EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le jeudi 19 novembre 2020, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de MM. Vincent Éblé et Didier Rambaud, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Culture ».

M. Claude Raynal , président . - Nous commençons nos travaux avec l'examen de la mission « Culture ».

M. Didier Rambaud , rapporteur spécial . - Le montant global des crédits demandés dans le cadre du présent projet de loi de finances (PLF) au titre de la mission « Culture » s'élève à 3,236 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 3,209 milliards d'euros en crédits de paiement (CP). Ces chiffres traduisent une nette progression par rapport à la loi de finances pour 2020, l'écart entre les deux textes s'élevant à 8,38 % en CP ; corrigée des mesures de périmètre, cette progression atteint 4,65 %.

La mission « Culture » ne résume pas, pour autant, le financement public de la culture et de la communication. L'agrégation des crédits budgétaires et des dépenses fiscales destinés directement et indirectement à la culture et à la communication devrait ainsi atteindre 14,6 milliards d'euros en 2021. Ce montant n'intègre pas les crédits de paiement dédiés au sein de la mission « Plan de relance », soit 1,094 milliard d'euros.

La maquette budgétaire a évolué cette année avec la création du programme 361. Celle-ci s'inscrit dans le cadre de la mise en place d'une délégation générale à la transmission et à l'éducation artistiques et culturelles. Les crédits couverts par ce nouveau programme étaient jusqu'alors affectés au programme 224. Le nouveau programme reprend également les crédits affectés jusqu'alors au programme 186 « Recherche culturelle et culture scientifique », rattaché au ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation.

Nous saluons la création de cette délégation, effective au 1 er janvier 2021, et d'un nouveau programme qui permet de scinder distinctement ce qui relève de politiques publiques - enseignement, transmission, promotion de la langue - de ce qui relève de la gestion quotidienne du ministère. Ces deux aspects étaient jusqu'alors fondus au sein du même programme 224, ce qui facilitait les transferts entre des actions ne relevant pas de la même logique.

Ainsi, chaque année, 12 millions d'euros étaient transférés de l'action n° 02 « Soutien à la démocratisation et à l'éducation artistique et culturelle » vers l'action n° 07, « Fonctions de soutien du ministère » aux fins de financement des fonctions de soutien du ministère, sans que ce mouvement soit autorisé par une loi de finances rectificative. La nouvelle maquette budgétaire va donc, dans ces conditions, dans le bon sens et respecte de façon plus affirmée le principe de sincérité budgétaire.

Le programme 361 couvre les crédits dédiés aux établissements d'enseignement supérieur culturel et à l'insertion professionnelle. Ceux-ci devraient progresser de 3,56 % en 2021. Ils seront complétés par le plan de relance qui prévoit, pour 2021, 50 millions d'euros en CP pour la rénovation du réseau des écoles d'architecture et de création et la modernisation de leurs outils informatiques.

L'insertion des jeunes diplômés de l'enseignement supérieur culturel est érigée au rang de priorité par le ministère. Nous serons particulièrement vigilants à la situation des diplômés des écoles d'art plastique, la cible retenue pour 2019 n'ayant pas été atteinte. La crise sanitaire actuelle est un élément à ne pas négliger pour l'année à venir, le ralentissement de l'activité culturelle fragilisant l'entrée sur le marché du travail.

Le programme 361 vise également les crédits affectés au Pass culture, expérimenté depuis juin 2019 dans quatorze départements. Ce pass consiste en une application gratuite, qui révèle et relaie les possibilités culturelles et artistiques accessibles à proximité. Chaque jeune de dix-huit ans résidant dans ces territoires peut demander l'octroi d'une enveloppe de 500 euros à dépenser, durant vingt-quatre mois, sur cette application, parmi un large choix de spectacles, visites, cours, livres, musique, services numériques... Au 10 novembre 2020, 115 000 comptes ont été ouverts, sur 135 000 personnes éligibles environ. L'ambition initiale du Gouvernement consistait en une généralisation du dispositif à l'horizon de 2022.

Le PLF pour 2021 table sur une majoration des crédits dédiés au Pass de 20 millions d'euros, pour atteindre 59 millions d'euros. Sans remettre en cause l'utilité du dispositif, qui peut s'avérer être un véritable outil d'émancipation culturelle, il convient de s'interroger sur l'augmentation importante des crédits dédiés depuis la loi de finances pour 2019, alors même que les crédits ont été sous-exécutés d'année en année. Afin de répondre au défi de la sous-consommation, il nous semble nécessaire d'accélérer le déploiement de l'application sur tout le territoire dès 2021. Le Pass est pour l'heure mal connu, principalement en raison d'une expérimentation limitée. Il conviendra, dans un second temps, de procéder à une évaluation du niveau qualitatif de l'application, du point de vue des jeunes, mais aussi de celui des offreurs.

Compte tenu de la création du programme 361, le programme 224 recense désormais les crédits dédiés aux fonctions de soutien et ceux qui sont affectés à l'action culturelle internationale. Il devrait être doté de 752,4 millions d'euros en CP en 2021, et 99 % des crédits sont fléchés vers les fonctions de soutien.

Ainsi, 7 millions d'euros de crédits supplémentaires devraient être dédiés à la mise en oeuvre du plan pluriannuel de transformation numérique du ministère, qui a débuté en 2019 et devrait se terminer en 2022. Cette majoration des crédits permet de répondre à un double impératif : une réorganisation nécessaire en raison de la crise sanitaire, mais aussi un rattrapage indispensable compte tenu de l'écart observé avec d'autres administrations.

En dépit d'une diminution du nombre d'agents, la masse salariale devrait croître de 3 % en 2021, pour atteindre 479,15 millions d'euros. Sur ce budget, 8,06 millions d'euros devraient être fléchés vers le plan de rattrapage indemnitaire pluriannuel destiné à combler le retard indemnitaire des agents du ministère sur leurs homologues des autres administrations. Cette revalorisation de la grille nous apparaît essentielle si l'on souhaite maintenir l'attractivité du ministère et éviter des vacances de postes prolongées. Le ministère fait des économies par ailleurs, comme en témoigne son projet immobilier Camus.

M. Vincent Éblé , rapporteur spécial . - Je concentrerai mon intervention sur le programme 175, dédié à la protection des patrimoines, et le programme 131, dédié à la création.

Le programme 175 « Patrimoines » devrait être doté en 2021 de 1,016 milliard d'euros en CP, soit une progression de 44,3 millions d'euros, correspondant à une hausse de 4,6 %, par rapport à la loi de finances pour 2020. Le plan de relance vient largement compléter ces crédits, puisqu'il comprend en effet un plan d'investissement culturel en faveur des patrimoines et pour l'emploi, appelé à être abondé de 344,7 millions d'euros en CP en 2021 ; cette dotation complémentaire représente près de 34 % de crédits supplémentaires pour le programme 175.

Les deux tiers restants des crédits de paiement du plan d'investissement - 231,7 millions d'euros - sont fléchés vers le réarmement budgétaire des établissements patrimoniaux, afin de relancer leur activité, fortement fragilisée par la crise. Cette aide répond à une double logique : renflouer les opérateurs en effaçant leurs pertes et permettre un rebond de leurs investissements, créant ainsi de l'activité chez leurs prestataires.

Une première estimation, réalisée en mai 2020 à notre demande, faisait état d'une perte cumulée pour ces établissements de 252 millions d'euros. Ce chiffre est aujourd'hui à réévaluer compte tenu des incidences des mesures de contraintes sanitaires mises en oeuvre lors du déconfinement, de l'instauration d'un couvre-feu à partir du 16 octobre, puis de la mise en place, le 30 octobre, d'un deuxième confinement. Le château de Versailles tablait ainsi sur une perte de 35 millions d'euros avant le reconfinement et le musée du Louvre, plus impacté encore, sur 85 millions d'euros.

De fait, la crise remet en cause le choix effectué par le ministère ces dernières années de diminuer les subventions de certains opérateurs pour les inciter à développer leurs ressources propres. Parmi celles-ci, les recettes tirées du mécénat suscitent également une inquiétude, au regard des baisses attendues des budgets dédiés au sein des grandes entreprises et d'une possible réorientation des dons vers des causes sanitaires.

Si l'initiative du Gouvernement doit être saluée, elle pourrait s'avérer d'ores et déjà insuffisante pour permettre aux opérateurs de recouvrer leurs marges financières d'avant la crise. La direction générale des patrimoines (DGP) nous a confié qu'elle n'attendait pas un retour à la normale avant l'exercice 2023, l'impact du deuxième confinement exacerbant les difficultés rencontrées. Le musée du Louvre, quant à lui, nous a indiqué craindre de se retrouver en cessation de paiement au cours de l'exercice 2022.

S'agissant des autres monuments, le PLF témoigne d'un réel souci pour les collectivités territoriales. Les crédits dédiés à l'entretien et à la restauration des monuments n'appartenant pas à l'État - mais aux collectivités territoriales et propriétaires privés - devraient progresser de 5 millions d'euros. Les musées territoriaux devraient bénéficier d'une augmentation de leur dotation de 10 millions d'euros supplémentaires et les archives territoriales d'une majoration de crédits de 3 millions d'euros

Ce soutien réaffirmé doit être salué. Il aurait pu être complété par de nouvelles mesures spécifiques pour les propriétaires privés, dont le soutien essentiel à la préservation du patrimoine est fragilisé par la réforme du régime fiscal du mécénat en loi de finances pour 2020 ou l'absence de révision du dispositif Malraux, en faveur des centres-villes.

Nous saluons également la montée en puissance du plan Cathédrale, avec une hausse de 5 millions d'euros en CP au titre du programme 175 et de 30 millions d'euros dans le cadre du plan de relance. Elle ne saurait cependant occulter l'absence de financement public pour les travaux de conservation et de restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Les donateurs privés contribuent aujourd'hui seuls au financement de l'établissement public chargé des travaux, ce qui peut apparaître en contradiction avec la loi du 29 juillet 2019 et semble trahir l'intention des donateurs.

La mission « Culture » et la mission « Plan de relance » insistent également sur une accélération des grands chantiers culturels, avec 120 millions d'euros de nouveaux crédits dégagés. Cette ambition louable appelle dans le même temps à une grande vigilance quant à l'exécution des dépenses. La mission « Culture » connaît une progression des restes à payer conséquente depuis 2016 - avec une hausse de 41 %, soit 286 millions d'euros -, alors que le contexte de la crise sanitaire s'avère propice à un allongement de la durée des chantiers.

S'agissant du programme 131 « Création », ses crédits progressent également de 4,5 %, pour atteindre 862,3 millions d'euros. Ils sont largement complétés par ceux du plan de relance : 177,9 millions d'euros sont ainsi prévus en faveur de la création. Une large partie de cette somme, à hauteur de 81,9 millions d'euros, sera également dédiée au renflouement des opérateurs du programme « Création », avec, là encore, le risque qu'elle soit insuffisante au regard des incertitudes entourant la poursuite de la saison culturelle.

La progression de la dotation de ce programme doit, par ailleurs, permettre de mieux soutenir les résidences et les structures labellisées dans les domaines du spectacle vivant et des arts visuels. Ces aides sont également complétées par le plan de relance. L'ensemble est détaillé dans le rapport.

Le soutien à l'emploi en cette période de crise est également réaffirmé via une majoration du Fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle (Fonpeps) et la mise en place d'un plan artistes-auteurs destiné à améliorer leur situation économique et à renforcer leurs droits sociaux. Ce plan a été, compte tenu de la crise sanitaire, réorienté afin de mieux prendre en compte la répartition de la valeur entre les différents acteurs dans le processus de création.

Sous réserve de ces observations, nous vous proposons donc d'adopter les crédits de la mission « Culture ».

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Merci pour la qualité de la synthèse présentée par nos deux collègues. Je souhaiterais avoir votre point de vue concernant la mise en oeuvre possible des crédits dédiés au « grand » et surtout au « petit » patrimoine, celui pour lequel Stéphane Bern s'est mobilisé et a réussi à obtenir du soutien, de manière un peu surprenante puisqu'il s'agit d'un budget complémentaire - on pourrait presque l'appeler le « budget Bern ». L'État, de son côté, peut-il engager davantage de moyens ? Et, dans le même temps, est-il en mesure, par le biais de cet accompagnement financier, de trouver les opérateurs disposant d'un personnel suffisant pour effectuer les travaux ? Car, s'agissant des opérations de restauration du patrimoine, les forces vives manquent souvent...

M. Roger Karoutchi . - Ma première interrogation concerne la réduction du nombre de lieux du ministère de la culture. On nous parle, désormais, de l'horizon de 2023. Cela fait dix ans que l'on parle de réduction, de relocalisation, du fait que la rue de Valois et la rue Beaubourg coûtent assez cher. Les ministres successifs - quelle que soit leur appartenance politique - sont très attachés à la symbolique des lieux et peu disposés à en partir. La décision est-elle prise définitivement cette fois ? Ou y a-t-il encore des blocages ? Pour le moment, le ministère de la culture ne fait pas beaucoup d'efforts pour aller dans des endroits moins attractifs.

Par ailleurs, le ministère, depuis toujours, s'intéresse aux grands chantiers, aux « paquebots » très symboliques : le château de Versailles, les grands châteaux royaux ; en revanche, des oeuvres parfois considérables - des châteaux, des musées -, mais plus excentrés, moins visités, moins symboliques, ont beaucoup de mal à obtenir des crédits. Ne faudrait-il pas envisager un système de quotas, afin que les collectivités territoriales obtiennent une partie des crédits dédiés au patrimoine ? Il est évident, en effet, que la rénovation du domaine Trianon ou de certaines ailes du château de Versailles coûte tellement cher qu'il ne reste plus un centime pour les autres.

M. Antoine Lefèvre . - La future Cité internationale de la francophonie, au château de Villers-Cotterêts, est peut-être un « paquebot » en devenir. Dans le département de l'Aisne, on se réjouit de la rénovation de ce château érigé par François 1 er qui était dans un état d'abandon total. Une somme importante, de l'ordre de 100 millions d'euros, a été ajoutée au budget initial. Un certain nombre de financements privés, avec des partenariats, devaient être impulsés ; les rapporteurs ont-ils des informations sur ce plan de financement ?

Concernant le Pass culture, un bilan sur les quatorze départements en expérimentation devait être présenté en juillet dernier ; la crise sanitaire a sans doute bouleversé le calendrier. Malgré cela, a-t-on des informations sur le sujet ? Un budget de 59 millions d'euros est prévu pour ce pass en 2021. Intègre-t-il un reliquat de 2020. Une sous-consommation est-elle envisagée ? Ces crédits sont-ils bien calibrés ?

M. Gérard Longuet . - L'archéologie préventive, dont on aimerait mieux connaître les finalités, relève-t-elle du ministère ? Si tel est le cas, connaît-on l'évolution du montant des sommes dédiées à celle-ci par rapport à l'ensemble des chantiers qui, souvent, en pâtissent ?

M. Marc Laménie . - Ma question concerne la répartition des crédits entre l'administration centrale, les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) et les opérateurs. S'agissant des architectes des bâtiments de France (ABF) par exemple, d'un département à l'autre, les effectifs sont très variables, ce qui pose de réels problèmes pour les élus de proximité. Les crédits dédiés à l'administration centrale et aux DRAC ont sensiblement augmenté. Dans quelle part de crédits se situent les ABF ?

M. Rémi Féraud . - Le budget de la mission augmente pour 2021, et nous savons à quel point cette hausse est nécessaire pour l'un des secteurs les plus impactés par la crise actuelle. Tout, maintenant, est affaire de mise en oeuvre.

Mon interrogation porte sur le patrimoine. Une partie du plan de relance vient s'ajouter aux crédits de la mission, avec des commentaires qui semblent paradoxaux : d'un côté, Vincent Éblé nous informe que le musée du Louvre risque d'être en cessation de paiement l'année prochaine ; de l'autre, il semblerait que les crédits - notamment ceux du plan de relance - soient particulièrement orientés vers les grands opérateurs. Est-ce un problème de fléchage ? Ou alors, les crédits destinés à ces grands opérateurs ne suffiront-ils pas à leur éviter la cessation de paiement ?

Par ailleurs, les crédits inscrits permettront-ils de soutenir les rénovations du Grand Palais et du château de Villers-Cotterêts, dont parlait Antoine Lefèvre et pour lequel Emmanuel Macron s'est engagé à aboutir les travaux avant la fin du quinquennat ?

Enfin, j'avoue mon étonnement devant l'absence de crédits, dans ce PLF, pour la cathédrale Notre-Dame de Paris. Certes, les dons privés abondent, mais ils restent insuffisants. Le Président de la République a pris des engagements, avec une rénovation promise en cinq ans. Le conseil des ministres a validé une dérogation sur les exploitations de carrières spécifiquement pour la rénovation de Notre-Dame de Paris. Nous nous sommes souvent plaints ici de l'argent excessif fléché vers Notre-Dame ; or, dans la réalité du PLF pour 2021, c'est zéro.

Mme Christine Lavarde . - Vous avez évoqué le plan Cathédrale, doté de sommes significatives. J'ai échangé avec un architecte du ministère de la culture qui émettait des doutes sur les capacités à trouver les ressources pour dépenser ces crédits dans le délai imparti. Avez-vous des informations sur ce point ?

M. Didier Rambaud , rapporteur spécial . - Un sentiment personnel sur la mission de Stéphane Bern : la création d'un loto en faveur du patrimoine est une idée originale. Avant cela, je n'avais jamais joué au loto de ma vie !

Pour répondre à Roger Karoutchi, le projet Camus vise à rationaliser l'implantation immobilière du ministère, actuellement répartie sur sept sites, afin de la regrouper sur trois sites d'ici à 2023. En raison du covid-19, les travaux ont pris du retard, mais la ministre a confirmé son intention d'aller au bout du projet.

Concernant le Pass culture, il s'agit d'une expérience inédite, lancée en 2018. Pour mener ce projet expérimenté sur quatorze départements, une société par actions simplifiée (SAS) a été créée. Sur un potentiel de 135 000 jeunes concernés, 115 000 d'entre eux ont bénéficié du dispositif. Chaque jeune pouvait disposer d'une somme de 500 euros ; la ministre souhaite ramener ce seuil à 300 euros, sachant que les utilisateurs, dans le cadre de l'expérimentation, n'ont consommé l'enveloppe qu'à hauteur de 115 euros en 9 mois. Le dispositif est donc très perfectible, mais la ministre a confirmé son souhait de le généraliser à l'ensemble du territoire.

Pour répondre à Marc Laménie, j'ai eu l'occasion d'interpeller la ministre sur le fonctionnement des DRAC. Nous sommes déçus, en effet, par leur manque de proximité. Au regard de la diversité des acteurs culturels, il est vrai qu'il est difficile de demander un cadre. Néanmoins, nous avons demandé une plus forte implication des DRAC dans les départements, surtout en ce moment. Dans le comité de suivi de la crise de mon département qui se réunit actuellement tous les quinze jours, la DRAC n'est pas représentée, alors que beaucoup d'acteurs culturels attendent des réponses.

M. Vincent Éblé , rapporteur spécial . - S'agissant du loto du patrimoine, excusez-moi, mais c'est l'arbuste qui cache la forêt ! Les montants, en effet, sont assez limités au regard des enjeux et de l'ensemble des financements liés au patrimoine. Cela dit, avec ce loto, la Française des jeux (FDJ) a découvert un nouveau segment de clientèle, très mobilisé autour de la problématique ; de ce point de vue, on peut observer un effet d'image et d'entraînement qui n'est pas inutile. Pour rappel, la mission de Stéphane Bern est adossée à la Fondation du patrimoine qui, de façon systématique, fait appel à des initiatives de proximité pour accompagner les financements publics.

Concernant ce que Roger Karoutchi appelle les « paquebots » du patrimoine, prenons l'exemple du château de Versailles : au moment du premier confinement, le site employait 69 sous-traitants. Ces « paquebots » n'ont pas pour vocation de thésauriser un pactole dans leurs caves ou greniers, il s'agit bien de dépenser l'argent au bénéfice d'entreprises. Si vous interrogez, par exemple, les entreprises membres du groupement des entreprises de restauration de monuments historiques (GMH), elles attendent toujours avec impatience les crédits de l'État pour les travaux.

Dans le budget 2021, on observe également une meilleure prise en compte des dépenses des collectivités territoriales, avec un fonds incitatif et partenarial doté de 15 millions d'euros. Le montant ne semble pas élevé ; il a vocation à trouver son facteur multiplicateur dans la mobilisation des financements territoriaux sur certains chantiers.

Antoine Lefèvre nous a interrogés sur la rénovation du château de Villers-Cotterêts. Des sommes très importantes - et justifiées sur le plan patrimonial - sont engagées sur ce chantier. Au-delà des financements propres aux travaux - 43 millions d'euros dans le cadre du plan de relance, 10,6 millions issus du budget et 30 millions du programme d'investissements d'avenir (PIA) -, on peut se poser la question du fonctionnement d'un tel équipement compte tenu de la géographie particulière du département de l'Aisne et de son éloignement de Paris. Attirer du public sur un sujet aussi important, mais peu attractif que la promotion de la langue française ne sera pas chose aisée. Nous sommes actuellement dans la phase de travaux, mais peut-être faudra-t-il songer, à terme, à des charges de fonctionnement et de programmes culturels pour soutenir la langue française et le développement de ce lieu nouveau dédié à la francophonie.

Pour répondre à Gérard Longuet, nous n'avons pas d'estimation de la recette de la taxe, payée par les opérateurs immobiliers, sur l'archéologie préventive. On observe, en revanche, une augmentation de 7 millions d'euros de la subvention pour charges de service public versée à l'Institut national de recherches archéologiques préventives, soit une légère montée en charge de la contribution publique. Mais l'esprit de la loi sur l'archéologie préventive vise à trouver l'essentiel des ressources à partir des opérations immobilières. L'idée est donc de modérer, autant que possible, la contribution publique directe. Cette politique n'a de sens que si elle est suivie d'un engagement patrimonial, scientifique et éventuellement d'une valorisation touristique pour les sites les plus importants. La France, leader dans ce domaine de l'archéologie préventive, vend son savoir-faire à l'étranger, ce qui complique la relation entre les opérateurs publics et privés, engagés dans des logiques de concurrence.

Pour répondre à Rémi Féraud, le chantier du Grand Palais a connu une révision complète de son programme, afin de répondre aux critiques sur le montant global du chantier qui s'élevait initialement à 466 millions d'euros. Et pourtant, même en ayant réduit sensiblement la voilure, nous arrivons exactement au même montant. Comment est-ce possible ? Comme toujours sur les grands chantiers, tout n'avait pas été budgété ; on avait, par exemple, omis de compter la rénovation, sur la partie haute de l'édifice, des corniches et des sculptures monumentales.

Dans le détail, ce chantier de rénovation est financé à hauteur de 123 millions par la mission « Culture », auxquels s'ajoutent 160 millions d'euros issus du troisième PIA ; 150 millions liés à un emprunt, qui devra être amorti par l'établissement public ; et 33 millions d'euros de mécénat, dont 25 millions par Chanel. L'enveloppe est conséquente. Le souci est maintenant de lancer le chantier, sachant à la fois les exigences de date - je pense à l'accueil de manifestations sportives durant les jeux Olympiques de 2024 - et l'impossibilité de laisser à l'abandon un monument aussi important et symbolique. Il faudra donc bien - quoi qu'il en coûte ! - en passer par ce chantier. Naturellement, cela ne signifie pas de méconnaître l'importance des charges et de ne pas s'évertuer à les limiter.

Concernant la restauration de la cathédrale de Notre-Dame de Paris, la vérité est que l'État ne met pas un centime. Or, il s'agit bien d'une mission de l'État. Je suis profondément choqué, d'autant que, sur le milliard d'euros de travaux prévus, il faut compter les 20 % de recettes de TVA, soit 200 millions d'euros qui vont tomber dans les caisses de l'État ! J'ai interrogé la ministre sur ce point : elle s'en tient aux strictes limites de son portefeuille ministériel, en ajoutant que, si elle devait dégager un budget, ce serait au détriment d'autre chose. La totalité du chantier de restauration sera donc financée par les généreux donateurs, avec des paiements échelonnés au fur et à mesure de l'avancement des travaux.

Se pose également la question particulière du financement de l'établissement public créé pour cette restauration. Le ministre, à l'époque, nous avait assuré que l'État paierait sa part et que l'argent ne serait pas pris aux donateurs : cela n'a pas été suivi d'effets. Aujourd'hui, seul le loyer de 213 000 euros est financé par l'État. L'établissement public étant logé au sein d'un immeuble appartenant aux services du Premier ministre, ce loyer est versé à France Domaines, l'État paye d'une main et récupère de l'autre ! Je le redis, parce que, bien sûr, il s'agit de le taire : zéro contribution de l'État pour cette restauration, pas plus dans ce budget que dans les précédents...

M. Michel Canevet . - Sauf les déductions fiscales.

M. Vincent Éblé , rapporteur spécial . - Oui, bien entendu. Ces déductions ne sont d'ailleurs pas si exceptionnelles, puisque la majoration est limitée.

Concernant le plan Cathédrale, certaines opérations sont déjà engagées et se poursuivent : la cathédrale Saint-Sauveur d'Aix-en-Provence ; la basilique-cathédrale Saint-Gervais-et-Saint-Protais de Soissons ; la cathédrale Notre-Dame d'Amiens. Ces trois opérations bénéficient de 5 millions d'euros de CP. Au total, le budget du plan Cathédrale s'élève à 40 millions d'euros, auxquels il convient d'ajouter les 80 millions d'euros en AE et les 30 millions d'euros de crédits de paiement issus du plan de relance ; nous verrons bien si nous arrivons à consommer ces crédits. Pour les opérations nouvelles, je n'ai pas d'inquiétude particulière, les cathédrales sont suivies par des architectes en chef et les programmes de travaux peuvent être engagés.

Pour répondre à Roger Karoutchi, il reste des réticences syndicales concernant le projet Camus. L'affaire prend un certain temps, car des chantiers sont aussi en jeu ; par exemple, celui de l'hôtel de Soubise, au sein du Quadrilatère des Archives, où des bâtiments seront bientôt accessibles au public, avec notamment une présentation de boiserie exceptionnelle.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Culture ».

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Réunie à nouveau le jeudi 19 novembre 2020, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a confirmé sa décision de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Culture ».

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