III. À MOYEN TERME, UNE STABILISATION DES DÉFICITS À UN NIVEAU INSOUTENABLE

Pour l'avenir, à court et même moyen termes, les hypothèses revêtent un caractère particulièrement incertain, comme le souligne le Haut conseil des finances publiques (HCFP). Les conditions et l'ampleur de la reprise sont en effet très dépendantes de la situation sanitaire et des mesures restrictives d'un point de vue économique qui pourraient être nécessaires pour y répondre.

En l'état, le Gouvernement prévoit un fort rebond économique pour 2021 et une croissance relativement robuste les années suivantes par un effet de rattrapage assez marqué.

Les principales hypothèses économiques fondant la prévision 2020-2024

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

PIB en volume

1,7 %

1,5 %

-10 %

8 %

3,5 %

2,0 %

1,4 %

Masse salariale privée

3,5 %

3,2 %

-7,9 %

6,8 %

4,7 %

3,7 %

3,4 %

Croissance de l'Ondam(*)

2,2 %

2,6 %

7,6 %

3,5 %

1,1 %

2,4 %

2,3 %

Inflation

1,6 %

0,9 %

0,2 %

0,6 %

1,0 %

1,4 %

1,8 %

(*) Hors dépenses exceptionnelles liées au covid-19, ce taux de croissance de l'Ondam s'établirait à 3,2 % en 2020, 6 % en 2021 et 3,1 % en 2022

Source : Annexe B du PLFSS 2021

Pour autant, même si ces hypothèses relativement optimistes se vérifiaient, les comptes de la sécurité sociale connaîtraient de forts déficits sur l'ensemble de la période.

A. LE REBOND ATTENDU DE L'EXERCICE 2021 LAISSERA SUBSISTER DES DÉFICITS ÉLEVÉS

Après une année très difficile, les comptes de la sécurité sociale devraient se redresser fortement l'année prochaine tout en restant à un niveau préoccupant .

Ainsi, comme le montre le tableau suivant, le déficit des régimes obligatoires de base et du FSV, atteindrait 27 milliards d'euros , ainsi réparti.

Tableau d'équilibre des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et du Fonds de solidarité vieillesse pour l'année 2021

(en milliards d'euros)

Recettes

Dépenses

Solde

Maladie

199,4

219,1

- 19,7

AT-MP

14,8

14,1

0,6

Vieillesse

245,5

251,9

- 6,4

Famille

50,5

49,3

1,1

Autonomie

31,3

31,6

- 0,3

Toutes branches (hors transferts entre branches)

527,4

552,0

- 24,6

Toutes branches (hors transferts entre branches), y compris FSV

525,4

552,4

- 27,0

Source : PLFSS pour 2021

Les comptes consolidés du régime général et du FSV suivraient la même tendance . Sur ce périmètre, le déficit attendu pour 2021 s'élève à 27,9 milliards d'euros, le principal écart avec les ROBSS provenant de la branche vieillesse, dont le déficit atteindrait 7,2 milliards d'euros.

Bien qu'en amélioration d'une vingtaine de milliards d'euros par rapport à 2020, ces chiffres suffiraient à classer 2021 parmi les déficits les plus élevés jamais enregistrés par la sécurité sociale.

La situation des branches redeviendrait toutefois plus contrastée, le déficit se concentrant sur la branche maladie et, dans une moindre mesure, sur la branche vieillesse.

Le déficit de la branche maladie devrait ainsi atteindre 19,7 milliards d'euros, sous l'effet d'un Ondam toujours particulièrement dynamique (en particulier du fait de la réponse à apporter à la crise du covid-19 et de l'effet du Ségur de la santé, et d'une concentration des pertes de recettes , notamment au profit de la nouvelle branche autonomie ( cf. commentaire de l'article 18).

Le déficit de la branche vieillesse, prévu à 6,4 milliards d'euros, est également préoccupant et présentera un aspect structurel dans les années à venir en l'absence de réforme.

La situation financière des autres branches serait plus favorable, notamment celle de la branche autonomie, dont les recettes ont, par construction, été adaptées aux charges pour cette première année d'exercice.

Dans ce contexte financier délicat, la création en demi-teinte
de la branche autonomie en 2021

Depuis la loi du 7 août 2020 9 ( * ) , l'article L. 111-2-1 du code de la sécurité sociale dispose que « la Nation affirme son attachement au caractère universel et solidaire de la prise en charge du soutien à l'autonomie, assurée par la sécurité sociale ». La gestion de ce nouveau risque a été confiée à une nouvelle branche, elle-même gérée par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA).

Le présent projet de loi en tire les premières conséquences relatives aux missions et aux moyens d'intervention de la caisse : l'article 16 rationalise ses compétences, l'intègre au patrimoine commun des caisses de sécurité sociale et assouplit son architecture budgétaire. Surtout, il dote la CNSA de recettes affectées : aux produits de la CSA et de la Casa s'ajoutent désormais non plus 2 mais 28 milliards d'euros de CSG, en remplacement des crédits jusqu'alors transférés par l'assurance maladie.

Si le Parlement obtient ainsi pour la première fois une vue globale sur les dépenses de la CNSA, le périmètre de la nouvelle branche autonomie reste cependant minimal - et pourrait faire l'objet d'ajustements dictés par les concertations ouvertes en septembre dans le cadre du « Laroque de l'autonomie ». Les préconisations du rapport commandé à Laurent Vachey, remis le 14 septembre 2020, auraient pu conduire à élargir le périmètre des dépenses déjà pilotées par la CNSA d'une douzaine d'autres dispositifs, pour un montant d'environ 40 milliards d'euros. Le Gouvernement a choisi de n'y inclure que l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH), qui n'en représente que 1,2 milliard.

De plus, son équilibre à court terme n'est pas même assuré . Créée initialement à l'équilibre pour 2021, la branche autonomie affichera finalement l'an prochain, en raison des amendements adoptés à l'Assemblée nationale, un déficit de 0,3 % qui ne sera résorbé qu'en 2024 lorsque deviendra effectif le transfert de 0,15 point de CSG supplémentaire décidé par la loi du 7 août. Et encore l'équilibre initial n'était-il calibré qu'en comptant sur la contribution des crédits communautaires au volet médico-social du plan de relance par l'investissement.

Enfin et surtout, la création de la branche autonomie ne s'accompagne pour l'heure d'aucune amélioration substantielle de la prise en charge des personnes âgées et des personnes handicapées. Les dépenses de la CNSA suivent leur rythme d'évolution fixé pour l'essentiel par les chantiers en cours
- convergence tarifaire en Ehpad, plans nationaux et solutions d'accompagnement dans le secteur du handicap... - et seront certes tirées en 2021 par les mesures de revalorisation salariale et d'investissement décidées dans le cadre du Ségur de la santé. Reste que les améliorations opérationnelles, qui devaient être, en 2018 déjà, le « marqueur social » du quinquennat, sont encore renvoyées à une future loi grand âge et autonomie, dont le financement est rien moins qu'assuré.


* 9 Loi n° 2020-992 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l'autonomie.

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