C. DES AIDES À LA PRESSE RÉVISÉES POUR RÉPONDRE À LA LIQUIDATION DE PRESSTALIS ET À LA CRISE SANITAIRE

Les aides à la presse sont pour l'essentiel intégralement ciblées sur la presse d'information politique et générale (IPG). Trois types d'aides sont visées par l'action n° 2 du programme 180 : les aides à la diffusion, les aides au pluralisme et les aides à la modernisation du secteur.

Répartition des crédits de paiement par sous-action
au sein de l'action 02 « Aides à la presse »

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Le montant total des aides à la presse devrait atteindre 118,1 millions d'euros (AE=CP) en 2021.

Montant des aides à la presse prévues en 2021 au sein du programme 180

(en euros)

Action

Montant

Sous-action 01 « Aides à la diffusion »

39 387 903

Aide au portage de la presse

26 500 000

Exonération de charges patronales pour les vendeurs-colporteurs et porteurs de presse

12 887 903

Sous-action 02 « Aides au pluralisme »

23 225 000

Aide aux publications nationales d'information politique et générale à faibles ressources publicitaires

14 355 000

Aide aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux d'information politique et générale à faibles ressources de petites annonces

1 400 000

Aide au pluralisme des titres ultramarins

2 000 000

Aide au pluralisme de la presse périodique régionale et locale

1 470 000

Aide aux services de presse en ligne

4 000 000

Sous-action 03 « Aides à la modernisation »

55 473 422

Aide à la modernisation sociale de la presse quotidienne d'information politique et générale

150 000

Aide à la modernisation de la distribution de la presse

27 850 000

Aide à la modernisation des diffuseurs de presse

6 000 000

Fonds stratégique pour le développement de la presse

16 473 422

Fonds de soutien à l'émergence et à l'innovation dans la presse

5 000 000

Total

118 086 025

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le rapporteur spécial tient à rappeler, avant toute analyse, que la place importante accordée à la presse d'information politique et générale (IPG) ne doit pas occulter les besoins du reste de la presse, en particulier de la presse d'information professionnelle et spécialisée.

Il souhaite également que la disparition de Presstalis et la reprise d'une partie de ses activités par France Messagerie le 1 er juillet 2020 incitent à une réflexion sur le format des aides à la presse , en particulier en ce qui concerne sa distribution. Cette nouvelle donne ne semble pas cependant prise en compte dans la répartition des crédits proposée.

1. Des modifications à la marge

La progression des crédits du programme 180 vise principalement les aides à la presse, dotées de 7,2 millions d'euros supplémentaires par rapport à la loi de finances pour 2020 : 118,1 millions d'euros sont ainsi prévus dans le présent projet de loi de finances, soit une progression de 6,46 %.

Ces nouveaux crédits sont fléchés vers les aides au pluralisme :

- 1,2 million d'euros affectés à l'aide aux publications nationales d'information politique et générale à faibles ressources ;

- 2 millions d'euros dédiés à une nouvelle sous-action consacrée à l'aide au pluralisme des titres ultramarins. Celle-ci prend le relais d'une aide mise en place en 2020 par décret : une aide spécifique de 1,3 million d'euros est ainsi accordée à une quinzaine de titres de la presse ultramarine. Par ailleurs, le projet de loi de finances prévoit l'extension aux territoires ultramarins de l'aide prévue pour la diffusion des quotidiens et des hebdomadaires d'IPG à l'étranger. 0,7 million d'euros serait ainsi attribué afin de prendre en compte le coût du transport des titres ;

- 4 millions d'euros dédiés à une nouvelle sous-action instituée en faveur de l'aide aux services de presse en ligne. Cette nouvelle enveloppe permet de rompre avec la priorité accordée à l'imprimé pour le versement des aides à la presse.

Si le rapporteur spécial salue la prise en compte des services de presse en ligne, qui témoigne d'une meilleure appréhension des nouvelles habitudes de lecture, il s'interroge sur l'absence de bouleversement de la répartition des aides, alors même que le contexte a profondément évolué ces dernières années. Il s'agit en effet de prendre en compte la réforme du statut de vendeur-colporteur, l'ouverture à la concurrence du secteur de la distribution et la disparition de Presstalis et les incidences de la crise sanitaire actuelle. Seule la mission Plan de relance semble prendre en compte les priorités que ce nouveau paysage dessine (cf infra ).

La mobilisation des aides à la presse en faveur de Presstalis en 2020

À la suite de la cessation des paiements de Presstalis en 2020, l'État s'est engagé pour assurer les besoins de financement pré-reprise de la société. Il a ainsi pris en charge, au titre de l'aide à la distribution, le financement de la période intercalaire permettant aux actionnaires de finaliser leurs négociations pour éviter une liquidation sèche de la société (17 millions d'euros), et les chèques de qualification dus aux diffuseurs de presse au titre du second semestre 2019 (16,2 millions d'euros).

Le décret n° 2020-814 du 30 juin 2020 a instauré, pour la seule année 2020, une troisième section de l'aide à la distribution. Celle-ci concerne les sociétés coopératives de groupage de presse qui sont associées d'une société agréée de distribution de la presse assurant la distribution de quotidiens nationaux d'information politique et générale. Seule la Coopérative des quotidiens (CDQ), structure de reprise de France Messagerie, est de jure éligible à cette section de l'aide. Par ce biais, l'État a pu participer en 2020 aux besoins de financement de France Messagerie à hauteur de 68 millions d'euros tout en finançant, à hauteur de 8 millions d'euros, les chèques de qualification dus aux diffuseurs de presse au titre du premier semestre 2020.

L'État a, par ailleurs, accordé un prêt de 12 millions d'euros à la CDQ. D'une maturité de 6 ans son remboursement devrait débuter le 1 er janvier 2022. L'État a, en outre, renoncé aux créances dues par Presstalis au titre des prêts du Fonds de développement économique et social (FDES), le montant de cet abandon de créances est estimé à 86 millions d'euros, dont 7 millions d'euros d'intérêts.

Ce soutien de l'État a été conditionné à la prise en charge par les éditeurs du coût des départs pour la période 2021-2022.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Une réorientation de l'intervention publique vers des projets innovants, au travers du Fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) et du Fonds de soutien à l'émergence et à l'innovation dans la presse (FSEIP) apparaît, en effet, primordiale. Un tiers des crédits du FSDP étaient réorientés, depuis 2018, vers la survie de Presstalis . Il convient de rappeler que ce Fonds a été conçu lors de sa création en 2013 comme l'instrument central de la politique de l'État concernant les projets innovants 3 ( * ) . Des avances à taux bonifiés pouvant aller jusqu'à 70 % pour les médias émergents sont ainsi mises en oeuvre dans ce cadre et doivent permettre au secteur de faire face à de nouveaux défis, à l'instar du kiosque numérique. Le Fonds devrait être doté en 2021 de 16,47 millions d'euros, soit un montant quasiment équivalent à celui enregistré en 2020. Il fait ailleurs l'objet de mesures de gel budgétaire systématiques depuis 2012. Le maintien de la dotation du FSDP n'est pas compensé par une montée en charge du Fonds de soutien à l'émergence et à l'innovation dans la presse (FSEIP) dont la dotation est maintenue à 5 millions d'euros depuis sa création en 2016 4 ( * ) .

Le Gouvernement indique par ailleurs que le PLF 2022 pourrait intégrer une suppression de l'aide au portage, appelée à être remplacée par une aide au stock « différenciée à l'exemplaire », réservée aux titres IPG. Cette aide serait scindée en deux parties, avec une aide à l'exemplaire « posté » et une autre à l'exemplaire « porté », dont les modalités de financement sur crédits budgétaires restent à déterminer. Cette solution, une nouvelle fois complexe, tranche avec les préconisations de la Cour des comptes formulées en 2018, appelant à une simplification des dispositifs d'aides à la distribution en vue de la mise en place d'une aide unique globalisée à l'exemplaire.

2. Une maquette budgétaire à redéfinir : la question de l'aide au transport postal

Le programme 134 « Développement des entreprises et régulations » de la mission « Économie » vient compléter le programme 180 en rassemblant les aides au transport postal (87,8 millions d'euros prévus en AE et en CP dans le cadre du présent projet de loi de finances). Du fait de la modicité des tarifs postaux réglementés de presse au regard des coûts affectés à l'activité et du niveau de la participation financière de l'État, La Poste a ainsi supporté, en 2018, un déficit brut de près de 287 millions d'euros avant compensation publique (dont 197 millions d'euros au titre de la presse IPG). Le coût net de la mission de service public pour La Poste s'est ainsi élevé à 176 millions d'euros.

Le montant de la compensation est appelé à évoluer, le cadre tarifaire établi pour les années 2016 à 2020 arrive en effet à son terme. La trajectoire d'évolution des tarifs définie prévoyait que les tarifs de La Poste pour la période n'augmenteront pas au-delà de l'inflation pour les quotidiens à faibles ressources publicitaires, ils augmenteront, hors inflation, de 1 % l'an pour la presse d'information politique et générale et de 3 % l'an pour les titres de presse bénéficiant d'un avis favorable de la commission paritaire des publications et des agences de presse (CPPAP) afin de bénéficier du régime économique de la presse (tarifs fiscaux et postaux privilégiés).

En 2018, plus de 6 000 publications, soit la quasi-totalité des titres inscrits sur les registres de la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP), ont été distribuées par La Poste. 887 millions d'exemplaires de journaux et magazines ont été ainsi diffusés en 2019 . Il s'agit là du principal canal de diffusion de la presse abonnée.

Une mission a été confiée à Emmanuel Giannesini, magistrat à la Cour des comptes, afin de proposer au Gouvernement différents scénarios d'évolution des tarifs postaux et du soutien public au transport postal de la presse à partir du 1 er janvier 2021, dans un contexte d'attrition des volumes de presse postés et de baisse concomitante de la qualité du transport postal. Dans ses premières conclusions, la mission préconise sur une réduction au maximum des volumes de presse postés en J+1 au profit du portage et une actualisation des tarifs au niveau de l'inflation. La Poste devrait, par ailleurs, bénéficier une compensation au titre de sa mission de service public sur une base réelle et non plus forfaitaire. La mise en oeuvre de ces propositions devrait intervenir à l'occasion du projet de loi de finances pour 2022.

Le rapporteur spécial rappelle que l'inscription des aides au transport postal de la presse au sein du programme 134 de la mission « Économie » ne permet pas de disposer d'une vision globale des aides au secteur. La Cour des comptes avait également souligné, en février 2018, la nécessité de produire un document budgétaire unique visant à évaluer l'ensemble des transferts réalisés au bénéfice de ce secteur. Dans une réponse au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial, le Gouvernement indique que ce rattachement pourrait intervenir à compter du projet de loi de finances pour 2022.

3. Un soutien complété par le plan de relance

Le programme 363 - Compétitivité de la mission Plan de relance -prévoit 140 millions d'euros en AE et 70 millions d'euros en CP pour la filière presse. Ces crédits permettent de majorer les aides à la presse de près de 59,3 %.

Trois axes ont été retenus :

- un plan pour accompagner la transition écologique du secteur de la presse et les changements de pratique dans l'imprimerie (47 millions d'euros en AE et 23,5 millions d'euros en CP) ;

- la majoration des crédits alloués au Fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) afin d'améliorer la compétitivité et l'attractivité du secteur (45 millions d'euros en AE et 22,5 millions d'euros en CP) ;

- un soutien aux marchands de journaux sur le territoire et la mise en place d'un fonds pour la résorption de la précarité dans ce secteur d'activité (48 millions d'euros en AE et 24 millions d'euros en CP).

Ces dispositifs viennent s'ajouter aux crédits débloqués en urgence en troisième loi de finances rectificative pour 2020. 140 millions d'euros (AE = CP) ont en effet été dégagés pour faciliter la restructuration de Presstalis (100 millions d'euros) et soutenir les entreprises du secteur.

La filière presse a ainsi fait l'objet de trois dispositifs de soutien :

- une aide exceptionnelle de 19 millions d'euros attribuée aux diffuseurs de presse indépendants et spécialistes 5 ( * ) ;

L'aide aux diffuseurs de presse indépendants et spécialistes

L'aide exceptionnelle est destinée à répondre aux difficultés des 10 500 diffuseurs et spécialistes face aux mouvements de grève liés à la mise en redressement judiciaire de Presstalis. Trois dispositifs similaires avaient été instaurés en 2009 (50 millions d'euros reversés à 12 500 diffuseurs), 2011 (14 millions d'euros attribués à 10 000 diffuseurs) et 2014 (0,72 million d'euros attribué à 480 entreprises).

Forfaitaire, le montant de l'aide dépend de la zone géographique. Elle vise particulièrement les marchands dépendant des anciens dépôts de Presstalis SAD (Ajaccio, Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Nantes, Rennes, Toulouse et Tours) et SOPROCOM (Avignon, Bastia, Crépy-en-Valois, Fréjus, Le Mans, Nancy), particulièrement concernés par les mouvements sociaux, notamment à Lyon et Marseille.

1 500 euros sont donc attribués aux 6 619 diffuseurs indépendants et spécialistes non rattachés à un dépôt SAD et SOPROCOM. 2 000 euros sont versés aux 3 224 kiosques et aux diffuseurs indépendants et spécialistes qui étaient rattachés à un dépôt appartenant au niveau 2 de Presstalis, en dehors des zones de Lyon et Marseille. 3 000 euros sont enfin versés aux 680 diffuseurs indépendants et spécialistes qui étaient rattachés aux dépôts SAD de Lyon et Marseille.

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire

- 8 millions d'euros versés aux éditeurs d'information politique et générale fragilisés par la crise de la distribution de la presse ;

- 3 millions d'euros spécifiquement dédiés aux éditeurs de titres ultramarins d'information politique et générale.

Enfin, 10 millions d'euros devaient être fléchés vers la mise en oeuvre d'un « plan de filière » à destination de la presse. Le Gouvernement entendait notamment soutenir les projets d'investissement contribuant à la transformation du secteur, en veillant notamment à la transition écologique (5 millions d'euros envisagés sur ce seul point).

Crédits dédiés à la filière presse 2020-2021

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Cette enveloppe budgétaire est complétée par la mise en oeuvre d'un nouveau dispositif fiscal, adopté en troisième loi de finances rectificative pour 2020. L'article 2 de celle-ci instaure la création d'un crédit d'impôt au titre du premier abonnement à une publication ou à un service de presse en ligne qui présente le caractère de presse d'information politique et générale (IPG).

Le crédit vise un seul abonnement. Initialement destiné à couvrir 50 % du montant de l'abonnement dans la limite de 50 euros et ouvert aux seuls foyers fiscaux dont le montant des revenus n'excède pas pour une part de quotient familial, 24 000 euros, le dispositif a été amendé à l'initiative du Sénat afin de le rendre plus attractif en supprimant la condition de revenus et le plafond de 50 euros tout en ramenant la prise en charge à 30 % du montant de l'abonnement. Le coût de la dépense fiscale est évalué à 60 millions d'euros. La date d'entrée en vigueur du dispositif n'est pas encore précisée. Elle devrait intervenir au maximum un mois après la date de réception par le Gouvernement de la réponse de la Commission européenne permettant de considérer ce dispositif comme conforme au droit de l'Union européenne en matière d'aides d'État.

Ce crédit d'impôt vise à répondre à la crise d'un secteur déjà fragilisé avant la pandémie. Les nouvelles habitudes de lecture de la presse, le recul des ventes, la diminution du nombre de points de vente et les difficultés récurrentes de la distribution fragilisaient déjà les entreprises de presse et leur modèle économique. Les mesures de confinement ont exacerbé ces difficultés, en conduisant à la fermeture de certains points de vente et, surtout, en aggravant la chute des revenus publicitaires (entre - 60 % et - 90 % sur la période selon les médias). Ce dispositif doit permettre d'augmenter le lectorat et faciliter ainsi un redémarrage du marché publicitaire tout en garantissant un flux de trésorerie pour les entreprises de presse. Le rapporteur spécial rappelle que son efficacité tient à une mise en oeuvre rapide.

Ce dispositif vient compléter un arsenal de dépenses fiscales qu'il conviendrait, pour certaines, de réévaluer.

Dépenses fiscales en faveur de la presse

(en millions d'euros)

Type de dépenses

Chiffrage 2019

Chiffrage 2020

Chiffrage 2021

Taux de TVA de 2,10 % applicable aux publications de presse

155

140

150

Déduction spéciale prévue en faveur des entreprises de presse

1

1

1

Réduction d'impôt accordée au titre des souscriptions en numéraire au capital d'entreprises de presse

0

0

0

Exonération de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises dont les établissements vendent au public des écrits périodiques en qualité de diffuseurs de presse spécialisée

4

5

5

Exonération de cotisation foncière des entreprises dont les établissements vendent au public des écrits périodiques en qualité de diffuseurs de presse spécialisée

5

5

5

Total

165

151

161

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires


* 3 Décret n° 2012-484 du 13 avril 2012 relatif à la réforme des aides à la presse, au fonds stratégique pour le développement de la presse et au fonds de soutien à l'émergence et à l'innovation dans la presse.

* 4 Décret n° 2016-1161 du 26 août 2016 relatif au soutien à l'émergence et à l'innovation dans la presse et réformant les aides à la presse.

* 5 Décret n° 2020-1056 du 14 août 2020.

Page mise à jour le

Partager cette page