III. LES STIPULATIONS DE L'ACCORD

Le présent accord, conclu à la demande du Kosovo, a donc pour objet, sur la base de la réciprocité, de faciliter l'accès au marché du travail local des membres des familles des agents des missions officielles qui s'en trouvent parfois empêchés par leur statut diplomatique ou consulaire particulier.

A. UN NOMBRE RESTREINT DE BÉNÉFICIAIRES ET DES PERSPECTIVES LIMITÉES AU KOSOVO

L'accord, similaire à ceux précédemment examinés par le Parlement, bénéficiera à un nombre limité de personnes. D'après les informations transmises par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) :

- notre représentation diplomatique au Kosovo compte treize agents ; seulement trois conjoints seraient susceptibles de bénéficier des dispositions de l'accord ;

- le Kosovo est représenté par une ambassade à Paris et un consulat à Strasbourg, qui comptent respectivement huit et quatre agents ; le Quai d'Orsay estime entre trois et cinq le nombre de personnes susceptibles de solliciter une autorisation de travail, toutes conjoints d'agents.

Si l'accord ne mentionne pas explicitement les militaires (attachés de défense, etc.), il les inclut a priori dans la mesure où ils sont titulaires d'un passeport diplomatique ou de service. Ainsi, les personnes à charge des militaires français en poste au Kosovo pourraient bénéficier des dispositions du présent accord.

D'ailleurs, le service du protocole du MEAE a été saisi d'une demande kosovare, validée en février 2021, émanant du fils de l'attaché militaire de l'ambassade qui souhaitait exercer une activité salariée. En revanche, notre ambassade à Pristina n'a, jusqu'à présent, initié aucune demande en ce sens.

Les perspectives professionnelles sont très restreintes au Kosovo : le taux de chômage y dépasse les 30 % et les niveaux de rémunération restent modestes 6 ( * ) . Toutefois, des possibilités existent pour des personnes souhaitant travailler au sein de l'école française internationale de Pristina (association de droit local) ou pour l'une des entreprises françaises présentes sur place. Par ailleurs, le club d'affaires francophone au Kosovo (KOCAF), lancé en mars 2017, a organisé à Pristina le forum francophone d'investissement, ce qui laisse présager quelques opportunités professionnelles pour nos ressortissants.

B. UN ACCORD DE FACTURE CLASSIQUE

L'initiative de cet accord revient à la partie kosovare. Sa conclusion revêtait un caractère particulièrement utile pour son ambassade dont les agents font face au coût élevé de la vie à Paris.

Les stipulations de cet accord ne sont pas différentes des accords similaires conclus par la France puisqu'il en reprend les définitions des « membres des missions officielles » et des « personnes à charge » bénéficiaires des accords, ainsi que les procédures d'autorisation de travail et les dispositions habituelles sur les immunités civiles ou administratives et les immunités de juridiction. Il convient de souligner à cet égard que le Kosovo n'est pas partie aux conventions de Vienne, mais en applique les dispositions de manière tout à fait satisfaisante selon le Quai d'Orsay.

1. Objet et définitions

Aux termes de l' article 1 er , « les membres de la famille du personnel diplomatique, consulaire, technique et administratif affecté dans une mission officielle de leur Gouvernement dans l'autre État sont autorisées à exercer un emploi salarié dans l'État d'accueil, dans les mêmes conditions que les ressortissants dudit État, sous réserve qu'ils remplissent les conditions législatives et réglementaires exigées pour l'exercice de leur profession, une fois obtenue l'autorisation correspondante ».

Les termes employés dans l'accord sont définis à l' article 2 :

- les « missions officielles » font référence aux missions diplomatiques régies par la convention de Vienne de 1961, aux postes consulaires régis par celle de 1963 et aux représentations permanentes des États parties à l'accord auprès des organisations internationales ayant conclu un accord de siège ou y ayant un bureau ;

- l'expression « membres de la famille » désigne quant à elle :

o pour la partie kosovare accueillie en France, « le conjoint marié de même sexe ou de sexe différent ou le partenaire lié par un contrat d'union légale disposant d'un titre de séjour spécial délivré par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères » ,

o pour la partie française accueillie au Kosovo, la catégorie de personnes susmentionnée, à laquelle s'ajoutent les enfants célibataires âgés de moins de 21 ans qui vivent à la charge et au foyer de leurs parents, ainsi que les enfants célibataires qui vivent à la charge de leurs parents et qui présentent un handicap physique ou mental.

Ainsi, le champ d'application personnel est plus large pour les familles des agents français que pour celles des agents kosovars.

Par ailleurs, il est à noter que le Kosovo s'est engagé, dans une déclaration unilatérale signée le 4 septembre 2020 à Washington, à apporter sa contribution pour la dépénalisation de l'homosexualité à l'échelle internationale. L'article 37 de sa Constitution autorise ainsi le mariage homosexuel, mais son droit civil ne l'a pas encore intégré 7 ( * ) . Toutefois, le MEAE a récemment été informé de l'accréditation du partenaire de même sexe d'un agent de l'ambassade de France pacsé, qui avait reçu une carte diplomatique. Par conséquent, le présent accord devrait s'appliquer sans difficulté aux couples de même sexe. L'accord précise d'ailleurs qu'il concerne, pour l'accueil au Kosovo, « le conjoint marié ou le partenaire lié par un contrat d'union légale en conformité avec les lois de l'État d'envoi » , c'est-à-dire en conformité avec la législation française.

2. Procédure

La procédure de demande d'une autorisation de travail est détaillée à l' article 3 de l'accord. Cette procédure implique plusieurs obligations :

- l'ambassade de l'État d'envoi doit adresser la demande au protocole du ministère des affaires étrangères de l'autre partie, qui précisera, entre autres, l'emploi envisagé, les coordonnées du potentiel employeur et le niveau de salaire attendu. Dans les trois mois suivant l'autorisation de travail, l'ambassade devra fournir la preuve que l'intéressé et son employeur se conforment à la législation de l'État d'accueil en matière de protection sociale ;

- le membre de la famille à l'origine de la demande doit présenter une nouvelle demande en cas de changement de situation professionnelle (nouvel employeur, souhait d'occuper un emploi non salarié). En outre, il doit se conformer à la législation du pays d'accueil relative aux professions réglementées ; à cet égard, l'accord précise que l'autorisation peut être refusée si l'emploi envisagé est réservé par la législation de l'État d'accueil à ses seuls ressortissants, pour des raisons tenant à la sécurité et à l'ordre publics. En outre, les dispositions de l'accord n'impliquent pas la reconnaissance des niveaux et études entre les deux États.

Aux termes de l'article 3, l'autorisation accordée cessera lorsque les fonctions de l'agent auront pris fin, ou lorsque le bénéficiaire n'aura plus la qualité de « membre de la famille » telle que définie à l'article 2.

Le présent accord s'applique à tout emploi salarié, c'est-à-dire à toute activité professionnelle encadrée par un contrat de travail régi par la législation de l'État d'accueil et impliquant la perception d'un salaire. L' article 7 prévoit toutefois la possibilité d'exercer un emploi non salarié ; ces demandes seront examinées au cas par cas, au regard des dispositions législatives et réglementaires de l'État d'accueil. Le cas échéant, les dispositions du présent accord leur seront applicables.

En France, la procédure de demande d'autorisation provisoire de travail pour l'exercice d'une activité salariée est prévue par les dispositions des articles L5221-5 et suivants du code du travail. S'agissant des professions réglementées, le respect des conditions d'exercice est vérifié conformément aux dispositions des articles R5221-4 et R5221-20 du code du travail.

En 2018, trente-huit demandes d'autorisations de travail ont été adressées au ministère de l'intérieur, mais aucune ne concernait l'exercice d'une profession réglementée : seulement cinq autorisations ont été délivrées à des ayants droit d'agents des missions diplomatiques en France, contre six l'année précédente. Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères relève à ce titre que les accords organisant l'emploi des conjoints, ainsi que les pratiques issues des échanges de notes verbales, profitent davantage aux conjoints d'agents français qu'à ceux des autres États.

3. Immunités civiles, administratives et pénales

Les articles 4 et 5 traitent des immunités civiles, administratives et pénales.

Les immunités de juridiction civile, administrative et d'exécution ne s'appliquent pas dans le cadre de l'exercice d'une activité professionnelle, à la différence de l'immunité pénale. Toutefois, en cas de délit grave commis dans le cadre professionnel, l'immunité de juridiction pénale peut faire l'objet d'une demande de renonciation de la part de l'État accréditaire ; en revanche, cette demande ne sera pas applicable à l'exécution de la sentence, qui devra faire l'objet d'une renonciation spécifique.

4. Régimes fiscal et de protection sociale

S'agissant de la protection sociale du salarié, l' article 6 prévoit que « les membres de la famille sont soumis à la législation applicable en matière d'imposition et de sécurité sociale de l'État d'accueil pour tout ce qui concerne leur emploi salarié dans cet État » . Ainsi, en application de l'article L160-1 du code de la sécurité sociale, les intéressés devront être affiliés à l'assurance maladie française dès lors qu'ils exercent une activité professionnelle en France.

En outre, les intéressés sont soumis à la législation fiscale de l'État d'accueil pour ce qui concerne l'imposition de leurs revenus.

Enfin, l'article 6 précise, d'une part, que les privilèges douaniers cessent à compter de la date d'autorisation d'exercer un emploi salarié, et d'autre part, que les bénéficiaires ont la possibilité de transférer leurs revenus et indemnités accessoires dans les mêmes conditions que celles prévues par la réglementation de l'État d'accueil pour les travailleurs étrangers.

5. Dispositions finales

L' article 8 précise que l'accord s'applique, en France, aux membres de la famille des agents des missions officielles implantées dans les territoires métropolitains, ainsi que dans les collectivités ultramarines figurant en annexe, à savoir la Guadeloupe, la Martinique, La Réunion, la Guyane et Mayotte.

Enfin, les articles 9 et 10 traitent, de manière classique, de règlement des différends et d'entrée en vigueur de l'accord. À ce titre, le Kosovo a informé la partie française, en septembre 2020, de l'achèvement de son processus de ratification interne.


* 6 D'après l'étude d'impact, le salaire mensuel moyen au Kosovo s'élevait, en 2018, à 558 euros.

* 7 En raison d'un agenda législatif particulièrement chargé avec l'arrivée d'un nouveau gouvernement au mois de février dernier, il n'est pas possible de prévoir l'échéance à laquelle le projet de revue du code civil, et donc la reconnaissance du mariage homosexuel, sera adopté.

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