B. LES DISPOSITIONS DÉROGATOIRES EN MATIÈRE DE LOGEMENT

1. Ne pas dessaisir le Parlement de sa compétence sur le report de la « trêve hivernale »

L'article 4 du projet de loi tel qu'adopté par l'Assemblée nationale tend à habiliter le Gouvernement à « rétablir » ou « adapter » des dispositions déjà prises par ordonnances sur le fondement du e du 1° du I de l'article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, qui autorisait le Gouvernement à adapter « les dispositions de l'article L. 115-3 du code de l'action sociale et des familles, notamment pour prolonger, pour l'année 2020 , le délai fixé au troisième alinéa du même article L. 115-3, et reportant la date de fin du sursis à toute mesure d'expulsion locative prévue à l'article L. 412-6 du code des procédures civiles d'exécution pour cette même année ».

Sur ce fondement, la « trêve hivernale » , qui permet de surseoir aux expulsions locatives et à la cessation de prestations essentielles telles que l'alimentation en eau et énergie en cas d'impayé, avait été prolongée par voie d'ordonnances jusqu'au 31 mai 2020 107 ( * ) , puis jusqu'au 10 juillet 2020 par l'article 10 de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions.

Le Gouvernement souhaite se donner la possibilité de la prolonger une nouvelle fois , alors que la trêve hivernale entre en vigueur, dans les conditions habituelles, ce 1 er novembre 2020 jusqu'au 31 mars 2021 108 ( * ) . Or l'habilitation par renvoi du projet de loi tel qu'adopté par l'Assemblée nationale ne permet de modifier cette période que pour l'année 2020. La rédaction proposée serait donc inopérante .

Outre ce grief formel , ces dispositions pourraient être facilement inscrites « en clair » dans la loi sans dessaisir le Parlement de sa compétence .

Sur le fond, la commission estime qu'il est encore trop tôt pour savoir s'il serait opportun ou non de prolonger cette trêve , qui doit par ailleurs assurer une conciliation équilibrée entre le droit de propriété, la liberté contractuelle et le droit de disposer d'un logement décent .

Elle a donc adopté l'amendement COM-53 du rapporteur supprimant cette habilitation.

Le Parlement pourra sans difficulté se prononcer sur la question le moment venu.

2. Ne pas prolonger des mesures relatives à la copropriété déjà valables jusqu'au 31 janvier 2021

Le Gouvernement souhaite également se faire habiliter à « rétablir » ou « adapter » des dispositions déjà prises par ordonnances sur le fondement du j du 2° du I de l'article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, qui l'autorisait à adapter « le droit de la copropriété des immeubles bâtis pour tenir compte, notamment pour la désignation des syndics, de l'impossibilité ou des difficultés de réunion des assemblées générales de copropriétaires ».

Les mesures prises sur ce fondement, dans le cadre de l'ordonnance n° 2020-304 du 25  mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété 109 ( * ) , ont permis de traiter les difficultés rencontrées par les copropriétés pour l'organisation de leurs assemblées générales au cours de l'exercice 2020 , qui sont celles directement affectées par l'épidémie de covid-19.

Ont ainsi été autorisés le renouvellement automatique des contrats de syndic échus entre le 12 mars et le 23 juillet 2020 et surtout, la tenue facilitée de réunions dématérialisées d'assemblée générale de copropriété jusqu'au 31 janvier 2021.

Il n'apparaît pas opportun de prendre d'ores et déjà ce type de mesures - qui dessaisissent les copropriétaires de certaines de leurs prérogatives au profit du syndic - pour l'exercice 2021 , sur lequel les assemblées générales de copropriétaires auront à se prononcer, pour la plupart, entre mars et juin 2021.

La commission a donc adopté l'amendement COM-53 du rapporteur supprimant cette habilitation .

Là encore, le Parlement pourra rapidement adopter des dispositions si la situation sanitaire les rendait nécessaires.


* 107 Ordonnance n° 2020-331 du 25 mars 2020 relative au prolongement de la trêve hivernale, modifiée par l'ordonnance n° 2020-464 du 22 avril 2020 modifiant l'ordonnance n° 2020-331 du 25 mars 2020 relative au prolongement de la trêve hivernale pour son application à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

* 108 Articles L. 115-3 du code de l'action sociale et des familles et L. 412-6 du code des procédures civiles d'exécution.

* 109 Modifiée à deux reprises par les ordonnances n° 2020-460 du 22 avril 2020 et n° 2020-595 du 20 mai 2020.

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