Rapport général n° 138 (2020-2021) de M. Albéric de MONTGOLFIER , fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 novembre 2020

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N° 138

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2020-2021

Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 novembre 2020

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2021 ,

Par M. Jean-François HUSSON,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 15b

COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE : GESTION DU PATRIMOINE IMMOBILIER DE L'É TAT

Rapporteur spécial : M. Albéric de MONTGOLFIER

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean Bizet, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 3360 , 3398 , 3399 , 3400 , 3403 , 3404 , 3459 , 3465 , 3488 et T.A. 500

Sénat : 137 et 138 à 144 (2020-2021)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » constitue le principal vecteur budgétaire de la politique immobilière de l'État (PIE) . Placé sous la responsabilité de la direction de l'immobilier de l'État (DIE), il vise à financer les opérations structurantes et l'entretien lourd du parc de l'État. Il repose sur deux grands principes de fonctionnement : l'impossibilité d'engager des dépenses sans recettes équivalentes et la mutualisation des produits de cession , avec des droits de tirage pour chaque ministère occupant. Au 31 décembre 2019, la surface totale des bâtiments de l'État était de 96,8 millions de mètres carrés , pour une valeur comptable estimée à 65,7 milliards d'euros . Le rapporteur spécial note que la connaissance du parc immobilier s'est fortement améliorée ces dernières années , même si d'importants progrès demeurent pour les opérateurs.

2. Le compte d'affectation spéciale est marqué par une baisse tendancielle de ses recettes et de ses dépenses . En 2021, les dépenses se contracteraient de 38,48 % en crédits de paiement, une ampleur encore inédite jusqu'ici. Elles seraient ainsi de
275 millions d'euros. Cette évolution ne peut qu'alimenter les doutes émis ces dernières années par la commission des finances quant à la soutenabilité du compte et à son efficacité pour répondre aux objectifs de la politique immobilière de l'État. Sur les recettes, il convient d'opérer une distinction entre les produits de cession , qui, au mieux, se stabiliseraient en 2021 (280 millions d'euros), et les redevances domaniales (90 millions d'euros), une ressource pérenne et dynamique attribuée au CAS en 2017 pour compenser, au moins en partie, l'attrition des produits de cession.

3. Le rapporteur spécial relève que les effets de la crise sur le CAS, en dépenses comme en recettes, sont encore peu évalués par la DIE . Il y a seulement eu une révision des produits de cession lors de la troisième loi de finances rectificative pour 2020 (de 280 millions d'euros à 220 millions d'euros), et des redevances domaniales (de 100 millions d'euros à 90 millions d'euros) . Selon les informations recueillies par le rapporteur spécial, les redevances domaniales, moins sensibles à la conjoncture en 2020, devraient excéder la prévision, ce qui ne sera pas le cas des produits de cession. La DIE ne dispose par ailleurs pas encore d'éléments consolidés sur l'impact de la crise sur les projets immobiliers, les éventuels retards, reports ou interruptions, alors même que le reconfinement pourrait accroître les délais. Dans le cadre du quatrième projet de loi de finances rectificative pour 2020, 32 millions d'euros de crédits de paiement seraient annulés. Toutefois, il faut relever que ces incertitudes conjoncturelles ne font qu'accentuer la diminution structurelle des crédits du CAS, au détriment du déploiement de la PIE .

4. La politique immobilière de l'État demeure éclatée et fragmentée. Le CAS n'est finalement qu'un outil minoritaire : il représente, suivant les années, de 8 % à
18 % de l'effort d'investissement de l'État sur son parc immobilier (11 % en 2019). Il ne porte par ailleurs qu'entre 4 % et 7 % des crédits dédiés à l'immobilier de l'État, s'il est tenu compte de la soixantaine de programmes budgétaires qui portent les dépenses d'entretien courant des ministères occupants.

Le CAS ne suffit donc plus pour porter les grands projets de l'État dans le domaine immobilier : la rénovation des cités administratives est portée par le programme 348 de la mission « Transformation et fonction publiques » (39 cités administratives sélectionnées, pour un budget de 989 millions d'euros) et la rénovation thermique des bâtiments publics fait l'objet d'une action dans le programme 362 « Écologie » de la mission « Plan de relance ». L'enveloppe allouée aux bâtiments publics serait de 4 milliards d'euros, dont 2,7 milliards d'euros pour les bâtiments de l'État, soit bien plus que le CAS n'est en l'état actuel capable de mobiliser . Ces grands projets ne doivent pas conduire à remettre en cause la sanctuarisation des dépenses d'entretien , essentielle à la valorisation du patrimoine immobilier de l'État. La marginalisation du CAS interroge en revanche sur le modèle de gestion le plus à même de répondre aux objectifs de la PIE, y compris face aux ministères occupants.

5. En plus d'être marginalisé, le CAS est contourné dans ses règles mêmes de fonctionnement . Les produits de cessions sont en principe répartis à égalité entre les anciens ministères occupants et le compte d'affectation spéciale. Cette règle de gestion vise, en leur reversant une partie des produits issus de leurs actions de valorisation, à encourager les ministères à rationaliser leurs emprises et à respecter les principes de la politique immobilière de l'État. Hors, certains ministères (armées, Europe et affaires étrangères pour les biens situés à l'étranger) ou projets (plateau de Saclay) disposent de dérogations . D'autres bénéficient d'avances sur cession , comme le ministère de l'Europe et des affaires étrangères (100 millions d'euros au total) ou la présidence de la République (13,3 millions d'euros en 2021).

6. La crise a accentué l'urgence et la nécessité pour la politique immobilière de l'État de poursuivre trois transformations . La première concerne la diversification des modes de valorisation des biens non inutilisés par l'État , une préoccupation d'autant plus impérative au regard de la diminution tendancielle des moyens du CAS. Sur ce point, le rapporteur spécial se félicite de voir enfin les choses évoluer, la commission des finances appelant depuis des années à cette diversification. La seconde transformation concerne la transition énergétique : l'État s'est fixé des objectifs très ambitieux d'économies d'énergie sur son parc (- 15 % d'ici 2022,
- 60 % d'ici 2050 par rapport à 2010). Pour y répondre, des moyens sont ouverts hors CAS. Le rapporteur spécial relève par ailleurs que les indicateurs de performance sur ce point sont encore lacunaires et qu'il est encore trop difficile de suivre les progrès réalisés par l'État dans l'atteinte des cibles qu'il s'est fixé. Enfin, une troisième transformation, plus secondaire, concerne la réflexion lancée sur « l'immobilier de demain », soit l'adaptation de l'immobilier de bureaux de l'État

aux nouveaux modes d'organisation du travail (télétravail, espaces partagés, coworking , etc.). Cette réflexion doit accompagner de la rationalisation du parc, qui retient pour indicateur la surface utile nette par poste de travail. Pour le rapporteur spécial, il existe un quatrième enjeu, celui de la professionnalisation de la fonction immobilière : le défaut de compétences en la matière se révèle sans doute plus coûteux pour l'État que ce que nécessiterait cet investissement.

L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au
10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires. À cette date, 100 % des réponses étaient parvenues au rapporteur spécial en ce qui concerne le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

I. L'ÉVOLUTION DES RESSOURCES ET DES DÉPENSES DU COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE, MARQUÉE PAR UNE DIMINUTION STRUCTURELLE, NÉCESSITE DE DÉPLOYER DE NOUVEAUX VECTEURS BUDGÉTAIRES POUR RÉPONDRE AUX OBJECTIFS DE LA POLITIQUE IMMOBILIÈRE DE L'ÉTAT

A. LES RECETTES ET LES DÉPENSES DU COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « GESTION DU PATRIMOINE IMMOBILIER DE L'ÉTAT », UNE BAISSE TENDANCIELLE QUE LA CRISE DEVRAIT CERTAINEMENT AGGRAVER

1. Un compte d'affectation spéciale dédié à la politique immobilière de l'État
a) Le compte d'affectation spéciale, vecteur budgétaire de la politique immobilière de l'État

Créé par la loi de finances pour 2006 1 ( * ) , le compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » est l'instrument budgétaire de la politique immobilière de l'État . Placé sous la responsabilité de la direction de l'immobilier de l'État (DIE), il vise à financer les opérations de valorisation et la modernisation du parc immobilier de l'État en recourant, prioritairement, à la cession d'actifs.

Le compte d'affectation spéciale se compose de deux programmes :

- le programme 721 « Contribution des cessions immobilières au désendettement de l'État » porte la contribution du compte au désendettement de l'État. Avant que la loi de finances pour 2017 2 ( * ) ne supprime cette obligation, une fraction minimale des produits de cession (30 % à partir de 2014) devait obligatoirement être prélevée et reversée au budget général. Cependant, si ce programme n'est plus abondé depuis 2018 , il ne peut être supprimé, la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) imposant qu'un compte d'affectation spéciale comporte au moins deux programmes 3 ( * ) ;

- le programme 723 « Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l'État » porte les crédits destinés à financer les dépenses d'entretien à la charge du propriétaire, ainsi que les opérations immobilières structurantes réalisées sur le parc immobilier de l'État. Depuis 2017, ce programme intègre les dépenses d'entretien lourd, auparavant comptabilisées sur le programme 309 de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».

Seules les dépenses courantes d'entretien continuent de relever des budgets ministériels et du programme 333 « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».

b) Des règles de fonctionnement spécifiques au service de la rationalisation du patrimoine immobilier de l'État
(1) Le principe de mutualisation des recettes

Les produits des cessions, qui constituent la principale ressource du compte, sont répartis à égalité entre les anciens ministères occupants et le compte d'affectation spéciale 4 ( * ) . Cette règle de gestion répond à un double objectif : a) mutualiser les recettes au profit des dépenses d'entretien du propriétaire et b) encourager les ministères à rationaliser leurs emprises et à respecter les principes de la politique immobilière de l'État , en leur reversant une partie des produits issus de leurs actions de valorisation.

Concrètement, chaque ministère et chaque préfecture de région dispose d'un budget opérationnel de programme (BOP) pour financer ses projets immobiliers, en partie appuyé sur les droits de tirage qui lui sont alloués sur les produits de cession encaissés sur le CAS. La part des produits réservés à chaque occupant sert surtout à financer des projets structurants. Les produits revenant exclusivement au CAS ainsi que les redevances domaniales sont réservés aux dépenses d'entretien.

(2) Les règles d'engagement comptable

L'exécution des dépenses d'un compte d'affectation spéciale est conditionnée à l'obtention préalable de recettes, dont le rythme d'encaissement peut s'avérer irrégulier , réduisant ainsi les marges de manoeuvre des gestionnaires. C'est pour cette raison qu'il a été décidé, au moins pour les dépenses d'entretien , de réintroduire de la flexibilité en octroyant une enveloppe de fonds aux responsables de BOP, et ce dès le début de l'exercice budgétaire.

Ce décalage explique également que le montant des restes à payer sur le compte soit important ( 519,15 millions d'euros à la fin de l'année 2019, soit un quasi-doublement du solde en un an ) : certains projets nécessitent que l'ensemble des autorisations d'engagement (AE) soit mobilisées, tandis que les crédits de paiement (CP) sont débloqués progressivement . Le rythme de couverture par des CP dépend alors du projet (opération structurante ou opération d'entretien) et de son échelon géographique (ministériel ou déconcentré). 61 % des CP ouverts en 2021 serviraient à couvrir des AE antérieures à 2021.

Les niveaux de couverture et l'évolution du solde des restes à payer sont, par définition, très incertains, puisqu'ils dépendent d'opérations immobilières elles-mêmes incertaines et du niveau de consommation effectif des crédits. En 2019, les AE avaient été sur-exécutées (+ 53 % par rapport à la prévision inscrite en 2019), du fait notamment du lancement de grandes opérations structurantes par le ministère des armées. Le solde des restes à payer pourrait néanmoins diminuer d'ici la fin de l'année 2020, pour atteindre 400 millions d'euros . La Cour des comptes estimait toutefois en 2019 que le niveau d'engagement était maîtrisé, moins de 5 % des passifs étant par ailleurs exigibles à moins d'un an 5 ( * ) .

2. À la baisse tendancielle des dépenses et des recettes du compte d'affectation spéciale s'ajoute l'impact de la crise économique et sanitaire

Comme l'illustre le tableau ci-dessous, les crédits inscrits au titre du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » poursuivent leur baisse tendancielle . Cette trajectoire est d'autant plus inquiétante que les dépenses se contractent d'une ampleur jusqu'ici inédite : - 38,48 % en crédits de paiement en loi de finances initiale pour 2021 , contre - 20,43 % en LFI pour 2019 et - 7,45 % en LFI pour 2020.

La baisse des recettes entre la LFI pour 2020 et le projet de loi de finances pour 2021 serait quant à elle plus maîtrisée, à - 2,63 % . Toutefois, ces prévisions, pour les produits de cession comme pour les redevances domaniales, ont été révisées lors de la troisième loi de finances rectificative (LFR III) pour 2020, pour tenir compte de l'impact de la crise sanitaire. Par rapport à la révision, les recettes augmenteraient de 5,7 % .

Le rapporteur spécial appelle néanmoins à la plus grande vigilance sur ces prévisions . Comme il le rappellera plus loin, elles ne prennent que peu en considération le contexte de crise que la France connait actuellement, et dont les répercussions sur le CAS pourraient être bien plus significatives que ce qui est aujourd'hui envisagé par le Gouvernement , surtout si le reconfinement se poursuit.

Évolution des dépenses et des recettes du CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » entre 2020 et 2021

(en millions euros et en %)

2020 (LFI)

2020
(LFR III)

2021
(PLF)

Part de l'action
(en CP) dans
le programme

Évolution 2021/2020 (LFI)

Dépenses

[721] Contribution des cessions immobilières au désendettement
de l'État

0

0

-

[723] Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l'État

AE

428

285

- 33,41 %

CP

447

275

- 38,48 %

11 - Opérations structurantes et cessions

AE

268

145

50,88 %

- 45,90 %

CP

287

110

40,00 %

- 61,67 %

12 - Contrôles règlementaires, audits, expertises et diagnostics

AE

22

18,7

6,56 %

- 15,00 %

CP

22

20,7

7,53 %

- 5,91 %

13 - Maintenance à la charge du propriétaire

AE

45

41

14,39 %

- 8,89 %

CP

42

46

16,73 %

9,52 %

14 - Gros entretien, réhabilitation, mise en conformité et remise en état

AE

93

80,3

28,18 %

- 13,66 %

CP

96

98,3

35,75 %

2,40 %

Total des dépenses

AE

428

285

- 33,41 %

CP

447

275

- 38,48 %

Recettes

Produits des cessions immobilières

280

260

280

0,00%

Produits de redevances domaniales

100

90

90

-10,00%

Total des recettes

380

350

370

- 2,63 %

Solde

- 67

- 97

95

241,79 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Hors contexte de crise, le rapporteur spécial note que les tendances observées les années précédentes se poursuivent :

- la baisse tendancielle des dépenses inscrites sur le CAS , qui n'est que le reflet de l'attrition de ses recettes. Cela risque de présenter à terme un danger pour la valorisation du patrimoine immobilier de l'État, moins de crédits étant en effet disponibles pour mener à bien des opérations structurantes ou d'entretien ;

- le solde du compte serait à nouveau positif en 2021 , après un exercice déficitaire en 2020. Toutefois, les prévisions pour 2021 sont fragiles et le solde annuel du compte a déjà connu plusieurs exercices en négatif. La bonne performance réalisée en 2019 lui octroie une marge de sécurité, mais qu'il faut regarder et traiter avec prudence ;

- la stabilisation, au mieux, des produits de cession , vecteur historique du financement du compte d'affectation spéciale. Au regard de la tendance observée ces dernières années, hors cessions exceptionnelles, le rapporteur spécial estime que la prévision pour 2021 est très optimiste, surtout compte tenu des incertitudes pesant sur le marché immobilier. Les produits de cession dépendent en effet de plus en plus fortement de la vente de biens « prestigieux ». En 2019, sur les 613 millions d'euros encaissés par le CAS au titre des produits de cession, 70 % provenaient de la vente de deux biens (l'îlot Saint-Germain pour 368 millions d'euros et l'hôtel de Seignelay pour 61 millions d'euros), sur les 704 biens cédés cette même année. Si la majorité des biens vendus sont, en volume, des terrains, les bureaux représentent une part prépondérante des biens cédés en valeur
(75 % en 2019).

Produits des cessions « socle » et « exceptionnelles » 6 ( * )
entre 2014 et 2019

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après l'avis du Conseil de l'immobilier de l'État sur le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État (février 2020)

a) Une trajectoire de recettes inquiétante

Pour pallier la diminution structurelle des produits de cession, le CAS bénéficie depuis 2017 d'une partie des redevances domaniales ou des loyers perçus par l'État . Ces redevances proviennent des concessions ou des autorisations de toute nature de la compétence du représentant du ministre chargé du budget dans le département, des concessions de logement dont l'État est propriétaire ou locataire et des locations d'immeubles de son domaine privé, ainsi que des redevances et loyers du domaine public et privé dont le ministre des armées est le gestionnaire.

Afin d'assurer la durabilité de cette ressource, la direction de l'immobilier de l'État (DIE) a expliqué au rapporteur spécial s'être engagée dans une « politique de dynamisation des redevances », de manière à continuer à valoriser le parc de l'État et d'assurer une ressource pérenne au CAS. Prévues à l'origine pour compenser l'intégration des dépenses du programme 309 « Entretien des bâtiments de l'État » au sein du compte d'affectation spéciale, ces ressources sont devenues structurellement indispensables au compte. Elles représentent une part stabilisante des recettes du CAS , même si elles ne seront pas suffisantes pour assurer la pérennité du modèle du compte d'affectation spéciale.

Évolution des recettes du CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État »

(en millions d'euros et en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les recettes des produits de cession peuvent par ailleurs être affectées par le système de décote qui s'applique sur la cession de certains biens du patrimoine immobilier de l'État. Entre 2013 et 2019, ce système a représenté, pour l'État, un effort financier de 228 millions d'euros , pour la construction de 11 000 logements, dont 8 200 logements sociaux.

Le système de la décote sur les cessions des biens de l'État

Ce système comprend en réalité deux mécanismes :

- aux termes de l'article 95 de la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale, l'État peut céder un terrain de son domaine privé, bâti ou non, pour un prix inférieur à sa valeur vénale afin de favoriser la production de logements. La part de la décote, qui peut atteindre l'intégralité de la valeur vénale du bien, est négociée de gré à gré ;

- à ce principe général s'ajoute une décote « de droit ». En effet, conformément au dispositif dit de « décote Duflot », introduit par la loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, des personnes morales peuvent bénéficier de la décote sur certains terrains éligibles, à condition qu'y soient réalisés des programmes de construction de logements sociaux.

Source : Cour des comptes, réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

Comme l'illustre le graphique ci-dessous, l'effort financier de l'État est très variable d'une année sur l'autre. Sur le premier semestre 2020, il y a eu deux cessions avec décote.

Évolution du montant annuel de décote et du nombre d'opérations
soumises à décote depuis 2013

(en unités et en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La forte variation du taux annuel moyen de décote s'explique , selon les informations transmises au rapporteur spécial, par les caractéristiques mêmes des opérations réalisées dans l'année , par exemple la valeur du bien, la mixité sociale du projet, les facteurs de renchérissement du coût de construction ou encore la zone géographique. Avant son plafonnement, la décote pouvait aller jusqu'à 100 % 7 ( * ) du prix du bien, par exemple pour une opération avec 100 % de logements en prêt locatif aidé d'intégration en zone tendue. Le montant de décote annuel tend toutefois à diminuer : le pic constaté en 2018 provient en grande partie d'une décote là-aussi « exceptionnelle », de 56,7 millions d'euros sur une partie de l'îlot Saint-Germain.

Pour limiter le coût pour l'État et le détournement de cette procédure, le Parlement a voté en 2019 8 ( * ) un mécanisme de plafonnement, précisé par décret 9 ( * ) , et soutenu par le rapporteur spécial . La commission des finances est en effet chaque année très réservée sur ce système et sur son efficacité réelle pour la politique du logement social, d'autant que cela revient à priver le CAS de recettes au profit d'une politique publique qu'il n'est pas supposé porter .

Le mécanisme de plafonnement tient compte du coût moyen du logement social et s'applique lorsqu'une collectivité territoriale, un établissement public ou encore une société disposent de réserves foncières ou de biens susceptibles d'accueillir un programme de logements sociaux. D'après les informations transmises au rapporteur spécial, il est encore trop tôt pour évaluer ce mécanisme de plafonnement, aucune des cessions n'y ayant encore été soumise.

Il convient également, pour le rapporteur spécial, de bien réserver l'octroi d'une décote aux terrains situés en zone tendue, ce qui n'est pas toujours le cas selon le Conseil de l'immobilier de l'État. Ce dernier regrette également les conséquences de ce mécanisme de décote sur la disponibilité des crédits. Il nuit en effet aux recettes que le CAS pourrait potentiellement mobiliser pour financer les dépenses d'entretien du parc.

Des biens peuvent enfin être cédés à l'euro symbolique. Il s'agit des terrains militaires, au profit le plus souvent des collectivités territoriales. En 2019, ce taux de décote de 100 % sur le prix a représenté un effort financier de 17,6 millions d'euros.

b) Une sanctuarisation des dépenses d'entretien

Dans le PLF 2021, plus de 35 % des crédits de paiement, soit 98,3 millions d'euros seraient alloués à l'action 14 « Gros entretien, réhabilitation, mise en conformité et remise en état » . Non seulement la part de ce poste de dépenses dans le CAS serait en hausse entre 2020 et 2021, mais le montant de crédits ainsi ouverts permettrait de respecter la cible que s'est fixée le CAS en matière de dépenses d'entretien, soit au moins 30 % des dépenses du compte.

Le rapporteur spécial soutient cette sanctuarisation des dépenses d'entretien, essentielles pour éviter la dépréciation des biens et pour continuer de valoriser le patrimoine immobilier de l'État. La DIE s'est également donnée pour objectif de maintenir l'ensemble des dépenses d'entretien du propriétaire au niveau de 160 millions d'euros , un objectif qui serait atteint en 2021 si tous les crédits ouverts sur les actions 12 à 14 du programme 723 étaient consommés. Encore faut-il que nous exécutions bien ces dépenses.

Pour le rapporteur spécial, cela doit autant passer par des projets structurants, de grande ampleur, que par des plus petits projets ou opérations d'entretien . Pour cela, il est impératif de disposer des compétences nécessaires . La DIE a elle-même admis, devant le rapporteur spécial, que c'était l'un des principaux problèmes auxquels elle faisait face : le défaut de professionnalisation de la fonction immobilière . Dans les ministères, ce sont très souvent des personnels non spécialisés qui s'occupent de cette fonction support. Depuis plusieurs années, la commission des finances interroge la DIE sur ce point, sans que ne soient constatés de progrès significatifs. Le rapporteur spécial le regrette : le coût supplémentaire que représenterait cette professionnalisation serait très certainement plus que compensé par les améliorations ainsi permises en termes de gestion et d'entretien du parc. Cette logique doit aussi emporter avec elle la massification des marchés d'entretien conclus par l'État.

Le rapporteur spécial relève par ailleurs un changement de périmètre dans les dépenses du CAS : dès 2021, l'intégralité des crédits immobiliers du ministère des armées seront inscrits sur les programmes du budget général de la mission « Défense » . À noter que le ministère des armées bénéficiait déjà de dérogations. Il peut par exemple, jusqu'au 31 décembre 2025, utiliser les ressources du CAS pour financer les investissements des infrastructures opérationnelles de la défense nationale, au détriment de la part affectée aux opérations immobilières.

Ainsi, entre la loi de finances pour 2020 et le projet de loi de finances pour 2021, le niveau des AE sur les actions 12 à 14 présente une diminution de plus de 20 millions d'euros, qui s'expliquerait entièrement par le transfert au ministère des armées. En effet, une enveloppe globale de 20 millions d'euros sur ces actions était accordée chaque année à ce ministère. Il en va de même pour la baisse de 130 millions d'euros en AE et en CP pour l'action 11, qui correspond aux opérations structurantes et cessions.

Toutefois, le rapporteur spécial remarque que la diminution des AE et des CP ouverts en 2021 sur cette action est d'une ampleur significativement plus élevée que le simple effet de ce transfert vers le ministère des armées . La baisse de 46 % des AE et de 62 % des CP sur cette action illustre plus largement la difficulté de l'État à continuer à mener des opérations structurantes sur son parc immobilier.

Les principales opérations structurantes prévues pour 2021

Les principales opérations à financer sur l'action 11 « Opérations structurantes et cessions » en autorisations d'engagement, un préalable nécessaire au déblocage des crédits de paiement, seraient les suivantes :

- 18,5 millions d'euros pour la cité du renseignement du ministère de l'intérieur ;

- 8,8 millions d'euros pour le ministère de l'économie, des finances et de la relance ;

- 7,8 millions d'euros pour les opérations de la Gendarmerie nationale ;

- 5,2 millions d'euros pour des travaux de la région Ile-de-France à Créteil.

Source : documents budgétaires

Un indicateur de performance relatif à l'effort d'entretien du parc immobilier par l'État propriétaire est présenté depuis 2019 dans le document de politique transversale relatif à la politique immobilière de l'État (PIE). Il calcule ce taux d'entretien en rapportant, par mètre carré de surface utile brute, les dépenses immobilières de gros entretien-renouvellement consacrées au parc immobilier de l'État. Le rapporteur spécial regrette de voir ce taux d'effort diminuer d'année en année (32,86 euros en 2017, contre 28,29 euros en 2019), alors même que les dépenses d'entretien sont primordiales à la valorisation du patrimoine immobilier de l'État . Il est par ailleurs dommageable que l'indicateur ne retienne pas d'éléments de comparaison sur ce taux d'effort ou d'indicateur d'efficacité de ces dépenses. La sanctuarisation constatée au niveau du CAS ne se traduit donc pas encore par un engagement similaire sur le périmètre de l'État (cible de long-terme à 30 euros).

3. L'effet conjoncturel de la crise sanitaire et économique liée à l'épidémie de covid-19 ne fait qu'accentuer ces tendances structurelles

Le rapporteur spécial souhaite ici insister sur l'impact de la crise sanitaire et économique liée à l'épidémie de Covid-19 sur la structure du CAS . De prime abord, l'impact serait assez limité : une baisse du produit de cessions estimée à 60 millions d'euros (de 280 millions d'euros en LFI pour 2020 à 220 millions d'euros en LFR III) et une baisse des redevances domaniales limitée à 10 millions d'euros (de 100 millions d'euros à 90 millions d'euros). En 2021, la prévision en recettes retrouverait son niveau d'avant crise pour les cessions (280 millions d'euros), mais pas pour les redevances domaniales, qui seraient légèrement en baisse (90 millions d'euros).

Cependant, le rapporteur spécial considère que ces prévisions doivent être prises avec la plus grande précaution : elles sont à la fois partiellement faussées et emplies d'incertitudes . Que ce soit dans les documents budgétaires ou lors de son audition par le rapporteur spécial, la direction de l'immobilier de l'État fait part de sa grande difficulté, voire de son incapacité, à évaluer l'impact de la crise sanitaire et économique sur le niveau des recettes et des dépenses du CAS, et donc in fine sur son solde et sur ses objectifs. Cela vaut à la fois pour l'année 2020 et pour l'année 2021. À tout le moins peut-elle affirmer que « la crise sanitaire du printemps 2020 pèsera manifestement sur ces montants », ce qui ne constitue pas un élément de surprise pour le rapporteur spécial. La question est bien de savoir comment et, surtout, dans quelle ampleur, d'autant que la crise ne ferait ainsi qu'aggraver les difficultés structurelles du CAS .

Selon les informations transmises par la DIE, il est également impossible de mesurer l'impact de l'annulation partielle des redevances domaniales dues par les occupants du domaine public de l'État, prévue par la troisième loi de finances rectificative pour 2020 10 ( * ) . Il devrait cependant être limité : les occupants du secteur du tourisme représentent environ un cinquième des redevances domaniales (environ 20 millions d'euros). La majorité des pourvoyeurs de redevances sont donc peu concernés par cette annulation (fermes de panneaux photovoltaïques, fréquences ou opérateurs). L'impact se verra donc davantage en 2021 puisqu'une partie des redevances pour les occupations liées à des activités de nature économique est calculée à partir du chiffre d'affaires des occupants en n -1 . Or, le dynamisme de ces recettes en 2020 permet de compenser la chute de l'activité, il pourrait en être de même pour 2021.

Ainsi, les encaissements de redevances pour l'année 2020 , soit près de 96 millions d'euros à la fin du mois d'octobre, dépassent déjà la prévision révisée pour 2020 (90 millions d'euros) et pourrait être proche de celle constatée en 2019 (107 millions d'euros).

Pour les cessions, la cible révisée à 220 millions d'euros, qui tient compte de l'interruption, voire de la suspension, de certains projets pourrait s'avérer trop haute. D'après les données transmises lors de son audition par le directeur de l'immobilier de l'État , le CAS comptabilise à la fin du mois d'octobre environ 126 millions d'euros de produits de cessions immobilières . Des projets de cessions ont en effet été suspendus, voire annulés, du fait de la crise économique et sanitaire. De plus, et le rapporteur spécial considère que c'est tout à fait légitime, la partie « cessions immobilières » ne faisait pas partie des activités jugées prioritaires par la direction générale des finances publiques (DGFiP) dans le plan de continuité d'activité qu'elle avait mis en place durant le confinement.

L'impact conjoncturel est donc bien moins fort sur les redevances domaniales que sur les produits de cessions .

La DIE a par ailleurs lancé une enquête auprès des responsables du budget opérationnel pour qu'ils lui fassent remonter une estimation des projets susceptibles d'être reportés, retardés ou annulés du fait de la crise. Il n'y a eu, parmi les répondants, qu'un taux très faible d'estimations chiffrées et les calendriers doivent être actualisés, au fur et à mesure. Autant dire, et le rapporteur spécial le regrette, que la vision consolidée de l'impact de la crise se fera attendre . Il est toutefois certain que certains chantiers ont dû être repoussés, notamment lors du premier confinement. Dans le quatrième projet de loi de finances rectificative pour 2020, il est ainsi prévu d'annuler 32 millions d'euros de crédits de paiement (7 % de ceux ouverts en LFI) pour tirer les conséquences des sous-consommations constatées du fait de la crise sanitaire. Le rapporteur spécial relève néanmoins que des
sous-consommations sur les dépenses du CAS sont fréquemment constatées en loi de règlement
(- 20 % en 2019, - 17 % en 2018), crise sanitaire ou non.

D'après la DIE, c'est seulement lors des prochains exercices que l'on pourra constater les effets de la crise sur la valorisation du patrimoine immobilier de l'État, que ce soit lors d'une cession ou lors du recours à une autre modalité de valorisation (ex. location longue durée). Il faudra à la fois tenir compte du décalage de certains projets, des effets de rattrapage, mais aussi de l'impact différentié selon les territoires, par exemple entre une zone tendue et une zone non-tendue ou selon le type de biens.

L'effet conjoncturel de la crise sanitaire et économique liée à l'épidémie de covid-19 accentue les tendances structurelles du CAS . Au 31 août 2020, 271 biens ont été cédés, pour un montant de 107 millions d'euros 11 ( * ) , soit à peine 50 % de la cible fixée pour l'année 2020 (220 millions d'euros). Le rapporteur spécial demeure très réservé quant à la possibilité pour la DIE, hors cessions exceptionnelles et inattendues, de rattraper son retard d'ici la fin de l'année , d'autant moins avec le reconfinement et ses impacts encore trop incertains sur le marché de l'immobilier. Aux mois d'avril et de mai 2020, le nombre de cessions avait chuté à respectivement 7 et 20, contre 51 en mars et en juin. Il ne s'agit pas non plus, dans ce contexte très perturbé, de vendre à tout prix.

B. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « GESTION DU PATRIMOINE IMMOBILIER DE L'ÉTAT », UN VECTEUR BUDGÉTAIRE DE LA POLITIQUE IMMOBILIÈRE DE L'ÉTAT DE PLUS EN PLUS CONTESTÉ ET CONTOURNÉ

1. La politique immobilière de l'État : une direction, un vecteur budgétaire, des objectifs à promouvoir auprès des ministères occupants
a) La politique immobilière de l'État, quatre principes structurants, une administration opérationnelle et une instance de gouvernance unique

Créée en 2007 pour faire de l'immobilier non plus une simple fonction support mais un aspect fondamental de la réponse de l'État à ses enjeux stratégiques et financiers, la politique immobilière de l'État (PIE) s'articule autour de quatre principes :

- une distinction entre l'État propriétaire, représenté par la direction de l'immobilier de l'État (DIE) et les ministères occupants. En 2019, le budget de la DIE s'élevait à 18,9 millions d'euros (10,2 millions d'euros pour les dépenses de personnel et 8,7 millions d'euros au titre des dépenses de fonctionnement) ;

- un modèle de financement reposant sur les produits de cessions et, de plus en plus, sur les redevances domaniales ;

- un vecteur budgétaire, le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » ;

- un ensemble de principes destinés à rationaliser les décisions prises en matière de politique immobilière et à guider les ministères et services occupants dans leurs décisions : densification des espaces, gestion performante et valorisation des emprises, accessibilité, participation à la transition écologique, amélioration des conditions de travail des agents.

L'objectif est de faire passer l'immobilier d'une simple fonction support à un aspect fondamental dont il doit être tenu compte pour répondre aux défis stratégiques et financiers qui se posent à l'État.

Si la direction de l'immobilier de l'État (DIE) a sous sa responsabilité plusieurs programmes dédiés à la gestion du parc immobilier de l'État, elle ne constitue que la branche opérationnelle de cette politique.

Le réseau « territorial » de la direction de l'immobilier de l'État

Pour l'exercice de ses missions, la DIE peut s'appuyer sur son réseau au sein des directions départementales et régionales des finances publiques . Réorganisé en 2017, ce réseau se compose :

- de responsables régionaux de la politique immobilière de l'État. Avec leurs équipes, ils forment les missions régionales de la politique immobilière de l'État, dans chaque direction régionale. Ils sont chargés de piloter la politique immobilière de l'État (PIE), en lien avec les acteurs locaux et en s'appuyant sur le réseau des correspondants départementaux de la PIE ;

- les services locaux du domaine, dans chaque direction départementale, en charge de la gestion du domaine (redevances domaniales, conventions d'utilisation, délivrance des titres d'occupation, inventaire du parc) ;

- les pôles d'évaluation domaniale ;

- les pôles de gestion domaniale, chargés du traitement en « back-office » pour le compte des services locaux du domaine. Ils sont aussi chargés des dossiers d'opérations immobilières et de contentieux domanial.

Source : rapport d'activité de la direction de l'immobilier de l'État pour 2019

C'est bien la Conférence nationale de l'immobilier public (CNIP) qui est associée à la définition des orientations stratégiques de la politique immobilière de l'État (PIE), proposées au Premier ministre par le ministre chargé du Domaine (ministère de l'économie, des finances et de la relance). La CNIP doit également émettre un avis sur les schémas pluriannuels de stratégie immobilière (SPSI - pour les ministères) ainsi que sur les schémas directeurs immobiliers régionaux (SDIR). Surtout, elle examine et rend un avis sur les projets immobiliers structurants . 28 CNIP se sont tenues en 2019 et 51 projets immobiliers 12 ( * ) ont été labellisés cette même année. La CNIP constitue l'enceinte privilégiée de la DIE pour porter les principes et les objectifs de la PIE face aux ministères occupants .

Au premier semestre 2020, cinq CNIP ont été consacrées à de la labellisation de projets et trois autres ont porté sur les priorités thématiques de la DIE (deux sur la transition énergétique, une sur l'immobilier de demain). Toutefois, le rapporteur spécial note que la CNIP ne suffit pas toujours à valider les grands projets de l'État, en témoigne le temps qu'il a fallu pour obtenir un arbitrage sur la future utilisation et valorisation du Val-de-Grâce 13 ( * ) .

Du fait de l'éclatement de la politique immobilière de l'État, porté par de nombreux vecteurs budgétaires (les programmes supports des ministères et le CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État), des conférences immobilières ont également été instaurées dès 2016 pour faciliter le partage d'informations. Ces conférences sont ensuite utilisées par la DIE pour identifier et porter certains enjeux de la politique immobilière de l'État, aux côtés de la direction du budget et des ministères concernés.

b) Un compte d'affectation spéciale aux masses financières limitées par rapport au patrimoine immobilier de l'État

Comme la commission des finances le constate depuis plusieurs années, les moyens du CAS pour mener la politique immobilière de l'État sont plus que limités si on les compare au parc immobilier de l'État.

Au 31 décembre 2019, la surface totale des bâtiments de l'État 14 ( * ) , des opérateurs et des établissements publics nationaux était de 96,8 millions de mètres carrés (en surface utile brute), contre 96,6 millions de mètres carrés à la fin de l'année 2018. La valeur comptable 15 ( * ) de ce patrimoine immobilier est estimée à 65,7 milliards d'euros , soit une légère hausse par rapport à la fin de l'année 2018 (+ 503 millions d'euros, soit + 0,77 %). Cette hausse s'explique moins par l'augmentation de la surface que par des réévaluations du patrimoine (hausse du marché immobilier ou correction d'évaluations initiales) 16 ( * ) . Au total, l'État, ses opérateurs et les établissements publics nationaux disposeraient de près de 191 0000 immeubles .

Si le rapporteur spécial note que la connaissance du parc immobilier de l'État s'est fortement améliorée ces dernières années , celle du parc des opérateurs demeure encore très partielle 17 ( * ) . Or, la première brique d'une bonne politique immobilière de l'État, c'est la connaissance du parc , soit sa valeur comptable mais aussi son état technique. Tous les opérateurs ne transmettent pas la valeur comptable brute de leurs biens ou ne disposent pas de schémas directeurs. Lors de son audition, le directeur de l'immobilier de l'État a ainsi expliqué que des travaux étaient en cours pour fiabiliser les données de dizaines d'organismes , dont l'Agence régionale de santé d'Ile-de-France, Météo France ou encore plusieurs universités. Le parc immobilier des opérateurs de l'État serait ainsi composé de plus de 55 000 bâtiments et terrains, pour une surface utile brute supérieure à 30 millions de mètres carrés.

24,6 millions de mètres carrés de son parc immobilier, soit environ 30 500 biens et 13 000 terrains, sont mis à disposition à titre gratuit ou quasi-gratuit par l'État . Les premiers bénéficiaires sont les établissements publics nationaux, souvent par la voie de conventions d'utilisation, les seconds les collectivités territoriales. Parmi les biens de l'État, la surface des terrains non bâtis était de quatre millions d'hectares à la fin de l'année 2019. Ces terrains sont essentiellement occupés par les opérateurs (95 %).

Les immeubles de bureaux , qui servent de base au seul indicateur de performance du compte d'affectation spéciale et qui constituent, selon la direction de l'immobilier de l'État (DIE), le coeur de la politique immobilière de l'État , représentent près du quart de la surface totale du parc dont l'État est propriétaire . Le rapporteur spécial note les progrès réalisés pour identifier les bâtiments selon leur usage : les bâtiments hors bureaux, les logements et les écoles étaient jusqu'ici réunis sous le vocable très générique de « bâtiments spécialisés ».

Répartition du parc immobilier de l'État et de ses opérateurs par type de biens
au 31 décembre 2019

(en millions de mètres carrés et en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le document de politique transversale relatif à la politique immobilière de l'État et annexé au projet de loi de finances pour 2021

Certains ministères, notamment les armées, l'intérieur et la justice se distinguent par le nombre de leurs emprises , comme l'illustre le graphique ci-dessous.

Valeur nette comptable du parc immobilier contrôlé de l'État,
ventilée par ministère

(en millions d'euros et en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le document de politique transversale relatif à la politique immobilière de l'État et annexé au projet de loi de finances pour 2021

Le rapporteur spécial conçoit qu'au regard de ce patrimoine, très conséquent, le CAS « Gestion du patrimoine de l'immobilier de l'État » n'apparaisse que comme un outil minoritaire, un instrument d'appoint pour la politique immobilière de l'État . Ainsi, d'après le Conseil de l'immobilier de l'État et les réponses transmises au questionnaire du rapporteur spécial, le CAS contribue chaque année pour à peine un septième à l'effort d'investissement immobilier de l'État, et cette part n'a fait que décroître ces dernières années 18 ( * ) .

L'effort d'investissement du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier » et de l'État depuis 2012

(en millions d'euros et en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après l'avis du Conseil de l'immobilier de l'État sur le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » (février 2020)

2. Une politique immobilière fragmentée

Les rapporteurs spéciaux du CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » regrettent depuis de nombreuses années que la politique immobilière de l'État soit aussi fragmentée et peu lisible . Les efforts menés pour réunir, dans le document de politique transversale, les programmes, crédits et moyens qui concourent à la réalisation des objectifs de la politique immobilière de l'État doivent être poursuivis.

La commission des finances constate chaque année que si le compte d'affectation spéciale est entièrement dédié à la politique immobilière de l'État, la politique immobilière de l'État ne se résume pas au compte d'affectation spéciale . Pourtant, et cette définition est inscrite dans les documents budgétaires, le CAS est supposé être le « vecteur budgétaire d'orientation de cette politique » .

Le rapporteur spécial relève par ailleurs que se contenter du seul examen du CAS lors du projet de loi de finances donnerait une image faussée de la politique immobilière de l'État . Le CAS doit servir de support à l'exercice d'une approche plus globale , pour s'extirper d'une vision ministère par ministère, qui ne permet pas de saisir les enjeux et les défis communs qui se posent à l'État propriétaire .

Selon le document de politique transversale relatif à la politique immobilière de l'État, une soixantaine de programmes concourent à la politique immobilière de l'État, même si tous ne sont pas dotés de crédits . Le compte d'affectation spéciale ne représente ainsi qu'entre 4 et 7 % des crédits de l'État consacrés à l'immobilier et environ 10 % des moyens humains (si on considère que les moyens humains du CAS sont ceux de la DIE). Le constat est similaire à celui dressé plus haut par le rapporteur spécial sur l'effort d'investissement.

3. Le CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », un vecteur budgétaire qui apparait de moins en moins adapté aux défis de la politique immobilière de l'État
a) Le CAS, un instrument budgétaire contourné dans ses règles...

Les entités ou ministères occupants ne sont censés pouvoir exercer leurs droits de tirage sur le CAS qu'en contrepartie de la mutualisation de produits de cession . Il est cependant parfois choisi, en accord avec les ministères concernés et le ministère du budget, de ne pas mutualiser tous les produits de cession , par exemple pour le plateau de Saclay, pour les immeubles domaniaux occupés par le ministère des armées ou encore pour les immeubles domaniaux du ministère de l'Europe et des affaires étrangères situés à l'étranger, et ce jusqu'au 31 décembre 2025.

Le deuxième processus conduisant à contourner les règles du CAS résulte de l'octroi d'avances. Sur l'action 14 du programme 723, dédiée aux travaux lourds, une nouvelle enveloppe de 13,3 millions d'euros est ainsi accordée dans le PLF 2021 à la présidence de la République . C'est le troisième versement depuis l'été 2019 (5,62 millions d'euros sur la mission « Pouvoirs publics ») et l'année 2020 (6,5 millions d'euros). La DIE présente cette dépense comme un préfinancement qui anticipe une cession ou une valorisation locative d'un bien dont l'Élysée n'aura plus l'utilité après les travaux . Concrètement, cela signifie que ce préfinancement ne sera pas couvert de sitôt.

Il n'est pourtant pas inhabituel pour la DIE de gager certains opérations immobilières sur des cessions futures . Elle l'a également fait pour le ministère de l'Europe et des affaires étrangères, à hauteur de 100 millions d'euros. Au total, le montant des avances consenties par le CAS pourrait s'élever à 264 millions d'euros d'ici la fin de l'année 2020 .

Ce montant devient non seulement très élevé, mais impossible à couvrir par un versement du budget général . Ce versement constituait en quelque sorte la « bouée de sauvetage » du mécanisme des avances, par exemple si un ministère se révélait incapable de concrétiser la ou les cessions sur lesquelles il s'était engagé pour financer son projet. Or, la contribution du budget général au CAS est limitée à 10 % des crédits ouverts en loi de finances initiale : au rythme actuel d'ouverture des crédits de paiement, il faudrait presque 10 ans pour couvrir ces préfinancements 19 ( * ) .

Pour que la capacité de financement du CAS ne soit pas totalement préemptée par ces avances, le rapporteur spécial estime que ce mécanisme de préfinancement devrait être mieux encadré et documenté , par exemple sur les conditions de « rétrocession » des avances. Si effectivement, les avances n'ont pas d'impact sur la soutenabilité du CAS, les dépenses s'appuyant toujours sur des recettes équivalentes, elles peuvent affecter la capacité du CAS à débloquer ces crédits pour d'autres ministères que ceux bénéficiant de ces avances 20 ( * ) .

C'est d'autant plus important de faire preuve de vigilance sur ce point que la capacité des ministères bénéficiaires d'avances à conduire leurs opérations de cession peut être remise en cause. C'est par exemple le cas du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Comme l'écrivaient nos collègues Vincent Delahaye et Rémi Féraud 21 ( * ) dans leur rapport spécial sur la mission « Action extérieure de l'État », « le plan de sécurisation des emprises à l'étranger est assuré hors crédits budgétaires » . Ils soulignaient également que si cette avance était supposée être remboursée par des cessions devant intervenir entre 2021 et 2025, les produits de cession du ministère n'avaient pourtant cessé de diminuer depuis 2015, rendant cette optique plus qu'incertaine.

À cet égard, le rapporteur spécial relève que la liste des exceptions s'allonge une nouvelle fois en 2021 , avec l'inscription de la totalité des crédits immobiliers du ministère des armées sur les programmes de la mission « Défense » et non plus au moins une partie sur le CAS. Cela s'inscrit par ailleurs à rebours des mesures adoptées ces dernières années , et notamment celle prévoyant de reverser au CAS l'intégralité des redevances et loyers du domaine public et privé dont le ministre des armées est gestionnaire, à l'instar de la règle qui prévaut pour les autres ministères.

Cette dérogation est justifiée par la nécessité de faciliter la gestion des opérations immobilières par les services, mais le même argument pourrait être utilisé pour les ministères dont le patrimoine est « atypique » (justice, affaires étrangères...). Elle montre surtout que le CAS apparaît de moins en moins comme l'outil le plus adapté pour la gestion du patrimoine immobilier de l'État . Ce constat se trouve renforcé par la création récente d'un programme et d'une action pour la rénovation des bâtiments publics.

b) ...mais aussi contourné dans ses objectifs

Les recettes du CAS sont loin d'être suffisantes pour couvrir l'ensemble des besoins du parc immobilier de l'État . Ses principes de fonctionnement font également obstacle au lancement, par ce vecteur budgétaire historique, de grands projets structurels pour le patrimoine immobilier de l'État. Le Gouvernement a donc procédé par d'autres moyens, comme l'illustrent les deux exemples retenus par le rapporteur spécial : le programme 348 et le plan de relance.

(1) Le programme 348 « Rénovation des cités administratives et des sites multi-occupants » de la mission « Action et transformation publique »22 ( * )

La direction de l'immobilier de l'État est responsable du programme 348 « Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants » de la mission « Transformation et fonction publiques ».

Ce grand plan de rénovation, dédié spécifiquement aux cités administratives et sites domaniaux multi-occupants est doté d'un milliard d'euros sur cinq ans (2018-2022) pour financer des opérations permettant de réduire la consommation énergétique de ces bâtiments et de lutter contre leur obsolescence . L'économie d'énergie attendue est
de 139 000 000 KWh/EP
, pour un gain sur la facture énergétique de 67 %. Sur les 52 candidatures, 39 projets ont été sélectionnés (600 000 mètres carrés de surface utile brute), pour une enveloppe globale de 989 millions d'euros, intégralement répartis au 15 juillet 2020. 35 projets sont des rénovations, quatre des reconstructions.

D'après les informations transmises au rapporteur spécial, le choix de recourir à un programme indépendant du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » s'explique par les contraintes fortes pesant sur l'ouverture de crédits sur le CAS . Pour rappel, les dépenses ne sont normalement engagées qu'à hauteur des recettes, issues des produits de cession et des redevances domaniales. Elles seraient alors trop faibles pour pouvoir financer un plan d'une telle envergure sur cinq ans, sauf à accepter de rénover les cités administratives au détriment de tous les autres bâtiments du parc immobilier de l'État.

Le recours à un programme séparé et attaché à une autre mission montre que les grandes opérations structurantes ont de plus en plus vocation à être financées en dehors du vecteur budgétaire historique de la politique immobilière de l'État , renforçant ainsi son éclatement. C'est le cas également du nouveau plan de rénovation énergétique des bâtiments publics, annoncé par le Gouvernement dans le cadre du plan de relance .

(2) L'action 01 « Rénovation énergétique » du programme 362 « Écologie » de la mission « Plan de relance »23 ( * )

Dans le cadre de la nouvelle mission « Plan du relance » du projet de loi de finances pour 2021, une nouvelle action a été créée pour porter un plan de plus de six milliards d'euros pour la rénovation énergétique, dont quatre milliards d'euros pour celle des bâtiments publics (action 01 « Rénovation énergétique » du programme 362 « Écologie »). 300 millions d'euros seraient octroyés aux régions et un milliard d'euros serait à la main des préfets pour les bâtiments des collectivités locales. Il resterait ainsi 2,7 milliards d'euros pour les bâtiments de l'État , dont plus de la moitié pour les universités. Le premier appel à projets a montré le succès de cette démarche, puisque le montant total des candidatures reçues s'élève à huit milliards d'euros.

Cette nouvelle action est indépendante du programme 348, même si les méthodes et les objectifs sont quasi-similaires . Le programme 348 a été très rapidement contraint par le niveau des crédits qui lui avaient été octroyés et qui lui permettaient finalement de ne couvrir qu'une quarantaine de bâtiments, soit une part infime des plus de 190 000 bâtiments contrôlés par l'État.

La DIE est associée à la phase de sélection des projets, qui doivent entrer dans l'un de ces champs :

- la rénovation énergétique, soit les travaux de gros entretien et de renouvellement visant une diminution de la consommation énergétique des bâtiments concernés ;

- les actions dites « à gain rapide », avec un fort retour sur investissement en matière de performance énergétique ;

- les opérations plus lourdes et complexes, qui visent notamment à regrouper et redensifier des services publics ;

- exceptionnellement, le financement des études nécessaires à la définition d'une opération complexe ou les diagnostics préalables.

Suivant les principes de la procédure de labellisation ( cf. infra ), les projets inférieurs à cinq millions d'euros (huit millions d'euros en Ile-de-France) seront présentés en Conférence régionale de l'immobilier public, réunie sous l'égide du préfet, tandis que les projets dont le coût est supérieur à ces seuils seront présentés devant la CNIP, réunie en formation spécifique « Plan de relance ».

Les projets portés dans le cadre de cette action seront bien distincts de ceux du CAS. Ils se distinguent notamment par leur ampleur (six milliards d'euros en deux ans, contre environ 500 millions d'euros de dépenses sur le CAS pour la même période) et leur horizon (les opérations immobilières devront toutes avoir été engagées au plus tard le 31 décembre 2021, avec la notification des marchés). Selon le directeur de l'immobilier de l'État, auditionné par le rapporteur spécial, c'est sans doute le critère de la capacité à engager rapidement les projets qui sera le plus déterminant pour trier l'afflux de candidatures reçues, pour des projets d'ampleur très diverse, de quelques dizaines de milliers d'euros à plusieurs millions d'euros . Pour lui, le succès de l'appel à projets s'explique également par les progrès réalisés en matière de connaissance du parc immobilier , qui permettent maintenant aux gestionnaires d'identifier beaucoup plus rapidement leurs besoins.

Le CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » n'est donc ni nécessaire ni suffisant pour porter les grands projets immobiliers de l'État . Fragilisé, il n'est plus un instrument incontournable pour porter les priorités de la politique immobilière de l'État.

II. LA CRISE SANITAIRE ET ÉCONOMIQUE A ACCENTUÉ LA NÉCESSITÉ DE POURSUIVRE TROIS TRANSFORMATIONS : LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE, LA VALORISATION DES BIENS INUTILISÉS ET L'ADAPTATION DU PARC IMMOBILIER AUX NOUVEAUX MODES D'ORGANISATION DU TRAVAIL

Pour le rapporteur spécial, la crise sanitaire et économique a agi comme le révélateur des priorités que la politique immobilière de l'État se doit absolument de porter ces prochaines années : la transition énergétique, la diversification des modalités de valorisation du patrimoine immobilier de l'État et la réflexion sur les modes d'organisation du travail des administrations. Pour accommoder ces défis, le parc immobilier de l'État doit évoluer en profondeur. Il est donc temps de faire de la PIE un véritable instrument de transformation publique, et pas seulement un accessoire . Il faut pour cela que cesse la gestion catastrophique du patrimoine immobilier de l'État.

Si ces axes de transformation préexistent à la crise que la France connait depuis le début de l'année 2020, le rapporteur spécial relève qu'elle a à la fois accéléré les besoins de transformation du parc immobilier de l'État et renforcé le caractère incontournable de ces évolutions pour sa gestion . La création du compte d'affectation spéciale en 2006 devait répondre à un double-objectif : dynamiser la politique immobilière de l'État et optimiser la gestion de son parc immobilier . À ces deux objectifs s'est ajouté un troisième, celui de la contribution du CAS à la transition énergétique, l'une des priorités du Grand plan d'investissement (GPI) (151 millions d'euros labellisés au titre du GPI en loi de finances initiale pour 2020). Il faut enfin que ces objectifs trouvent leur traduction concrète.

Le rapporteur spécial regrette seulement, eu égard au fonctionnement du CAS et à ses défauts relevés précédemment, qu'il ne soit pas mieux fait mention, dans les documents budgétaires et pour tous les programmes participants, de l'écart entre les dépenses prévues au titre de la politique immobilière de l'État et les besoins réellement identifiés par les ministères et opérateurs occupants. Les trois défis retenus ici - la transition énergétique, la valorisation des biens inutilisés et la transformation des modes de travail - nécessitent une vision de plus long-terme, pluriannuelle , qui ne peut d'ailleurs pas seulement reposer sur les crédits ouverts sur le CAS, sauf à le transformer.

A. LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE, UN IMPÉRATIF POUR LA POLITIQUE IMMOBILIÈRE DE L'ÉTAT

La contribution du parc immobilier de l'État à l'effort en faveur de la transition écologique est essentielle à deux titres : d'abord parce que les bâtiments sont parmi les plus grands consommateurs d'énergie 24 ( * ) , ensuite parce que l'État doit insuffler, en montrant l'exemple, un nouvel élan à la politique de rénovation énergétique . C'est d'autant plus pertinent que la majorité de ses bâtiments sont anciens et certains constituent même des « passoires énergétiques ». Une partie des crédits du CAS était ainsi labellisé au titre de leur participation au « Grand plan d'investissement », dont l'une des priorités concernait la transition énergétique 25 ( * ) .

Le rapporteur spécial reconnait que la DIE s'est plutôt correctement saisie de ce sujet avec, surtout ces deux dernières années, l'expérimentation et la généralisation de plusieurs outils de suivi et de programmes d'économies d'énergie, en plus des dépenses d'entretien supportées par le CAS. S'il faut saluer cette impulsion, force est d'admettre que cela répond aussi à des obligations légales, encore en cours de définition pour le périmètre des bâtiments de l'État (surface, année de référence). Dans le cadre du plan de rénovation énergétique des bâtiments lancé par le Gouvernement au mois d'avril 2018, l'objectif d'économie d'énergie sur le parc immobilier de l'État a été fixé à 15 % d'ici 2022 .

L'État est notamment concerné par les obligations d'économies d'énergie dans le secteur tertiaire introduites par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant sur l'évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi « ELAN ». Cela s'est traduit par le décret n° 2019-771 du 23 juillet 2019 dit « tertiaire », qui a fixé les obligations d'actions de réduction de la consommation d'énergie finale dans les bâtiments à usage tertiaire : 40 % d'économies en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050 (par rapport à 2010). D'après les informations transmises par la DIE, le périmètre du décret tertiaire pourrait être modifié pour assujettir les bâtiments d'une surface plancher supérieure ou égale à 500m² (le seuil est actuellement fixé à 1 000m²).

Source : réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

Dans le cadre du plan de rénovation énergétique des bâtiments lancé par le Gouvernement au mois d'avril 2018, l'objectif d'économie d'énergie sur le parc immobilier de l'État a été fixé à 15 % d'ici 2022 .

La direction de l'immobilier de l'État et la performance énergétique
du parc immobilier de l'État

La DIE a instauré plusieurs instruments pour répondre à l'objectif « amélioration de la performance énergétique des bâtiments publics » de la politique immobilière de l'État :

- l'outil de suivi des fluides interministériel (OSFi), déployé progressivement à compter du mois de décembre 2019. Cet outil doit permettre d'identifier les surconsommations et donc les gisements d'économie ;

- l'animation de la feuille de route nationale pour la transition énergétique , aux côtés du ministère de la transition écologique, ainsi que celle de la circulaire pour des services publics éco-responsables (février 2020). Cette dernière comprend plusieurs mesures, dont la mise en oeuvre de l'OFSi (en cours), l'interdiction de l'achat de nouvelles chaudières au fioul, la mise en oeuvre du programme 348 (rénovation des cités administratives) ;

- le programme d'actions d'économies d'énergie à gains rapides (TIGRE) est le plus récent (2020). Il est doté de 20 millions d'euros en 2020 et vise à financer des opérations peu coûteuses, avec un fort retour sur investissement. Ces opérations recouvrent par exemple un appel à solution du secteur privé pour répliquer des solutions à bas coût dans les bâtiments publics ; un appel à projets auprès des gestionnaires immobiliers (540 projets retenus en juillet 2020 pour une enveloppe de 15 millions d'euros et une économie d'énergie attendue à 60 GWh/EP). Le programme a également financé la participation des services de l'État au concours CUBE2020 26 ( * ) . En 2021, plus d'un quart des crédits sera consacré aux dépenses de gros entretien et de renouvellement .

Source : réponses au questionnaire du rapporteur spécial, rapport d'activité de la direction de l'immobilier de l'État pour 2019 et documents budgétaires

Une première difficulté se pose toutefois, celle de pouvoir clairement retracer les effets de ces instruments et de mesurer leur efficacité, y compris par rapport aux objectifs fixés par le Gouvernement dans le décret « tertiaire ».

En effet, le rapporteur spécial regrette, à l'instar des années précédentes, que les indicateurs de performance et les informations présentées dans les documents budgétaires, qu'ils soient relatifs au CAS, au programme 348 ou au document de politique transversale, n'aient pas été modifiés pour mieux intégrer cette nouvelle priorité de la PIE . Il partage en cela le constat du Conseil de l'immobilier de l'État 27 ( * ) . Il n'y a ni bilan de la mise en oeuvre de la transition énergétique dans le parc occupé, ni objectifs portant sur la réduction du nombre de baux de biens les moins performants en matière environnementale ou sur le recours aux énergies renouvelables, ni pilotage unique et clair. La DIE estime par ailleurs impossible d'isoler finement les crédits consacrés aux travaux d'amélioration de la performance énergétique au sein des dépenses du programme 723 du CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

Le rapporteur spécial relève par ailleurs que les données portant sur l'évolution de la consommation énergétique (État et opérateurs), qui figurent maintenant dans le document de politique transversale relatif à la politique immobilière de l'État, sont, encore une fois, sujettes à précaution . Cet indicateur dépend en effet de la complétude des informations transmises à la DIE (65 % pour les immeubles de bureau et 36,3 % pour les logements en 2020). En juillet 2019, un souci technique a même empêché la DIE de disposer de ces données. La DIE incite donc l'ensemble des administrations à déployer l'OFSi, afin d'avoir une vision plus complète de la consommation et de la performance énergétique des bâtiments publics.

Évolution de la consommation énergétique de l'État et de ses opérateurs

(en KWh/an/m² de surface utile brute)

Année

Juillet 2016

Juillet 2017

Juillet 2018

Juillet 2020

Consommation

189

149

146

163

Évolution

-

- 21,16 %

- 2,01 %

11,64 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après le document de politique transversale relatif à la politique immobilière de l'État

La seconde difficulté , qui se pose également pour toutes les problématiques liées à la rationalisation des emprises immobilières de l'État est de savoir de quels moyens concrets la DIE dispose pour contraindre effectivement les ministères occupants à participer aux objectifs de la politique immobilière de l'État (PIE). Le rapporteur spécial serait tenté de répondre bien trop peu ; les dispositifs d'incitation doivent absolument être renforcés .

Les loyers budgétaires ont disparu 28 ( * ) , même si la DIE a décidé de conserver un indicateur sur le coût d'occupation domaniale hors charges dans les conventions signées entre l'État propriétaire et les occupants. Ce coût d'occupation vaut à la fois pour les bureaux et pour les logements, ce que ne faisaient pas les loyers budgétaires. La DIE a également instauré dès 2019 une nouvelle procédure de labellisation des projets immobiliers . Elle a indiqué au rapporteur spécial tenir particulièrement compte des critères environnementaux lors de cette procédure, sous le prisme du référentiel « Énergie positive, réduction carbone » (E+C-). En 2019, trois conférences nationales de l'immobilier public (CNIP) ont été consacrées à la transition énergétique et 12 aux projets sélectionnés au titre du programme 348 ( cf. supra ).

Le dispositif de labellisation

Dans le cadre de la gouvernance rénovée de la politique immobilière de l'État (PIE), instaurée par les circulaires du Premier ministre du 27 avril 2016 et du 27 février 2017, la DIE a élaboré en co-construction avec les autres ministères, une méthodologie visant à renforcer le rôle de l'État propriétaire et à garantir le caractère vertueux des projets immobiliers de l'État et de ses opérateurs à travers la procédure de labellisation. Ce processus est obligatoire pour tous les projets d'une valeur supérieure à cinq millions d'euros (huit millions d'euros pour la région Ile-de-France). La procédure s'applique aux projets immobiliers structurants et porte autant sur l'immobilier de bureau que sur les bâtiments d'enseignement ou les logements.

Après une phase expérimentale, cette démarche s'est traduite par la mise en place d'un processus de labellisation des projets immobiliers , afin de vérifier leur conformité aux critères de la politique immobilière de l'État : rationalisation des emprises, réduction de l'éparpillement des services dans différentes implantations, mutualisation de services, densification des bâtiments, réduction des dépenses immobilières, et notamment de la consommation énergétique, accessibilité...

Plus précisément, la démarche consiste à s'assurer que les différents acteurs de l'immobilier de l'État ont étudié différents scénarios, se sont posés les bonnes questions et que le projet immobilier retenu présente des garanties de performance aussi bien techniques, énergétiques que financières et budgétaires. La méthode consiste ainsi pour l'administration occupante, porteur du projet, à proposer différents scénarios qui seront étudiés par le responsable régional de la politique immobilière (RRPIE), puis par les instances de gouvernance de la PIE (CNIP et conférences immobilières), afin de retenir le meilleur projet au regard des critères de la PIE . Il revient ensuite au ministère du Domaine de décider, la décision étant déléguée au directeur de l'immobilier de l'État ou au préfet de région, en fonction du montant du projet.

Selon la DIE, au 31 décembre 2019, 508 projets ont été labellisés depuis octobre 2016, pour un montant total de 3,17 milliards d'euros. Le rapporteur spécial note la nette accélération constatée en 2019 , puisque le nombre de projets labellisés entre le mois d'octobre 2016 et le 31 décembre 2018 n'était que de 312, pour un montant total de
1,08 milliard d'euros.

Source : réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial, document de politique transversale relatif à la politique immobilière de l'État et rapport d'activité de la direction de l'immobilier de l'État pour l'année 2019

Le rapporteur spécial note enfin que l'amélioration de la performance énergétique provient moins d'une évolution qualitative des bâtiments en eux-mêmes que de la réduction de leur volume . La décomposition des dépenses énergétiques de l'État par ministère soutient ce constat : les plus fortes baisses observées entre 2011 et 2019 proviennent des ministères qui ont à la fois réduit leurs emprises et leurs effectifs
(- 86 % pour les services du Premier ministre, - 16 % pour le ministère de la transition écologique, - 7 % pour les ministères économiques et financiers, - 56 % pour ceux du travail et de la santé), tandis que les dépenses énergétiques des autres ministères ont augmenté.

Ainsi, en dépit de progrès indéniables, le rapporteur spécial demeure plus que circonspect quant aux moyens engagés et à la faculté pour la politique immobilière de l'État et la DIE de transformer rapidement les modes de fonctionnement des ministères occupants . Selon les informations transmises par la direction de l'immobilier de l'État, le décret « tertiaire » nécessiterait des investissements de l'ordre de 80 milliards d'euros sur la période 2020-2050 pour atteindre l'objectif de réduction de la consommation énergétique de 60 % d'ici 2050 (par rapport à 2010), dont 36 milliards d'euros pour les services de l'État (42 milliards d'euros si le seuil était abaissé aux bâtiments d'une surface supérieure ou égale à 500 mètres carrés).

Cette inquiétude sur la capacité à agir rapidement sur les habitudes des ministères et services occupants vaut également pour la diversification des modes de valorisation du patrimoine immobilier de l'État.

B. LA DIVERSIFICATION DES MODES DE VALORISATION DES BIENS INUTILISÉS PAR L'ÉTAT, UN IMPÉRATIF POUR ÉVITER LA DÉPRÉCIATION DE SON PARC IMMOBILIER

Pour le rapporteur spécial, il est très probable que l'année 2019, qui a vu une hausse exceptionnelle des recettes, ne marquera qu'un rebond temporaire et que la tendance à la diminution des produits de cession se poursuivra . Depuis plusieurs années, les rapporteurs spéciaux du CAS constatent en effet à la fois une diminution du nombre de biens vendus et une diminution du prix de vente moyen. Cette trajectoire se poursuivra en 2020 et en 2021, d'autant plus que l'impact de la crise économique et sanitaire sur la structure du CAS n'a pas encore été bien évalué . À cet égard, après un rebond temporaire du solde du compte en 2019 (+ 343 millions d'euros), il devrait au mieux se stabiliser en 2020 et 2021, tout en demeurant très sensible aux cessions.

La crise a renforcé les constats et les alertes que porte la commission des finances depuis plusieurs années : le modèle du CAS n'est pas soutenable à terme et comprend trop d'incertitudes . Il n'est aujourd'hui sauvé que par des cessions exceptionnelles et qu'au prix, les années de moindres recettes, d'une diminution des dépenses, pourtant essentielles à la valorisation du parc immobilier de l'État. Le solde annuel a connu plusieurs alertes et demeure très sensible à la conjoncture . Le rapporteur spécial rappelle, comme il l'a expliqué précédemment, que les prévisions inscrites pour 2020 et 2021 doivent être traitées avec beaucoup de prudence . Le solde annuel du CAS pourrait se dégrader ces prochaines années, avec un effet à terme sur le solde cumulé.

Évolution du solde du compte d'affectation spéciale depuis 2008

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Le stock de biens à vendre de l'État ne cesse par ailleurs de diminuer (- 19 % entre 2012 et 2019 29 ( * ) ). 730 biens pourraient être inscrits pour cession en 2021. Outre une difficulté « quantitative », sur le nombre de biens disponibles à la vente, une seconde difficulté pour l'État vendeur provient de la nature même des biens proposés à la vente . En effet, le stock de biens difficiles à céder augmente . D'après les informations transmises par la direction de l'immobilier de l'État au rapporteur spécial, au 1 er janvier 2020, 593 biens seraient en vente depuis plus de trois ans, contre 524 au 1 er janvier 2019 et 506 au 1 er janvier 2018. Les biens les plus faciles à céder, soit qu'ils aient été très bien valorisés, soit que leur cession ne présentât aucune difficulté, sont en effet ceux qui ont été vendus le plus rapidement. Ainsi, 75 % des biens inscrits dans l'outil de suivi des cessions seraient considérés comme difficiles ou très difficiles à vendre .

Le rapporteur insiste par ailleurs sur le fait que les biens vacants ne font pas non plus l'objet de la même politique d'entretien , ce qui peut entrainer leur dépréciation. Au 31 décembre 2019, il y aurait 3 058 sites (terrains ou immeubles) remis au Domaine ou vacants et sans maître 30 ( * ) . Il est par ailleurs dommage que l'État procède parfois à des opérations structurantes de grande ampleur au lieu d'utiliser ses biens vacants, éventuellement après qu'ils aient été valorisés autrement. En effet, il faut bien relever que dans la surface globale des bâtiments occupés par l'État (85 millions de mètres carrés), une partie relève de ses locations .

Évolution des surfaces possédées ou utilisées par l'État
entre 2014 et 2019

(en mètres carrés et en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux

En 2019, les loyers (hors charge) versés par l'État ont représenté 1 421 millions d'euros . Le rapporteur spécial note avec satisfaction que ces loyers sont en forte baisse entre 2018 et 2019 (- 12,2 %), après une hausse notable entre 2017 et 2018 (+ 6,37 %). La hausse constatée l'année dernière avait en effet inquiété la commission des finances, qui estimait que c'était un argument de plus pour inciter l'État à revoir sa stratégie en matière de valorisation immobilière.

Par ailleurs, les redevances domaniales ne suffisent pas à compenser la baisse des recettes du compte d'affectation spéciale . La réflexion sur le modèle de financement du CAS devait donc absolument être poursuivie, et le parc immobilier appréhendé différemment pour aller vers la valorisation locative de ces biens. La commission des finances, par l'intermédiaire des rapporteurs spéciaux, critique depuis de nombreuses années la vision binaire qui a longtemps prévalu à la gestion du patrimoine de l'État, entre possession et cession .

Le deuxième comité interministériel de la transformation publique du 29 octobre 2018 leur avait donné raison, en estimant que « le modèle d'une valorisation du parc par la seule cession [...] s'est essoufflée et n'est pas soutenable ». Devant la commission des finances, la directrice de l'immobilier de l'État, Mme Isabelle Saurat, n'avait pas dit autre chose : « c'est assez désespérant de constater la durée qui peut séparer le moment où une administration quitte une emprise de celui où un nouvel usage est trouvé. Il faudrait accorder des autorisations d'occupation temporaire (AOT) afin que ces bâtiments ne restent pas vides pendant deux ou trois ans [...]. On pourrait demander des redevances domaniales ou, pour des immeubles patrimoniaux ou de prestige, arrêter de les vendre pour accorder plutôt des baux emphytéotiques » 31 ( * ) .

Il semble que la crise sanitaire et économique, et son impact potentiel sur les produits de cession du CAS, notamment si le marché immobilier venait à souffrir ou les opérations structurantes à être décalées, a accentué le caractère urgent et impératif de cette réflexion . Comme l'a rappelé la DIE au rapporteur spécial, l'État pratique déjà une certaine forme de valorisation pour les bâtiments dont la cession est difficile ou que l'État souhaite conserver. À titre d'exemples, plusieurs baux emphytéotiques devraient être signés pour des immeubles parisiens dans le cadre d'appels d'offres mixtes « Cession ou location à long-terme » (par exemple pour l'hôtel de Grenelle ou pour une partie de l'ancien hôtel de Mailly Nesle, situés dans le 7 e arrondissement de Paris). La DIE expérimente également un outil permettant d'opérer un arbitrage entre cession et mise sur le marché locatif , avec une expérimentation centrée sur quelques biens en Ile-de-France et en Provence-Alpes-Côte d'Azur. La direction entend mieux prendre en compte l'utilité du bien, à court comme à plus long terme, l'intérêt particulier pour l'État, son histoire ou encore sa configuration.

Le ministre de l'action et des comptes publics, Gérald Darmanin, avait, dès l'année 2019, confié à M. Jean-Marc Délion une mission sur la valorisation locative des biens inutilisés , y compris par de l'occupation temporaire ou par des contrats mixtes. La mission a été prolongée au premier semestre 2020 : l'idée que les cessions ne peuvent pas constituer l'unique moyen de valoriser le patrimoine immobilier de l'État commence à s'ancrer au sein du ministère chargé du domaine. La DIE le reconnait également dans les documents budgétaires : elle admet à la fois rechercher des modes alternatifs de cession (par exemple en recourant au site « Le bon coin ») et des « modes alternatifs de valorisation » .

Plusieurs pistes ont été présentées et étudiées par M. Délion : une gestion internalisée ou externalisée, une détention directe par un établissement public ou par une foncière 32 ( * ) ... Il conviendra également d'interroger sur le rôle de la DIE, notamment dans sa capacité à gérer une opposition des ministères occupants. La diversification des modes de valorisation des biens inutiles de l'État aurait au moins pour mérite d'éviter de répéter certains fiascos de ces dernières années, quand l'État avait vendu ... avant de racheter pour trois ou quatre fois plus cher 33 ( * ) .

Certes, le rapporteur spécial ne méconnait pas les obstacles juridiques à la diversification des modes de valorisation. Le code général de la propriété des personnes publiques soumet l'État aux règles de publicité et de mise en concurrence pour les titres d'occupation délivrés en vue d'une exploitation économique, ce qui peut nuire à la fluidité de la gestion du parc. Il serait en outre opportun de pouvoir minorer la redevance en fonction du montant des travaux réalisés par le futur occupant : la location du bien se traduirait alors par une recette directe (la redevance) mais aussi par un gain futur (valorisation du bien).

Ainsi, en attendant que les réflexions sur cette diversification des modes de valorisation du parc aboutissent, et pour continuer d'assurer un niveau satisfaisant de crédits pour les dépenses d'entretien, le CAS pourrait à tout le moins recevoir à l'avenir une part plus importante des redevances domaniales que celle qui lui est aujourd'hui affectée . Ces solutions provisoires ne doivent pas toutefois masquer la nécessité de se pencher sur l'adéquation et la pertinence du CAS s'il ne peut être doté de ressources plus pérennes, obtenues par exemple dans le cadre d'une meilleure valorisation locative des biens inutilisés .

Pour les biens qu'il n'occupe plus, l'État pourrait privilégier un mode de location à long-terme ou temporaire. L'État tirerait ainsi des recettes de son patrimoine, recettes qui couvriraient les charges afférentes aux bâtiments loués, et il aurait toujours la possibilité de mettre fin au bail et de recouvrer l'usage de ces bâtiments si ses besoins évoluaient .

En effet, le rapporteur spécial le rappelle, la trajectoire des dépenses est très inquiétante : si la sanctuarisation des crédits alloués aux dépenses d'entretien doit être approuvée, cela ne doit pas empêcher de constater qu'ils sont très insuffisants pour assurer une véritable remise à niveau du parc immobilier de l'État . Or, comme la DIE l'a expliqué au rapporteur spécial, dans les régions moins dynamiques sur le plan immobilier, un bien à usage professionnel se vend mal dès lors qu'il n'est pas neuf ou entièrement rénové . Dans les régions dynamiques, la dépréciation des biens de l'État nuit à leur valorisation. Il faut de nouvelles ressources pour cette remise à niveau et pour parvenir à obtenir un véritable effet de levier. Sur un sujet similaire, et dont la DIE pourrait s'inspirer, la Banque des territoires prévoit de soutenir la mise en oeuvre de foncières mixtes pour la rénovation des commerces.

C. LA RÉFLEXION SUR « L'IMMOBILIER DE DEMAIN », UN IMPÉRATIF POUR L'ADAPTATION DES ADMINISTRATIONS QUI NE DOIT POURTANT PAS OBLITÉRER CELUI PORTANT SUR LA RATIONALISATION DES SURFACES

La rationalisation des surfaces occupées par l'État s'évalue au regard de l'indicateur de surface utile nette par poste . Cette cible est fixée, pour l'ensemble des bâtiments de bureaux, à 12 mètres carrés ou 10 mètres carrés en zone tendue, pour une surface utile brute de respectivement 20 et 18 mètres carrés. Cet indicateur de performance est commun au CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » et au document de politique transversale relatif à la politique immobilière de l'État, cette rationalisation étant l'un des objectifs de la PIE.

Il permet de mesurer l'optimisation du parc domanial et son adaptation aux besoins de l'État et, partant, les efforts menés pour densifier les surfaces de bureaux . Cette densification conduit à une triple source d'économies : (1) la réduction des surfaces occupées, et donc la diminution des charges du propriétaire ; (2) la mutualisation des besoins et des coûts de fonctionnement ; (3) les produits tirés d'une éventuelle cession. Or, le rapporteur spécial ne peut que constater, pour la quatrième année consécutive , que cet indicateur stagne. En quatre ans, il n'aurait diminué que de 0,6 mètre carré, alors qu'il s'agit d'un objectif pour la PIE et d'un indicateur de performance pour le CAS et les programmes supports.

Selon le constat dressé par le directeur de l'immobilier de l'État lors de son audition, il est encore plus difficile d'inciter les ministères occupants à rationaliser leurs emprises que de les inciter à faire des économies d'énergie . Ces dernières leur permettent en effet de réallouer les gains ainsi obtenus sur d'autres dépenses de fonctionnement, tandis que rationaliser leurs emprises non.

Évolution de l'indicateur de rendement d'occupation des surfaces
depuis 2012

(en mètres carrés de surface utile nette par poste de travail)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La prévision pour 2021 montre qu' une amélioration franche de cet indicateur ne semble pas être de mise. Le rapporteur spécial regrette que cette cible ne soit pas plus contraignante dans les projets de réorganisation dans leur labellisation . D'après la DIE, il est parfois impossible, selon la configuration des immeubles, de réduire ce ratio. Cette difficulté s'explique également par un effet ciseau entre, d'une part, la réduction des effectifs, ce qui augmente le « mitage » des surfaces occupées et, de l'autre, le volume des crédits qui peut effectivement être engagé sur ce type de projets immobiliers structurants visant à regrouper et à densifier les bureaux.

Comme pour les économies d'énergie, le rapporteur spécial relève que les progrès obtenus sur ce point proviennent moins d'opérations sur les bâtiments et les surfaces en eux-mêmes que de la réduction du volume des emprises . Cet effet volume conduit à faire artificiellement baisser les indicateurs et la consommation énergétique. Il ajoute par ailleurs, et c'est là aussi une critique récurrente adressée à la DIE et à la PIE, que le manque de fiabilité sur les données doit conduire à la plus grande prudence dans leur analyse et notamment inviter à considérer le temps long .

À l'aune de la crise sanitaire et économique, la DIE a souhaité, et le rapporteur spécial salue cette initiative, mener une réflexion approfondie sur ce qu'elle a appelé « l'immobilier de demain ». Sous ce vocable quelque peu flou, il s'agit en réalité de prendre en compte les nouveaux modes d'organisation du travail : partage d'espaces de travail, modularité des espaces de vie et de travail, plateaux de bureaux flexibles, coworking ... Certes, ces évolutions ne sont pas nouvelles, la DIE ayant porté ces sujets au sein de la CNIP depuis 2019, mais la crise a eu le mérite de mener à une véritable accélération de la réflexion sur ces thèmes.

Cette réflexion porte notamment sur le télétravail : si son recours avant la crise était très faible au sein des administrations publiques, la DIE anticipe une hausse de ces usages, qui doit en retour nourrir les projets de restructuration immobilière présentés par les ministères et services occupants. Toutefois, comme son directeur l'a indiqué au rapporteur spécial lors de son audition, la DIE a encore du mal à estimer l'ampleur de ces changements , leur impact sur l'organisation des espaces de travail et, surtout, leur durabilité. La capacité d'un projet immobilier à tenir compte de ces évolutions devrait toutefois faire partie des critères pris en compte dans le cadre du processus de labellisation .

La DIE anime pour le moment des groupes de travail interministériels , qui incluent également des experts du monde académique et de la recherche, des spécialistes de l'organisation du travail, du numérique, de la santé, de la sociologie du travail ou encore du management, ainsi que des praticiens du secteur immobilier privé. Elle entend lancer prochainement des expérimentations sur le télétravail, sur l'aménagement de l'espace pour concilier santé et travail en équipe, sur le développement de « tiers-lieux », soit par exemple des espaces de coworking .

Cette nouvelle orientation de la DIE sur « l'immobilier de demain » et la réflexion en cours sur les modalités d'organisation du travail pourraient se traduire dans les indicateurs de performance du CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » . La DIE envisage en effet de modifier son indicateur de performance en substituant à la surface utile nette par poste la surface utile brute . Elle prendrait ainsi acte de la difficulté de plus en plus forte de déceler ce qui relève des surfaces nettes et brutes, alors que les espaces de travail évoluent, et de la nécessité d'avoir une approche plus économique de la rationalisation des surfaces par poste (c'est tout le bâtiment dans son ensemble qui a un coût pour l'État, pas seulement la surface utile nette). Ce changement ne doit toutefois pas se traduire par une renonciation de la politique immobilière de l'État à toute logique de rationalisation des emprises.

Pour conclure, le rapporteur spécial considère que la gestion de l'immobilier de l'État doit se confronter à de nombreux défis, aujourd'hui comme demain. Il est à cet égard essentiel de disposer d'une politique cohérente et homogène .

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 10 novembre 2020, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a examiné le rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial, sur le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

M. Claude Raynal , président . - Nous passons maintenant à l'examen des rapports sur les missions « Gestion des finances publiques », « Crédits non répartis », « Transformation et fonction publiques » et sur le compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

M. Claude Nougein , rapporteur spécial . - Je commencerai par la mission « Crédits non répartis », qui n'appelle que deux brèves remarques de ma part. Ses deux dotations sont prévues par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). La première, la « dotation pour dépenses accidentelles et imprévisibles » bénéficie de la même ouverture de crédits depuis 2018, soit 124 millions d'euros. Il faut néanmoins rappeler qu'elle avait servi de réserve de budgétisation massive au début de la crise sanitaire, avec une augmentation de plus de 1,5 milliard d'euros votée dans la deuxième loi de finances rectificative (LFR) pour 2020. Cette réserve a permis d'abonder différentes missions par voie réglementaire pour des dépenses urgentes, dans l'attente d'un autre projet de loi de finances rectificative (PLFR). Notre commission s'est montrée attentive à ce que de telles dépenses soient bien liées à la crise sanitaire, et que le Parlement soit par ailleurs bien informé avant que les décrets de répartition ne soient publiés, ce qui fut le cas.

La seconde dotation, qui concerne la « provision relative aux rémunérations publiques », fait de nouveau l'objet d'une ouverture de crédits, afin de financer trois mesures : le versement de la prime de fidélisation en Seine-Saint-Denis ; le déploiement du forfait mobilité durable dans la fonction publique d'État ; ainsi que des revalorisations indemnitaires, décidées lors du rendez-vous salarial de la fonction publique d'il y a trois mois.

La ventilation des crédits entre ces trois mesures n'est pas précisée par les documents budgétaires. Pour nous, c'est un manque de transparence, alors que cette dotation atteint un montant exceptionnellement élevé : près de 200 millions d'euros en 2021, contre 26 millions d'euros en 2020 ! Il faut espérer que le Gouvernement les répartisse au cours du débat en séance. Malgré ces réserves, nous vous proposerons l'adoption des crédits de cette mission - un rejet ayant peu de signification.

J'en viens maintenant à la mission « Gestion des finances publiques », la plus importante budgétairement. Elle porte les crédits des deux grandes administrations de réseau du ministère de l'économie, des finances et de la relance, c'est-à-dire la direction générale des finances publiques (DGFiP) et la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI). Elle porte également les crédits du secrétariat général du ministère et d'une pluralité de structures comme la direction du budget ou Tracfin.

Le périmètre de la mission est modifié dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021, puisqu'elle perd le programme 148 « Fonction publique » rattaché à la mission « Transformation et fonction publiques ». Même retraités de cette mesure de périmètre, les crédits de la mission baissent entre les lois de finances pour 2020 et pour 2021 : de 1,11 % pour les autorisations d'engagement (AE) et de 1,28 % pour les crédits de paiement (CP). La mission continue donc de contribuer aux efforts de rationalisation de la dépense publique, certes bien rares dans ce PLF. Au total, ses crédits s'élèvent à environ 10 milliards d'euros.

La diminution des crédits provient principalement des dépenses de personnel, qui représentent 80 % des crédits de la mission. Ces dépenses diminueront de 1,42 % en 2021, du fait d'un schéma d'emplois négatif, attendu à -2 033 équivalents temps plein (ETP), dont -1 800 pour la DGFiP.

Les administrations de la mission ont été particulièrement mobilisées durant la crise sanitaire, je pense notamment à la DGFiP. La direction a dû continuer d'assurer ses missions traditionnelles essentielles, comme la gestion fiscale locale et nationale, tout en assumant de nouvelles missions. On lui a ainsi confié la gestion du fonds de solidarité, et elle a mené un travail de veille sur les entreprises, les collectivités locales et les hôpitaux.

Le secrétariat général du ministère a, quant à lui, joué un rôle de coordination très important, puisqu'il a, d'une part, coordonné les plans de continuité d'activité (PCA) des directions du ministère, et, d'autre part, coordonné le travail de la cellule de continuité économique.

Pour la DGDDI, les effets sont un peu plus particuliers et doivent être étudiés sous l'angle du Brexit. La crise sanitaire a conduit à une chute brutale du volume des échanges et des trafics, aériens comme routiers. Les effectifs ont dû être redéployés, de la même façon que les 600 ETP recrutés pour faire face au Brexit avaient dû être réaffectés après son report d'un an. Alors que le rétablissement de la frontière entre la France et le Royaume-Uni approche, les échanges moindres devraient rendre la période de transition plus facile pour la douane, qui craint beaucoup moins le risque d'embouteillages dans ces nouvelles conditions. Elle a même demandé à reporter en 2021 le recrutement des 100 derniers ETP qui devaient compléter ses effectifs face au Brexit. La direction craint en effet de les recruter pour rien, et qu'ils soient en surnuméraire.

Nous avons constaté, y compris durant nos auditions, que les crédits de la mission et de ces directions sont en réalité moins affectés par la crise sanitaire et économique que par les processus de transformation entamés par ces administrations bien avant la crise. Ces processus n'ont pas été reportés et la crise a même renforcé la nécessité de certains d'entre eux. Ils sont inscrits dans le plan de transformation ministériel publié en juin 2020 et sont suivis avec attention par le secrétariat général. Nous allons vous en présenter six.

Le premier concerne la réorganisation territoriale de la DGFiP et de la DGDDI, un sujet que nous abordons régulièrement à la commission. La DGFiP poursuit la mise en place de son nouveau « réseau de proximité », qui comprend trois axes. Le premier est la mise en place d'un réseau de 1 200 conseillers aux décideurs locaux d'ici à 2022 ; le deuxième est l'augmentation des points de contact de la DGFiP sur le territoire, par le biais d'une contractualisation avec les collectivités ; le troisième est la délocalisation de services des métropoles vers les villes moyennes. Les cinquante premières villes ont été choisies et les déménagements devraient avoir lieu entre 2021 et 2024. Pour la DGDDI, sa réorganisation tient compte des effets du Brexit, elle bascule ses emprises de l'est et du sud de la France vers les Hauts-de-France, avec l'ouverture de nouveaux bureaux et brigades.

Le second sujet concerne le transfert de la gestion du recouvrement de certaines taxes et impositions de la douane vers la DGFiP. Cette réforme doit s'accompagner de gains de productivité et d'efficacité. Deux millions d'euros sont en parallèle affectés à la création d'un portail unique de recouvrement fiscal et social pour les entreprises, un projet qui a pris du retard. Ce transfert impose aussi à la Douane de réfléchir à ce qui constitue son « coeur de métier », et nous soutenons son recentrage sur ses missions stratégiques : le contrôle des flux passagers et marchandises.

Le troisième enjeu concerne la gestion des ressources humaines, essentielle quand on se rappelle que la DGFiP et la DGDDI comptent à elles deux près de 117 000 emplois - environ 100 000 pour la DGFiP et 17 000 pour les douanes. Les transformations en cours appellent à la révision des règles de mobilité ou de rémunération. Des dispositifs d'accompagnement sont mis en place et pourraient s'avérer coûteux, mais nous manquons d'informations sur ce sujet, ce qui est regrettable. Je souligne par ailleurs que nous avons consacré un développement particulier à la gestion des ressources humaines par la DGDDI après un rapport de la Cour des comptes plutôt accablant sur ce point. La directrice a elle-même reconnu que le régime indemnitaire était assez catastrophique et l'a qualifié de « stratification indemnitaire ». Les règles de temps de travail ne sont pas non plus respectées dans toutes les branches, avec soit une durée de travail bien inférieure à la règle, soit bien supérieure, ce qui conduit certains personnels à avoir des centaines de jours à récupérer ! Heureusement, des réformes sont en cours.

Le quatrième processus de transformation concerne le recours accru aux nouvelles techniques d'analyse de données pour améliorer les résultats du contrôle fiscal. Le recours à ces techniques doit également permettre de détecter les cas de fraude les plus complexes. Comme je le rappelais avec notre ancien collègue Thierry Carcenac dans notre rapport d'information sur le contrôle fiscal, on manque encore d'indicateurs précis sur ce point.

Mon collègue Albéric de Montgolfier va évoquer les deux derniers processus de transformation en cours ainsi que la mission « Transformation et fonction publiques ».

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur spécial . - Il y a quelques années, nous avions commis, avec mon collègue Philippe Dallier, un rapport d'information sur cette mission, dans lequel nous évoquions la fraude à la TVA. Celle-ci demeure encore aujourd'hui un enjeu considérable pour les deux directions, et nous sommes encore loin d'atteindre nos objectifs. C'est d'autant plus important que le commerce électronique explose aujourd'hui, avec la crise sanitaire et le confinement, et vient concurrencer les commerces de proximité. Or, l'inspection générale des finances (IGF) avait rappelé que 98 % des vendeurs sur les plateformes internet n'étaient pas immatriculés à la TVA. De même, nous attendons toujours la traduction opérationnelle de certaines dispositions législatives votées par le Parlement, comme le principe de responsabilité solidaire des plateformes ou la concrétisation de la facturation électronique. Par ailleurs, avec la fin de l'exonération pour les envois dits de « valeur négligeable », la DGDDI nous a confirmé qu'elle s'attendait à voir exploser le fret aérien. En effet, jusqu'à maintenant, tous les envois de moins de vingt-deux euros étaient exonérés de TVA. La suppression de cette règle conduit à l'explosion du nombre de déclarations, que la DGDDI ne sera pas en mesure de contrôler. S'ajoute à cela l'impossibilité d'ouverture des commerces physiques avec le confinement et donc le report sur le commerce électronique. Ces flux sont donc sans commune mesure avec ceux d'il y a quelques années. On peut ainsi regretter l'absence de mise en priorité de la lutte contre la fraude sur la TVA. Les techniques de datamining ne seront pas suffisantes, les directions doivent aussi se doter de nouveaux moyens matériels, comme des scanners, qu'elle n'a cependant pas obtenus, malgré ses efforts, sur le plan de relance.

Le cinquième sujet que nous souhaitions aborder est celui du pilotage par les directions du ministère de leurs projets informatiques. Notre commission avait demandé un rapport à la Cour des comptes sur cette question, sur le périmètre État. Nous constatons des dépassements de délais et des coûts encore trop importants, qui traduisent un défaut de gouvernance.

Le sixième axe de transformation concerne la dématérialisation des administrations et des procédures administratives. Même si celle-ci peut offrir des gains de productivité aux administrations et une simplification pour les usagers, elle ne doit pas se faire au détriment de ces derniers, et donc il faut maintenir un accueil physique et téléphonique de qualité. Tous ne peuvent pas réaliser leurs démarches sur internet, notamment parce qu'ils n'ont pas accès au numérique. Il est assez scandaleux de voir que le numéro d'aide proposé est parfois surtaxé. On nous a dit que les numéros surtaxés prendraient fin au 1 er janvier 2021, mais encore faut-il qu'ils donnent vraiment accès à un interlocuteur, ce qui n'est pas toujours le cas.

Cette réflexion me conduit naturellement vers la mission « Transformation et fonction publiques ». Cette mission correspond en réalité à la mission « Action et transformation publiques », créée en 2018. Elle a été renommée pour le PLF 2021, avec le rattachement du programme 148 « Fonction publique ». Elle se compose donc désormais de cinq programmes à vocation interministérielle, qui concernent des sujets aussi variés que la rénovation des cités administratives de l'État, les ressources humaines ou encore les start-up d'État. On ne peut qu'être dubitatifs sur les résultats de cette mission, et ce pour plusieurs raisons.

La première, c'est la consommation des crédits. En 2021, ces derniers augmenteraient de 14 % à périmètre constant et avoisineraient les 500 millions d'euros, ce qui laisse supposer une montée en charge de la mission. Toutefois, cela fait deux ans que nous constatons chaque année de fortes sous-consommations, et cela ne devrait pas changer en 2020, puisque près de 75 % des crédits sont annulés dans le quatrième projet de loi de finances rectificative (PLFR4). Autant dire que cette mission relève plutôt de l'affichage que de la réalité. C'est pour cette raison que nous vous proposerons, avec Claude Nougein, un amendement d'appel annulant 75 % des crédits des trois programmes, qui connaissent chaque année des sous-exécutions allant de 80 % à 90 %. Il est temps que le Gouvernement nous donne des explications plus convaincantes quant à la non-consommation des crédits.

La seconde raison tient à la capacité des administrations à engager tous les crédits mis à leur disposition. Les annulations pour 2020 ne tiennent pas seulement à la crise sanitaire : elles s'expliquent aussi par les retards de contractualisation et par un décalage entre les besoins anticipés des porteurs de projets et leurs besoins réels. Après trois ans, on aurait pu penser que ces problèmes aient été résolus.

Nous nous sommes enfin intéressés au changement de périmètre de la mission ; nous avons auditionné la ministre de la transformation et de la fonction publiques Amélie de Montchalin. Son ministère exerce maintenant la tutelle sur trois directions transversales : la direction interministérielle de la transformation publique, la direction générale de l'administration et de la fonction publique et la direction interministérielle du numérique. La ministre nous a dit ne pas être la ministre de la fonction publique, mais celle de la « qualité des services publics ». Si nous saluons cet objectif, nous sommes plutôt réservés sur la capacité des programmes de la mission à concourir à cet objectif. Les chantiers du ministère en matière de dématérialisation et de réforme de la fonction publique sont par ailleurs considérables et avancent plutôt lentement. Sur la fonction publique, le Gouvernement a rapidement abandonné ses objectifs de rationalisation, même sur les ministères non régaliens. Le ministère doit également finir de traduire toutes les dispositions de la loi de transformation de la fonction publique, y compris sur le télétravail en période « ordinaire ».

Je présenterai maintenant rapidement le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ». Globalement, il y a peu de changements : pour être très clair, je considère que l'État n'a pas de politique immobilière. Celle-ci souffre toujours du manque d'une gouvernance solide et d'un manque de compétences. Au 31 décembre 2019, la surface totale des bâtiments de l'État était en effet de 96,8 millions de mètres carrés, pour une valeur comptable estimée à 65,7 milliards d'euros. Force est de reconnaître que la connaissance du parc s'est améliorée, sauf pour les opérateurs, qui sont très en retard sur ce point. Cela est très inquiétant.

Le CAS est supposé servir de vecteur budgétaire pour financer des opérations immobilières structurantes et des dépenses d'entretien lourd. On peut toutefois se féliciter du fait que les dépenses d'entretien soient sanctuarisées, même si leur montant, qui s'élève à 160 millions d'euros, peut sembler faible. L'entretien est essentiel pour éviter que les biens non utilisés de l'État continuent de se dégrader.

Les recettes et les dépenses du CAS connaissent une baisse tendancielle, même si l'année 2019 a constitué une exception pour les cessions, du fait de la vente de deux biens exceptionnels, dont l'îlot Saint-Germain, ayant représenté 70 % de ses recettes. En 2021, les produits de cession sont attendus à 280 millions d'euros, un point bas, et les redevances domaniales à 90 millions d'euros. Les dépenses sont, elles, estimées à 275 millions d'euros. Résultat, la politique immobilière de l'État est fragmentée : le CAS ne représente que 15 % des dépenses d'investissement de l'État en matière immobilière et environ 4 % à 7 % du total des crédits qui sont consacrés à l'immobilier.

Selon la direction de l'immobilier de l'État, il est encore trop tôt pour avoir une estimation des effets de la crise sanitaire sur les recettes et les dépenses du CAS. Les redevances domaniales devraient largement dépasser la prévision révisée : elles s'élevaient déjà à 96 millions d'euros fin octobre. En revanche, les produits de cessions seraient faibles en 2021, en raison des effets conjugués de la conjoncture, ou encore de la difficulté de trouver des acheteurs. Si la prévision révisée pour 2020 était de 220 millions d'euros, les produits encaissés fin octobre s'élevaient seulement à 126 millions d'euros.

Marginalisé, le CAS est aussi contourné dans ses règles mêmes de fonctionnement. Les produits de cessions sont en principe répartis à égalité entre les anciens ministères occupants et le compte d'affectation spéciale, mais ce n'est pas toujours le cas. D'autres bénéficient par ailleurs d'avances sur cession, comme le ministère de la défense, de l'Europe et des affaires étrangères, ou encore la présidence de la République.

Le CAS ne suffit donc plus pour porter les grands projets de l'État dans le domaine immobilier : la rénovation des cités administratives est portée par le programme 348 de la mission « Transformation et fonction publiques » et la rénovation thermique des bâtiments publics fait l'objet d'une action dans le programme 362 « Écologie » de la mission « Plan de relance ». L'enveloppe allouée aux bâtiments publics serait de 4 milliards d'euros, dont 2,7 milliards d'euros pour les bâtiments de l'État, soit bien plus que le CAS n'est en l'état actuel capable de mobiliser.

Il faut donc s'interroger sur la réforme du CAS et de ses principes de fonctionnement. Deux objectifs doivent être plus particulièrement poursuivis : le premier est la diversification des modes de valorisation des biens non utilisés par l'État. Les cessions sont de plus en plus dépendantes de biens « exceptionnels », et cette contrainte pèse sur le solde du CAS, extrêmement sensible à la conjoncture. Les modes de valorisation du parc doivent donc être diversifiés. Le second objectif est de faire participer le parc immobilier de l'État à l'effort en faveur de la transition écologique. Les progrès réalisés sur ce point demeurent cependant bien difficiles à suivre.

Nous sommes donc très loin de l'objectif de transformation de la gestion immobilière de l'État. Néanmoins, nous vous proposerons l'adoption des crédits de l'ensemble des missions et du compte d'affectation spéciale, en raison de la conjoncture très particulière dans laquelle nous nous trouvons cette année. La DGFiP a, par exemple, montré une très grande réactivité sur le versement du fond de solidarité même si l'on peut regretter qu'un certain nombre d'objectifs aient été oubliés, parmi lesquels la lutte contre la fraude à la TVA. Cette question n'est pas simplement un problème de recettes publiques, mais aussi une question morale et d'équité de traitement, notamment entre les commerçants et le e-commerce.

Enfin, je vous précise que, sur la mission « Gestion des finances publiques », les articles 54 octies , 54 nonies et 54 decies , ainsi qu'un amendement de crédit tirant les conséquences de ces articles ont été adoptés hier après-midi à l'Assemblée nationale. Compte tenu de leur vote tardif, nous n'avons pas encore eu le temps nécessaire pour les expertiser et nous vous présenteront notre analyse le 19 novembre, lors de l'examen définitif des missions et articles rattachés.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Vous avez mentionné l'intérêt porté à la qualité des services publics par la ministre de la transformation et de la fonction publiques. Un certain nombre de citoyens regrettent parfois les conditions d'accès et la qualité des services publics en raison de leur éloignement. Comment ce sujet est-il suivi par ce ministère, et quel est votre point de vue sur le développement du « tout numérique » ?

Comment la fraude peut-elle survenir dans le cadre des dispositifs de réponse à la crise que constituent le fonds de solidarité et l'indemnisation du chômage partiel ? La DGFiP s'est-elle organisée pour les intégrer, et si oui, de quelle manière ?

Lors du troisième projet de loi de finances rectificative (PLFR3), nous avions adopté un dispositif visant à annuler les redevances domaniales pour les occupants du domaine public de l'État dans les secteurs touchés par la crise, parmi lesquels la restauration, le tourisme et l'hébergement. Avez-vous des statistiques démontrant que le dossier est suivi et que cette politique est mise en oeuvre ?

M. Claude Nougein , rapporteur spécial . - Dans le recours aux dispositifs de réponse à la crise, la fraude est un enjeu. Un certain nombre de sociétés dites « éphémères » déclarent beaucoup de personnels et touchent ainsi de fortes indemnités de chômage partiel. Mais elles disparaissent ensuite rapidement, ce qui les rend impossibles à contrôler ! Il en est de même pour le fonds de solidarité, où les outils du datamining ont été mobilisés pour détecter a priori les cas de « fraude manifeste », et pas forcément les plus complexes. Cela nécessite de nouvelles adaptations, qui demanderont un gros travail dans les semaines et les mois à venir, y compris pour des contrôles a posteriori . Il est évident que la fraude sera significative.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur spécial . - Nous avions déjà eu ce débat durant l'un des derniers PLFR, notamment sur le chômage partiel : nous nous demandions pourquoi quasiment seul un numéro de système d'identification du répertoire des établissements (Siret) était demandé. La philosophie retenue par l'administration a été la volonté d'aller vite, ce qui peut être soutenu, dans un contexte de crise et dans lequel une partie des agents était également en télétravail. Il en résulte un traitement des demandes de fonds de solidarité ou de chômage partiel quasi automatisé, avec des contrôles assez sommaires. Si l'administration ne s'interdit pas des vérifications a posteriori , elle a reconnu ne procéder qu'à très peu de contrôles a priori , et les dispositifs de soutien sont accordés très largement.

Le numérique satisfait indéniablement une grande partie des usagers, mais cela ne suffit pas : certaines personnes âgées ont des difficultés à accéder à ces services, d'autres encore ne disposent pas d'une bonne connexion internet. Et même avec une bonne connexion, le système de traitement par des outils numériques ne permet pas toujours de répondre à la question posée. Aussi, un certain nombre de dossiers nécessitent un contact personnel spécifique, qu'il soit physique ou téléphonique. C'est là que le bât blesse. Par ailleurs, lorsqu'on observe les statistiques, la DGFiP a diminué ses effectifs sur le terrain en fermant des trésoreries, mais pas dans les administrations centrales, en tout cas pas dans la même ampleur. Si le Gouvernement a annoncé que toutes les créations de postes à partir de 2021 se feraient sur le territoire, dans la réalité, il semble qu'il y ait toujours autant de monde dans les couloirs de Bercy. Cela explique en partie l'insatisfaction de nos concitoyens sur le terrain, qui voient le taux de prélèvement obligatoire toujours aussi élevé, tout en ayant l'impression que les services publics ont disparu. C'est peut-être dans ce cadre qu'on oublie le service à l'usager, et le « tout numérique » n'est pas à même d'y répondre complètement.

Sur les redevances domaniales, la direction de l'immobilier de l'État (DIE) nous a indiqué ne pas encore être en mesure de fournir une estimation sur les effets de l'annulation partielle des redevances domaniales dues par les occupants du domaine public de l'État, mais ils seront modérés, seuls 20 % du domaine public de l'État environ est occupé par des établissements visés par la disposition adoptée en LFR 3. La DIE nous a également expliqué qu'il y avait des remises au cas par cas, par exemple pour les concessionnaires des équipements touristiques. Le produit de ces redevances s'élève à 96 millions d'euros à la fin du mois d'octobre 2020, contre 90 millions d'euros espérés sur l'année. C'est une ressource dynamique, en hausse depuis plusieurs années.

Les difficultés ont en réalité concerné les cessions, car la conjoncture n'a pas été bonne. On ne vend pas chaque année l'îlot Saint-Germain !

M. Antoine Lefèvre . - La réorganisation des directions des finances publiques a largement mobilisé les départements. La mise en place des conseillers aux décideurs locaux a été évoquée : un premier bilan du déploiement dans les intercommunalités a-t-il été dressé ? Quelles sont les modalités de la prise en charge de ces fonctionnaires ? Je doute que les présidents d'intercommunalités aient manifesté un grand enthousiasme pour les accueillir dans leurs locaux...

M. Marc Laménie . - Je remercie les rapporteurs spéciaux pour leur analyse. On constate, année après année, une diminution des effectifs de la DGFiP et la suppression de trésoreries dans nos territoires. Combien restera-t-il de trésoreries par département au final ?

Cette restructuration est-elle vraiment bénéfique ? Les trésoreries sont les interlocuteurs des élus de proximité.

Les rapports de la Cour des comptes mentionnés par les rapporteurs spéciaux ont-ils été suivis d'effets ?

Quelles mesures sont prises pour limiter la lutte contre la fraude à la TVA ?

M. Éric Bocquet . - En juillet 2020, un rapport d'information de Claude Nougein et Thierry Carcenac relevait que « le Parlement ne dispose pas d'informations suffisantes pour pouvoir apprécier la portée des résultats du contrôle fiscal ». La situation s'est-elle améliorée ?

M. Macron, lors de sa conférence de presse du 25 avril 2019, avait confié à la Cour des comptes le soin d'évaluer le chiffre de la fraude fiscale. Dans le rapport rendu en décembre 2019, celle-ci indiquait qu'elle n'avait pas les capacités pour mener cette mission dans un délai aussi court. La mission avait ensuite été confiée à l'Insee. Où en est ce travail ?

Google a fait un chèque de 1 milliard d'euros au fisc français. Un article du magazine Capital d'octobre 2019 avançait que le montant aurait dû être de 7 milliards d'euros. La forte diminution de l'addition aurait été justifiée par la « coopération » de l'entreprise avec la justice française. Le secret fiscal n'est peut-être pas opposable aux rapporteurs spéciaux : disposez-vous d'éléments sur la transaction qui a eu lieu entre le fisc français et Google ?

M. Vincent Delahaye . - Les questions d'Éric Bocquet me semblent très pertinentes.

Les rapporteurs spéciaux ont-ils pu obtenir des éléments concrets sur des améliorations permises par Action publique 2022 ? Pourquoi prévoir 500 millions d'euros à cet effet ? Une augmentation de 14 % me semble considérable, d'autant que les crédits sont sous-consommés. La mission « Transformation et fonction publiques » me laisse dubitatif. Je serai favorable à un amendement de forte réduction de ces crédits.

M. Michel Canevet . - Je remercie les rapporteurs spéciaux pour la qualité de leur travail.

Pour ma part, j'ai plutôt le sentiment qu'on assiste à une évolution assez forte des services de l'État. S'agissant des douanes et droits indirects, le recouvrement a été recentralisé au niveau de la DGFiP. L'absence de clarification des statuts des personnels a conduit à ce qu'une des responsables de cette direction a appelé une « stratification indemnitaire épouvantable ». Reste-t-il beaucoup de chemin à parcourir ?

Sur le terrain, j'ai également l'impression d'une grande évolution : des directions départementales interministérielles ont été créées, les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (Direccte) vont intégrer la cohésion sociale... Fallait-il garder la même organisation alors que les trésoreries ne reçoivent pratiquement plus de visiteurs, en raison notamment de la réforme de la taxe d'habitation ? La solution retenue n'est peut-être pas la meilleure, mais des efforts sont faits.

La direction de l'immobilier de l'État est-elle assez efficiente pour parvenir à une rationalisation optimale des bâtiments de l'État ?

S'agissant de la fonction publique, il y a beaucoup à faire ! Je rappelle que nous avons voté la loi de transformation de la fonction publique l'année dernière. Assiste-t-on une évolution des cadres d'emploi, rendue nécessaire par le regroupement de services sur le terrain ?

Lorsqu'on évoque le nombre de postes dans la fonction publique d'État, y intègre-t-on les CDD ou les contrats temporaires ? Leur nombre est-il significatif ?

M. Vincent Segouin . - L'impôt sur le revenu est désormais géré par les entreprises, qui font de la déclaration et du recouvrement. Le nombre de fonctionnaires de Bercy a-t-il diminué en proportion ?

Quand s'attaquera-t-on véritablement au problème récurrent de la fraude à la TVA, évaluée à 15 milliards d'euros ? On se triture les méninges chaque année pour trouver de nouvelles taxes : ne faudrait-il pas d'abord s'attaquer à ce sujet ?

M. Patrice Joly . - Je salue le travail des rapporteurs spéciaux. S'agissant de la réorganisation des services des finances publiques sur le terrain, je confirme les points de vue des rapporteurs. On recense trois types d'usagers : les collectivités locales, les entreprises, les ménages.

S'agissant des ménages, la présence sur le terrain avec les maisons de services au public et les possibilités d'accès à l'information sur internet ne sont pas suffisantes pour certaines catégories de personnes.

S'agissant des collectivités locales, je m'interroge sur la qualité du service rendu en matière de tenue des comptes et d'accompagnement des plus petites collectivités. Idem en matière de recouvrement des recettes : les voies de droit pour s'assurer du recouvrement des créances ne sont, par exemple, pas mises en oeuvre. Une présence plus faible sur le terrain engendre des gains pour l'État, mais des pertes, dont il serait intéressant d'avoir une évaluation précise, pour les collectivités locales.

Pour les petites entreprises, l'accompagnement fiscal n'est également plus le même qu'auparavant.

Mme Christine Lavarde . - Je pense que les rapporteurs spéciaux n'auront sûrement pas grand-chose à dire à propos d'Action publique 2022, car il ne se passe plus rien !

Je siège au Conseil de l'immobilier de l'État. J'entends avec grand intérêt les critiques qui sont émises sur la gestion immobilière : en effet, au bout de quelques années, je constate que ce sont toujours les mêmes reproches qui reviennent, notamment sur les schémas pluriannuels de stratégie immobilière. Le Conseil de l'immobilier de l'État pourrait peut-être être supprimé : aucune réunion, même en visioconférence, ne s'est tenue entre mars et septembre-octobre... Un certain nombre de parlementaires y siègent : j'observe que, si l'un des deux sénateurs est toujours là, sur les cinq députés n'est présent que le président.

J'ai du mal à comprendre l'articulation entre le Conseil de l'immobilier de l'État, la direction de l'immobilier de l'État et les directions de l'immobilier de chaque ministère. Tout le monde parle de la même chose, mais les choses ne bougent pas beaucoup...

M. Thierry Cozic . - Merci aux rapporteurs pour leur travail.

Je voudrais intervenir sur la mission « Gestion des finances publiques » au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER). Nous vivons une crise importante, et nous savons l'importance du rôle des fonctionnaires. Les coupes de budget et les baisses d'effectifs semblent être aujourd'hui des politiques difficilement conciliables avec la préservation d'un service public de proximité.

Depuis quinze ans, le nombre d'agents affectés à cette mission a diminué de 20 %. À cela s'ajoute la suppression de 1 800 équivalents temps plein annoncée par le Gouvernement. Ces agents sont essentiels pour l'accompagnement de nos concitoyens dans leurs démarches fiscales : la fracture numérique est certainement un concept très vague pour ceux qui font la « start-up nation », mais elle est pourtant bien réelle dans nos territoires.

Les agents de la DGFiP sont également des conseilleurs pour les collectivités territoriales et pour les petites entreprises. Les conseils fiscaux sont vitaux pour celles-ci, car elles n'ont pas toutes des pôles fiscalité en leur sein...

La dématérialisation ne résoudra pas tout et ne viendra pas compenser la suppression des 989 trésoreries et centres des finances publiques actée pour 2022.

Le groupe SER ne votera pas les crédits de cette mission.

M. Jean-Marie Mizzon . - Je remercie les rapporteurs spéciaux pour la qualité de leur travail. L'État a fort bien communiqué sur son initiative en matière de réorganisation du réseau des finances publiques dans les territoires : il a essayé de faire croire qu'il pouvait faire plus avec moins. Il a augmenté le nombre de points de contact, mais il s'agit d'une présence d'affichage. Cette réorganisation s'est par ailleurs accompagnée d'une baisse de qualité des prestations rendues par les agents des impôts en direction des collectivités locales : ils rendent des avis décontextualisés.

M. Claude Nougein , rapporteur spécial . - La réorganisation de la DGFiP et la fermeture des trésoreries intéressent peut-être moins nos concitoyens que nos élus de proximité. Ceux qui ont parcouru l'été dernier leur département pour se faire élire ou, comme moi, réélire ont constaté que cette question était un sujet de préoccupation pour les maires des petites communes. Antoine Lefèvre, les conseillers aux décideurs locaux devraient être au nombre de 1 200 d'ici à 2022. Les trente premiers sont entrés en fonction au premier trimestre 2020, mais la crise sanitaire a retardé le processus...

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur spécial . - La crise a bon dos !

M. Claude Nougein , rapporteur spécial . - Marc Laménie l'a souligné, on parlait d'une trésorerie par intercommunalité, puis d'une par arrondissement. Albéric de Montgolfier dit toujours que cela se terminera avec une par département... La baisse est inéluctable.

Nous avons du mal, Éric Bocquet, à obtenir des informations sur le contrôle fiscal. Avec Thierry Carcenac, nous avions fait un rapport d'information au printemps dernier sur la question. En 2019, le redressement fiscal s'est élevé à 11 milliards d'euros, contre 9 milliards d'euros en 2018. Je n'ai pas d'information sur le travail de l'Insee. Le contrôle fiscal est, semble-t-il, de plus en plus efficace grâce à de nouveaux instruments, comme le datamining , qui permettent de mieux cibler les contrôles mais il faut en améliorer les indicateurs de performance, notamment sur la fraude complexe ou la rentabilité. S'agissant du montant de la fraude fiscale, tout le monde a son chiffre ! Nombreux sont ceux qui confondent évasion fiscale et fraude fiscale.

En ce qui concerne les douanes, Michel Canevet, des progrès restent à faire en matière d'effectifs et d'indemnités. Il existe, par exemple, une indemnité de garde des chapiteaux d'alambic - elle concerne, certes, que peu d'agents ! - ou une indemnité de langue étrangère. La durée de temps de travail de certains agents est de 1 563 heures, alors qu'elle devrait être de 1 607 heures. Des primes de pénibilité sont accordées à l'ensemble d'un service sans tenir compte des fonctions réelles exercées. Il faut remettre de l'ordre dans ces primes obsolètes et injustes.

Sur les recettes, le rendement de l'impôt sur le revenu devrait être assez conforme aux prévisions en 2020, grâce à la stabilité des revenus garantie par les indemnités d'activité partielle. La TVA s'est effondrée au deuxième trimestre, mais est très fortement remontée au troisième trimestre. En revanche, l'impôt sur les sociétés sera très fortement impacté : les entreprises vont connaître des pertes énormes ou, dans le meilleur des cas, des baisses de bénéfices.

Les effectifs de la DGFiP qui étaient de l'ordre de 100 000 il y a deux ou trois ans s'élèvent maintenant à 97 000 et devraient baisser à 95 000. Le prélèvement à la source et la suppression de la taxe d'habitation expliquent ce phénomène. Je rappelle que le Gouvernement avait l'intention de supprimer 50 000 emplois de fonctionnaires : cette année, la baisse devrait être de 157 - on est loin du compte ! La DGFiP devrait supprimer 4 900 postes entre 2020 et 2022 : cela « donne du mou » aux autres ministères pour augmenter leurs effectifs...

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur spécial . - Je le répète, la fraude à la TVA est une question non pas seulement de recettes publiques, mais aussi de morale et d'équité. Les commerçants physiques, qui sont soumis à des impôts locaux et nationaux, sont concurrencés par des vendeurs d'e-commerce qui ne payent aucune taxe en France. La directrice des douanes nous a indiqué que les volumes de fret étaient en très forte augmentation depuis le confinement. Ses services seront dans l'incapacité de contrôler l'ensemble des déclarations en douane après la suppression des envois à valeur négligeable à compter du 1 er juillet 2021. Les administrations sont désarmées face à l'industrialisation du e-commerce.

Les chiffres des transactions fiscales peuvent paraître importants : ils représentent plusieurs années d'impôt. J'ai eu connaissance des éléments de la transaction avec Google lorsque j'étais rapporteur général. Je ne sais pas à quel montant l'administration aurait pu prétendre, mais celle-ci a toujours perdu ses contentieux devant les tribunaux administratifs et le Conseil d'État, faute de pouvoir prouver l'existence d'un établissement stable. La jurisprudence n'est pas favorable à l'administration fiscale et recourir aux conventions judiciaires d'intérêt public permet au moins de recouvrer une partie des sommes dues.

Concernant la fonction publique, quelques décrets sont encore en attente, Amélie de Montchalin l'a reconnu. Cela me conduit à évoquer le sujet de la transformation de l'action publique, pour répondre à Vincent Delahaye ou Christine Lavarde. Pourquoi les crédits de la mission ne sont-ils jamais consommés ? Notre amendement d'appel va nous aider à obtenir des réponses. Nous constatons une politique d'affichage, qui n'est d'ailleurs pas propre à ce Gouvernement. Souvenez-vous du programme de modernisation de l'action publique (MAP) : à chaque fois, il s'agit de décisions très technocratiques, avec des comités d'experts, et cela finit dans des archives sur des étagères. Il y a quelques années, la commission avait expertisé cette question. Dans tous les pays qui ont réussi leur transformation de l'action publique - je pense notamment à la Suède, à l'Allemagne, au Canada -, ces objectifs ont été portés au plus haut niveau. En France, nous ne sommes pas capables d'assumer les choses. Donc, pour obliger le Gouvernement à se prononcer sur le bien-fondé de cet objectif de transformation, nous allons proposer un amendement de réduction des crédits.

Dernier sujet, l'immobilier de l'État. J'ai siégé, à une époque, au Conseil de l'immobilier de l'État. En ce moment, le confinement a bon dos pour ne pas répondre à un certain nombre de questions. Quoi qu'il en soit, la conclusion à en tirer est connue : l'immobilier nécessite une professionnalisation. L'État est un piètre gestionnaire, notamment par rapport aux collectivités. L'exemple à suivre nous vient d'Allemagne, où une agence s'occupe de l'entretien des bâtiments en faisant payer les administrations.

Je me souviens également d'un rapport, il y a quelques années, avec Philippe Dallier, concernant l'immobilier et la justice. Nous nous étions aperçus que l'immobilier de certains tribunaux comme celui de la cour d'appel de Versailles étaient gérés par des magistrats délégués à l'équipement, qui n'avaient aucune compétence pour s'occuper de la gestion du chauffage, par exemple. Dans beaucoup d'administrations, c'est un fonctionnaire qui, en plus de son travail, va s'occuper de gérer les fluides, les problèmes de toiture et autres. Il serait temps d'avoir un vrai gestionnaire de la cité administrative, spécialiste de l'immobilier.

Pour répondre enfin à la question de Vincent Segouin, l'IGF a estimé que le gain lié à l'impact du prélèvement à la source pourrait être de 1 466 à 1 621 ETP ; de son côté, la DGFiP n'a fait aucun chiffrage.

La mission, je le conçois, est assez décevante cette année. En temps normal, nous aurions été sur une position plus réservée. Néanmoins, avec ce contexte très particulier, nous vous proposons l'adoption des crédits. Et pour finir sur une note positive, je voudrais souligner la mobilisation de la DGFiP pour le versement du fonds de solidarité et pour les mécanismes de soutien en général.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Gestion des finances publiques ».

La commission décide de réserver sa position sur les articles 54 octies, 54 nonies et 54 decies.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Crédits non répartis ».

Article 33 (État B)

M. Claude Raynal , président. - Nous avons à statuer sur l'amendement concernant la mission « Transformation et fonction publiques ».

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur spécial . - L'amendement n° II-186 diminue les crédits des trois programmes de la mission « Transformation et fonction publiques » : le programme 348 « Rénovation des cités administratives et sites multi-occupants », le programme 349 « Fonds pour la transformation de l'action publique » et le programme 351 « Fonds d'accompagnement interministériel ressources humaines ». Comme je l'ai évoqué précédemment, la sous-consommation des crédits de la mission est assez délirante : entre 80 % et 90 % ne sont pas consommés ! Dans le projet de loi de finances rectificative (PLFR) que nous examinerons lundi prochain en séance, entre 62 % et 97 % des crédits de paiement sont annulés. Cela pose, à mon sens, un problème d'autorisation parlementaire. D'où l'intérêt de cet amendement d'appel, qui traduit le décalage persistant entre les objectifs affichés et l'exécution des crédits et qui invite à des explications du Gouvernement sur ce point.

L'amendement n° II-186 est adopté.

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Transformation et fonction publiques », sous réserve de l'adoption de son amendement.

M. Claude Raynal , président. - S'agissant du compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », que propose le rapporteur spécial ?

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur spécial. - C'est une année très particulière pour le marché immobilier même si l'État pourrait mieux faire dans le domaine de l'entretien...

M. Claude Raynal , président. - Avis favorable, sans trop de conviction alors ?

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur spécial . - Oui, très peu de conviction.

La commission a décidé de proposer l'adoption sans modification des crédits du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 19 novembre 2020, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat l'adoption sans modification des crédits du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Direction de l'immobilier de l'État

- M. Alain RESPLANDY-BERNARD, directeur ;

- Mme Béatrice BELLIER-GANIÈRE, directrice adjointe ;

- Mme Agnès TEYSSIER d'ORFEUIL, sous directrice Gouvernance, financement et supports.


* 1 Article 47 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

* 2 Article 42 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

* 3 Article 21 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 4 Il existe plusieurs exceptions à ce principe général.

* 5 Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire 2019 du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

* 6 La DIE considère que les cessions supérieures à 25 millions d'euros relèvent de la catégorie des cessions « exceptionnelles ».

* 7 Suite à la loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, la décote avait en effet été déplafonnée. Elle pouvait désormais représenter jusqu'à la totalité de la valeur vénale du bien contre 35 % auparavant.

* 8 Article 274 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

* 9 Décret n° 2019-1460 du 26 décembre 2019 relatif au plafonnement de la décote prévue à l'article L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques.

* 10 Article 1 er de la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.

* 11 126 millions d'euros à la fin du mois d'octobre d'après les informations transmises au rapporteur spécial lors de l'audition du directeur de l'immobilier de l'État.

* 12 Dont 32 au titre du programme 348 « Rénovation des cités administratives et des sites multi-occupants de l'État » de la mission « Transformation et fonction publiques ».

* 13 Le Président de la République a confirmé au mois de décembre 2019 la réutilisation du site du Val-de-Grâce pour répondre à des besoins spécifiques de l'État et pour accueillir le projet de Campus Val-de-Grâce porté par le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation depuis le mois de juillet 2019.La partie « hôpital » serait ainsi utilisée par des institutionnels publics et privés, notamment dans le domaine de la santé et des nouvelles technologies. La partie « musée » resterait au ministère des armées.

* 14 Comme le précise la DIE dans les réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial, les biens valorisés au bilan de l'État ne correspondent pas strictement au périmètre des biens dont l'État est propriétaire, mais plus largement aux biens dont il a le contrôle. Il peut donc y avoir des biens domaniaux non contrôlés par l'État, s'ils ont par exemple été confiés aux opérateurs, et il y a des biens non domaniaux contrôlés par l'État, par exemple les biens des collectivités territoriales mis à disposition de l'État de manière permanente.

* 15 La valorisation de l'immobilier de l'État, exprimée en valeur comptable nette, est opérée selon les modalités définies par le recueil des normes comptables de l'État (RNCE). Le mode de valorisation dépend ainsi du type de bien : le parc immobilier hors bureaux/logements et les autres infrastructures sont valorisés au coût amorti ; les terrains nus et les terrains d'assiette des établissements pénitentiaires sont valorisés au coût historique ; par exception, les bureaux et logements sont valorisés en valeur vénale ; les sites naturels, les cimetières, les biens sui generis du ministère des Armées et les biens historiques et culturels sont valorisés symboliquement ou forfaitairement ; les établissements pénitentiaires, les routes et les barrages sont valorisés au coût de remplacement déprécié.

* 16 D'après les données inscrites dans le document de politique transversale relatif à la politique immobilière de l'État  annexé au projet de loi de finances pour 2021, le site du Grand Balard a par exemple été réévalué de 153 millions d'euros, celui de Bercy de 74 millions d'euros.

* 17 D'après les données communiquées au rapporteur spécial, la note de complétude des données est de 223/275 sur les biens de type « bureaux » occupés par les opérateurs, contre 171/275 à date sur l'ensemble du parc opérateur. 39 % des schémas pluriannuels de stratégie immobilière attendus pour les opérateurs ont été transmis au 25 août 2020, soit 193 schémas.

* 18 Conseil de l'immobilier de l'État, Avis sur le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », février 2020.

* 19 Le CAS est doté de 275 millions d'euros de crédits de paiement dans le PLF 2021.

* 20 Dans l'hypothèse par exemple où les avances seraient équivalentes à la totalité des dépenses pouvant être ouvertes en année n sur le CAS.

* 21 Annexe n° 1 du tome III du Rapport général n° 140 (2019-2020) de M. Albéric de MONTGOLFIER, fait au nom de la commission des finances, déposé le 21 novembre 2019. Rapporteurs spéciaux : Vincent DELAHAYE et Rémi FERAUD, mission « Action extérieure de l'État ».

* 22 Pour une description détaillée du programme 348 de la mission « Transformation et fonction publiques », se reporter à l'annexe n° 15 du tome III du Rapport général n° XXX (2020-2021) de M. Jean-François HUSSON, fait au nom de la commission des finances, déposé le XXX. Rapporteurs spéciaux : MM. Albéric de MONTGOLFIER et Claude NOUGEIN, missions « Gestion des finances publiques », « Crédits non répartis » et « Transformation et fonction publiques ».

* 23 Pour une description détaillée de l'action 01 « Rénovation énergétique » du programme 362 « Écologie » de la mission « Plan de relance », il conviendra de se reporter à l'annexe « Plan de relance » du tome III du Rapport général n° XXX (2020-2021) de M. Jean-François HUSSON, fait au nom de la commission des finances, déposé le XXX.

* 24 Selon le document de politique transversale relatif à la politique immobilière de l'État et annexé au projet de loi de finances pour 2021, les bâtiments, tous secteurs confondus, sont responsables de près de 50 % des consommations d'énergie et d'environ le quart des émissions nationales de gaz à effet de serre.

* 25 Dans le rapport qui a préfiguré l'instauration du Grand plan d'investissement (« Le grand plan d'investissement, 2018-2022 ». Rapport au Premier ministre), Jean Pisani-Ferry préconisait en effet d'améliorer la performance énergétique du parc immobilier de l'État (initiative 2).

* 26 Le concours CUBE2020 (Concours Usages Bâtiment Efficace) est organisé par l'Institut français pour la performance du bâtiment. Les participants sont classés selon les économies d'énergie constatées sur une période d'un an.

* 27 CIE, Avis du 10 septembre 2019 sur l'amélioration de la performance énergétique du parc.

* 28 À compter de la loi de finances pour 2019.

* 29 Selon les données inscrites dans le rapport d'activité 2019 de la direction de l'immobilier de l'État.

* 30 Parmi ces biens, 529 sont vacants et sans maître : un bâtiment technique, trois immeubles de bureaux, une installation commerciale, un édifice de culte, 506 terrains (espace naturel ou aménagé), 16 logements et une voie de circulation routière.

* 31 Audition de Mme Isabelle Saurat le 21 mai 2019 par la commission des finances du Sénat ( http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20190520/fin.html ).

* 32 Dans leur rapport d'information sur la politique immobilière de l'État, Thierry Carcenac et Michel Bouvard préconisaient la création d'une foncière à capitaux intégralement publics, chargée de procurer des revenus récurrents et garantis au compte d'affectation spéciale. « De la rationalisation à la valorisation : 12 propositions pour une politique immobilière de l'État soutenable et efficace », rapport d'information n° 570 (2016-2017) de Michel Bouvard et Thierry Carcenac, fait au nom de la commission des finances, 31 mai 2017.

* 33 On peut citer l'exemple emblématique des locaux de l'Imprimerie nationale dans le 15 e arrondissement de Paris. Ils avaient été vendus au fonds d'investissement américain Carlyle pour 85 millions d'euros en 2004. En juin 2007, l'État les lui avait rachetés pour 376,5 millions d'euros. Même après retraitement des travaux, la plus-value s'élevait, pour le fonds, à plus de 200 millions d'euros.

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