N° 271

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 13 janvier 2021

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels ,

Par Mme Marie MERCIER,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet , président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Alain Richard, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche , vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Jacky Deromedi, Agnès Canayer , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, M. Loïc Hervé, Mme Muriel Jourda, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Mikaele Kulimoetoke, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Thani Mohamed Soilihi, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mmes Lana Tetuanui, Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled .

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Sénat :

158 et 272 (2020-2021)

L'ESSENTIEL

Réunie le mercredi 13 janvier 2021 sous la présidence de François-Noël Buffet (Les Républicains - Rhône), la commission des lois a examiné le rapport de Marie Mercier (Les Républicains - Saône-et-Loire) sur la proposition de loi n° 158 (2020-2021) visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels , présentée par Annick Billon le 26 novembre 2020.

Cette proposition de loi a pour objet de créer un nouveau crime sexuel sur mineur de treize ans , de façon à poser dans le code pénal un interdit sociétal clair et de manière à mieux protéger les jeunes adolescents contre les violences sexuelles qui peuvent être commises par des adultes.

Ces dernières années, le Sénat a mené plusieurs travaux de contrôle 1 ( * ) qui ont montré que les violences sexuelles sur mineurs demeuraient trop rarement réprimées par les juridictions pénales. Trop souvent, les victimes n'osent pas dénoncer ce qu'elles ont subi et beaucoup de plaintes sont classées sans suite, faute de preuves.

La proposition de loi est examinée deux ans et demi après l'entrée en vigueur de la loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, dite loi Schiappa, Si cette loi a amélioré les dispositions pénales tendant à protéger les mineurs, elle n'a pas entièrement donné satisfaction à tous les acteurs de la protection de l'enfance, certains appelant de leurs voeux la création d'une nouvelle infraction, ou une modification de la définition du viol, afin qu'il ne soit plus nécessaire de s'interroger, au cours du procès pénal, sur l'éventuel consentement du jeune mineur qui aurait eu un rapport sexuel avec un majeur.

La commission des lois a complété le dispositif proposé afin notamment de souligner que la création d'une nouvelle infraction de crime sexuel sur mineur de treize ans ne doit pas affaiblir la protection due aux mineurs de treize à quinze ans et pour procéder aux nécessaires coordinations avec le code de procédure pénale. Elle a également adopté des amendements pour renforcer le volet préventif dans la lutte contre les violences sexuelles sur mineurs.

Suivant l'avis de son rapporteur, la commission des lois a adopté la proposition de loi ainsi modifiée .

I. LA PROPOSITION DE CRÉER UNE INFRACTION AUTONOME DE CRIME SEXUEL SUR MINEUR DE TREIZE ANS

La proposition de loi part du constat qu'il est souvent difficile de caractériser les éléments constitutifs du crime de viol, notamment lorsque la victime est mineure, ce qui conduit à une répression pénale insuffisante de ces infractions.

A. LE VIOL SUR MINEUR RESTE DIFFICILE À CARACTÉRISER

Deux éléments doivent être réunis pour caractériser l'infraction de viol :

- un élément matériel , constitué par un acte de pénétration sexuelle ;

- et un élément intentionnel , c'est-à-dire la conscience qu'a l'auteur d'exercer une coercition (par contrainte, violence, menace ou surprise) sur la victime. Cet élément intentionnel est indispensable pour ne pas pénaliser les relations sexuelles consenties.

La question du consentement se pose en des termes particuliers lorsque la victime est mineure. Dans certaines affaires, la jurisprudence a admis que le défaut de consentement pouvait résulter du très jeune âge de la victime, si celle-ci n'est pas en capacité de prendre la mesure des faits 2 ( * ) . En revanche, si le mineur est doué de discernement, le juge ne peut se fonder sur le seul critère de l'âge pour établir l'absence de consentement.

Cet état du droit conduit parfois à des situations choquantes, comme à Pontoise, en septembre 2017, où le parquet avait, dans un premier temps, décidé de ne pas retenir la qualification pénale de viol alors qu'une fillette de douze ans avait effectué une fellation à un adulte de vingt-huit ans ; ou en novembre 2017, avec l'acquittement, en première instance, par la cour d'assises de Seine-et-Marne d'un homme accusé d'avoir violé une fillette de onze ans.

Ces considérations conduisent les auteurs de la proposition de loi à préconiser la création d'une nouvelle infraction de crime sexuel sur mineur, qui reposerait sur la prise en compte du jeune âge de la victime sans qu'il soit nécessaire d'établir son absence de consentement.


* 1 Cf. le rapport d'information n° 529 (2018-2019) « Violences sexuelles sur mineurs en institution : pouvoir confier ses enfants en toute sécurité », fait par Marie Mercier, Michelle Meunier et Dominique Vérien au nom de la mission commune d'information sur les politiques publiques de prévention, de détection, d'organisation des signalements et de répression des infractions sexuelles susceptibles d'être commises par des personnes en contact avec des mineurs dans le cadre de l'exercice de leur métier ou de leurs fonctions ; et le rapport d'information n° 289 (2017-2018) « Protéger les mineurs victimes d'infractions sexuelles », fait par Marie Mercier au nom de la commission des lois.

* 2 Dans un arrêt du 7 décembre 2005, la chambre criminelle de la Cour de cassation a considéré que le très jeune âge des victimes (de dix-huit-mois à cinq ans) les rendait incapables de réaliser la nature et la gravité des actes qui leur étaient imposés. Dans une autre espèce, le 5 décembre 2007, la Cour de cassation a jugé que la contrainte résultait de l'incapacité de la victime, âgée de six ans au début des faits, à résister à l'emprise de son père et à donner un consentement valable à ses sollicitations.

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