B. LA CRISE SANITAIRE, UNE « BOMBE À RETARDEMENT » POUR LE MOUVEMENT SPORTIF À MIEUX ANTICIPER

1. La crise sanitaire affecte durement le mouvement sportif à tous les niveaux

Les mesures prises pour contenir la propagation du virus ont fortement affecté le mouvement sportif et son tissu associatif dans les territoires . Au-delà de la période du confinement, nombre de structures n'ont pu reprendre une activité normale, tandis que des mesures de fermeture administrative s'appliquent à nouveau depuis plusieurs semaines dans plusieurs métropoles. Plus globalement, l'incertitude qui en résulte met sous tension de nombreuses associatives sportives, pour lesquelles la rentrée scolaire correspond souvent à la souscription des cotisations et qui ne disposent pas nécessairement des ressources financières et humaines requises pour appliquer les protocoles stricts de poursuite d'activité.

Certes nécessaires, ces mesures constituent à bien des égards une « bombe à retardement » pour le mouvement sportif , tant pour l'économie du sport que pour le sport pour tous dans les territoires.

Face à cette situation, les entreprises et associations du secteur sportif ont pu recourir aux différents outils de soutien mis en place et confortés par les trois lois de finances rectificatives successives :

- les prêts garantis par l'État, pour un montant d'encours garanti de 1,3 milliard d'euros 6 ( * ) ;

- le fonds de solidarité, pour 120 millions d'euros de subventions versées 1 ;

- la prise en charge de l'activité partielle, pour 300 millions d'euros d'indemnités 1 ;

- les exonérations de cotisations et contributions patronales, pour un montant de plus d'un milliard d'euros.

Compte tenu des nouvelles mesures annoncées au cours des dernières semaines pour limiter les contaminations, ces outils devront à nouveau être mobilisés, en complément des crédits dégagés au titre du plan de relance.

Un effort massif et durable sera requis pour préserver au maximum le mouvement sportif , plus que jamais indispensable pour la cohésion de notre société et la santé mentale et physique de nos concitoyens, toutes deux rudement mises à l'épreuve.

2. Pour être en mesure de répondre à ce défi, les retards de la mise en place de la nouvelle gouvernance du sport devront être rapidement rattrapés

Depuis 2019, le soutien au mouvement sportif s'exerce en priorité par l'intermédiaire de l'Agence nationale du sport , constituée sous forme de groupement d'intérêt public agrégeant l'État, le mouvement sportif, les associations représentant les collectivités territoriales 7 ( * ) et les acteurs du monde économique 8 ( * ) . Ses missions ont été précisées par la loi du 1 er août 2019 9 ( * ) : elle intervient dans une double perspective de développement de l'accès à la pratique sportive pour tous et de structuration de la haute performance.

En dépit du statut juridique de GIP, la convention constitutive 10 ( * ) de l'agence prévoit que seul l'État apportera des contributions financières, sous la forme d'une dotation du programme 219 et de taxes affectées.

Pour 2021, il est proposé de réduire légèrement la subvention versée à l'agence, de 137,6 millions à 135,2 millions d'euros, en contrepartie du relèvement de la fiscalité affectée de 24,1 millions d'euros , ce qui porte donc ses ressources à 305,8 millions d'euros, sous les réserves soulignées supra .

Pour 2021, l'Agence nationale du sport bénéficie d'un plafond d'emplois de 60 ETPT, contre 42 ETPT en 2020. Cette progression résulte de l'intégration de 2 ETPT en provenance de l'École nationale des sports de montagne (ENSM), d'un ETPT de l'Insep, de 5 ETPT du programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative » 11 ( * ) et de 10 ETPT de conseillers techniques et sportifs (CTS).

La progression du plafond d'emplois de l'agence correspond à sa montée en charge et était attendue dès l'an dernier. L'année 2020 devait marquer une phase de transition pour finaliser la nouvelle gouvernance du sport. C'est à l'agence qu'il revient de soutenir et de suivre les fédérations sportives, avec lesquelles elle doit directement conclure les conventions d'objectifs, ainsi que d'accompagner les collectivités territoriales et leurs groupements, en reprenant les missions exercées précédemment par le Centre national pour le développement du sport (CNDS). Les conséquences de cette nouvelle organisation sur la gouvernance et le fonctionnement des fédérations sportives ont fait l'objet des travaux d'une mission d'information du Sénat, dont les conclusions ont été présentées en septembre dernier 12 ( * ) .

Malgré tout, la crise sanitaire a marqué un coup d'arrêt à la concrétisation de cette nouvelle organisation, de sorte que la transition, loin d'être achevée, reste encore à mener à bien en 2021 .

Il est indispensable d'agir rapidement pour être à même de relever les défis colossaux que la crise sanitaire va poser au monde sportif sur au moins deux aspects :

- la nature des pratiques , avec l'accélération marquée de la tendance observée ces dernières années de développement de pratiques libres et en dehors du cadre fédéral , ce qui impose de définir les outils de réglementation adaptés ;

- la situation financière des fédérations sportives , qui devrait, quelle que soit la taille de leur budget, être affectée par l'annulation de nombreux évènements et l'attrition notable des recettes de billetterie, à rebours des efforts mis en oeuvre par la direction des sports depuis plusieurs années pour inciter les fédérations à développer leurs ressources annexes.

À cet égard, un décalage doit être relevé entre les risques identifiés et les cibles des indicateurs 2.1 et 2.2, retraçant respectivement le nombre de fédérations sportives présentant une situation financière fragile ou dégradée et leur indépendance financière 13 ( * ) . Les prévisions volontaristes inscrites dans la maquette de performances pour 2021 et 2023 ne correspondent guère à la réalité et aux observations de la direction des sports selon laquelle « la crise sanitaire de 2020 devrait impacter l'indicateur en 2020 et 2021 » 14 ( * ) .

Dans ce contexte, le rapporteur spécial approuve l'abandon du projet de transfert des conseillers techniques et sportifs (CTS) aux fédérations, acté par le ministère des sports début septembre dernier. Dès avant la crise sanitaire, ce projet suscitait l'inquiétude de nombreuses fédérations de taille modeste, dont les ressources propres ne permettent pas de préserver ces compétences en leur sein.

Ce tte décision laisse toutefois ouverte la question de la modernisation des conditions de la gestion de ces quelques 1 600 fonctionnaires d'État mis à disposition des fédérations sportives, qui constituent un élément central du soutien public au mouvement sportif. Des annonces sont attendues à cet effet prochainement, sans qu'aucun élément précis de calendrier n'ait été précisé par la direction des sports.

3. La décision tardive de déménagement du laboratoire d'analyses de l'Agence française de lutte contre le dopage entraîne surcoûts et incertitudes sur sa capacité à rester dans la course mondiale de la lutte antidopage

Le programme 219 « Sport » retrace également les dotations versées aux principaux établissements du sport , comme le détaille le tableau ci-après.

Tableau récapitulatif de l'évolution des dotations
aux principaux établissements du sport

(en millions d'euros)

Opérateur ou Agence

Subvention 2019

Subvention 2020

Subvention prévue en 2021

Évolution 2020-2021

INSEP

23,4

22,9

23,7

+ 3,5 %

Écoles nationales des sports (1)

12,5

12,4

12,5

-

AFLD

9,6

9,6

10,7

+ 1,1 %

Musée national du sport

2,9

3,0

3,0

-

ANS

-

137,6

135,2

- 1,7 %

(1) École nationale de la voile et des sports nautiques ; École nationale des sports de montagne ; Institut français du cheval et de l'équitation

Source : commission des finances du Sénat

La progression de la subvention à l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP) résulte essentiellement d'une dotation supplémentaire en fonds propres visant à couvrir les dépenses de gros entretien renouvellement nécessaires en vue des Olympiades de 2024.

S'agissant de la lutte contre le dopage, une subvention globale de 11,8 millions d'euros est prévue en 2021 , regroupant la contribution annuelle de la France au fonctionnement de l'Agence mondiale antidopage (AMA, 1,02 million d'euros) et la subvention à l'Agence française de lutte contre le dopage (10,74 millions d'euros) . Proposée en légère hausse, cette subvention doit « accompagner la mise en oeuvre de la stratégie de montée en puissance du programme annuel de contrôles de l'agence, de développement de son dispositif d'enquêtes et de renseignement ainsi que de renforcement de la politique de prévention antidopage » 15 ( * ) .

Outre la subvention de fonctionnement, s'ajoutent les crédits liés à la construction du nouveau laboratoire d'analyses médicales de Saclay, pour un coût total de 13,3 millions d'euros, dont 12,8 millions d'euros à la charge de l'État . Cette contribution est portée par le programme 350 au titre de l'héritage des Jeux olympiques et paralympiques de 2024.

L'an dernier, le rapporteur spécial se félicitait qu'une solution à moyen terme soit apportée à la question, du déménagement du laboratoire d'analyses, en suspens depuis plusieurs années, alors même que les locaux actuels de Châtenay-Malabry ne correspondent plus aux exigences croissantes de l'AMA. Néanmoins, la conjugaison des retards pris dans la concrétisation du projet de déménagement et de l'impératif d'une livraison début 2023 pour disposer des locaux à l'occasion de la coupe du monde de rugby a conduit à privilégier un mode de dévolution des marchés de travaux en entreprise générale. Source de gain de temps, ce mode de dévolution se traduit néanmoins par un fort surcoût, estimé à 1,3 million d'euros, soit 12 % du coût total.

Avant le déménagement, la précarité de la situation actuelle du laboratoire d'analyses pourrait remettre en question la capacité de l'AFLD à poursuivre la montée en charge de son programme de contrôle pour se hisser au niveau des meilleurs standards internationaux comme l'entend le Gouvernement .

La convention d'occupation liant l'AFLD et la région Île-de-France, propriétaire des locaux actuels du laboratoire d'analyses, a pris fin en décembre 2019 et la région a fait part de son souhait de disposer des locaux. La mission de l'inspection générale de la jeunesse et des sports pour déterminer des localisations transitoires constituée en juin 2019 a conclu qu'un déménagement temporaire devait être écarté en raison des délais requis et des coûts engendrés. La région serait finalement disposée à ce que le laboratoire occupe les locaux jusqu'au déménagement, mais exige en contrepartie de lourdes servitudes, afin de mettre à profit ce délai pour engager des travaux sur le site, et un loyer, alors que les locaux étaient mis à disposition contre la réalisation des travaux d'entretien. Un différend oppose depuis plusieurs mois la région et l'État s'agissant du loyer annuel, sans qu'une solution durable n'ait, pour l'heure, été définie. Selon les informations transmises par la direction des sports, « le préfet de la région Île-de-France a été chargé par la ministre [des sports] de négocier une nouvelle convention d'occupation à signer entre les deux parties pour la période s'étendant jusqu'au déménagement. Plusieurs réunions de travail se sont tenues début 2020 et ont dû être interrompues en raison de la crise sanitaire. L'un des principaux points d'achoppement reste le montant du loyer annuel demandé par la Région soit 400 000 euros alors que l'AFLD et le ministère tablent sur 250 000 euros, en ligne avec l'évaluation fournie par les services de France Domaine soit 249 550 euros par an éventuellement diminué des dépenses déjà prises en charge par l'AFLD et incombant normalement au propriétaire. Malgré une absence d'accord entre les parties, le Conseil régional d'Île-de-France a voté le 3 mars 2020 une convention d'occupation mentionnant un loyer de 400 000 euros. Depuis les négociations sont au point mort » 16 ( * ) .

Une fois un compromis trouvé, il restera à traiter la question du financement du loyer, qui demeure en suspens et constitue un point d'alerte majeur . En effet, l'AFLD devra acquitter les sommes dues au titre de 2020 et 2021, sans qu'aucune indication n'ait été transmise par le Gouvernement sur la façon dont ces échéances seraient honorées. En tout état de cause, la réponse au questionnaire budgétaire implique que cette somme ne saurait être comprise dans la subvention à l'AFLD prévue pour 2021 , la hausse proposée ayant pour objectif de renforcer ses moyens d'action dans la perspective des Jeux olympiques et paralympiques de 2024.


* 6 Données transmises par la direction des sports et arrêtées à la mi-juin 2020.

* 7 À savoir l'Association des régions de France, l'Assemblée des départements de France, France urbaine et l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité.

* 8 Les droits de vote sont répartis à 30 % chacun pour l'État, les collectivités territoriales et le mouvement sportif, et à 10 % pour le monde économique.

* 9 Loi n° 2019-812 du 1 er août 2019 relative à la création de l'Agence nationale du sport et à diverses dispositions relatives à l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques de 2024.

* 10 Arrêté du 20 avril 2019 portant approbation de la convention constitutive du groupement d'intérêt public dénommé « Agence nationale du sport ».

* 11 Au sein de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

* 12 « Mutualiser, renouveler et légitimer pour affûter l'esprit d'équipe des fédérations sportives », rapport d'information n° 698 (2019-2020) de M. Alain Fouché, fait au nom de la mission d'information sur le fonctionnement des fédérations sportives, 8 septembre 2020.

* 13 À savoir la part de la subvention versée par l'Agence nationale du sport dans l'ensemble des ressources de la fédération.

* 14 Projet annuel de performances de la mission, p. 40.

* 15 Réponse au questionnaire budgétaire.

* 16 Réponse au questionnaire budgétaire.

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