EXAMEN EN COMMISSION

__________

MERCREDI 15 SEPTEMBRE 2021

M. François Bonhomme , rapporteur . - Depuis 1961, les juges des tribunaux de commerce ou « juges consulaires » ne sont plus élus directement par les commerçants, mais par un collège électoral composé, d'une part, de délégués consulaires, eux-mêmes élus par les commerçants et, d'autre part, des juges consulaires en exercice et des anciens juges du tribunal concerné.

À l'initiative du Sénat, la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle, dite « J21 », tout en étendant la compétence des tribunaux de commerce aux litiges entre artisans, a inclus ces mêmes artisans parmi les membres du collège électoral des délégués consulaires et les personnes éligibles aux fonctions de juge consulaire. Cette réforme devait s'appliquer à compter du 1 er janvier 2022.

Toutefois, ce régime électoral à deux degrés ne donnait pas satisfaction. La participation à l'élection des délégués consulaires était faible, celle des délégués eux-mêmes à l'élection des juges l'était également. Il est donc apparu nécessaire de réformer le mode d'élection des juges des tribunaux de commerce pour le simplifier et resserrer les liens entre les tribunaux et leur base électorale, c'est-à-dire le monde de l'entreprise.

C'est pourquoi la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (Pacte) a prévu que les juges consulaires seraient désormais élus par les membres des chambres de commerce et d'industrie (CCI) et des chambres de métiers et de l'artisanat (CMA), qui sont eux-mêmes élus tous les cinq ans par les ressortissants des chambres - commerçants et sociétés commerciales d'un côté, artisans de l'autre. L'institution des délégués consulaires est donc supprimée. En revanche, les juges consulaires en exercice et anciens juges font toujours partie, ès qualités, du corps électoral.

Cette réforme doit entrer en vigueur à compter de la fin du mandat des délégués consulaires élus en 2016, soit le 2 novembre 2021. En pratique, elle ne doit donc s'appliquer qu'à compter des élections de juges consulaires prévues en octobre 2022.

Or cette réforme a eu des effets collatéraux qui n'ont pas été perçus lors de l'adoption de la loi Pacte.

Jusqu'à la loi Pacte, la loi définissait le champ des personnes éligibles aux fonctions de juge consulaire par référence au corps électoral des délégués consulaires. Sous réserve de satisfaire à un certain nombre de conditions supplémentaires, toutes les personnes inscrites, dans le ressort du tribunal ou des tribunaux limitrophes, sur la liste électorale pour l'élection des délégués consulaires étaient éligibles aux fonctions de juge. Or, à côté des commerçants ou des représentants des sociétés commerciales, les juges consulaires en exercice et les anciens juges participaient à l'élection des délégués consulaires.

Désormais, la loi définit le champ des personnes éligibles aux fonctions de juge consulaire par référence au corps électoral des membres des CCI et CMA. Or les juges et anciens juges ne participent pas, en tant que tels, à l'élection des membres des chambres consulaires.

En d'autres termes, la loi Pacte a accidentellement privé de l'éligibilité les juges consulaires en exercice et les anciens juges dans le tribunal et les tribunaux limitrophes. C'est d'autant plus paradoxal que les juges en exercice dans les tribunaux non limitrophes demeurent, pour leur part, éligibles, en application d'une disposition spéciale.

L'inéligibilité des juges en exercice et anciens juges aurait des conséquences catastrophiques pour les tribunaux de commerce. Pour la seule année 2021, sur 793 juges consulaires dont le mandat arrive à expiration, entre 450 et 500 deviendraient inéligibles si la loi n'était pas modifiée. Il s'agit, en général, des magistrats les plus expérimentés, parmi lesquels le président du tribunal est très souvent choisi. Les tribunaux de commerce ne peuvent tout simplement pas se passer de leurs services.

C'est ce qui a conduit notre collègue Nathalie Goulet à déposer cette excellente proposition de loi, qui vise à rétablir l'éligibilité des juges consulaires en exercice dans le tribunal et les tribunaux limitrophes.

Le Gouvernement a perçu tout l'intérêt de ce texte, puisqu'il a engagé la procédure accélérée pour son examen et qu'il l'a inscrit à l'ordre du jour de la session extraordinaire. Bien plus, les élections consulaires prévues en octobre 2021 ont été repoussées par décret jusqu'à fin novembre, afin que cette proposition de loi puisse être adoptée d'ici là. Il est impératif qu'elle entre en vigueur avant le 22 octobre, date du début des opérations préélectorales.

Je vous proposerai donc d'adopter cette proposition de loi très bienvenue, tout en la complétant par d'autres dispositions relatives au régime électoral des juges consulaires. Il s'agit également de dispositions tout à fait consensuelles, qui ne sont donc pas de nature à retarder l'adoption définitive du texte.

En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, il nous revient d'arrêter le périmètre indicatif du projet de loi. Je vous propose de considérer que ce périmètre comprend les dispositions relatives au régime électoral des juges consulaires. En revanche, il ne comprend ni les règles de droit commercial de fond ni les règles de compétence de la juridiction commerciale.

M. André Reichardt . - Je veux rappeler la spécificité du droit local en Alsace-Moselle, où il n'y a pas de tribunaux de commerce.

EXAMEN DES ARTICLES

Article unique

M. François Bonhomme , rapporteur . - Comme je vous l'ai dit, la proposition de loi de Nathalie Goulet vise à rétablir l'éligibilité des juges en exercice dans le tribunal et les tribunaux limitrophes.

Il me paraît opportun de rétablir également l'éligibilité des anciens juges. Une cinquantaine de juges aujourd'hui en fonctions s'étaient portés candidats et avaient été élus en cette qualité. Il serait dommage de se priver de ces compétences.

Par ailleurs, je vous propose de rétablir l'inéligibilité liée à certaines condamnations pénales et civiles, qui a malencontreusement disparu avec la loi Pacte. Tel est l'objet de l'amendement COM-1 .

L'amendement COM-1 est adopté.

Articles additionnels après l'article unique

M. François Bonhomme , rapporteur . - Jusqu'en 2016, les juges consulaires ayant effectué quatre mandats successifs dans un même tribunal devaient observer un « délai de viduité » d'un an avant d'y être élus à nouveau.

Afin d'assurer le renouvellement des juges, la loi « J21 » a entendu limiter strictement à quatre le nombre de mandats dans un même tribunal, seuil relevé à cinq mandats par la loi Pacte. Or cette réforme a été entièrement privée d'effet par une interprétation du Conseil d'État, qui a estimé que cette inéligibilité ne s'applique que si les cinq mandats ont été continus.

Je vous propose donc, au travers de l'amendement COM-2 , de réaffirmer l'intention du législateur en levant toute ambiguïté.

L'amendement COM-2 est adopté et devient un article additionnel.

M. François Bonhomme , rapporteur . - L'amendement COM-3 vise à préciser la composition du corps électoral des juges consulaires. Il élève au rang législatif certaines conditions imposées aux anciens juges pour participer à l'élection, introduites par le décret du 11 février 2021 alors qu'elles relèvent du domaine de la loi.

S'agissant des anciens juges frappés de déchéance, il aligne la durée pendant laquelle ils sont privés de capacité électorale sur celle de leur inéligibilité.

L'amendement COM-3 est adopté et devient un article additionnel.

M. François Bonhomme , rapporteur . - Selon le calendrier établi par la loi Pacte, les premières élections de juges consulaires par le nouveau collège électoral devaient avoir lieu en octobre 2022. En effet, la réforme devait entrer en vigueur à compter de la fin du mandat des délégués consulaires élus en 2016, soit le 2 novembre 2021, après les élections de 2021.

Or, je vous l'ai dit, le Gouvernement a reporté cette année les élections de plusieurs semaines. Elles se tiendront du 22 novembre au 5 décembre 2021. De ce fait, si la loi n'est pas modifiée, c'est le nouveau collège électoral qui sera appelé à participer aux élections de 2021. C'est impossible en pratique, compte tenu des dates prévues pour les élections au sein des CCI et CMA. Il est donc indispensable de proroger jusqu'au 31 décembre 2021 le mandat des délégués consulaires élus en 2016. Tel est le sens de l'amendement COM-4 .

L'amendement COM-4 est adopté et devient un article additionnel.

Mme Nathalie Goulet . - Les lois « balais » que l'on nous propose peuvent avoir des effets indésirables, preuve qu'il n'est pas toujours très opportun de légiférer en urgence. J'ai été au bon endroit au bon moment pour proposer ce texte. Je remercie le rapporteur !

M. François Bonhomme , rapporteur . - Je remercie à mon tour Nathalie Goulet, qui a fait preuve de sagacité et de réactivité. Sans cette proposition de loi, nous aurions eu un problème considérable en perdant un vivier précieux pour les tribunaux de commerce.

La proposition de loi est adoptée à l'unanimité dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article unique

M. BONHOMME, rapporteur

1

Eligibilité des juges consulaires en exercice et anciens juges ; inéligibilité liée à certaines condamnations

Adopté

Articles additionnels après l'article unique

M. BONHOMME, rapporteur

2

Limitation à cinq du nombre de mandats, successifs ou non, dans un même tribunal

Adopté

M. BONHOMME, rapporteur

3

Précisions relatives au corps électoral

Adopté

M. BONHOMME, rapporteur

4

Prorogation du mandat des délégués consulaires élus en 2016

Adopté

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page