CHAPITRE II
RENDRE PLUS EFFECTIFS ET CIBLÉS LES DISPOSITIFS DE LUTTE CONTRE LES OCCUPATIONS ILLÉGALES

Article 8
Renforcement de la procédure administrative d'évacuation d'office des résidences mobiles de gens du voyage en cas de stationnement illicite

L'article 8 de la proposition de loi vise à renforcer la procédure administrative d'évacuation d'office des résidences mobiles de gens du voyage en cas de stationnement illicite. Pour ce faire, il double la période durant laquelle la mise en demeure du préfet reste applicable, passant de sept à quatorze jours, assortit la mise en demeure d'un dispositif d'astreinte qui serait obligatoirement prononcé par le préfet dès lors que le maire, le propriétaire ou le titulaire du droit d'usage du terrain le demanderait, et contraint le préfet à procéder à l'évacuation d'office, dès lors que la mise en demeure n'a pas été suivie d'effet dans le délai fixé.

La commission a adopté cet article, en assurant l'opérationnalité et l'articulation des dispositifs proposés . Pour ce faire, elle a supprimé le dispositif d'astreinte , redondant avec la compétence liée du préfet et peu opérationnel.

Le maire d'une commune respectant ses obligations en matière d'accueil des gens du voyage peut, par arrêté, interdire le stationnement des résidences mobiles des gens du voyage en dehors des aires et terrains prévus à cet effet. En cas de stationnement effectué en violation dudit arrêté, le maire ou le propriétaire du terrain peut demander au préfet de procéder, après mise en demeure, à l'évacuation forcée des résidences mobiles. Cette procédure d'exception, qui ne nécessite pas un passage devant le juge, ne s'applique que si le stationnement est de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques .

L'article 8 de la proposition de loi tend à renforcer cette procédure . Pour ce faire, l'article propose de doubler la période durant laquelle la mise en demeure du préfet reste applicable, passant de sept à quatorze jours, d'assortir la mise en demeure d'un dispositif d'astreinte qui serait obligatoirement prononcé par le préfet dès lors que le maire, le propriétaire ou le titulaire du droit d'usage du terrain le demanderait, et de contraindre le préfet à procéder à l'évacuation d'office si la mise en demeure n'a pas été suivie d'effet dans le délai fixé.

1. L'existence d'une procédure administrative d'évacuation d'office des résidences mobiles des gens du voyage en cas de stationnement illicite, en complément des procédures juridictionnelles de droit commun

1.1. Une possibilité d'évacuation d'office des résidences mobiles en stationnement illégal, assortie de conditions strictes

L'article 24 de la loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance a créé une procédure administrative d'évacuation d'office des résidences mobiles de gens du voyage en cas de stationnement illicite, mise en oeuvre par le préfet à la demande du maire, du propriétaire du terrain ou du titulaire du droit d'usage . Après une mise en demeure qui n'aurait pas été suivie d'effet, le préfet peut procéder à l'évacuation forcée des résidences mobiles.

Cette procédure, qui déroge au principe selon lequel les décisions administratives ne sont pas susceptibles d'exécution d'office, est assortie de conditions strictes. Elle ne peut être mise en oeuvre que si :

- la commune est en conformité avec ses obligations en matière d'accueil des gens du voyage ;

- elle a pris un arrêté interdisant le stationnement en dehors des aires aménagées ;

- le stationnement est de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques.

Plus précisément, dans les communes concernées et à la demande du maire, du propriétaire ou du titulaire du droit d'usage, le préfet peut mettre en demeure les occupants de quitter les lieux . Il n'est pas en situation de compétence liée et conserve une marge d'interprétation dans la mise en oeuvre de ce pouvoir, afin notamment d'apprécier les atteintes à l'ordre public. Le préfet fixe le délai d'exécution de la mise en demeure, qui ne peut être inférieur à 24 heures. La mise en demeure peut faire l'objet d'un recours devant le tribunal administratif par les personnes destinataires de la décision ou le propriétaire ou le titulaire du droit d'usage du terrain. Le délai de recours est égal au délai d'exécution de la mise en demeure.

À défaut de recours ou si le recours a été infructueux, et si le terrain n'a pas été évacué, le préfet peut procéder à son évacuation forcée .

Afin d'éviter que des campements évacués ne se reconstituent immédiatement à faible distance, la mise en demeure du préfet reste applicable pendant sept jours si, pendant ce délai, les mêmes résidences mobiles se retrouvent en situation illicite sur le territoire de la commune ou le territoire de l'intercommunalité concerné.

DÉROULEMENT DE LA PROCÉDURE ADMINISTRATIVE D'ÉVACUATION

Source : Rapport n° 44 (2017-2018) de Catherine Di Folco, déposé le 25 octobre 2017.

La procédure peut être engagée dans les communes et aux conditions récapitulées ci-dessous :

Communes concernées

Cause de l'évacuation

Texte applicable

Communes inscrites au schéma départemental...

... ayant rempli leurs obligations

Violation d'un arrêté pris sur le fondement du I de l'art. 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000

Atteinte à salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques

II de l'art. 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000

... membres d'un EPCI compétent qui a rempli ses obligations

... bénéficiant d'un délai supplémentaire
de deux ans

... disposant d'un emplacement provisoire agréé par le préfet

... dotées d'une aire d'accueil alors même que l'EPCI auquel elles appartiennent n'a pas rempli ses obligations 64 ( * )

Communes non inscrites au schéma départemental...

... dotées d'une aire d'accueil

... qui décident,
sans y être tenues,
de contribuer au financement d'une aire d'accueil

Autres communes
non inscrites

Stationnement non autorisé

Atteinte à salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques

Art. 9-1 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000

Source : commission des lois du Sénat, à partir du rapport n° 44 (2017-2018)
de Catherine Di Folco, déposé le 25 octobre 2017.

Cette procédure d'évacuation d'office ne peut être mise en oeuvre que si le stationnement illicite est de nature à porter atteinte à la salubrité, la sécurité ou la tranquillité publiques . Le Conseil constitutionnel considère en effet, selon une jurisprudence constante, que « les mesures de police administratives susceptibles d'affecter l'exercice des libertés constitutionnellement garantie [...] doivent être justifiées par la nécessité de sauvegarder l'ordre public et proportionnées à cet objectif » 65 ( * ) .

Indépendamment de cette procédure spéciale, et comme le rappelait Catherine Di Folco, « le maire de toute commune conserve la faculté de faire évacuer d'office un campement sur le fondement de son pouvoir de police générale, en cas de risque grave pour l'ordre public et si l'urgence le justifie 66 ( * ) » 67 ( * ) .

1.2. Parallèlement, des possibilités d'action en justice

Les procédures administratives d'évacuation d'office en cas de stationnement illicite de résidences mobiles coexistent avec des possibilités d'action en justice dans le cadre du droit commun, mais également avec une procédure civile spéciale applicable au stationnement illicite de résidences mobiles sur un terrain affecté à une activité économique :

• La procédure d'expulsion devant le juge administratif

Toute personne publique qui y a un intérêt peut demander au juge administratif l'expulsion d'occupants sans droit ni titre du domaine publique. La procédure du référé est ouverte si la condition d'urgence est remplie 68 ( * ) ;

• Les procédures civiles

Toute personne publique 69 ( * ) ou privée, propriétaire d'un immeuble bâti ou non bâti, peut demander au juge civil l'expulsion d'un occupant sans titre, le cas échéant en référé 70 ( * ) .

L'article 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage prévoit par ailleurs une procédure judiciaire spéciale en cas d' occupation par des résidences mobiles d'un terrain privé affecté à une activité à caractère économique . Dès lors que cette occupation est susceptible d'entraver ladite activité, le propriétaire ou le titulaire d'un droit d'usage peut saisir le président du tribunal judiciaire aux fins de faire ordonner l'évacuation forcée des résidences mobiles. Dans ce cas, le juge statue en référé 71 ( * ) ;

• La procédure pénale

Le stationnement non autorisé de résidences mobiles est constitutif du délit prévu à l'article 322-4-1 du code pénal, puni d'un an d'emprisonnement et de 7 500 euros d'amende. Il peut donc faire l'objet de poursuites pénales sur ce fondement.

2. Renforcer la procédure administrative d'évacuation d'office

2.1. L'article 8 de la proposition de loi

Afin de garantir l'évacuation rapide des résidences mobiles des gens du voyage dès lors qu'elles stationnent de manière illégale, l'article 8 de la proposition de loi tend à renforcer la procédure administrative d'évacuation d'office prévue à l'article 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage en :

- doublant la période durant laquelle la mise en demeure du préfet reste applicable , passant de sept à quatorze jours ;

- assortissant la mise en demeure d'un dispositif d'astreinte , qui serait obligatoirement prononcé par le préfet dès lors que le maire, le propriétaire ou le titulaire du droit d'usage du terrain le demanderait ;

- contraignant le préfet à procéder à l'évacuation d'office , dès lors que la mise en demeure n'a pas été suivie d'effet dans le délai fixé.

2.2. La position de la commission des lois : mieux articuler les dispositifs afin de rendre effective la procédure d'évacuation d'office

Les occupations illicites, alors même que les communes respectent leurs obligations en matière d'accueil des gens du voyage, sont inacceptables. Elles portent une atteinte grave aux droits et libertés des personnes publiques ou privées propriétaires des terrains occupés. C'est la raison pour laquelle la commission des lois juge souhaitable de renforcer le dispositif d'évacuation administrative d'office afin de faire respecter la règlementation en matière de stationnement des gens du voyage . La commission a toutefois ajusté les dispositifs proposés afin, d'une part, de garantir le respect des droits et libertés des personnes concernées et, d'autre part, d'en assurer une meilleure articulation.

Le doublement de la période durant laquelle la mise en demeure du préfet reste applicable reprend une disposition adoptée par le Sénat à l'occasion de la discussion sur la proposition de loi relative à l'accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites, mais supprimée par l'Assemblée nationale. La commission des lois a considéré que cette disposition était de nature à empêcher que des campements illicites ne se reconstituent à proximité dans les jours qui suivent leur démantèlement et l'a donc adoptée.

L'articulation entre la possibilité d'astreinte et l'exécution forcée obligatoire a toutefois semblé à la commission devoir être repensée , les deux dispositifs étant redondants. Dès lors que l'évacuation forcée du terrain est obligatoire, le préfet étant en situation de compétence liée une fois la mise en demeure prononcée, il semble superfétatoire de prévoir une astreinte.

Au surplus, et en tout état de cause, dans le cadre d'un jugement d'expulsion en cas d'occupation illégale d'un terrain, le juge a déjà la possibilité de prononcer une astreinte. La commission a donc choisi, par l'adoption d'un amendement COM-12 de sa rapporteure, de supprimer la possibilité de prononcer une astreinte au profit de l'obligation pour le préfet de procéder à l'évacuation forcée en cas de mise en demeure qui n'aurait pas été suivie d'effets . La mise en demeure suppose en effet l'existence d'un trouble à l'ordre public. Alors que ce trouble a été établi, il n'est pas compréhensible pour les élus et les propriétaires que le préfet puisse décider de ne pas procéder à l'exécution d'office de la mise en demeure si celle-ci n'a pas été suivie d'effets dans le délai fixé et n'a pas fait l'objet d'un recours. L'introduction d'une compétence liée du préfet en la matière alignerait ce dispositif d'évacuation forcée sur celui existant en matière de squat.

Par ce même amendement, la commission a effectué une coordination manquante au sein de l'article .

La commission a adopté l'article 8 ainsi modifié .

Article 9 (nouveau)
Renforcement des sanctions pénales
en cas d'occupation en réunion sans titre d'un terrain

La commission des lois a adopté l'article 9 issu d'un amendement présenté par Loïc Hervé. Reprenant des dispositions déjà adoptées par le Sénat, il vise à modifier l'article 322-4-1 du code pénal qui réprime l'occupation sans titre et en réunion d'un terrain. Il tend, d'une part, à autoriser la saisie des véhicules automobiles, y compris lorsqu'ils sont destinés à l'habitation et, d'autre part, à procéder au déplacement forcé des véhicules en cause sur une aire d'accueil du département. La commission des lois a adopté cet article sans modification.

Issu de l' amendement COM-4 rectifié de notre collègue Loïc Hervé, l'article 9 vise à modifier l'article 322-4-1 du code pénal, réprimant l'occupation sans titre et en réunion d'un terrain. Il reprend des dispositions déjà adoptées par le Sénat lors de la discussion sur la proposition de loi relative à l'accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites 72 ( * ) , mais non retenues dans le texte définitivement adopté.

Le présent article tend à autoriser d'une part, la saisie des véhicules automobiles, y compris lorsqu'ils sont destinés à l'habitation , et à permettre d'autre part, le déplacement forcé des véhicules en cause sur une aire d'accueil du département .

Lors de l'examen de la loi du 7 novembre 2018 précitée, la commission des lois considérait que la suppression de l'exception existant pour les véhicules d'habitation répondait à la nécessaire proportionnalité entre les « exigences constitutionnelles de sauvegarde de l'ordre public et de prévention des infractions et la garantie du droit de propriété ainsi que l'exercice des libertés constitutionnellement garanties telles que la liberté d'aller et venir, le respect de la vie privée et l'inviolabilité du domicile » 73 ( * ) .

Pour ce qui concerne le déplacement forcé des véhicules, la rapporteure du texte, Catherine Di Folco, relevait toutefois, « qu'il est peu probable que cette peine complémentaire soit effectivement prononcée : en effet, la sanction pénale juridictionnelle intervient généralement après le départ des occupants sans titre. De plus, le transfert de véhicules nécessiterait l'engagement de frais de justice et la mobilisation de forces de l'ordre qui sont, tous deux, soumis à une hiérarchisation des priorités » 74 ( * ) .

La rapporteure de la commission des lois réitère ces deux observations . Elle ajoute que ces dispositions offrent un nouvel outil au juge pénal et qu'il lui reviendra de s'en saisir dans le respect des droits et libertés fondamentaux garantis par la Constitution et les stipulations des traités internationaux ayant un tel objet et dont l'application directe est prévue par l'article 55 de la Constitution.

La commission des lois a adopté cet article ainsi rédigé .

La commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée .


* 64 Depuis la loi n° 2018-957 du 7 novembre 2018 relative à l'accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites .

* 65 Décision n° 2010-13 QPC du 9 juillet 2010. Par cette décision, le Conseil constitutionnel a jugé que la procédure d'évacuation d'office instituée par les articles 9 et 9-1 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 était assortie de garanties suffisantes et, partant, conforme à la Constitution. Il a en revanche censuré, par sa décision n° 2011-625 DC du 10 mars 2011, la création d'une procédure similaire à l'encontre des « squats extérieurs ».

* 66 Conseil d'État, 5 avril 2011, n° 347949.

* 67 Rapport n° 44 (2017-2018) de Catherine Di Folco, fait au nom de la commission des lois, déposé le 25 octobre 2017, p52.

* 68 Article L. 521-3 du code de justice administrative.

* 69 Cette procédure est ouverte aux personnes publiques lorsqu'il s'agit d'occupations sur leur domaine privé ou leur domaine public routier.

* 70 Articles L. 411-1 et suivant du code des procédures civiles.

* 71 IV de l'article 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage .

* 72 Voir le 3° de l'article 6 de la proposition initiale ayant subi une modification rédactionnelle à la suite de l'adoption, en première lecture, de l'amendement de commission COM-28 à l'initiative de la rapporteur.

* 73 Rapport n° 44 (2017-2018) de Catherine Di Folco précité, page 63.

* 74 Ibidem , page 64.

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