CHAPITRE VIII
DISPOSITIONS RELATIVES
À LA PROTECTION DES MINEURS

Article 11 A
Aggravation de la peine encourue en cas de consultation habituelle
de sites pédopornographiques

L'article 11 A vise à aggraver la peine encourue pour le délit de consultation habituelle de sites pédopornographiques.

La commission l'a adopté sans modification.

I. Le dispositif proposé

Cet article additionnel a été introduit en séance publique à l'Assemblée nationale, à l'initiative du Gouvernement, avec l'avis favorable de la commission.

En vertu de l'article 706-47 du code de procédure pénale, l'infraction de consultation habituelle de sites pédopornographiques est actuellement punie de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.

Il est proposé de porter les peines encourues à cinq ans d'emprisonnement et à 75 000 euros d'amende .

Le principal intérêt de cette mesure serait d'entraîner l' inscription automatique des personnes condamnées ou poursuivies pour ce délit au fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (Fijais) .

En application de l'article 706-53-1 du code de procédure pénale, cette inscription est en effet automatique, sauf décision spécialement motivée de la juridiction ou du procureur de la République, pour les infractions visées à l'article 706-47 du code de procédure pénale 35 ( * ) qui sont punies d'une peine supérieure ou égale à cinq ans d'emprisonnement . En-deçà, l'inscription est possible mais seulement sur décision expresse de la juridiction ou du procureur de la République.

Ce fichier recense l'identité et les informations domiciliaires des personnes condamnées ou poursuivies, qui doivent se présenter régulièrement au commissariat de police ou à la gendarmerie de leur domicile. Le fichier peut être interrogé par différents employeurs, l'éducation nationale par exemple, afin de vérifier que les personnes qu'elles envisagent d'embaucher, et qui seraient placées au contact de mineurs, n'y figurent pas.

II. La position de la commission : une mesure attendue et nécessaire

En mai 2019, la mission commune d'information du Sénat sur les infractions sexuelles commises sur les mineurs avait recommandé d'« inscrire dans le Fijais, sauf décision motivée, les (...) condamnations prononcées pour consultation habituelle d'images pédopornographiques », considérant que la consultation régulière de ces sites révélait une attirance pour les mineurs devant conduire, par précaution, à ne pas embaucher les personnes concernées pour des postes au contact des mineurs 36 ( * ) .

La mission avait alors été attentive aux demandes en ce sens formulées par certaines associations de protection de l'enfance. Chaque année, près de quatre cents personnes sont condamnées pour délit de consultation habituelle de sites pédopornographiques ou détention d'images pédopornographiques.

En novembre 2019, lors de son discours prononcé à l'Unesco pour le trentième anniversaire de la Convention internationale des droits de l'enfant, le Président de la République a annoncé que la peine pour le délit de consultation des sites pédopornographiques serait portée à cinq ans d'emprisonnement afin que l'inscription au Fijais devienne automatique 37 ( * ) .

Le dispositif, adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale, s'inscrit donc dans le prolongement des propositions sénatoriales et de l'engagement présidentiel. La commission des lois souscrit pleinement à cette mesure qui permet de renforcer l'efficacité de la vérification des antécédents judiciaires des auteurs d'infractions à caractère sexuel sur les mineurs et de renforcer les garanties en la matière.

Elle a décidé de compléter cette mesure en adoptant un amendement COM-16 présenté par le rapporteur qui vise à mettre en oeuvre une autre mesure préconisée par la mission commune d'information. Actuellement, les personnes mises en examen et soumises à un contrôle judiciaire ou à une assignation à résidence sous surveillance électronique ne sont pas inscrites dans le fichier sauf si le juge d'instruction l'ordonne. Il est proposé, dans une logique de prévention, d'inverser la règle et de prévoir que ces personnes soient inscrites dans le fichier, sauf décision contraire du juge d'instruction .

Les informations judiciaires, qui durent parfois plusieurs années, concernent le plus souvent des crimes ou des délits graves et l'inscription dans le Fijais sera ainsi de nature à faciliter les enquêtes.

La commission a adopté cet article sans modification .

Article 11
Protection des mineurs contre les messages pornographiques

L'article 11 précise qu'un fournisseur de contenu pornographique en ligne ne peut s'exonérer de sa responsabilité pénale en demandant seulement à l'internaute de déclarer qu'il est âgé de plus de dix-huit ans.

La commission l'a adopté sans modification.

I. Le dispositif proposé : une précision conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation

L'article 227-24 du code pénal punit de trois ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende le fait de fabriquer, de transporter, de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support, ou de commercialiser un message à caractère pornographique , violent, incitant au terrorisme, de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine ou incitant les mineurs à se livrer à des jeux les mettant physiquement en danger, lorsque ce message est susceptible d'être vu ou perçu par un mineur .

Cet article fait donc peser une obligation sur ceux qui fabriquent, transportent, diffusent ou font commerce de tels messages : ils doivent veiller à ce qu'aucun mineur ne puisse y accéder, sans quoi leur responsabilité pénale pourra être engagée. La jurisprudence de la chambre criminelle de la Cour de cassation a précisé que le délit pouvait être constitué lorsque l'auteur des faits a manqué de toute prudence 38 ( * ) mais aussi si les précautions prises sont insuffisantes, par exemple lorsqu'elles consistent en une simple déclaration d'un âge supérieur à dix-huit ans 39 ( * ) .

C'est cette dernière jurisprudence qu'il est proposé de codifier. L'article 227-24 serait complété par un nouvel alinéa disposant que l'infraction est constituée y compris si l'accès du mineur aux messages est rendu possible par une simple déclaration de celui-ci indiquant qu'il est âgé de plus de dix-huit ans .

Ce nouvel alinéa ne créerait pas d'obligations précises à la charge des éditeurs qui resteraient libres du choix des moyens à mettre en oeuvre pour protéger les mineurs (exigence de fournir un numéro de carte bleue, un code d'accès...).

II. Une mesure dont la portée pratique risque d'être réduite

La question de l'accès des mineurs à la pornographie sur internet constitue aujourd'hui un réel motif de préoccupation. Énormément de vidéos sont désormais disponibles gratuitement sur des sites, tels Pornhub ou Youporn, qui tirent leurs revenus de la publicité.

Les données disponibles montrent que les mineurs ont accès de plus en plus jeune à ces images : une étude réalisée en 2017 40 ( * ) suggère que les deux tiers des garçons et le tiers de filles âgés de quinze à dix-sept ans ont déjà eu accès un film pornographique, le plus souvent via leur smartphone. Le rapporteur a auditionné l'ancienne actrice et essayiste Ovidie qui a souligné que l'accès à la pornographie se produisait souvent dès l'entrée au collège, lorsque les parents consentent à donner un téléphone portable à leurs enfants. Le téléphone permet de visionner des vidéos mais aussi de les échanger via des applications comme Snapchat ou Tik Tok.

Cette exposition précoce ne semble pas sans incidence sur le rapport des jeunes au corps et à la sexualité. Elle paraît favoriser l'acceptation par les jeunes filles de comportements plus violents. Elle modifie les normes en matière de sexualité et fait naître de nouvelles injonctions.

Dans ce contexte, la commission des lois n'a pas de raison de s'opposer à la précision figurant à cet article de la proposition de loi. De nombreux sites diffusant des images pornographiques sont accessibles aux mineurs après un simple clic par lequel ils déclarent avoir plus de dix-huit ans, sans aucun contrôle véritable. Il peut donc être utile de rappeler que cette formalité ne protège pas les diffuseurs contre d'éventuelles poursuites.

La commission rappelle toutefois que cette codification de la jurisprudence ne modifiera pas l'état du droit en vigueur. Elle ne suffira pas à surmonter les difficultés pratiques qui semblent faire obstacle aux condamnations. Il est très rare que des poursuites soient engagées sur le fondement de l'article 227-24 à l'encontre de diffuseurs d'images sur internet. Les principaux sites qui diffusent gratuitement des images pornographiques sont basés à l'étranger, parfois dans des paradis fiscaux dans lesquels la législation est permissive et la coopération judiciaire faible ou inexistante.

Une réflexion plus large, qui dépasse le cadre du présent rapport, mériterait d'être menée pour déterminer à quelles conditions la loi pénale pourrait être mieux appliquée au cyberespace, s'agissant de l'accès des mineurs aux images pornographiques. L'expérience du Royaume-Uni, qui a tenté, entre 2017 et 2019, de mettre en place un contrôle de l'âge réel avant d'abandonner ce projet, montre que le choix d'une solution technique conforme au règlement général sur la protection des données (RGPD) et ne posant pas de risques en ce qui concerne le respect de la vie privée n'est pas aisé.

En plus de la réponse pénale, la protection des mineurs passe aussi par des mesures techniques et éducatives. Le secrétariat d'État au numérique a élaboré en 2019 un protocole d'engagements pour la prévention de l'exposition des mineurs aux contenus pornographiques en ligne afin d'encourager les différents acteurs à se mobiliser et à mettre en oeuvre différentes actions : promotion des dispositifs de contrôle parental, avertissement de l'utilisateur de la présence d'un contenu pornographique sur le site ou le réseau social opéré, éducation des jeunes à la sexualité, etc . Une évaluation de ce protocole, qui repose sur une démarche volontaire, sera nécessaire avant d'envisager des mesures complémentaires.

La commission a adopté cet article sans modification .

Article 11 bis
Sanction de la complicité d'infraction à distance

Cet article vise à sanctionner le fait de commanditer à l'étranger la commission d'une infraction même si elle n'a été ni commise ni tentée.

La commission a adopté cet article sans modification.

I. Le dispositif proposé

Cet article a été introduit par la commission des lois de l'Assemblée nationale à l'initiative du député Guillaume Gouffier-Cha (LaRem) et de plusieurs de ses collègues de la majorité.

Il vise principalement à apporter une réponse pénale à une pratique observée sur internet, et plus précisément sur le darknet , consistant, pour des Français établis sur le territoire national, à obtenir des vidéos de crimes, et notamment d'abus sexuels, commis à l'étranger.

Actuellement, l'article 221-5-1 du code pénal punit de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende le fait de faire à une personne des offres ou des promesses ou de lui proposer des dons, présents ou avantages quelconques afin qu'elle commette un assassinat ou un empoisonnement, lorsque ce crime n'a été ni commis ni tenté. Il est proposé de préciser que ce délit est constitué y compris si l'assassinat ou l'empoisonnement devait être commis à l'étranger .

Il est ensuite proposé d'insérer dans le code pénal trois nouveaux articles afin de sanctionner les mêmes faits lorsqu'ils visent à obtenir que soient commis, y compris en dehors du territoire national :

- des actes de torture et de barbarie , lorsque le crime n'a été ni commis ni tenté (nouvel article 222-6-4) ;

- un viol , lorsque ce crime n'a été ni commis ni tenté (nouvel article 222-26-1) ;

- une agression sexuelle , lorsque cette agression n'a été ni commise ni tentée (nouvel article 222-30-2).

La peine encourue pour les actes de torture et de barbarie et pour le viol, qui sont des crimes, serait de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende. En ce qui concerne l'agression sexuelle, qui est un délit, la peine encourue serait de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende et, si l'agression devait être commise sur un mineur, de sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende.

Quand le crime ou le délit a été commis ou tenté, celui qui, par don, promesse, menace, ordre, abus d'autorité ou de pouvoir, a provoqué à l'infraction ou a donné des instructions pour la commettre peut être poursuivi en tant que complice , en application du deuxième alinéa de l'article 121-7 du code pénal.

L'article 113-5 du code pénal prévoit que la loi pénale française est applicable à quiconque s'est rendu coupable sur le territoire de la République, comme complice, d'un crime ou d'un délit commis à l'étranger si le crime ou le délit est puni à la fois par la loi française et par la loi étrangère et s'il a été constaté par une décision définitive de la juridiction étrangère.

Afin de faciliter la sanction des actes de complicité visés au deuxième alinéa de l'article 121-7, il est proposé de préciser que la loi pénale française leur est applicable lorsqu'ils sont commis sur le territoire de la République (sans que soit exigée la double incrimination et la condamnation par une juridiction étrangère), mais aussi lorsqu'ils sont commis à l'étranger à condition qu'ils concernent un crime contre la personne .

II. Des mesures de nature à améliorer la répression de ces crimes

Les dispositions figurant à cet article peuvent apparaître assez éloignées de l'objet du texte - la lutte contre les violences conjugales et intrafamiliales - même s'il est vrai que des mineurs peuvent être victimes de ces crimes ou délits commandités depuis la France.

L'essentiel est cependant de donner à la justice pénale de nouveaux outils pour sanctionner des comportements odieux que le développement du numérique a rendu plus faciles à réaliser. Dans une interview donnée en 2019 41 ( * ) , le directeur de l'Office central de répression des violences aux personnes estimait à 90 le nombre de ressortissants français impliqués dans des enquêtes pour des viols à distance en streaming . Le 13 janvier 2020, un ressortissant français a été condamné par le tribunal correctionnel de Paris pour avoir commandité l'agression sexuelle de petites filles aux Philippines, qu'il visionnait en direct sur internet.

Il sera désormais possible de sanctionner ce type d'agissements même si les infractions commanditées n'ont pas été commises ou si l'enquête n'a pas permis d'établir avec certitude qu'elles l'ont été. Les dispositions proposées devraient donc améliorer l'efficacité de notre arsenal législatif.

La commission a adopté cet article sans modification .


* 35 Cet article vise une liste de crimes et délits commis sur mineurs, commençant avec le meurtre et l'assassinat et s'achevant avec l'atteinte sexuelle.

* 36 Cf . le rapport d'information n° 529 (2018-2019) « Violences sexuelles sur mineurs en institution : pouvoir confier ses enfants en toute sécurité », de Marie Mercier, Michelle Meunier et Dominique Vérien au nom de la mission commune d'information sur les politiques publiques de prévention, de détection, d'organisation des signalements et de répression des infractions sexuelles susceptibles d'être commises par des personnes en contact avec des mineurs dans le cadre de l'exercice de leur métier ou de leurs fonctions, déposé le 28 mai 2019.

* 37 Cf . cet extrait du discours du Président de la République : « (...) jusqu'à aujourd'hui, on pouvait avoir été condamné pour consultation et détention d'images pédopornographiques mais exercer une profession en contact avec les enfants parce que cette information capitale n'était pas accessible à tous les employeurs. (...) Alors ce que nous allons mettre en place maintenant est simple. La peine sera menée, sera portée et durcie à cinq ans d'emprisonnement pour consultation d'images pédopornographiques. Ce qui veut dire qu'il y aura une inscription automatique au fichier judiciaire national, le fameux Fijais qui permet justement de recenser toutes ces personnes qui sont dangereuses. »

* 38 Cass. Crim., 12 octobre 2005, n° 05-80713, à propos d'images pornographiques installées sur le bureau de l'ordinateur d'un collègue sans mot de passe.

* 39 Cass. crim., 23 février 2000, n°99-83928, à propos d'une revue ayant offert à ses lecteurs un CD-ROM pornographique crypté, mais auquel les mineurs pouvaient avoir accès en se faisant passer pour des adultes par l'intermédiaire d'un serveur télématique (minitel) pour obtenir la clé de cryptage.

* 40 « Ado et porno », étude de l'institut Ifop pour l'Observatoire de la parentalité et de l'éducation numérique, 20 mars 2017.

* 41 Cf. Le Parisien, 17 juin 2019.

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