CHAPITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES À LA MÉDIATION EN CAS DE VIOLENCES CONJUGALES

SECTION 1
Dispositions relatives à la médiation familiale
Article 4
Prohibition de la médiation familiale
en cas de violences intrafamiliales ou d'emprise manifeste

L'article 4 de la proposition de loi tend à prohiber la médiation familiale en matière de divorce contentieux ou d'exercice de l'autorité parentale, en cas de violences alléguées par l'une des deux parties sur l'autre ou sur l'enfant, ou en cas d'emprise manifeste de l'un des époux ou parents constatée par le juge.

La commission a estimé que ces modifications s'inscrivaient dans la continuité de la loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille.

La commission l'a adopté sans modification.

L'article 4 a pour objet de prohiber la médiation en matière familiale en cas de violences alléguées ou d'emprise manifeste .

Il tend tout d'abord à modifier l'article 255 du code civil sur les mesures provisoires que peut prononcer le juge aux affaires familiales dans le cadre d'une procédure de divorce contentieux pour lui interdire , si l'un des époux allègue de la commission de violences par l'autre époux sur sa personne ou celle de leur enfant, de leur proposer une mesure de médiation ou de les enjoindre à rencontrer un médiateur familial .

La députée Bérangère Couillard, rapporteur, a modifié le texte initial en commission pour retenir les termes de « violences alléguées » et non de « violences commises », qui figurait dans le droit en vigueur jusqu'au 30 décembre 2019. Dès lors que l'une des parties est violentée par l'autre, la médiation semble vouée à l'échec ; le dispositif institue donc une forme de présomption de bonne foi de la victime afin de ne pas recourir à la médiation dans des situations de violence, sans préjudice de la libre appréciation par le juge de la solution à donner au litige.

Cette modification s'inscrit dans la continuité de la loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille qui a déjà interdit au juge de recourir à la médiation familiale en cas de « violences alléguées », lorsqu'il s'efforce de concilier les parties en vue d'un exercice consensuel de l'autorité parentale en application de l'article 373-2-10 du code civil.

La commission a estimé que cette mise en cohérence juridique était pertinente , d'autant qu'elle est, en majorité, d'ores et déjà mise en pratique par les magistrats , d'après les auditions conduites par le rapporteur.

L'article 4 innove en interdisant également au juge, dans ces deux cas - divorce contentieux ou exercice de l'autorité parentale - de proposer une médiation ou d'enjoindre à rencontrer un médiateur en cas d'« emprise manifeste » de l'un des deux époux ou parents sur l'autre. L'emprise peut se définir comme un « ascendant intellectuel ou moral exercé sur un individu » 4 ( * ) . De fait, il peut s'agir d'une forme de violence psychologique qui pourrait être alléguée par la victime ; mais ce phénomène induit un rapport de domination qui peut empêcher la victime de s'exprimer librement, même en l'absence de son agresseur . Dès lors, la nouvelle rédaction des articles 255 et 373-2-10 permettrait au juge, s'il constate une forme d'emprise, de ne pas proposer ou enjoindre à une médiation familiale. Le caractère « manifeste » de l'emprise autorise le juge à déduire cette situation de lui-même si la victime ne s'en ouvre pas à lui.

Le rapporteur a estimé préférable de ne pas définir dans le code civil la notion d'« emprise » pour laisser au juge une plus grande liberté d'appréciation. Cette approche est conforme à l'analyse empirique des magistrats entendus en audition. Au surplus, les conséquences juridiques de l'éventuelle constatation par le juge aux affaires familiales d'une emprise sont faibles : il ne proposera ni n'enjoindra aux parties de recourir à la médiation ; mais, en aucun cas, ne statuera sur ce fondement.

La commission a adopté l'article 4 sans modification .

SECTION 2
Dispositions relatives à la médiation pénale
Article 5
Interdiction de la médiation pénale en cas de violences au sein du couple

L'article 5 de la proposition de loi tend à interdire le recours à la médiation pénale en cas de violences au sein du couple.

La commission l'a adopté sans modification.

I. Le dispositif proposé : l'exclusion de la médiation pénale en cas de violences conjugales

L'article 41-1 permet au procureur de la République de faire procéder, avant de mettre en mouvement l'action publique, à une mission de médiation entre l'auteur des faits et la victime.

La médiation pénale fait partie des alternatives aux poursuites que le procureur peut mettre en oeuvre, au même titre que le rappel à la loi, la demande de régularisation de la situation, la réparation du dommage, l'orientation vers une structure sanitaire, sociale ou professionnelle, l'éviction du conjoint violent du domicile ou encore l'interdiction de paraître dans certains lieux pendant six mois.

La mission est conduite par un médiateur pénal, dont le rôle est de faciliter la résolution amiable du litige né de la commission d'une infraction. Le médiateur convoque l'auteur et la victime à un entretien individuel pour tenter de dégager une solution acceptée par les deux parties (versement de dommages et intérêts, excuses...). Leur accord est consigné dans un procès-verbal. Le médiateur veille au respect des termes de l'accord.

En cas d'échec de la médiation, ou de non-respect de l'accord conclu, le procureur de la République peut engager des poursuites contre l'auteur des faits.

Le recours à la médiation pénale est aujourd'hui fortement encadré dans les affaires de violences au sein du couple 5 ( * ) . Il ne peut être procédé à la mission de médiation que si la victime en a fait expressément la demande. L'auteur des violences fait nécessairement l'objet d'un rappel à la loi. Si de nouvelles violences sont commises après la médiation, le recours à une nouvelle mission de médiation est exclu.

Il est proposé d'exclure désormais entièrement le recours à la médiation pénale dans les affaires de violences au sein du couple . Ces violences sont définies au sens de l'article 180 du code pénal : il s'agit des violences commises par le conjoint ou l'ancien conjoint, le partenaire ou l'ancien partenaire de PACS, le concubin ou l'ancien concubin, même en l'absence de cohabitation, ce qui permet de couvrir aussi l'hypothèse du « petit ami ».

II. La position de la commission : une exclusion justifiée

Dès 2013, le Sénat s'était prononcé en faveur de l'interdiction de la médiation pénale en cas de violences au sein du couple : lors de l'examen du projet de loi pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes, il avait alors adopté un amendement en ce sens, présenté par Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les femmes et les hommes. Cette dernière soulignait, à juste titre, que la médiation était « particulièrement inappropriée dans les situations de violences conjugales, car elle revient à mettre face à face, dans une situation faussement égalitaire, l'auteur des violences et la victime, au risque de contribuer au renforcement des phénomènes d'emprise » 6 ( * ) .

L'Assemblée nationale n'avait cependant pas suivi cette position, considérant qu'une interdiction générale et absolue de la médiation pénale serait une mesure excessivement rigoureuse, qui priverait certains couples, en cas de faits de violence isolés, d'une procédure adaptée à leur situation. Elle avait en conséquence préféré mettre en place les garde-fous qui figurent actuellement à l'article 41-1 du code de procédure pénale (demande de la victime, rappel à la loi, impossibilité d'y recourir une seconde fois...).

Le Grenelle des violences conjugales a permis de mettre davantage en lumière l'importance des phénomènes d'emprise, ce qui conduit à considérer que l'exigence tenant à une demande de la victime n'apporte pas une garantie suffisante, la victime pouvant en effet solliciter le recours à la médiation sous la pression du conjoint violent. Le Grenelle avait conclu à l'opportunité d'interdire la médiation tant en matière civile qu'en matière pénale.

Dans ce contexte, la commission des lois considère que la mesure d'interdiction proposée constitue une clarification bienvenue. Elle simplifiera les règles applicables, en mettant fin à la médiation, qui ne pouvait plus être que résiduelle compte tenu des conditions qui l'entourent, sans interdire aux procureurs de recourir, dans les affaires d'une très faible gravité, à d'autres alternatives aux poursuites. Cette interdiction n'empêcherait évidemment pas un couple en conflit de recourir à une médiation conjugale en-dehors du cadre judiciaire.

L'engagement de poursuites et la tenue d'un procès devrait en tout état de cause être privilégié dans ces dossiers afin de marquer le plus rapidement possible un coup d'arrêt aux violences et protéger la victime.

La commission a adopté cet article sans modification .


* 4 Dictionnaire de l'Académie française, 9 ème édition.

* 5 Violences commises par le conjoint ou l'ancien conjoint, le partenaire ou l'ancien partenaire de PACS, le concubin ou l'ancien concubin.

* 6 Cf. le compte-rendu de la séance du mardi 17 septembre 2013.

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