EXPOSÉ GÉNÉRAL

Dès l'annonce de la réforme du franc CFA de l'Afrique de l'Ouest au mois de décembre 2019, la commission des finances du Sénat avait confié à nos collègues Nathalie Goulet et Victorin Lurel un travail de contrôle sur la Zone franc 1 ( * ) , sujet méconnu et objet de nombreuses critiques et idées reçues. Le rapporteur invite ainsi à se reporter à ces travaux pour une présentation plus approfondie des avantages, des inconvénients et des débats économiques et monétaires sur la Zone franc et les francs CFA.

C'est à l'aune des constats de ce rapport que le rapporteur examinera le présent projet de loi, qui vise à autoriser l'approbation du nouvel accord de coopération entre la France et l'UMOA.

Le 21 décembre 2019 à Abidjan , en présence du président de la République française Emmanuel Macron, le président ivoirien Alassane Ouattara, président en exercice de l'Union monétaire ouest-africaine (UMOA), avait en effet annoncé que la France et les États membres de l'UMOA avaient signé un nouvel accord de coopération monétaire , appelé à se substituer à celui de 1973. Cet accord définit le fonctionnement du franc CFA de l'Afrique de l'Ouest, monnaie commune des huit États membres de l'UMOA .

Dans le cadre du nouvel accord, si les fondamentaux de la coopération monétaire entre la France et l'UMOA sont conservés (garantie de convertibilité, parité fixe à l'euro), d'autres règles sont modifiées et modernisées, dans le sens d'une plus grande liberté pour les États membres de l'UMOA, la France ne jouant plus qu'un strict rôle de garant financier. L'approbation de cet accord est aujourd'hui soumise au Parlement.

I. L'ACCORD DE COOPÉRATION ENTRE LA FRANCE ET LES ÉTATS MEMBRES DE L'UMOA DÉFINIT LES GRANDS PRINCIPES DU FRANC CFA DE L'AFRIQUE DE L'OUEST

Les accords de coopération monétaire signés par la France en Afrique forment la « Zone franc ». Cette expression peut se révéler trompeuse : la Zone franc regroupe deux zones monétaires distinctes - l'Union monétaire ouest-africaine [UMOA] et la Commission économique et monétaire d'Afrique centrale [Cemac] - ainsi que l'Union des Comores ; chaque ensemble disposant de sa propre monnaie (francs CFA et comorien).

Les États membres de la Zone franc

Source : direction générale du Trésor, « La Zone franc »

A. LES PRINCIPES DE FONCTIONNEMENT DE LA ZONE FRANC SONT DÉFINIS PAR LES ACCORDS DE COOPÉRATION MONÉTAIRE

1. Trois accords de coopération monétaire, quinze pays associés

Le franc CFA est officiellement créé le 26 décembre 1945 2 ( * ) , après la ratification par la France des accords de Bretton Woods et sa première déclaration de parité au Fonds monétaire international (FMI). Le franc CFA désigne alors le « franc des colonies françaises d'Afrique » et la caisse centrale de la France d'Outre-mer est chargée, jusqu'en 1959, de son émission.

Dans les années 1960, de nouvelles institutions apparaissent afin de structurer la coopération économique et monétaire en Afrique de l'Ouest et en Afrique centrale : la Banque centrale des États de l'Afrique de l'Ouest (BCEAO) et la Banque des États de l'Afrique centrale (BEAC) en 1959, puis l'UMOA en 1962, qui devient l'Union économique et monétaire
ouest-africaine en 1994 (UEMOA) et enfin la Communauté économique et monétaire d'Afrique centrale (Cemac), également en 1994.

Dans les années 1970, les accords bilatéraux sont remplacés par trois accords de coopération monétaire, signés par la France avec :

- les huit États membres de l'Union monétaire ouest-africaine (UMOA) en 1973, dont la monnaie commune est le franc de la communauté financière africaine pour l'Afrique de l'Ouest (franc CFA - XOF) ;

- les six États membres de la Banque des États d'Afrique centrale (BEAC) en 1972, dont la monnaie commune est le franc de la coopération financière pour l'Afrique centrale (franc CFA - XAF) ;

- les Comores en 1979, dont la monnaie est le franc comorien (KMF).

Ces accords procèdent à une première modernisation des règles et des principes en vigueur depuis les années 1950, en diminuant le poids des représentants français et en transférant les sièges de la BCEAO et de la BEAC de Paris à respectivement Dakar et Yaoundé.

2. Au plan formel, les principes de fonctionnement de la Zone franc sont encadrés par des accords et des conventions

La coopération entre la France et l'UMOA, la Cemac et l'Union des Comores se traduit par l'existence de textes juridiques différents , propres à chacune des zones. Ils prennent la forme d'accords de coopération monétaire, complétés par des conventions.

Pour l'UMOA, objet du présent projet de loi, l'accord de coopération a été signé le 4 décembre 1973 puis complété par une convention de compte d'opérations , également signée au mois de décembre 1973. Cette dernière a été modifiée par deux avenants, en 2005 et en 2014.

La signature de ces accords montre qu'il s'agit d' un choix délibéré d'États souverains , associés, pour l'Afrique de l'Ouest et l'Afrique centrale, dans des unions économiques et monétaires. Le préambule de l'accord de coopération de 1973 souligne ainsi la « résolution des États de l'Afrique de l'Ouest [...] à demeurer en union monétaire ayant un institut d'émission commun ». Les accords de coopération 3 ( * ) précisent en outre que chaque État est libre de se retirer de l'accord. Le Mali s'est retiré de la Zone franc en 1962 avant de revenir en 1984. La Mauritanie a quitté l'UMOA en 1973, quittant de facto la monnaie commune.


* 1 Rapport d'information n° 729 (2019-2020) de Mme Nathalie GOULET et M. Victorin LUREL, fait au nom de la commission des finances, déposé le 30 septembre 2020 .

* 2 Pour un historique détaillé de la création du franc CFA et des institutions économiques et monétaires au sein de l'UMOA et de la Cemac, le rapporteur invite à nouveau à se reporter au rapport précité de nos collègues Nathalie Goulet et Victorin Lurel.

* 3 Articles 12 et 13 de l'accord de coopération entre la République française et les Républiques membres de l'Union monétaire ouest-africaine du 4 décembre 1973.

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