N° 515

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 avril 2021

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi visant à moderniser et faciliter la procédure d' expropriation de biens en état d' abandon manifeste ,

Par M. François BONHOMME,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet , président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Alain Richard, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche , vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Jacky Deromedi, Agnès Canayer , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, M. Loïc Hervé, Mme Muriel Jourda, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Mikaele Kulimoetoke, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Thani Mohamed Soilihi, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mmes Lana Tetuanui, Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled .

Voir les numéros :

Sénat :

263 (2018-2019) et 516 (2020-2021)

L'ESSENTIEL

Réunie le 7 avril 2021 sous la présidence de François-Noël Buffet (Les Républicains - Rhône), la commission des lois a examiné le rapport de François Bonhomme (Les Républicains - Tarn-et-Garonne) sur la proposition de loi n° 263 (2018-2019) visant à moderniser et faciliter la procédure d'expropriation de biens en état d'abandon manifeste déposée par Jacques Mézard, ancien sénateur (Rassemblement Démocratique et Social Européen - Cantal) et inscrite à l'ordre du jour de l'espace réservé du Groupe Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Cette proposition de loi tend à apporter des modifications ciblées à la procédure de « déclaration de parcelle en état manifeste d'abandon » prévue par le code général des collectivités territoriales (CGCT). Elle permet à une commune de contraindre un propriétaire à remédier à l'état d'abandon de son immeuble ou, à défaut, de procéder à l'expropriation de celui-ci suivant une procédure simplifiée.

Suivant l'avis de son rapporteur, la commission des lois a adopté la proposition de loi après l'avoir modifiée par plusieurs amendements notamment destinés à étendre son champ d'application.

I. LA PROCÉDURE DE DÉCLARATION DE PARCELLE EN ÉTAT MANIFESTE D'ABANDON

La procédure de « déclaration de parcelle en état manifeste d'abandon » (DPEMA) prévue par le code général des collectivités territoriales 1 ( * ) est une des procédures exorbitantes permettant aux communes d'accéder à la propriété en dehors de toute cession à titre onéreux. À ce titre, les communes peuvent également bénéficier de dons et legs dans le cadre d'une procédure prévue par le CGCT 2 ( * ) et acquérir les « biens sans maître » définis à l'article L. 1123-1 du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P), selon la procédure prévue aux articles suivants.

L'État est, en revanche, la seule personne morale de droit public à pouvoir prétendre aux successions en déshérence en application de l'article L. 1122-1 du CG3P 3 ( * ) .

La procédure de DPEMA est originale puisque le transfert de propriété au bénéfice de la commune n'est pas sa seule finalité. Dans un premier temps, ce transfert est un moyen de pression sur le propriétaire qui est invité à mettre fin à l'abandon manifeste de son fonds une fois que celui-ci est constaté par le maire de la commune concernée. Le transfert de propriété n'intervient que dans un second temps, si le propriétaire ne s'exécute pas. En ce sens, il peut s'agir pour le maire d'une alternative aux mesures de police administrative spéciale en matière d'habitat insalubre ou d'immeuble menaçant ruine s'il souhaite, in fine , que la commune s'approprie le bien.

Cette procédure répond donc à une problématique souvent rencontrée par les maires qui doivent se substituer aux propriétaires défaillants pour effectuer des travaux sans pour autant parvenir à obtenir un quelconque remboursement de ce propriétaire. Elle peut donc être perçue comme une alternative aux astreintes administratives développées par la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique dite loi « ELAN », pour inciter le propriétaire à mettre lui-même en oeuvre les travaux imposés par des mesures de police administrative spéciale 4 ( * ) .

A. LES BIENS CONCERNÉS PAR LA PROCÉDURE

La procédure de DPEMA ne concerne que des biens répondant à trois critères, en application de l'article L. 2243-1 du CGCT.

Le premier est relatif à la nature du bien puisque l'article L. 2243-1 précité vise limitativement les immeubles, les parties d'immeubles, les installations, les terrains et les voies privées assorties d'une servitude de passage public. Ces dernières sont les voies qui appartiennent, certes, à un particulier mais qui sont grevées par une servitude de passage interdisant leur fermeture au public.

Le deuxième critère est relatif à la situation géographique du bien puisqu'il doit être localisé « à l'intérieur du périmètre d'agglomération de la commune » . Comme le relève l'exposé général de la proposition de loi, la jurisprudence administrative entend ce terme comme excluant « les périmètres extérieurs des constructions groupées ou des enclos qu'ils joignent immédiatement » 5 ( * ) .

Enfin, le troisième critère est relatif à « l'abandon » du bien puisque l'article L. 2243-1 précité impose, d'une part, qu'il ne soit manifestement pas entretenu et, d'autre part, qu'il soit dépourvu d'occupants à titre habituel.

L'article L. 2243-1-1 du CGCT introduit par la loi ELAN de 2018 prévoit une présomption irréfragable d'abandon manifeste pour les parties d'immeubles situées dans le périmètre d'une opération de revitalisation de territoire « dès lors que des travaux ont condamné l'accès à cette partie » .


* 1 Articles L. 2243-1 à L. 2243-4.

* 2 Articles L. 2242-1 à L. 2242-4 du CGCT auxquels renvoie l'article L. 1121-4 du CG3P.

* 3 Cet article renvoie aux dispositions des articles 539 et 768 du code civil.

* 4 Voir notamment l'article 194 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique.

* 5 Conseil d'État, arrêt « Toret » du 23 décembre 1887 rappelée par la circulaire du 3 mars 1986 relative à la création et à l'agrandissement des cimetières.

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