B. LA NÉCESSITÉ D'UNE VÉRITABLE AMBITION POUR LA PROTECTION DES SOLS À L'ÉCHELLE DE L'UNION EUROPÉENNE

Les rapporteurs, également auteurs de la proposition de résolution, considèrent que des règles communes, et par conséquent harmonisées, ainsi qu'un véritable cadre juridique européen contraignant pour la protection des sols sont plus que jamais indispensables . L'exposé des motifs de cette proposition fait ainsi valoir la nécessité de porter une véritable ambition sur ce sujet : « Si la présentation de l'ensemble de ces éléments a pour objectif de dresser le bilan de l'arsenal législatif européen face à un passif sanitaire et environnemental de plus en plus préoccupant sur nos territoires hexagonaux et ultramarins parsemés de sols contaminés par des agents toxiques, elle met surtout en lumière la nécessité d'aller plus loin et plus vite pour protéger les citoyens et les sols de ces dangers » .

La proposition de résolution formule deux demandes , d'une part, la relance du processus d'élaboration d'une directive européenne sur la protection des sols et la prévention de leur dégradation par les activités industrielles et minières, et d'autre part, l'inclusion dans ce texte d'une injonction aux États membres d 'établir une cartographie nationale des risques sanitaires et environnementaux liés aux pollutions des sols , à partir des données dont ils disposent et des résultats d'un programme d'identification des risques associés à une liste de substances polluantes dont la surveillance est identifiée comme prioritaire. Enfin, elle invite à faire valoir cette position dans les négociations au Conseil.

Cette démarche intervient après l'adoption par le Parlement européen, le 28 avril 2021, d'une résolution sur la protection des sols , qui envisage un dispositif similaire. Les députés européens demandent « à la Commission d'élaborer un cadre juridique commun à l'échelle de l'Union, dans le plein respect du principe de subsidiarité, sur la protection et l'utilisation durable des sols » . Ils insistent également sur l'importance de prévoir des dispositions relatives à la cartographie des zones à risques et des sites contaminés.

Une action commune de l'Union européenne est jugée, par les rapporteurs, à la fois essentielle et légitime. En effet, les progrès réalisés par les États membres pour garantir une gestion durable des sols sont extrêmement inégaux. Pour l'instant, la protection des sols et la prévention de leur dégradation dépendent largement de la volonté des États membres qui choisissent, en fonction de leur approche particulière, de mettre en oeuvre une législation soit spécifique soit sectorielle. Ils ont ainsi élaboré, jusqu'à présent, des instruments juridiques plus ou moins contraignants en matière de protection des sols et de prévention de leur dégradation. Il est essentiel à présent de s'orienter vers une harmonisation de la règlementation pour mettre en oeuvre plus efficacement les politiques environnementales définies par l'Union européenne .

Les rapporteurs considèrent qu'une intervention au niveau européen se justifie en raison du lien qu'entretiennent les sols avec les autres milieux naturels que sont l'eau et l'air, qui sont, eux, soumis à une réglementation européenne spécifique et reconnus en tant que milieux physiques dans le code de l'environnement. Il est temps de reconnaître le sol comme un milieu naturel et non plus seulement comme un support d'activités (sol-surface) ou un substract (sol-matière). Le droit ignore, en effet, son rôle de réservoir de la biodiversité. Par ailleurs, les disparités existantes entre les régimes nationaux de protection des sols, en imposant aux opérateurs économiques des obligations différentes, peuvent peser sur le bon fonctionnement du marché intérieur. Enfin, il ne faut pas non plus ignorer la nature transfrontière des risques écologiques.

L'Union européenne a besoin d'une « boîte à outils » efficace qui fixe, d'une part, les grands principes d'une politique de protection et de prévention de la dégradation des sols et, d'autre part, des objectifs, tout en laissant une marge d'appréciation significative aux autorités nationales dans sa mise en application, dans le respect du principe de subsidiarité . L'élaboration de la méthodologie pour prévenir la dégradation des sols devrait relever de la responsabilité des États membres.

La réalisation d'une cartographie nationale des risques sanitaires et environnementaux liés aux pollutions des sols, comme le recommande la commission d'enquête, constitue un préalable indispensable à l'objectif de restauration des écosystèmes dégradés à l'horizon 2030 et s'inscrit dans le cadre de la nouvelle stratégie de protection des sols qui doit être adoptée prochainement par la Commission européenne. Elle suppose deux étapes, comme l'a indiqué la direction générale du Bureau des risques : d'abord, l'identification des substances polluantes, et ensuite, l'évaluation des risques en fonction de l'usage des sols. Il s'agit par conséquent de privilégier une politique de gestion des risques sanitaires et environnementaux selon l'usage des sols. Les rapporteurs sont tout à fait conscients de l'importance des moyens financiers et humains nécessaires à la mise en application d'une telle disposition.

Ils proposent, par ailleurs, de rectifier la rédaction de l'alinéa 28 de la proposition de résolution dans un souci de clarification rédactionnelle.

Les rapporteurs souhaitent que cette ambition de faire évoluer le cadre juridique européen de la protection des sols, qui a été celle de la commission d'enquête du Sénat sur la pollution des sols, soit ainsi portée dans le cadre de la prochaine Présidence française du Conseil de l'Union européenne .

Par ailleurs, les politiques liées aux sols et aux terres relèvent dans de nombreux pays - c'est le cas notamment en France - de plusieurs ministères qui peuvent avoir des positions sensiblement différentes. C'est ainsi que la direction générale de la prévention des risques du ministère de la transition écologique a précisé que la France n'était pas opposée à ce que de nouvelles obligations soient fixées au niveau européen en matière de protection des sols dans le respect du principe de proportionnalité.

Lors de son audition par les rapporteurs, le Secrétariat général des affaires européennes a pour sa part indiqué que la position française était ambitieuse sur l'ensemble des volets liés à la protection environnementale et à la lutte contre le dérèglement climatique. Il a, cependant, indiqué que notre pays serait plus réservé dès lors qu'une initiative sur les sols remettrait en cause le principe de subsidiarité et rappelé son attachement au respect du principe pollueur-payeur. Enfin, il a souligné que la France privilégiait l'objectif de zéro artificialisation nette.

***

En conséquence, les rapporteurs proposent d'amender la proposition de résolution européenne, déposée par eux-mêmes et plusieurs de leurs collègues, en y apportant quelques corrections rédactionnelles , en vue de son renvoi à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page