B. LE CONSTAT DE L'ÉTAT MANIFESTE D'ABANDON

L'abandon manifeste de la parcelle est constaté en deux temps. Dans un premier temps, le maire établit un procès-verbal provisoire d'abandon manifeste après avoir déterminé la parcelle concernée et identifié « les titulaires de droits réels et autres intéressés » 6 ( * ) . Les titulaires de droits réels sont, en premier lieu, les titulaires du droit de propriété ou d'un de ses démembrements : nue-propriété ou usufruit. Il peut également s'agir de créanciers titulaires d'une sureté réelle assise sur le bien en cause résultant d'une hypothèque ou du nantissement de parts de sociétés civiles immobilières, par exemple. Il s'agit ici d'identifier toute personne ayant intérêt à faire obstacle à l'expropriation future du bien. Le procès-verbal provisoire mentionne ensuite la « nature des désordres affectant le bien auxquels il convient de remédier pour faire cesser l'état d'abandon manifeste » 7 ( * ) .

Une fois établi, le procès-verbal provisoire fait l'objet d'une large publicité. Il est affiché à la mairie ainsi que sur le lieu concerné, fait l'objet d'une publication dans les journaux locaux diffusés dans le département et est notifié aux propriétaires, aux titulaires de droits réels et aux autres intéressés. L'acte est réputé notifié par ces formalités si la personne en cause ou son adresse n'est pas connue.

Si, dans un délai de trois mois, les propriétaires n'ont pas mis fin à l'état d'abandon ou ne se sont pas engagés à le faire, la procédure peut se poursuivre 8 ( * ) . Un procès-verbal définitif est alors établi par le maire qui saisit le conseil municipal, en application de l'article L. 2243-3 du CGCT. Le conseil doit se prononcer sur l'opportunité de l'expropriation. Celle-ci ne peut bénéficier qu'à la commune elle-même, à un organisme y ayant vocation ou au concessionnaire d'une opération d'aménagement prévue par le code de l'urbanisme et ne peut avoir pour objet que « la construction ou de la réhabilitation aux fins d'habitat » ou « tout objet d'intérêt collectif relevant d'une opération de restauration, de rénovation ou d'aménagement » .

Le juge administratif a pu reconnaître que « l'utilisation de l'emplacement d'un bien abandonné dans le cadre d'activités portuaires, telles que l'installation d'un chantier naval » était « en lien avec l'activité économique de la commune [et] correspond[ait] à un intérêt collectif relevant d'une opération de restauration, de rénovation ou d'aménagement » 9 ( * ) . Il a également reconnu une telle qualification pour un projet portant sur la création de « quatre nouveaux logements, un restaurant, un commerce de proximité et des places de stationnement » 10 ( * ) ou « la restructuration d'un îlot urbain [avec] la création de quatre à six logements » 11 ( * ) . La qualification donnée par le juge est toujours en lien avec le bilan « coût/avantages » qu'il met en oeuvre pour juger de la légalité d'une procédure d'expropriation 12 ( * ) et par laquelle il apprécie in concreto que « les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social [que l'opération] comporte se sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente » 13 ( * ) .

Par exemple, dans le cas de la restructuration de l'îlot urbain évoqué supra , le tribunal administratif de Dijon a considéré que « ce projet, en cohérence avec le plan local d'urbanisme et le plan local de l'habitat communautaire, permet de favoriser et diversifier le logement social dans une zone urbaine et de sécuriser les cheminements piétonniers du quartier [et] qu'il n'est pas établi que le coût de cet aménagement, qui est estimé à la somme de 681 000 euros, excède les capacités financières de la commune, ou soit disproportionné à l'intérêt que le projet présente pour celle-ci  » 14 ( * ) .


* 6 Article L. 2243-2 du CGCT.

* 7 Ibidem .

* 8 La mention, à l'article L. 2243-3 du CGCT, des seuls propriétaires ne semble pas ici faire obstacle à l'exercice d'une action oblique d'un créancier intéressé en application de l'article 1341-1 du code civil.

* 9 TA Amiens, 28 juin 2016, n° 1402735.

* 10 CAA Nancy, 3 e ch., 25 févr. 2016.

* 11 TA Dijon, 20 oct. 2009, n° 0701194.

* 12 CE, assemblée, 28 mai 1971, Ville du Nouvel Est, n° 78825.

* 13 Ibidem .

* 14 TA Dijon, 20 oct. 2009, n° 0701194.

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