EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. CONFORTER LES MOYENS D'ACTION DE L'ÉTAT POUR FAIRE FACE À LA REPRISE DE L'ÉPIDÉMIE, EN PRÉSERVANT LES DROITS DU PARLEMENT

A. UN RETOUR NÉCESSAIRE À L'ÉTAT D'URGENCE SANITAIRE POUR ENRAYER LA PROPAGATION DU VIRUS

1. Une situation sanitaire à nouveau dégradée

En dépit des mesures de prévention et de restriction qui ont continué à être appliquées dans le cadre du régime de sortie de l'état d'urgence sanitaire 1 ( * ) depuis le mois de juillet, la France connaît depuis plusieurs semaines une nette dégradation de sa situation sanitaire, à l'instar d'autres pays européens.

a) Une forte accélération de la propagation du virus au sein de la population

Les données épidémiologiques reflètent une accélération sensible de la transmission du virus SARS-CoV-2 sur l'ensemble du territoire.

À l'échelle nationale, le nombre de cas d'infections confirmés a ainsi augmenté de manière importante , passant d'environ 12 000 cas quotidiens au début du mois d'octobre à plus de 50 000 au cours des derniers jours . L'augmentation concomitante du taux de positivité des tests permet de confirmer que cette hausse ne résulte pas uniquement de l'augmentation du nombre de tests réalisés, mais qu'elle est aussi liée à une circulation plus active du virus.

Le taux national d'incidence , soit le nombre de nouveaux cas rapporté à la population, est, de manière conséquente, également en forte hausse . Il s'établissait, en semaine 42 (12 au 18 octobre), à 251 pour 100 000 habitants, contre 182 la semaine précédente, soit une progression de 40 % .

Enfin, il est également observé une augmentation sensible du taux de reproduction du virus (R 0 ), qui était retombé en dessous de 1 au début de l'été et qui s'élève aujourd'hui à 1,35. Selon les données publiées par Santé publique France, « si la dynamique de l'épidémie se maintient dans les semaines à venir, il est estimé que le nombre hebdomadaire de nouveaux cas confirmés de covid-19 aura doublé dans 15 jours » 2 ( * ) .

L'aggravation des indicateurs est particulièrement marquée dans certaines zones, notamment dans les grandes métropoles.

Les taux d'incidence les plus élevés sont actuellement observés dans les départements de la Loire (673 cas pour 100 000 habitants), du Rhône (569/100 000), du Nord (511/100 000), de l'Isère (432/100 000) et de Paris (416/100 000).

Ceci étant, l'ensemble des départements de France métropolitaine étaient passés, au 22 octobre, au-dessus du seuil d'alerte de 50 cas pour 100 000 habitants, traduisant une reprise généralisée de l'épidémie au niveau national.

Taux d'incidence du virus par département
(Semaine du 12 au 18 octobre)

Source : commission des lois, via l'application Khartis.
Données : Santé publique France.

Enfin, si les populations jeunes sont encore, à ce jour, les plus touchées par la reprise de l'épidémie, il doit également être noté une augmentation sensible du nombre de cas confirmés chez les classes d'âge les plus élevées . Selon Santé publique France, « cette augmentation du nombre de cas chez les personnes âgées est très préoccupante car ces personnes sont les plus à risque de complication de covid-19 » 3 ( * ) .

Taux d'incidence par classe d'âge
(nombre de cas pour 100 000 habitants)

Classe d'âge

Semaine 39
(21 au 27 septembre)

Semaine 42
(12-18 octobre)

Évolution

0-14 ans

39

94

+ 141 %

15-44 ans

172

367

+ 113 %

45-64 ans

93

272

+ 192 %

65-74 ans

52

164

+ 215 %

Plus de 75 ans

59

195

+ 230 %

Source : commission des lois, sur la base des données de Santé publique France.

b) La crainte d'une nouvelle saturation du système hospitalier

Cette reprise rapide de l'épidémie fait craindre un risque d'engorgement des systèmes de prise en charge sanitaire .

Dans une note d'alerte du 22 septembre, le Conseil scientifique covid-19 s'inquiétait déjà de la reprise épidémiologique et du risque, en l'absence de nouvelles mesures, d' « une saturation des services de soins (en particulier de réanimation), à une augmentation de la mortalité liée au COVID-19 ou à d'autres maladies suite à la désorganisation du système de soins ».

À l'occasion de la conférence de presse du 22 octobre, le Premier ministre confirmait cette inquiétude, déclarant que les « services hospitaliers [allaient] être mis à rude épreuve » dans les semaines à venir.

À l'échelle nationale, le nombre d'hospitalisations augmente en effet de manière exponentielle. 7 530 nouvelles hospitalisations ont ainsi été déclarées au cours de la semaine du 12 au 18 octobre, contre 5 084 au cours de la semaine précédente. Au 20 octobre, 12 458 patients atteints de la covid-19 étaient hospitalisés, dont 2 177 en réanimation .

Dans les départements les plus touchés par la reprise de l'épidémie, des mesures d'urgence ont d'ores et déjà été prises pour libérer des places de réanimation et éviter une saturation similaire à celle connue dans certains territoires au mois de mars.

Le plan blanc a ainsi été déclaré en Ile-de-France, où le taux d'occupation des lits de réanimation par des patients atteints de la covid-19 dépasse les 50 %, ainsi que dans plusieurs villes, parmi lesquelles la métropole de Lille. Des déprogrammations d'opérations non urgentes ont également été engagées dans plusieurs départements.

2. Une nouvelle déclaration de l'état d'urgence sanitaire par décret

Pour enrayer la propagation de l'épidémie, le Gouvernement, par un décret du 14 octobre 2020, a à nouveau déclaré l'état d'urgence sanitaire sur l'ensemble du territoire national , à compter du 17 octobre à 0 h 00 et pour une durée d'un mois.

Alors même que le Parlement était saisi d'un projet de loi visant à proroger le régime de sortie de l'état d'urgence sanitaire en vigueur depuis le 10 juillet 2020 et expirant au 30 octobre 2020, le Gouvernement a estimé que ce dernier régime ne lui offrait plus les prérogatives suffisantes pour faire face à l'accélération de la circulation du virus sur le territoire national.

Il s'agissait, en particulier, de sécuriser la mise en place de mesures de couvre-feux dans les départements et métropoles fortement impactées par l'épidémie, le Conseil constitutionnel ayant estimé que « l'interdiction de circulation des personnes [prévue par l'article 1 er de la loi du 9 juillet 2020] ne [pouvait] conduire à leur interdire de sortir de leur domicile ou de ses alentours » 4 ( * ) .

Déclinées dans le décret n° 2020-1262 du 16 octobre 2020 , les mesures prescrites dans le cadre de ce nouvel état d'urgence sanitaire étaient, pour nombre d'entre elles, déjà en vigueur pendant la période transitoire.

Il a toutefois été procédé à un durcissement de la réglementation ou à la prescription de mesures nouvelles dans plusieurs domaines. Outre la possibilité désormais ouverte aux préfets de mettre en oeuvre des couvre-feux dans certains départements, figurent en particulier :

- l'interdiction des rassemblements, réunions ou activités rassemblant plus de 6 personnes, qui s'est substituée à l'obligation de déclaration préalable obligatoire au préfet des rassemblements de plus de 10 personnes ;

- un durcissement des mesures applicables à la circulation des navires de croisière dans les eaux territoriales françaises ;

- un durcissement des mesures applicables à certaines catégories d'établissements recevant du public (limitation des tables de restaurant à 6 personnes, plafonnement de la capacité d'accueil des centres commerciaux, etc .).

Il mérite également d'être souligné qu'une approche plus centralisée tend aujourd'hui à prendre le pas sur la logique territoriale privilégiée par le Gouvernement depuis la levée du confinement . Ainsi, les préfets conservent d'importantes marges de manoeuvre pour adapter les mesures à la situation de chaque territoire, mais n'ont qu'une compétence liée pour les mesures les plus restrictives de liberté, en particulier pour les mesures de couvre-feu 5 ( * ) .


* 1 Voir rapport n° 9 (2020-2021) de M. Philippe Bas, fait au nom de la commission des lois, relatif au projet de loi prorogeant le régime transitoire institué à la sortie de l'état d'urgence sanitaire.

* 2 Santé publique France, point épidémiologique hebdomadaire du 22 octobre 2020.

* 3 Bulletin épidémiologique hebdomadaire du 22 octobre 2020.

* 4 Décision n° 2020-803 DC du 9 juillet 2020 relative à la loi organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire.

* 5 L'article 51 du décret du 16 octobre 2020 prévoit que, dans les départements listés par décret, « le préfet de département interdit, dans les zones qu'il définit, aux seules fins de lutter contre la propagation du virus, les déplacements de personnes hors de leur lieu de résidence entre 21 heures et 6 heures du matin à l'exception des déplacements pour les motifs suivants, en évitant tout regroupement de personnes ».

Page mise à jour le

Partager cette page