N° 3195


ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

N° 617


SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale
le 9 juillet 2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 9 juillet 2020

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission mixte paritaire(1) chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi
visant à
protéger les victimes de violences conjugales ,

PAR Mme Bérangère COUILLARD,
Rapporteure,

Députée

PAR Mme Marie MERCIER,
Rapporteur,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas, sénateur, président ; Mme Yaël Braun-Pivet, députée, vice-présidente ; Mme Marie Mercier, sénateur, Mme Bérangère Couillard, députée, rapporteurs .

Membres titulaires : Mmes Jacky Deromedi, Annick Billon, Marie-Pierre de la Gontrie, Laurence Rossignol, M. Thani Mohamed Soilihi, sénateurs ; M. Guillaume Gouffier-Cha, Mmes Nicole Le Peih, Valérie Boyer, MM. Antoine Savignat, Erwan Balanant, députés.

Membres suppléants : M. François Bonhomme, Mmes Catherine Di Folco, Jacqueline Eustache-Brinio, Dominique Vérien, Laurence Harribey, Maryse Carrère, Esther Benbassa, sénateurs ; Mme Alexandra Louis, M. Guillaume Vuilletet, Mmes Cécile Untermaier, Sophie Auconie, M. Jean-Félix Acquaviva, Mme Aina Kuric, M. Stéphane Peu, députés.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) :

Première lecture : 2478 , 2587 et T.A. 390

Sénat :

Première lecture : 285, 482, 483 et T.A. 97 (2019-2020)

Commission mixte paritaire : 618 (2019-2020)

Mesdames, Messieurs,

La commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à protéger les victimes de violences conjugales s'est réunie au Sénat le jeudi 9 juillet 2020.

Le bureau a été ainsi constitué :

- M. Philippe Bas, sénateur, président ;

- Mme Yaël Braun-Pivet, députée, vice-présidente.

La commission a désigné :

- Mme Marie Mercier, sénateur, rapporteur pour le Sénat ;

- Mme Bérangère Couillard, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale.

*

* *

La commission mixte paritaire a ensuite procédé à l'examen des dispositions restant en discussion.

M. Philippe Bas , sénateur, président . - Nous examinons cet après-midi les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à protéger les victimes de violences conjugales.

Mme Marie Mercier , sénateur, rapporteur pour le Sénat . - Permettez-moi de vous rappeler, en quelques mots, les principaux apports du Sénat sur cette proposition de loi, présentée par nos collègues Bérangère Couillard et Guillaume Gouffier-Cha, qui a d'abord pour ambition de protéger les victimes de violences conjugales, mais qui contient aussi des dispositions concernant les mineurs.

La commission des lois du Sénat a d'abord adopté treize amendements lors de l'élaboration du texte, puis dix-sept amendements ont été votés en séance publique. Cela ne nous a pas empêchés d'adopter conformes quatorze articles de la proposition de loi, ce qui témoigne d'une large convergence de vues entre nos deux assemblées.

Sur le volet civil, nous avons notamment été sensibles aux problèmes soulevés par le décret du 27 mai 2020 portant application des articles 2 et 4 de la loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille - la loi dite « Pradié » - relatifs à l'ordonnance de protection. L'obligation faite au demandeur, c'est-à-dire à la femme victime, de remettre au greffe l'acte de signification dans un délai de vingt-quatre heures à compter de l'ordonnance fixant la date de l'audience, sous peine de caducité de la demande, nous avait paru excessivement contraignante et, pour tout dire, intenable. Le Sénat a donc approuvé un amendement, présenté par notre collègue Marie-Pierre de la Gontrie, prévoyant que la signification serait à la charge du ministère public ou qu'elle serait réalisée par la voie administrative. Ce décret controversé a depuis lors été modifié, ce qui est de nature à nous conduire à reconsidérer l'opportunité de conserver cet amendement - nous aurons l'occasion d'y revenir au moment de l'examen de l'article 1 er B de la proposition de loi.

À l'initiative de notre collègue Thani Mohammed Soilihi, nous avons également adopté un amendement qui donne la possibilité au juge aux affaires familiales (JAF) de prononcer une interdiction de rapprochement, dont le respect pourra être contrôlé grâce à un bracelet électronique. Nous avons ainsi comblé une insuffisance de la loi « Pradié ».

Toujours en matière civile, nous avons voulu éviter une trop grande automaticité en ce qui concerne la décharge de l'obligation alimentaire, afin de nous mettre à l'abri de toute contestation sur le plan constitutionnel. Nous avons également élargi les hypothèses dans lesquelles l'indignité successorale peut être prononcée.

Sur le volet pénal, le Sénat a approuvé, sous réserve d'améliorations rédactionnelles, les dispositions relatives au secret professionnel ou à la saisie des armes, tout en soulignant que leur apport était en réalité assez limité.

Nous avons également créé une circonstance aggravante pour le délit d'envoi répété de messages malveillants lorsqu'il est commis par le conjoint ou l'ex-conjoint.

Pour mieux protéger les mineurs, le Sénat a enfin adopté, sur mon initiative, un amendement visant à confier au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) un nouveau pouvoir de régulation pour ce qui concerne l'accès des mineurs aux sites pornographiques : les sites qui ne prendraient pas de mesures permettant de contrôler effectivement l'âge des personnes qui les visitent feraient d'abord l'objet d'une mise en demeure, puis, s'ils n'obtempèrent pas, l'accès au site serait bloqué. Je ne sous-estime pas le travail technique qui reste à réaliser pour mettre en oeuvre concrètement le principe que nous avons ainsi posé dans la loi. Je pense cependant qu'il était important que le législateur exprime une volonté et fixe un cap. Depuis trop longtemps, les mineurs peuvent visionner sans entrave n'importe quel contenu pornographique, même les plus extrêmes : il était donc nécessaire que nous y mettions un coup d'arrêt. Je tiens à rendre hommage au travail préparatoire réalisé par Bérangère Couillard, dont elle a rendu compte dans son rapport. Je me suis inspirée de ses conclusions au moment d'élaborer mon amendement, qui est le fruit d'une coproduction entre l'Assemblée nationale et le Sénat.

Il reste donc peu de points de désaccord et nos échanges pour préparer cette réunion me laissent à penser que nous devrions pouvoir dégager des solutions de compromis, de nature à faire aboutir cette commission mixte paritaire. Nous pourrons ainsi apporter une nouvelle pierre à l'édifice législatif de la protection des femmes et des mineurs victimes de violences.

Mme Bérangère Couillard, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale . - J'ajouterai peu de choses à ce que vient d'indiquer notre collègue Marie Mercier. Je ne peux que souligner, avec elle, les discussions immédiatement fructueuses qui ont abouti au compromis qui va vous être proposé. Nous n'avons pas imaginé une seule seconde que cette commission mixte paritaire pourrait échouer. Sur un sujet tel que les violences conjugales, nous savons tous où sont nos responsabilités d'élus, sur tous les bancs et dans les deux hémicycles.

Un mot sur la genèse de ce texte. J'en suis aussi l'auteure principal avec Guillaume Gouffier-Cha, également présent dans cette commission mixte paritaire. Nous y avons transcrit les préconisations du « Grenelle contre les violences conjugales », réuni l'an dernier, dont nous pouvons être fiers.

Je salue les rédactions retenues par le Sénat sur des sujets compliqués, comme l'obligation alimentaire et le secret médical. Je me range aussi volontiers à ses ajouts relatifs au contrôle de l'accès des mineurs aux sites pornographiques et à la protection accrue des victimes de nationalité étrangère.

Sur la plupart des articles, nous vous proposerons des coordinations ou des précisions de périmètre, que nous vous présenterons si vous le souhaitez.

D'autres articles, enfin, ont été judicieusement adoptés par le Sénat, mais leur raison d'être a depuis disparu. Je pense à l'article 1 er B, adopté en lien avec le décret d'application de la loi du 28 décembre 2019, concernant les modalités de délivrance des ordonnances de protection. Les sénateurs se sont légitimement opposés à la procédure privilégiée par la Chancellerie. Un nouveau décret a été publié, à la fin de la semaine dernière, qui est conforme aux attentes des parties prenantes. L'article 1 er B peut donc être supprimé, non parce qu'il était inopportun, mais parce qu'il est désormais satisfait.

Un dernier mot pour remercier tous ceux qui ont pris part à ce texte et qui permettent de parvenir à un accord : aux députés de la majorité qui en sont à l'origine, aux oppositions qui l'ont enrichi, aux sénateurs qui l'ont précisé, au Gouvernement qui l'a soutenu. Cette loi comporte des avancées concrètes, attendues sur le terrain, pour mieux protéger les victimes et sanctionner les comportements violents. Merci à tous, car notre tâche est noble et, aujourd'hui, nous avançons sur le bon chemin.

Mme Nicole Le Peih, députée . - La semaine dernière, j'ai reçu notre collègue Alexandra Louis dans le Morbihan dans le cadre de sa mission d'évaluation de la loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes. Nous avons rencontré les acteurs de terrain engagés dans la prévention et la réparation des violences conjugales. Les lois ne sont rien sans l'implication des acteurs de terrain, dont l'action est fondamentale.

Cette proposition de loi comporte des avancées ; nous devrons nous assurer qu'elles soient effectives ; j'espère que nous saurons le faire de manière transpartisane.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie , sénatrice . - Je rappelle que l'article 1 er B n'a pu être adopté qu'après une contestation bien légitime, quand nous avons dit combien la voie administrative était de loin préférable à ce que la femme, victime de violence conjugale, doive prendre à sa charge la signification de la convocation. Il y a eu un débat public, largement repris au Parlement, contre le décret qu'avait pris la garde des Sceaux. Nous constatons, avec satisfaction, qu'un nouveau décret a été pris fort opportunément la semaine dernière. Il est plus satisfaisant, mais pas encore parfait : en effet, quand la demanderesse est assistée d'un avocat, elle doit prendre en charge l'organisation de la procédure de convocation. Cependant, l'architecture des mesures est plus protectrice. Les frais de signification pouvant relever de l'aide juridictionnelle, l'ensemble est acceptable. C'est pourquoi nous sommes favorables à la suppression de l'article 1 er B, dès lors que le Gouvernement n'y reviendra pas - la vigilance des associations devrait l'en dissuader.

Mme Annick Billon , sénatrice . - Je partage ces propos. Ce texte comporte des avancées, mais force est de constater que le Grenelle a été suivi de plusieurs textes, au détriment de la clarté de nos débats. Plutôt que des lois abordant ces questions de manière parcellaire, mieux aurait valu débattre d'une loi-cadre, embrassant les grands sujets du Grenelle.

Ces avancées seront vertueuses si elles sont effectives : cela suppose des moyens pour la justice et pour les associations, qui sont en première ligne, nous ne manquerons pas de le rappeler.

Mme Alexandra Louis, députée . - Voici un bel exemple de travail parlementaire réussi, nous avons su nous réunir pour avancer sur un sujet particulièrement grave. Je suis aussi attachée à la clarté : nous y contribuons en reprenant des propositions faites par des acteurs de terrain, notamment lors du Grenelle contre les violences conjugales. Nous sommes attentifs au terrain, à ceux qui font le travail en direct et de qui dépend l'application de la loi. Nous devons continuer dans cette direction ; ce texte est une étape dans la lutte contre les violences conjugales et intrafamiliales.

M. Erwan Balanant, député . - Je me réjouis du consensus. Toutefois, je suis un peu plus nuancé sur l'article 11 bis A. Nous sommes tous d'accord pour empêcher l'accès des mineurs aux contenus pornographiques sur internet, mais il faut bien avouer que cet article ne fait guère plus qu'énoncer une déclaration d'intention, loin des résultats que l'on peut espérer d'une action publique forte. Je viens de conclure une mission que m'avait confiée le Premier ministre sur le cyber-harcèlement : je peux témoigner que, en ces matières, il y a loin des mots aux actes !

Mme Yaël Braun-Pivet, députée, vice-présidente . - On peut passer par de grandes lois-cadres embrassant tous les sujets. Mais celles-ci présentent l'inconvénient d'être plus sensibles aux aléas de la vie parlementaire, avec ses délais et ses blocages. Ou bien on peut choisir de voter des textes plus courts, d'initiative parlementaire, ce qui est le cas ici. Sur un sujet aussi grave, que l'impulsion vienne du Parlement est un signal important ! Nous avons avancé rapidement depuis le Grenelle contre les violences conjugales, en adoptant deux lois sur le sujet. C'est positif pour la vie de ces femmes victimes. Il faut s'en féliciter.

M. Philippe Bas , sénateur, président . - Parce que le sujet est grave, il importait de s'entendre, de se fédérer : nous devons effectivement nous féliciter d'y être parvenus.

CHAPITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES À L'ORDONNANCE
DE PROTECTION ET À L'EXERCICE DE L'AUTORITÉ PARENTALE EN CAS DE VIOLENCES CONJUGALES

La commission mixte paritaire modifie l'intitulé du chapitre.

Article 1er A
Interdiction de déposer une main courante

L'article 1 er A est supprimé.

Article 1er B
Convocation du défendeur
dans le cadre d'une ordonnance de protection

L'article 1 er B est supprimé.

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