II. LE BUDGET DES SPORTS SE REDRESSE POUR LA PREMIÈRE FOIS DEPUIS 2017, MAIS DES INCERTITUDES MAJEURES SUBSISTENT

Hors plan de relance, les crédits du programme 219 « Sport » font état d'une certaine stabilité entre 2020 et 2021 , avec une progression de 1,8 % en crédits de paiement, comme le détaille le tableau ci-après.

Évolution des crédits du programme 219 « Sport »

(en millions d'euros)

LFI 2020

PLF 2021

Évolution

2020-2021

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action 01 « Promotion du sport pour le plus grand nombre »

90,8

91,9

+ 1,2 %

Action 02 « Développement du sport de haut niveau »

274,0

271,0

273,6

272,7

- 0,1 %

+ 0,6 %

Action 03 « Prévention par le sport et protection des sportifs »

20,6

25,9

+ 25,7 %

Action 04 « Promotion des métiers du sport »

45,3

45,1

- 0,4 %

Total

430,7

427,7

436,5

435,6

+ 1,3 %

+ 1,8 %

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

A. UNE INVERSION BIENVENUE DE LA TENDANCE À LA BAISSE DU SOUTIEN AU MOUVEMENT SPORTIF CONSTATÉE DEPUIS 2017, MAIS QUI RESTE SUJETTE À CAUTION

1. Une inversion de la tendance à la baisse du soutien au mouvement sportif observée depuis l'attribution à la France des Jeux olympiques et paralympiques de 2024

Depuis l'attribution des Olympiades de 2024 à la France, le Gouvernement privilégie une approche agrégée des crédits dédiés au sport , regroupant les programmes 219 et 350, ainsi que l'affectation de produits à l'Agence nationale du sport.

L'an dernier, le rapporteur spécial avait mis en avant que cette approche pouvait conduire à occulter la diminution de 11 % des crédits dédiés au sport hors Olympiades de 2024 observée depuis 2017. Il s'agissait d'un point d'alerte majeur, en ce qu'il objectivait le spectre, redouté par certains, d'un financement de la compétition au détriment du sport pour tous, à rebours de l'ambition initiale de la candidature française et des engagements du Président de la République lors de l'attribution en septembre 2017 3 ( * ) .

Comme l'illustre le graphique ci-après, cette tendance devrait finalement être inversée en 2021, sous l'impulsion de deux facteurs :

- d'une part, les crédits supplémentaires du plan de relance ;

- d'autre part, le relèvement du plafond de la fiscalité affectée à l'Agence nationale du sport de 24,1 millions d'euros au titre de la « taxe Buffet » (cf. infra ).

Évolution du soutien au sport par l'État depuis 2015 :
une vision agrégée

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

2. Une inversion dont la portée réelle ne saurait être surestimée, ni les risques sous-estimés

Deux nuances doivent néanmoins être apportées à cette inversion de tendance.

La première concerne les crédits dédiés au sport dans le plan de relance, qui, de par leur nature exceptionnelle, n'apporteront qu' une réponse ponctuelle.

Surtout, leur ampleur ne saurait être surestimée au regard des objectifs volontaristes affichés par le Gouvernement de faire passer l'économie du sport de 1,8 % à 2 % du produit intérieur brut (PIB) d'ici aux Olympiades de 2024. Alors même que le mouvement sportif est frappé de plein fouet par la crise sanitaire et les mesures prises pour l'endiguer, les crédits qui lui sont consacrés ne représentent que 0,12 % de l'ensemble du plan de relance et 0,38 % des crédits budgétaires de la mission « Plan de relance ».

La seconde nuance ressort de l'incertitude entourant la fiscalité affectée à l'Agence nationale du sport.

Pour renforcer les moyens de l'Agence, le Gouvernement privilégie le relèvement du plafond de fiscalité affectée à une majoration de sa dotation budgétaire. Contestable au regard de l'orthodoxie budgétaire et des pouvoirs de contrôle du Parlement, cette orientation prend acte de la forte progression du rendement de la taxe Buffet entre 2019 et 2020 (+ 37 %) et d'une forte demande du mouvement sportif pour que « le sport finance le sport ».

Il n'en demeure pas moins que cette réévaluation ne compense que faiblement une diminution drastique de l'affectation au mouvement sportif des contributions assises sur le sport, comme l'illustre le graphique ci-après.

Évolution comparée du rendement des contributions assises sur le sport
et de leur affectation au CNDS puis à l'ANS depuis 2015

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

Surtout, la hausse des ressources affectées à l'Agence nationale du sport est entachée d'une très forte incertitude en raison des différends entre la Ligue professionnelle de football et le diffuseur Mediapro 4 ( * ) autour du règlement des droits télévisés du championnat de France de football (Ligue 1).

Or, deux éléments doivent être pris en compte :

- d'une part, la progression du produit de la taxe Buffet résulte quasi exclusivement de la forte appréciation des droits télévisés de la Ligue 1 au titre du contrat de diffusion, passés de 726 millions d'euros par saison pour la période 2016-2020 à 1,153 milliard d'euros pour la période 2020-2024 ;

- d'autre part, pour un rendement estimé à 74,1 millions d'euros en 2021, la part excédant le plafond d'affectation à l'ANS serait de 10 millions d'euros seulement .

À l'heure actuelle, à défaut d'entente entre Mediapro et la Ligue de football professionnel, la LFP serait contrainte de lancer un nouvel appel d'offres pour l'attribution des droits télévisés de la Ligue 1. Compte tenu de la situation sanitaire, imposant des matchs dans des enceintes à jauge fortement réduite voire à huis-clos, du nombre réduit de diffuseurs susceptibles de soumettre une offre ainsi que de la dynamique récente des droits enregistrés pour les championnats concurrents 5 ( * ) , la progression des droits pourrait être fortement remise en cause .

Cet épisode fait peser un risque majeur pour l'ensemble du football professionnel français.

Surtout, une renégociation à la baisse du contrat de diffusion pourrait conduire à diminuer le rendement de la taxe Buffet sous le plafond d'affectation à l'Agence nationale du sport prévu pour 2021 .

En optant pour un renforcement des ressources de l'Agence nationale du sport via l'affectation de recettes au lieu de crédits budgétaires, le Gouvernement transfère une partie du risque financier correspondant à l'ensemble du mouvement sportif.


* 3 Voir le discours d'Emmanuel Macron adressé le 16 septembre 2017 aux acteurs ayant permis que Paris soit choisie pour organiser les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, au cours duquel le président de la République a en particulier fait part de sa volonté : « ces Jeux doivent nous permettre de faire de la France une vraie nation sportive. [...] Et à ce titre, je veux que nos clubs sportifs, nos écoles irriguent l'ensemble de nos villes, nos quartiers, nos campagnes et que le sport puisse prendre une place essentielle dans notre projet de société. Ces jeux Olympiques et Paralympiques de 2024, ça n'est donc pas simplement une compétition sportive. C'est bien une occasion de porter cette mission au coeur même du projet de transformation de la société ».

* 4 Au début du mois d'octobre 2020, le diffuseur Mediapro a sursis le versement de la deuxième tranche des droits télévisés à la ligue de football professionnel, en faisant part de son intention de renégocier le montant du contrat pour tenir compte de la situation sanitaire. En réponse, la ligue de football professionnel a mis en demeure son débiteur de régler les échéances d'octobre et a activé la garantie donnée par la société mère du groupe (le fonds chinois Orient Hontai Capital). Mediapro s'est placé sous la protection du tribunal de commerce de Nanterre dans le cadre d'une procédure de mandat ad hoc .

* 5 En juin dernier, les droits de retransmission télévisée du championnat allemand de football professionnel (Bundesliga) pour la période 2021-2025 ont été attribués pour un montant de 1,1 milliard d'euros par saison, soit en légère baisse par rapport au précédent appel d'offre (1,16 milliard d'euros par saison).

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