CHAPITRE IV

ASSURER LA SOUTENABILITÉ DES DÉPENSES
DE MÉDICAMENTS

Article 17
Clauses de sauvegarde des produits de santé

Cet article actualise les modalités d'assujettissement aux clauses de sauvegarde des médicaments et des dispositifs médicaux pour 2021.

La commission vous demande d'adopter cet article sans modification.

I - Les clauses de sauvegarde : des mécanismes originaux de régulation par l'offre des dépenses d'assurance maladie

A. Dispositions relatives à la clause de sauvegarde des médicaments

1. Une incitation fiscale à la régulation de l'activité pharmaceutique

a) L'assiette et le taux : un impôt prohibitif à vocation de régulation

Aux termes de l'article L. 138-10 du code de la sécurité sociale (CSS), lorsque le chiffre d'affaires réalisé au cours d'une année civile par l'ensemble des entreprises exploitant une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques est supérieur à un montant déterminé par la loi (dit le « montant M »), l'ensemble de ces entreprises est assujetti à une contribution fiscale, dite « clause de sauvegarde des médicaments ».

Le chiffre d'affaires considéré est minoré du montant des remises conventionnelles consenties par les exploitants au moment de la négociation du prix de leurs spécialités, lorsque ces dernières sont admises au remboursement par les organismes d'assurance maladie. Autrement dit, l'assiette de la clause de sauvegarde des médicaments est constituée par la part des ventes du secteur pharmaceutique ayant donné lieu à un remboursement total ou partiel de l'assurance maladie .

La définition d'un montant M, seuil d'assujettissement de la clause, a donc pour vocation d'inciter les entreprises du secteur du médicament à maintenir le volume de cette part de leur chiffre d'affaires en-deçà de ce seuil .

Une fois déterminée l'assiette de la contribution (la part du chiffre d'affaires concernée supérieure au montant M), un barème progressif défini à l'article L. 138-12 lui est alors appliqué : la part inférieure à 1,005 fois le montant M est frappée d'un taux de prélèvement de 50 %, la part comprise entre 1,005 et 1,01 fois le montant M se voit appliquer un taux de 60 %, enfin la part supérieure à 1,01 fois le montant M est soumise à un taux de 70 %.

À titre d'exemple, pour un montant M défini par la loi à 1 milliard d'euros et pour une part du chiffre d'affaires du secteur ayant donné lieu à des dépenses d'assurance maladie de 2 milliards d'euros, la contribution due par le secteur au titre de la clause de sauvegarde serait égale à :

(5 000 000 x 50 %) + (5 000 000 x 60 %) + (990 000 000 x 70 %) = 698 500 000,

soit 69,85 % de la part du chiffre d'affaires supérieure au montant M.

En raison de son caractère fortement prohibitif, l'efficacité de la clause de sauvegarde des médicaments se mesure davantage aux régulations ex ante que le secteur applique à la croissance de son activité qu'à son rendement, par conséquent peu élevé .

b) Des cas d'exonération

Par ailleurs, l'article L. 138-13 du CSS prévoit que sont exonérées de la contribution au titre de la clause de sauvegarde les entreprises remplissant les deux conditions cumulatives suivantes :

- avoir conclu avec le comité économique des produits de santé (CEPS) une convention, en cours de validité au 31 décembre de l'année pour laquelle la contribution est due, pour au moins 90 % de leur chiffre d'affaires réalisé au titre de médicaments remboursables par l'assurance maladie, dont la liste sera explicitée ci-dessous ;

- consentir, par un accord avec le CEPS, à verser à l'assurance maladie sous forme de remise un montant qui ne peut être inférieur à 80 % de la somme donc elles seraient redevables au titre de la contribution .

Les spécialités pharmaceutiques prises en compte dans le périmètre des conventions ouvrant droit à l'exonération sont :

- toutes les spécialités remboursables pour lesquelles a été défini un prix de vente au public, via le réseau des officines ;

- toutes les spécialités pour lesquelles a été défini un prix de cession au public (c'est-à-dire un prix de vente aux établissements de santé, qui en sont les seuls distributeurs).

Ne sont donc pas concernées les spécialités faisant l'objet d'une prise en charge par l'assurance maladie au titre de l'accès précoce ou de l'accès compassionnel qui, par définition, ne donnent pas (encore) lieu à des prix de vente ou des prix de cession.

2. Une révision des mécanismes d'exonération

a) Des restrictions nouvelles aux possibilités d'exonération de la contribution...

Le I de l'article 17 du présent projet de loi redéfinit les conditions d'exonération de la clause de sauvegarde.

Le 1° du I , outre une coordination juridique avec l'article 38 du présent projet de loi, retire du périmètre des conventions conclues avec le CEPS susceptibles d'ouvrir droit à l'exonération toutes les spécialités remboursables figurant sur les listes des spécialités agréées à l'achat et à la distribution par les établissements de santé pour lesquelles un prix maximal de cession a été défini par arrêté ministériel . Autrement dit, une entreprise pharmaceutique ne pourra se prévaloir, pour prétendre à une exonération de sa contribution au titre de la clause de sauvegarde, d'un accord conclu avec le CEPS sur une spécialité faisant l'objet d'un prix de cession encadré par arrêté.

Le 2° du I prévoit que, pour être exonérées, les remises produits consenties par les entreprises pharmaceutiques ne devront plus être au moins égales à 80 % du montant de la contribution dont elles sont redevables, mais à 95 % de ce montant .

b) ... à l'exception des entreprises qui consentent à une baisse du prix net de leur spécialité

Le 3° du I prévoit toutefois qu'une entreprise qui accepte, par convention conclue avec le CEPS, une baisse du prix net (après versement des remises produits) d'une ou plusieurs spécialités qu'elle exploite, continuera d'être éligible à l'exonération pour un montant de remises compris entre 80 et 95 % du montant de la contribution dont elle est redevable. Le taux qui lui sera applicable sera déterminé selon un barème fixé par arrêté ministériel, qui tiendra compte du montant des économies réalisées par l'assurance maladie du fait de la baisse du prix net consentie.

Comme le note le rapporteur général de l'Assemblée nationale, ce nouveau dispositif d'intéressement de l'entreprise pharmaceutique à son exonération de la contribution instaure un lien plus direct entre l'effort individuellement fourni par une entreprise pour réguler la dépense d'assurance maladie et le montant de remise qu'elle devra verser pour bénéficier de l'exonération.

3. La détermination du montant M pour 2021

Le II de l'article 17 fixe le montant M pour 2021 à 23,99 milliards d'euros . Sa détermination, qui tient normalement compte du chiffre d'affaires réalisé au cours de l'exercice précédent auquel est appliqué un taux d'évolution de 0,5 %, a été exceptionnellement revu cette année.

L'étude d'impact précise que le montant M pour 2021 a pris pour base le chiffre d'affaires de 2019, auquel a été appliqué un taux de progression fictif de 0,5 % pour 2020, puis un nouveau taux de 0,5 % . En effet, compte tenu de la crise sanitaire et de la baisse drastique du chiffre d'affaires en 2020, le montant M, s'il s'était directement fondé sur l'exercice 2020, aurait connu un dépassement excessif en 2021 en raison de la reprise de la consommation de médicaments.

Bien que satisfaits des évolutions récentes qui ont simplifié le calcul de la clause de sauvegarde, les représentants des industriels du médicament ont toutefois mis en garde votre rapporteur général contre le maintien d'un taux d'évolution du chiffre d'affaires « fiscalement immune » de 0,5 %, alors qu'une « vague d'innovations sans précédent semble attendue pour les prochaines années ».

B. Dispositions relatives à la clause de sauvegarde des dispositifs médicaux

L'introduction par la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2020 d'une « clause de sauvegarde des dispositifs médicaux » n'avait pas été sans susciter quelques débats. Jugée indispensable par les pouvoirs publics pour juguler le dynamisme important des dépenses d'assurance maladie au titre des produits de santé, les acteurs du secteur avaient déploré que son instauration ne se soit pas accompagnée des mêmes mécanismes d'atténuation prévus par la clause de sauvegarde des médicaments.

1. Un dispositif analogue à la clause de sauvegarde des médicaments, quoique plus limité dans son champ mais plus large dans son assiette

Pour rappel, la clause de sauvegarde des dispositifs médicaux prévoit une contribution à la charge des exploitants d'un ou plusieurs dispositifs médicaux inscrits sur la liste des produits et prestations remboursables (LPPR) et pris en charge par l'assurance maladie lorsqu'ils sont distribués en établissement de santé et financés au titre de la liste en sus .

Sont donc exclus de la contribution les dispositifs médicaux pris en charge par l'assurance maladie lorsqu'ils sont dispensés directement au patient par un distributeur détaillant (pharmacien d'officine ou prestataire de santé) ou lorsqu'ils sont pris en charge en établissement de santé au sein des groupements homogènes de séjour (GHS) .

L'exploitant d'un produit ou d'une prestation de santé devient redevable de la contribution lorsque le montant global remboursé par l'assurance maladie au cours d'une année civile au titre des dispositifs médicaux visés , minoré du montant de certaines remises, est supérieur à un montant Z , déterminé par la loi.

L'assiette de la contribution est égale au montant global de la dépense d'assurance maladie associée aux dispositifs médicaux concernés, minoré des remises conventionnelles. La contribution acquittable globale est égale à la différence entre l'assiette et le montant Z. Autrement dit, au-delà du montant Z, c'est de l'ensemble de la dépense d'assurance maladie dont deviennent redevables les entreprises du secteur .

2. La détermination du montant Z pour 2021

À l'instar de la clause de sauvegarde des médicaments, le calcul de la clause de sauvegarde des dispositifs médicaux prend pour base le montant de dépense d'assurance maladie de l'exercice précédent, auquel est appliqué un taux de 3 % . De la même manière, il a été décidé de ne pas tenir compte des chiffres de l'exercice 2020 et de neutraliser les effets de la crise sanitaire.

Le montant Z de 2,09 milliards d'euros , défini par le III du présent article, résulte donc de l'application successive d'un taux de 3 % au chiffre de 2019, puis au chiffre ainsi obtenu.

II - La commission globalement favorable à l'actualisation des deux clauses de sauvegarde, avec une double vigilance

Tout comme l'Assemblée nationale, qui a adopté cet article sans modification, votre rapporteur général recommande l'adoption de cet article dans sa version originelle, avec toutefois deux points de vigilance.

A. Des doutes sur l'utilité d'une modification du régime d'exonération pour la clause de sauvegarde des médicaments

Bien que votre rapporteur général comprenne l'intérêt théorique d'individualiser l'incitation au versement de remises afin de s'exonérer du paiement de la contribution, il s'est montré sensible aux avertissements des acteurs du secteur du médicament selon lesquels cette nouvelle mesure paraissait inopportune.

En effet, la baisse du prix d'un médicament intègre normalement la phase de négociation entre l'exploitant et le CEPS et précède de ce fait l'intervention de la clause de sauvegarde. Comme l'ont indiqué les représentants des industriels à votre rapporteur général, « la contribution n'est due par les entreprises qu'en cas d'insuffisance de la régulation par d'autres moyens, dont les baisses de prix ».

Par ailleurs, ces derniers se montrent inquiets quant à la régulation spécifique des « produits matures » , jusqu'ici épargnés par le plan de baisses de prix du CEPS pour des raisons de protection de leur tissu industriel, et qui, de ce fait, pourraient se trouver redevables d'une contribution plus importante.

B. Les dispositifs médicaux : un secteur qui reste caractérisé par une forte dynamique de dépenses

Dans son rapport d'application de la loi de financement de la sécurité sociale (RALFSS) pour 2020, la Cour des comptes dresse un bilan sévère de la régulation financière des dépenses de dispositifs médicaux par l'assurance maladie, dont le rythme de croissance demeure nettement supérieur à celui de l'Ondam .

La Cour déplore que les mécanismes de régulation déployés ne soient pas suffisamment concentrés sur la phase précédant l'inscription des dispositifs médicaux sur la LPPR. Deux dérives sont notamment identifiées : l'inscription d'un dispositif médical sous « description générique », qui offre au fabricant un tarif de remboursement unique propre à la ligne à laquelle il rattache un produit, et un allongement mal contrôlé de la liste en sus.

Aux termes même du rapport de la Cour, « la clause de sauvegarde introduite par la LFSS pour 2020 apporte une réponse incomplète en ne visant que les dispositifs médicaux de la liste en sus. [...] L'extension de ce dispositif aux autres dispositifs poserait, selon le ministère chargé de la santé et des affaires sociales, des difficultés techniques. Il est en conséquence nécessaire de trouver d'autres mécanismes visant à encadrer, de préférence de manière pluriannuelle, l'évolution de la dépense des dispositifs remboursables, le cas échéant à travers le recours accru à des contrats de performance ».

Votre commission vous demande d'adopter cet article sans modification.

Article 17 bis (nouveau)
Assiette de la clause de sauvegarde des dispositifs médicaux

Cet article, inséré par l'Assemblée nationale, introduit une obligation pour les régimes d'assurance maladie de transmettre à l'Acoss avant le 30 septembre de chaque année civile les informations disponibles et nécessaires à l'établissement de l'assiette de la contribution dont sont redevables les exploitants de dispositifs médicaux.

La commission vous demande d'adopter cet article sans modification.

L'article L. 138-19-9 du code de la sécurité sociale (CSS) définit l' assiette de la contribution due par les exploitants de dispositifs médicaux au titre de la clause de sauvegarde des dispositifs médicaux. Comme décrit au commentaire du précédent article, cette assiette est égale au montant remboursé par l'assurance maladie, minoré des remises consenties par les exploitants .

L'assiette consolidée est établie par l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), après transmission des données de remboursement par la caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM) ou l'agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH).

Un amendement de Mme Agnès Firmin Le Bodo et de M. Paul Christophe, portant article additionnel au présent projet de loi, prévoit l'obligation pour l'assurance maladie de communiquer à l'Acoss les chiffres correspondant à la part de l'assiette réalisée les six premiers mois de l'année civile au plus tard le 30 juillet de cette même année . Le Gouvernement a déposé un sous-amendement, adopté en séance publique, visant à reporter cette date au 30 septembre , en raison de contraintes techniques liées à la disponibilité des données de remboursement.

Cette disposition utile vise à donner en cours d'année aux exploitants redevables une visibilité préventive sur le montant de la contribution dont ils devront s'acquitter.

Votre commission vous demande d'adopter cet article sans modification.

Article 17 ter (nouveau)
Taux de la contribution sur le chiffre d'affaires
des industriels pharmaceutiques

Cet article, inséré par l'Assemblée nationale, élève le taux de la contribution sur le chiffre d'affaires des industries pharmaceutiques.

La commission vous demande d'adopter cet article sans modification.

I - La contribution de base sur le chiffre d'affaires des industriels pharmaceutiques : une taxe affectée aux organismes de sécurité sociale

Outre les impositions de droit commun, les entreprises pharmaceutiques sont assujetties à un ensemble de taxes spécifiques, affectées aux organismes de sécurité sociale, au sein desquelles figurent notamment la clause de sauvegarde des médicaments évoquée au commentaire de l'article 17 mais également une contribution sur le chiffre d'affaires définie à l'article L. 245-6 du code de la sécurité sociale (CSS) .

Cette contribution se décompose en deux parties : une contribution dite « de base », seule mentionnée par le présent article 17 ter , et une contribution additionnelle.

L'assiette de la contribution de base, particulièrement large, se compose du chiffre d'affaires hors taxe réalisé par la vente de l'ensemble des médicaments, remboursables ou non par l'assurance maladie, titulaire d'une autorisation de mise sur le marché (AMM), ou d'une autorisation d'importation parallèle (AIP). Sont donc par définition exclus de cette assiette les médicaments qui feront l'objet, en application de l'article 38 du présent projet de loi, d'un accès précoce ou d'un accès compassionnel.

Par ailleurs, l'article L. 245-6 du CSS prévoit de ne pas inclure dans l'assiette le chiffre d'affaires issu de la vente de médicaments génériques, à l'exception de ceux dont le prix de vente au public est identique à celui de leur princeps , de médicaments orphelins et de médicaments dérivés du sang.

Enfin, l'assiette de la contribution s'entend déduction faite des remises produits accordées par les entreprises au moment de la négociation des prix nets de référence avec le comité économique des produits de santé (CEPS).

Le taux de cette contribution est établi à 0,17 % .

II - Une augmentation du taux de la contribution, qui ne suscite pas d'opposition des industriels

Un amendement de plusieurs députés du groupe Mouvement démocrate (Modem), adopté par l'Assemblée nationale, prévoit un passage du taux de contribution de 0,17 % à 0,18 %.

Le tableau ci-dessous retrace l'évolution du rendement de cette contribution sur les exercices 2017-2019. D'après les estimations du LEEM, l'augmentation du taux décidé par l'article 17 ter du présent projet de loi serait susceptible de produire un rendement supplémentaire de l'ordre de 3,2 millions d'euros (en base 2019) .

Produit de la contribution sur le chiffre d'affaires ( en millions d'euros )

2017

2018

2019 (p)

390

420

408

Source : LEEM

D'après l'exposé des motifs de l'amendement, l'intention des auteurs est d'affecter le rendement supplémentaire de cette contribution à la dotation versée annuellement par l'assurance maladie à l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) pour augmenter le financement des comités de protection des personnes (CPP).

Cette affectation faisant l'objet d'un arrêté ministériel, votre rapporteur général se montrera particulièrement attentif à ce que le produit supplémentaire de la taxe se voie bien dirigé vers la destination définie par les auteurs de l'amendement.

En outre, interrogés sur l'opportunité de cet article additionnel, les représentants des industriels n'ont fait part d'aucune opposition.

Votre commission vous demande d'adopter cet article sans modification.

Article 17 quater (nouveau)
Demande de rapport sur les clauses de sauvegarde des produits de santé

Cet article, inséré par l'Assemblée nationale, charge le Gouvernement de la remise d'un rapport relatif à l'avenir des clauses de sauvegarde et à l'opportunité de la « bioproduction académique » afin de rendre les dépenses relatives aux médicaments plus soutenables.

Conformément à sa position sur les demandes de rapports adressées au Gouvernement, votre commission a adopté un amendement n° 159 de votre rapporteur général vous demandant de supprimer cet article .

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