II. PERMETTRE LE PLEIN EXERCICE DES LIBERTÉS LOCALES

A. ASSURER LA REPRÉSENTATION ÉQUITABLE DES TERRITOIRES

Le principe d'égalité devant le suffrage impose que les représentants du peuple soient élus sur une base essentiellement démographique. Il s'applique aux élections nationales comme aux élections locales. De manière prétorienne, le Conseil constitutionnel a défini une limite maximale d'écart de représentation égale à 20 %.

De façon plus contestable, le Conseil constitutionnel a étendu sa jurisprudence relative aux « bases essentiellement démographiques » à la répartition des sièges entre les communes membres d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre.

Aussi la proposition de loi constitutionnelle, dans ses articles 1 er et 3, inscrit-elle dans la Constitution le principe de la « représentation équitable des territoires » et redéfinit la limite maximale d'écart à la représentation proportionnelle pour les élections locales, en la portant au tiers. Dans les groupements de collectivités territoriales, celle-ci serait portée à 50 %.

La commission des lois a considéré que la proposition permettait une conciliation plus équilibrée entre la nécessaire égalité devant le suffrage et la prise en compte des territoires . Elle a cependant restreint son application, dans les groupements de collectivités territoriales, à ceux qui exercent à titre obligatoire en lieu et place des collectivités territoriales un nombre déterminant de compétences qui leur auraient été sinon dévolues. Cette disposition permet de cibler les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, seuls groupements auxquels le Conseil constitutionnel applique à l'heure actuelle le principe d'égalité devant le suffrage.

B. ADAPTER LES COMPÉTENCES DES COLLECTIVITÉS AUX RÉALITÉS LOCALES

1. Des modalités d'exercice des compétences adaptées aux réalités locales
a) Renforcer le pouvoir réglementaire local

La reconnaissance constitutionnelle du pouvoir réglementaire des collectivités en 2003 n'a pas permis de définir clairement l'articulation entre pouvoir réglementaire local et pouvoir réglementaire national. Ainsi, la question est régulièrement posée de savoir si le Gouvernement peut, dans les domaines de compétences des collectivités territoriales, prendre des actes réglementaires dès lors que le législateur n'a pas explicitement renvoyé à un décret.

La proposition de loi constitutionnelle, dans ses articles 2 et 3, propose de limiter les possibilités d'intervention du pouvoir réglementaire national dans les domaines de compétences des collectivités territoriales. Le Premier ministre ne pourrait intervenir que s'il y a été expressément habilité par le législateur.

La proposition de loi restreignait également les cas dans lesquels le législateur pourrait renvoyer au pouvoir réglementaire national, afin qu'il n'intervienne que pour préserver l'ordre public, la sécurité des biens et des personnes, pour assurer le respect des engagements internationaux de la France ou pour garantir l'égalité entre les citoyens. Cette énumération aurait pu être complétée ou précisée par une loi organique.

La commission des lois a supprimé cette énumération, considérant qu'il convient de laisser toute latitude au législateur pour organiser la répartition entre pouvoir réglementaire national et pouvoir réglementaire local , afin qu'il puisse notamment prendre en compte les éventuelles difficultés en matière d'ingénierie que pourraient rencontrer les collectivités territoriales.

b) Permettre une différenciation des règles régissant les compétences des collectivités territoriales

L'article 3 de la proposition de loi constitutionnelle prévoit également de permettre aux collectivités territoriales et à leurs groupements de déroger aux dispositions législatives ou règlementaires qui régissent l'exercice de leurs compétences. La commission des lois est favorable à cette évolution qui, après une phase expérimentale évaluant les modifications souhaitées, permettra de pérenniser celles-ci sur une partie seulement du territoire national.

2. Une répartition des compétences plus conforme au principe de subsidiarité
a) Protéger la clause de compétence générale des communes

L'article 4 de la proposition de loi constitutionnelle prévoit de constitutionnaliser, en la reformulant, la clause de compétence générale des communes . Cellule de base du tissu républicain, la commune ne pourrait être privée de cette compétence générale sans subir une dénaturation de son identité politique et juridique. Cet article tend donc à inscrire dans le texte constitutionnel la compétence générale des communes afin d'en prévenir toute éventuelle suppression.

La commission des lois a adopté cet article en modifiant sa rédaction. À la formulation proposée, qui visait à clarifier le contenu effectif de la clause de compétence générale, elle a préféré retenir la formulation traditionnelle de la clause de compétence générale selon laquelle « le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune », qui apportera une plus grande sécurité juridique.

b) Permettre au législateur d'attribuer des compétences différentes aux communes, aux départements et aux régions

L'article 3 de la proposition de loi constitutionnelle prévoit de permettre au législateur de confier des compétences distinctes à des collectivités territoriales appartenant à une même catégorie, sans qu'il soit nécessaire de créer des collectivités à statut particulier.

La commission des lois a considéré important d'ouvrir cette possibilité, qui permettra de donner une plus grande effectivité au principe de subsidiarité, mais a tenu à préserver la distinction établie entre, d'une part, le régime des collectivités territoriales de droit commun, dont les statuts sont les mêmes pour chacune des catégories et, d'autre part, le régime des collectivités territoriales à statut particulier et des collectivités d'outre-mer de l'article 73. Elle a donc restreint le nombre de compétences dérogatoires que la loi pourra attribuer à des communes, des départements et des régions, et a renvoyé à une loi organique les modalités concrètes d'attribution de ces compétences dérogatoires.

c) Renforcer le régime des études d'impact

L'article 1 er de la proposition de loi organique vise à améliorer l'évaluation des effets des projets de loi sur les collectivités territoriales par les études d'impact qui les accompagnent et à joindre à celles-ci les avis rendus par le conseil national d'évaluation des normes (CNEN). Cet article dispose en particulier que les études d'impact évaluent la pertinence des projets de loi au regard des principes de subsidiarité et d'autonomie financière prévus aux articles 72 et 72-2 de la Constitution.

La commission des lois a adopté cet article en corrigeant une erreur de référence.

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