III. LES DÉPENSES DU PLAN DE RELANCE SONT SUSCEPTIBLES DE REDONNER DES MARGES DE MANoeUVRE BUDGÉTAIRES AUX FORCES DE SÉCURITÉ INTÉRIEURE

A. UNE INDISPENSABLE REMISE À NIVEAU EN MATIÈRE DE MOYENS MOBILES PERMISE PAR LE PLAN DE RELANCE

1. Un important effort pour la police nationale

Au 1 er janvier 2020, le parc automobile de la police nationale se compose de 30 482 véhicules, répartis entre les deux-roues (cyclomoteurs, scooters, motos), les véhicules utilitaires, les poids-lourds et les véhicules de transport en commun de personnes (TCP) (hors remorques et moyens nautiques).

Nombre de véhicules de la police nationale et âge moyen

Source : commission des finances du Sénat (d'après les réponses aux questionnaires budgétaires)

Si le nombre de véhicules connaît une légère hausse entre fin 2018 et fin 2019, l'âge moyen du parc de véhicules légers se stabilise à 6 ans et 4 mois.

Âge moyen des véhicules de la gendarmerie nationale

Deux roues

Véhicules légers

VU - VASP - PL - TCP

Total général

4879

19653

5950

Âge moyen

7 ans et 7 mois

6 ans et 4 mois

9 ans

Source : DGPN

De l'avis général des personnes auditionnées, cet âge reste largement trop élevé ; le nombre de kilomètres parcourus en moyenne chaque année par un véhicule léger étant de 18 564 kilomètres, leur kilométrage moyen approche les 100 000 kilomètres.

Pour la police nationale, les critères de réforme d'un véhicule léger sont 170 000 kilomètres ou 8 ans. Actuellement 6 017 véhicules (contre 8 320 en 2018) sont maintenus en service malgré le fait qu'ils soient touchés par au moins l'un de ces critères.

Dans les 5 années à venir ce sont encore 8 824 qui atteindront ces critères, soit en totalité 14 841 véhicules qui auront dépassé au moins un des critères de réforme.

Nombre de véhicules réformés et achetés par la police nationale
et engagement financier annuel correspondant

Année

Nombre de véhicules réformés

Nombre de véhicules achetés

Engagement financier correspondant en M€

2010

2 272

1 320

-

2011

1 785

1 303

-

2012

2 741

2 165

44

2013

2 299

2 181

38,3

2014

1 834

2 498

38,9

2015

1 692

2 301

52,1

2016

1 963

2 519

53,9

2017

1 950

1 366

33,7

2018

1 743

3077

74

2019 réalisé

1297

3104

71,6

2020 (avec prise en compte du plan de relance et de la LFR 3)

Non renseigné

3134

72,7

2021 (calcul Sénat)

Non renseigné

Plus de 3000

71,6

Source : commission des finances du Sénat (d'après les réponses aux questionnaires budgétaires)

A minima, pour réduire l'âge de la flotte, il convient d'être en capacité d'acheter plus de véhicules que le nombre de véhicules réformés dans l'année. Pour les 5 prochaines années au regard des chiffres annoncés plus haut, seraient nécessaires environ :

- 1 200 véhicules/an pour permettre le renouvellement des 6 017 véhicules répondant à au moins l'un des critères de réforme mais qui sont toujours en service ;

- 2 968 véhicules/an pour rattraper le retard existant des 6 017 véhicules ci-dessus tout en anticipant les nouvelles réformes des 5 prochaines années.

En 2020, pour le programme police, ils seront renouvelés avec le plan de relance à hauteur d'une acquisition cible de 1 880 véhicules pour plus de 40 millions d'euros.

À ces acquisitions, s'ajoutent les crédits ouverts en cours de gestion 2020 21 ( * ) soit, 37,6 millions d'euros en AE pour l'acquisition de 627 Renault Zoé et 627 Peugeot 5008, dont les arrivées sont respectivement prévues à compter de novembre 2020 et dans le courant de l'année 2021, et 750 vélos et VTT électriques et les bornes électriques.

Pour 2020, près de 72,7 millions d'euros ont ainsi été mobilisés afin de renouveler 3 134 véhicules (hors vélos, VTT et bornes électriques).

Pour 2021, le programme 176 « Police nationale » comporte 133 millions d'euros pour le renouvellement du parc automobile de la police.

Ces acquisitions de véhicules neufs sont guidées par :

- un « verdissement » accéléré du parc ;

- des véhicules moins coûteux en maintenance qui favoriseront des économies sur tous les postes de dépenses ;

- un renouvellement de la flotte de la police nationale, notamment des véhicules de reconnaissance et d'allégement des compagnies républicaines de sécurité ainsi que des véhicules blindés du RAID.

2. Une situation aujourd'hui critique pour la gendarmerie nationale, qui bénéficiera d'un effort inédit en 2021

Au 1 er janvier 2020, la gendarmerie nationale dispose de 30 340 véhicules dont 27 033 véhicules opérationnels et 3 307 véhicules non opérationnels, comme les véhicules de liaison. Le parc automobile hors motocyclettes est constitué de 26 814 véhicules qui présentent un âge moyen de 7,31 ans, et un kilométrage moyen de 102 219 km.

Le rapporteur spécial relève que la situation de la gendarmerie nationale est donc plus défavorable, alors même que les véhicules constituent l'élément essentiel du travail des unités dans les territoires, puisque la superficie d'une brigade de neuf gendarmes correspond à celle de la ville de Paris.

Au regard des critères de mises en réforme des véhicules de la gendarmerie (8 ans/200 000 km), 3 000 véhicules doivent être acquis en moyenne chaque année pour maintenir le parc de véhicules en état.

Nombre de véhicules réformés et achetés par la police nationale
et engagement financier annuel correspondant

Véhicules réformés

Véhicules acquis

2010

2149

2264

2011

1967

1273

2012

1906

865

2013

1309

1333

2014

841

1444

2015

1905

2099

2016

2178

3302

2017

2788

2829

2018

3102

2782

2019 (réalisé)

2609

2541*

2020

Non renseigné

3300*

2021

Non renseigné

4500

Source : commission des finances du Sénat (d'après les réponses aux questionnaires budgétaires)

En 2020, il est prévu d'acquérir plus de 3 300 véhicules, dont près de 1 300 commandés dans le cadre du plan de soutien à l'économie (LFR 3).

Plus de 4500 véhicules pourront être commandés sur les crédits du programme 152 « Gendarmerie nationale » et sur les crédits du plan de relance en 2021:

- 3 919 véhicules 22 ( * ) pour 138,9 millions d'euros en CP au titre de la mission « Sécurités » ;

- 638 véhicules verts pour 23,6 millions d'euros CP au titre du plan de relance.

Sur les années 2020 et 2021, le parc de véhicules de la gendarmerie bénéficiera donc d'un effort inédit depuis plus de 10 ans.

3. Des évolutions à poursuivre dans la gestion du parc automobile

Au-delà des questions purement quantitatives (nombre de véhicules, vieillissement), le caractère parfois inadapté des véhicules aux missions spécifiques des forces de l'ordre doit également être évoqué. L'exemple de l'armement embarqué dans les équipages BAC est, à cet égard, symptomatique. Des policiers des BAC ont ainsi indiqué au rapporteur spécial à de nombreuses reprises avoir rencontré des difficultés pour embarquer les nouveaux équipements acquis dans le cadre des plans de renforcement dans des véhicules acquis antérieurement aux attentats de 2015-2016 : leur définition actuelle n'intègre pas, en fonction de l'unité, la charge totale emportée, compte-tenu du nombre de fonctionnaires embarqués et de leurs équipements (armes, casques lourds, protections, etc.). Les nouveaux armements et équipements de protection ont, en effet, un poids qui limite les performances des engins et parfois excède leurs capacités. Ainsi, la définition du coffre sécurisé d'emport des fusils HK-G36 a été établie indépendamment du type de véhicule. L'implantation de cette arme lourde stérilise une part importante de leurs coffres, déjà remplis par l'équipement des agents des BAC.

En tout état de cause, la question du vieillissement de la flotte automobile n'admet pas une réponse uniquement budgétaire. L'insuffisance des crédits ne saurait masquer la nécessité de revoir en profondeur le format et les modalités de gestion de ce parc. Le ratio véhicules/agent est ainsi inférieur en Allemagne et au Royaume-Uni, ce qui permet, par exemple, à la police berlinoise, de renouveler 25 % de son parc automobile chaque année 23 ( * ) . Des travaux visant à optimiser le format du parc français doivent, à cet égard, être entrepris.

La question du verdissement, placée au coeur du plan de relance, concerne également le parc automobile des forces de sécurité intérieure. L'objectif est de renforcer la dotation en véhicules non thermiques dans les services de police (électrique mais aussi véhicule hybride). Dans ce cadre, en 2020 près de 15 millions d'euros ont été consacrés au renouvellement de véhicules thermiques par des véhicules électriques (627 Renault Zoé). Pour 2021 et 2022 près de 47 millions d'euros sont également programmés. Ces commandes seront essentiellement destinées à fournir des véhicules de liaison, mais le rapporteur spécial tient à ce qu'une attention particulière soit portée à leur compatibilité avec les exigences opérationnelles (autonomie, bornes de recharge en nombre suffisant, etc).

Une plus grande externalisation du parc de véhicules, comme elle est pratiquée au Royaume-Uni et en Allemagne ou par certaines grandes entreprises comme La Poste, pourrait constituer une piste d'évolution pertinente 24 ( * ) . Cette piste était auparavant exclue pour des questions de principe et en raison des modifications particulières qu'il fallait opérer sur ces véhicules (installation de matériel de communication spécifique). Le recours à des outils mobiles, comme NEOGEND et NEOPOL ne rend plus nécessaire ces modifications 25 ( * ) . En gendarmerie nationale, l'externalisation du parc est actuellement expérimentée au sein de deux écoles (Tulle et Rochefort), dans lesquelles le transport des élèves est externalisé auprès d'une société d'autocars . La gendarmerie expérimente également une externalisation du transport des militaires de la garde républicaine avec la RATP. Une externalisation du parc des véhicules légers de liaison est étudiée, avec un recours à la location longue durée de véhicules électriques et hybrides, en remplacement des véhicules actuels. S'agissant de la police nationale, depuis 2019, les services de la police (et notamment la DCPAF, la DCSP et la préfecture de police) ont recours à la location de véhicules en expérimentation sur les véhicules de liaison pour environ 400 000 euros en AE et CP par année.

Le périmètre de l'externalisation reste à déterminer , un socle stratégique de véhicules détenus par les forces devant sans doute demeurer. Sur environ 60 000 véhicules détenus par les deux forces de sécurité intérieure, l'externalisation de 40 000 d'entre eux pourrait constituer un objectif réaliste à moyen terme.


* 21 Loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020 (3).

* 22 Dont 582 véhicules 2 roues, 290 véhicules lourds et 48 moyens blindés.

* 23 Cour des comptes, L'équipement des forces de l'ordre , 2018.

* 24 L'inspection générale de l'administration est actuellement en train de faire une étude à ce sujet.

* 25 Les véhicules devraient toujours être sérigraphiés, ce qui constitue toutefois une modification mineure et réversible.

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