EXAMEN EN COMMISSION

La commission s'est réunie le jeudi 17 juin 2021 pour l'examen du présent rapport. À l'issue de la présentation faite par les rapporteurs, le débat suivant s'est engagé :

M. Pierre Cuypers . - La règle de l'unanimité sur ces sujets ne risque-t-elle pas d'être un facteur de blocage ?

Mme Gisèle Jourda, rapporteure . - Tout dépend des dispositions envisagées. Si elles relèvent de l'affectation des sols, le Conseil statue en effet à l'unanimité. Concernant la proposition de directive-cadre de 2006, son adoption a été bloquée par quatre États, malgré l'appui du Parlement. Nous avons bon espoir de lever ces freins en cherchant à fédérer. Nous plaidons pour remplacer des mesures disparates par un cadre juridique global, comme il en existe pour l'air ou pour l'eau. Ceux-ci ont donné lieu à des évaluations positives ; pourtant, lorsqu'ils ont été mis en place, les inquiétudes étaient nombreuses. Le Pacte vert est l'occasion d'harmoniser les dispositifs et de définir un cadre de référence pour réduire la pollution. La crainte de mesures contraignantes n'est pas fondée, car parmi les mesures disparates existantes, certaines sont déjà contraignantes. Certains pays ont déjà avancé sur une législation en matière de pollution des sols. Ils ne devraient pas s'opposer à cette proposition de directive. Mais il existe toujours un risque de blocage... En tout cas, le ministère souhaite que l'on parvienne à un texte pendant la présidence française du Conseil de l'Union européenne, et notre commission pose les premiers jalons de la voie à suivre.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ . - Sait-on quels pays soutiennent cette idée d'une directive ? L'Espagne ou l'Allemagne n'ont peut-être pas la même approche.

Mme Gisèle Jourda, rapporteure . - Il est encore trop tôt pour répondre. Les pays qui ont déjà une législation sur les sols ne devraient pas s'y opposer. Le projet de directive de 2006 a échoué, car plusieurs pays ont eu peur de mesures contraignantes. Ils ont cru que l'Europe allait pouvoir enjoindre les États de dépolluer leurs sols, ce qui peut être difficile et coûteux. Or, en l'occurrence, il ne s'agit pas de cela. L'enjeu est de fixer un cadre commun, de définir des principes. Chaque État sera libre ensuite d'élaborer son plan d'action.

L'approche des sols a changé. Elle est devenue tridimensionnelle, prenant en compte la surface, le sous-sol et la biodiversité. Les sols sont vivants, et la pollution les modifie et se diffuse. Les pollutions ne connaissent pas les frontières. Les nuages non plus... Je rappelle d'ailleurs que la frontière n'a pas toujours été une ligne, mais était, auparavant, une marche.

Nous voulons simplement que nos sols ne soient pas les oubliés du Pacte vert. Il importe de les respecter et de ne plus martyriser notre terre. Dans la vallée de l'Orbiel, dans l'Aude, vallée touristique connue notamment pour ses châteaux cathares, la pollution n'est pas visible de premier abord. Pourtant, les exploitants de l'ancienne mine d'or ont enfoui des déchets toxiques importés d'Australie, de Suisse, ou du Japon, pour gagner de l'argent, sans mesurer les risques de pollutions. Or, à la suite des pluies et d'inondations, des matières dangereuses ont été déplacées et la zone est polluée au cadmium et à l'arsenic. Nous proposons une directive-cadre pour fixer de grandes orientations, plutôt que des injonctions.

M. André Reichardt . - Je soutiens l'idée d'un cadre global, dans le respect de la subsidiarité.

La question financière est cruciale. Les coûts de dépollution sont considérables. Nous le constatons en Alsace : on ne peut revenir sur l'enfouissement des déchets ultimes, car cela coûte trop cher, même si ce n'est pas dit explicitement...

La prévention est moins coûteuse que la dépollution. Avec la subsidiarité, il appartiendra aux pays de trouver les meilleures manières de procéder. Attention toutefois à ne pas prendre des mesures susceptibles de nuire à la compétitivité. Si un pays instaure des taxes ou des mesures contraignantes, il risque de perdre en attractivité par rapport à ses voisins ; à l'échelle des continents, c'est l'Europe qui risque d'être pénalisée par rapport à d'autres continents qui n'ont pas les mêmes scrupules. Voyez ce que fait la Chine dans l'exploitation des sols des autres pays, par exemple en Afrique de l'Ouest : des investisseurs chinois pillent les terres rares ou les ressources du sol, puis partent, en laissant la pollution.

M. Pierre Laurent . - Je soutiens la proposition de résolution européenne. Si l'on ne donne pas une impulsion politique forte, on n'avancera jamais. Les enjeux sont considérables. La dépollution pose des problèmes financiers et juridiques : qui est responsable ? Qui doit payer ? Une directive-cadre aura aussi l'intérêt de mettre l'accent sur la prévention. Tous les acteurs sont concernés : États, collectivités locales, acteurs économiques, etc. Les organisations syndicales peuvent aider à faire pression pour avancer.

M. Pierre Louault . - Que pense l'armée de ce projet ? Plusieurs terrains militaires sont concernés par des pollutions.

Mme Gisèle Jourda, rapporteure . - Notre sujet était centré sur la pollution liée à l'activité industrielle et minière.

Le projet de directive a achoppé en partie pour des raisons financières. Mais, avec le Pacte vert, l'approche est différente. La commission d'enquête avait préconisé la création d'un fonds de dépollution, car celle-ci ne doit pas reposer uniquement sur les collectivités. Nous voulons avant tout donner une impulsion. Mais rien n'interdit d'envisager également, à terme, la création d'un fonds européen : souvenez-vous du fonds européen de la défense, qui est parti d'une proposition de notre commission.

M. Jean-François Rapin, président . - Je vous remercie. Je vais mettre aux voix la proposition de résolution européenne.

La commission des affaires européennes a autorisé la publication du rapport et a adopté, à l'unanimité, la proposition de résolution européenne dans la rédaction issue de ses travaux.

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