

* 25 Les articles R. 723-1 à R. 723-4 du code de commerce déterminent les conditions d'établissement des listes électorales pour l'élection des juges consulaires, en fixant au 15 juillet de chaque année la date à laquelle les listes doivent être arrêtées. Cette année, par dérogation, il est prévu qu'elles soient arrêtées avant le 15 septembre (article 2 du décret n° 2021-1046 du 6 août 2021 précité).

* 26 Guide pratique annexé à la note d'information du 23 août 2021 de la direction des services judiciaires.

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