EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le jeudi 19 novembre 2020, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial de la mission « Médias, Livre et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ».

M. Claude Raynal , président . - Nous examinons à présent les crédits de la mission « Médias, livres et industrie culturelle » et du compte de concours financier « Avances à l'audiovisuel public ».

M. Roger Karoutchi , rapporteur spécial . - Notre rapport couvre deux secteurs : d'un côté les médias, le livre et les industries culturelles et, de l'autre, l'audiovisuel public.

Le budget du premier secteur s'élève à 600 millions d'euros en crédits de paiement (CP). Par ailleurs, le plan de relance lui consacre pratiquement 500 millions en CP, presque autant que la totalité de la mission. Cela donne le sentiment que l'on consacre beaucoup plus de moyens à ce secteur que d'ordinaire, mais, en réalité, l'augmentation du budget de la mission n'est que de 3 %.

Je parlerai dans un deuxième temps de l'audiovisuel public, sur lequel le désespoir l'emporte, pas seulement quant à la qualité de ses programmes - sur lesquels les Français se sont fait leur opinion depuis longtemps -, mais aussi par rapport à la réforme promise depuis des années, qui a été retardée et semble à présent perdue dans les limbes. Le résultat est un audiovisuel public qui ne se réforme pas et semble en roue libre ; j'y reviendrai. Sera-t-il à nouveau question de cette réforme ? On peut en douter et ce ne sera sûrement pas le cas avant l'élection présidentielle, ni même peut-être après. Les bastions de l'audiovisuel public n'en veulent pas et ils semblent avoir obtenu la mise à mort de cette réforme pourtant annoncée à grands cris par le Président de la République.

Sur la question de la presse, des réformes des aides avaient été imaginées pour 2020 et 2021. Fallait-il en rester au système d'après-guerre, qui subventionnait les journaux issus de la résistance et une presse plus politique que spécialisée ? Cette façon classique de concevoir les choses est remise en cause par beaucoup, les temps ayant changé. Une partie du chemin seulement a été faite, notamment à cause du désastre qu'a été Presstalis. Les responsables de presse ont en effet utilisé l'argument des pertes liées à ce système de diffusion pour remettre à plus tard une réforme pourtant nécessaire. Le Canard enchaîné - dont je ne suis pas un lecteur assidu - a notamment annoncé il y a quelques jours un budget déficitaire pour la première fois de son histoire, à cause de pertes liées à Presstalis. Malgré plus de 150 millions euros d'aide et 80 millions d'euros d'abandon de dettes pour la seule année 2020, et un certain nombre de plans visant à son soutien et à sa rénovation, Presstalis a fini par être remplacé, tardivement et en partie, par France Messagerie.

À cela s'ajoute la crise sanitaire. De nombreux kiosques ont fermé, les transports assurés par La Poste et la SNCF ont été perturbés et les abonnements n'ont pas été tenus. Quand on explique aux responsables de la presse écrite qu'on ne peut continuer à entretenir un système d'aide qui n'en finit pas de soutenir des titres qui ne sont pas assez lus, ils répondent, de façon légitime, qu'on ne peut lancer une réforme et prendre des décisions définitives en ces temps de crise. La réforme a donc été reportée à des temps meilleurs. Le Gouvernement a tout de même mis en place un certain nombre d'aides pour moderniser la presse, notamment pour soutenir les efforts nécessaires à la numérisation.

Les crédits du Centre national du livre (CNL) n'ont pas vraiment augmenté, mais le plan de relance consacre 30 millions d'euros au soutien des libraires et des bibliothèques.

En revanche, le Centre national de la musique (CNM), entré en fonction le 1 er janvier 2020, n'a pas eu de chance. Ce centre, résultat d'une fusion de différents organismes, avait prévu de nombreux efforts en matière de modernisation, de regroupement et de rationalisation, mais les ressources sont à présent consacrées à éviter faillites et fermetures de salles. Le budget du CNM pour 2021 est en augmentation de 7,8 millions d'euros, mais, ici aussi, le plan de relance joue un rôle majeur puisqu'il prévoit une aide de 175 millions d'euros. Sans ce soutien, logique et légitime, la plupart de nos salles de concert auraient fermé. Le CNM attend la réouverture des salles pour début 2021 et espère pouvoir accompagner financièrement cette reprise. La situation de cette filière est sans doute la plus difficile, car elle ne reçoit pas d'autres soutiens que celui de l'État.

Pour le financement du cinéma, plus de 140 millions d'euros ont déjà été dégagés en 2020 pour aider l'industrie à faire face aux effets de la crise, et 165 millions ont été prévus par le plan de relance. Les responsables du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) ont tout de même réussi un exploit. En effet, malgré une situation calamiteuse - très peu de tournages, salles fermées -, ils sont parvenus à faire en sorte qu'aucune grande société de production ni aucun site de l'industrie cinématographique française ne ferme. Le secteur était pourtant déjà en difficulté, souffrant de la concurrence des studios d'Europe de l'Est et des tournages réalisés à l'étranger. Mais le système tient, et le plan de relance renforce aussi la capacité de financement de l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC). J'ai le sentiment qu'on a mis les moyens, que le monde du cinéma a résisté et que nous serons prêts à une phase de modernisation en 2021. Je rappelle que des parts de marché ont été reprises avec difficulté dans la création cinématographique depuis quatre ou cinq ans, à la suite d'un effondrement progressif, à l'oeuvre depuis le début des années 1990. La crise sanitaire gèle les choses, mais on peut imaginer que le soutien à ce secteur permettra de continuer à avancer. Les responsables des secteurs de la musique et du cinéma sont extrêmement dynamiques, passionnés, et ont plutôt réussi à mobiliser leurs secteurs dans de bonnes conditions.

Après ces quelques flatteries, passons à moins flatteur... Le budget de l'audiovisuel public... Je ne sais même pas s'il faut en dire quelque chose, monsieur le président ! On nous dit, d'un air de triomphe, que la redevance est maintenue à 138 euros, et que l'audiovisuel va donc recevoir 3,6 milliards d'euros. Mais depuis déjà trois ou quatre ans, des contrats d'objectifs devaient réduire les frais de fonctionnement des grands médias et notamment de France Télévisions et de Radio France - ARTE et France Médias Monde (FMM) pouvant difficilement réduire davantage.

On avait eu, ici même, un débat sur la redevance pour se demander sur quoi pourrait s'appuyer cette contribution à l'audiovisuel public (CAP), après la disparition annoncée de la taxe d'habitation. Le ministre Darmanin, alors responsable du budget, avait évoqué une possible suppression de la redevance au profit de dotations d'État. Ce débat a été enterré, notamment parce que les acteurs de l'audiovisuel public ne veulent pas dépendre de ces dotations, qui risquent de fluctuer dans le futur, et d'être conditionnées à des exigences d'efficacité. Ainsi, ils continuent de profiter de la manne de la redevance, et l'État ne se montre pas aussi exigeant qu'avec d'autres secteurs. Il n'y a plus de réflexion véritable sur la redevance, ou seulement à la marge, notamment sur la possibilité de l'augmenter d'un euro par an pour assurer une régularité des recettes. Les ressources de l'audiovisuel sont donc garanties, sans exigence de contrepartie, et cela me semble être une aberration.

France Télévisions a tout de même fait quelques efforts, notamment en matière de personnel, et le nombre de contrats à durée déterminée (CDD) et d'opérateurs extérieurs a légèrement diminué. Mais ces efforts n'ont pas porté sur tout, et représentent des sommes loin d'être extravagantes. On avait demandé une baisse des dépenses de 80 millions d'euros en 2021 aux sociétés de l'audiovisuel public, en ciblant principalement France Télévisions et Radio France dans une moindre mesure. Cette somme a finalement été ramenée à 70 millions d'euros en raison de la crise, mais ces efforts de réduction des dépenses ont été compensés par le plan de relance. Or ces entreprises ne me semblent pas avoir enregistré de pertes majeures en raison de la crise.

La seule nouveauté de 2020 a été la création de la plateforme de diffusion Salto, dont le démarrage a été pour le moins lent et dont l'avenir ne sera sans doute pas radieux. De plus, France Télévisions prend des risques financiers pour la plateforme ; à laquelle sont associés TF1 et M6. Enfin, l'objectif des 40 000 abonnés pour 2020, pourtant très limité, ne sera peut-être même pas atteint.

Il nous faut entamer une réflexion sur le périmètre de France Télévisions et sur sa mission de service public. France 4, avec la diffusion de programmes jeunesse pendant le confinement, a repoussé sa disparition, à présent prévue pour l'été 2021, et a assuré sa mission de service public. Il me semble que c'est le cas aussi de France 3 dans ses phases régionales, de France 5, voire d'ARTE. Mais les jeux, émissions et films diffusés par France 2, et France 3 dans sa phase nationale, ne sont pas différents de ceux que propose le secteur privé. Et il n'est pas rare que des responsables de chaînes publiques achètent à prix d'or des films américains pour s'assurer certains soirs un meilleur audimat que les chaines privées. Si c'est pour faire la même chose que le privé, quelle est l'utilité d'avoir autant de chaines ?

Je suis donc confiant pour les secteurs du cinéma, de la musique et du livre, et sur le soutien à la modernisation, avec une petite inquiétude pour la presse écrite dont les réformes ont été ajournées par la crise sanitaire. Mais sur l'audiovisuel public, mes réserves sont grandes et je vois bien comment on a profité de la crise pour ne pas redéfinir le périmètre, les missions et les vrais enjeux. Néanmoins, ces secteurs faisant ensemble une moyenne, j'émets un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission et du compte de concours financiers.

M. Claude Raynal , président . - Je vais donner la parole à Jean-Raymond Hugonet, rapporteur pour avis de la commission de la culture sur les crédits de l'audiovisuel public.

M. Jean-Raymond Hugonet , rapporteur pour avis . -Votre partition, Roger Karoutchi, ne demande pas à être réarrangée, mais le musicien que je suis y posera quelques dièses. Vous avez parfaitement résumé la situation, et celle-ci me semble relever d'un manque de décision de la part du Président de la République et du Gouvernement, et d'une absence de stratégie nationale pour l'audiovisuel public. Malgré la crise sanitaire, on aurait pu réformer au moins la CAP, et c'est une grave erreur de ne pas l'avoir fait.

Je poserais un dièse, notamment en tant que membre du conseil d'administration de Radio France, car on ne peut pas dire qu'aucun effort n'a été fait en matière de réduction du personnel. Les deux entreprises les plus touchées par la crise sanitaire sont France Télévisions et Radio France, car elles ont des ressources propres, liées à la publicité pour l'une et à la billetterie pour l'autre. Elles ont néanmoins procédé à des plans de départs volontaires et, aujourd'hui, le corps social de ces entreprises est sous tension et les risques psychosociaux sont réels. Ces entreprises éprouvent des difficultés à se réformer parce qu'elles souffrent d'une absence de stratégie et d'une diminution de leurs moyens. De plus, elles doivent passer au numérique et se réformer de l'intérieur, ce qui ajoute une difficulté supplémentaire.

La triple tutelle, exercée sur l'audiovisuel public par la rue de Valois, le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et Bercy, est un désastre. Et c'est la raison pour laquelle les acteurs du secteur veulent échapper à la budgétisation de leurs ressources, à la prise en main par l'État, et au risque notamment de voir le ministère de la culture se retirer peu à peu du jeu.

Je finirai en rappelant que notre audiovisuel extérieur - FMM et TV5 Monde - représente un important argument de diplomatie pour notre pays qui répète à l'envi son souhait de rayonner dans le monde. Ces médias le permettent, et avec des financements marginaux. Mais là aussi les moyens sont en baisse et il me semble que, particulièrement dans le contexte actuel de nos relations tendues avec le monde arabe, nous ratons une occasion.

M. Claude Raynal , président . - Je précise que les années précédentes, Roger Karoutchi consacrait la moitié de son intervention aux questions de l'audiovisuel extérieur.

M. Roger Karoutchi , rapporteur spécial . - Je ne l'ai pas fait cette année parce je n'ai pas déposé d'amendement pour le financement de FMM. Je suis consterné par ce sujet depuis des années, et je me lasse. Tous les grands pays offrent un soutien total à leurs audiovisuels extérieurs, et le Royaume-Uni y consacre même l'équivalent du budget de l'Agence française de développement ! Quand on demande des moyens supplémentaires, on nous répond que c'est un élément important pour le rayonnement de la francophonie et de la France, mais on y consacre des crédits extrêmement limités, et quand je présente un amendement demandant 2 millions d'euros, c'est à peine si l'on me traite de voleur... S'il y a bien une mission de service public, c'est celle de faire rayonner la langue et l'influence françaises partout dans le monde !

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Merci, Roger Karoutchi, pour ce propos concis, qui nous a offert un large tour d'horizon des crédits de la mission. Votre enthousiasme a été à géométrie variable, même si vous avez finalement proposé l'adoption des crédits. Une seule question : savez-vous quelles sont les pistes de réforme avancées par le Gouvernement, compte tenu de la disparition progressive de la taxe d'habitation à laquelle est adossée la CAP ?

M. Vincent Éblé . - Si je partage beaucoup des éléments présentés par notre rapporteur, je ne voterai pas ces crédits. La situation est assez préoccupante et, sur l'ensemble des missions du ministère de la culture, le budget de l'audiovisuel public est le seul à baisser, une diminution qui n'est pas compensée par les 65 millions d'euros prévus par le plan de relance. Je n'ai jamais été fasciné par la baisse d'un euro de la redevance, baisse qui relève d'un effet de communication et reste symbolique pour celui qui y est assujetti. Mais les ressources dont on s'est ainsi privé auraient pu sauver France 4, seule chaîne à avoir diffusé des émissions éducatives pendant le confinement, ce que les Français ont apprécié. On s'interdit pourtant de revenir sur cette baisse alors que cela aurait pu éviter de voir baisser les crédits de toutes les entreprises du secteur, à part l'Institut national de l'audiovisuel (INA) et TV5 Monde, dont les crédits stagnent. Je souhaitais juste exposer ce point de vue, et partager mon sentiment de circonspection.

M. Vincent Delahaye . - Pour certains, un budget qui baisse est nécessairement un mauvais budget ! Ce n'est pas du tout ma conception de la gestion de l'argent public. On laisse dériver depuis des années le secteur de l'audiovisuel, et je partage le ton désabusé du rapporteur spécial, qui finit cependant par proposer l'adoption des crédits. Je ne conclurai pas de la même façon. On a raté la privatisation de France 2 quand la chaîne valait encore quelque chose. L'audiovisuel public compte sept ou huit chaînes, ce qui est énorme et, comme le rapporteur, j'estime que l'on pourrait se concentrer sur France 5, France 3 et ARTE. Le budget de 3,6 milliards d'euros est largement supérieur à celui de la mission « Action extérieure de l'État », dont je suis le rapporteur spécial. Est-ce une bonne chose ? C'est une question dont nous devrions débattre et, pour ma part, je suis loin d'être convaincu. Les petits efforts demandés aux entreprises de l'audiovisuel public ont été compensés par le plan de relance, ce que je trouve surprenant et qui n'est pas vraiment acceptable sur le fond.

Dans le cadre de l'un des projets de loi de finances rectificative (PLFR) de cette année, j'avais déposé un amendement demandant la suppression d'un financement supplémentaire de 200 millions d'euros pour Presstalis. Cet amendement n'a pas été adopté et le rapport de M. Karoutchi mentionne la disparition de Presstalis. On a donc dépensé 200 millions pour un système qui a disparu. J'ai écrit au ministre à ce sujet, mais je n'ai pas reçu de réponse, et je ne sais toujours pas si ces 200 millions d'euros sont effectivement partis en fumée.

M. Jérôme Bascher . - Je vais continuer de filer la métaphore musicale de Jean-Raymond Hugonet, ayant entendu le « soupir » de Roger Karoutchi devant la « pause » dans la réforme de France Télévisions. Il me semble que cette pause est aussi liée à des questions de calendrier dans la mesure où une nouvelle direction devait être nommée à la tête de l'entreprise ; peut-on réformer sans patron ?

Par ailleurs, les suppressions annoncées de France 4 et de France O, une chaîne que je ne regarde pas souvent, mais que je trouve importante pour la France ultramarine, vont-elles permettre de faire des économies et de procéder aux réformes nécessaires pour notre audiovisuel public ?

Enfin, Radio France n'embrasse-t-elle pas trop large ? On pourrait se demander si certaines radios musicales relèvent vraiment du service public ; cette question du périmètre, que l'on pose pour la télévision, doit se poser aussi pour la radio afin qu'elle puisse procéder aux réformes dont elle a besoin.

M. Michel Canevet . - Je voudrais remercier le rapporteur pour ses analyses passionnées et passionnantes. Comme il l'a évoqué, la vraie question est celle de la redevance, et comme Vincent Delahaye je suis de ceux qui pensent que l'on doit continuer à faire des efforts de gestion pour réduire les dépenses. Il est possible de faire des économies et on l'a bien vu à l'occasion de différentes affaires médiatisées impliquant des présidents de chaînes ou de stations. La suppression de la taxe d'habitation doit nous encourager à mener une réflexion approfondie sur la perception de la CAP. Des économies d'échelle étaient réalisées en envoyant en même temps que la taxe la demande de redevance, et les coûts de gestion risquent de devenir plus lourds. Pour revenir à la question de la redevance, peut-être faudrait-il prendre en considération d'autres critères, tels que la taille du téléviseur, ou taxer les appareils de communication.

Je fais partie de ceux qui pensent que l'on doit porter l'effort sur l'audiovisuel extérieur, mais aussi sur France 3, car c'est là un élément de différenciation du secteur public. Même si de nouvelles chaînes locales ont été créées, l'offre reste très incomplète et France 3 fait face à peu de concurrence, contrairement aux autres chaînes de France Télévisions. La mission de service public, en matière radiophonique et télévisuelle, a vraiment sa place dans les régions.

M. Vincent Segouin . - Je lis dans le document de présentation du rapport : « budget de l'audiovisuel public entre crise et absence de réforme », « une contribution à l'audiovisuel public gelée alors que son avenir reste incertain », « chronique d'une mort annoncée : la réforme de l'audiovisuel public », et on nous propose de voter le budget ! Ma question est simple : que faut-il de plus pour qu'on le rejette ?

M. Vincent Capo-Canellas . - Je voudrais poser une question sur la problématique de la diffusion via l'opérateur principal TDF pour ce qui concerne la télévision numérique terrestre (TNT), qu'on oublie un peu alors qu'une étude du CSA montre qu'elle reste le mode de réception exclusif pour un foyer sur cinq, notamment en zone rurale. Les coûts de diffusion de TDF ont parfois tendance à augmenter fortement. Le CSA semble vouloir moderniser la TNT avec une expérimentation sur la ultra haute définition notamment pour les grands événements sportifs. Il est important de maintenir cette diffusion de TNT qui couvre le territoire et garantit une réception gratuite et sans collecte de données. L'opérateur doit maintenir des coûts raisonnables si l'on veut préserver ce réseau. Avez-vous été alertés à ce sujet et pourrait-on introduire des éléments de vigilance ?

M. Claude Raynal , président . -Je m'étonne toujours, quand je suis à l'étranger et que je regarde TV5 Monde, de tomber régulièrement sur des émissions en anglais.

M. Roger Karoutchi , rapporteur spécial . - Je vais d'abord répondre à la seule question qui ne concerne pas l'audiovisuel. Vincent Delahaye, les 200 millions d'euros consacrés à Presstalis ont servi, sans illusion et dans la perspective de sa disparition, à apurer les comptes et à payer les dettes, à faire en sorte que les débiteurs reçoivent un minimum d'indemnisations, pour éviter des procès. J'ajoute que, au fil des années, nous avions déjà couvert les dettes de Presstalis, qui a été un puits sans fond.

Quelles sont les pistes de réflexion par rapport au gel ou à la suppression de la CAP ? Monsieur le rapporteur général, les pistes sont toujours les mêmes. Ceux qui souhaitent conserver la contribution envisagent de l'étendre aux tablettes et téléphones portables pour en baisser son montant ; c'était, par exemple, l'idée de Franck Riester. Les associations qui défendaient les utilisateurs de tablettes et téléphones ont poussé des hurlements, affirmant qu'on ne regardait pas forcément la télévision sur ces outils. On parle aussi d'une augmentation de la taxe sur certains biens et services télécom, les objets connectés, les abonnements. On envisage enfin dans certaines études une augmentation de la TVA liée au financement de l'audiovisuel public. Mais, pour être franc, alors que nous savons que la taxe d'habitation est vouée à disparaître, les réflexions sur le substitut sont embryonnaires. Le seul qui avait commencé à travailler sur le sujet, c'était M. Darmanin, mais j'ai cru comprendre qu'Olivier Dussopt avait d'autres priorités.

J'entends les propos de Vincent Éblé, mais on aura un audiovisuel public quand son périmètre sera réellement clarifié et que les missions de service public seront réellement prédéterminées. Un certain nombre d'émissions, de jeux ou de films ne correspondent pas à des missions de service public. Je ne souhaite pas que les chaînes privées deviennent les maîtres du jeu audiovisuel, mais pour autant, il faut donner à l'audiovisuel public des missions strictes. C'est une erreur de le soumettre au même système d'audimat que les chaînes privées. Avec 3,6 milliards d'euros, le service public a les moyens de faire des émissions éducatives, pour la jeunesse, concernant la vie publique, la diversité, même si celles-ci sont moins attractives que les émissions de variétés. Il faut qu'on retrouve le « génie » de la création française. Lorsque je vois les séries proposées par Salto, la plateforme mise en place par France Télévisions, celles-ci ressemblent en tout point à celles que l'on retrouve sur les chaînes privées. Par ailleurs, les chaînes publiques n'ont pas les moyens financiers d'entrer dans un système de concurrence.

Je suis peu favorable à la disparition de France 4. La chaîne a eu un rôle essentiel, notamment pendant les périodes de confinement. De plus, les crédits qui lui sont consacrés sont tellement marginaux. Mais si France 4 est la seule chaîne du groupe France Télévisions à incarner le service public, une refonte du périmètre du groupe apparaît indispensable. Il faut un vrai débat au Parlement. On évoque d'ailleurs souvent le CSA, mais celui-ci reste constamment en retrait sur les missions de service public. De la même manière, France Télévisions a justifié le remplacement de France O par plus de visibilité de l'outre-mer sur France 3. Je ne suis pas convaincu. Je suis agacé par la volonté de vouloir fermer des chaînes qui finalement coûtent peu, et qui ne sont pas celles pour lesquelles on attendait une rationalisation.

Le sujet de la diversification des radios musicales de Radio France n'est pas le principal problème. Radio France a fait beaucoup d'efforts. Par ailleurs, le groupe a eu à faire face à des dépenses liées au chantier de la Maison de la radio.

Pourquoi voter pour ces crédits ? D'abord parce que la partie relative au livre, au cinéma et à la musique, bénéficie de moyens conséquents pour faire face à la crise sanitaire, même si c'est au travers de la mission « Plan de relance ». Sur la partie relative à l'audiovisuel public, ma critique porte surtout sur « l'enterrement » de la réforme de l'audiovisuel. Je fais crédit aux responsables de l'audiovisuel public d'avoir l'ambition de se réformer, mais tant qu'aucune réflexion ne sera engagée au travers d'une loi, le changement restera lettre morte. Ils ne sont toutefois pas les seuls responsables, et on peut noter quelques efforts. Ainsi, encore cette année, nous pouvons imaginer un vote positif, quitte à indiquer à la ministre, lors du débat dans l'hémicycle, que c'est la dernière fois. Si la réforme de l'audiovisuel ne parvient pas à être mise en place, nous ne pourrons pas voter éternellement ces crédits.

La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ».

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Réunie à nouveau le jeudi 19 novembre 2020, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a confirmé sa décision de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ».

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