LES MODIFICATIONS APPORTÉES
PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première délibération, l'Assemblée nationale a adopté deux amendements de M. Olivier Serva minorant les crédits du programme « Emploi outre-mer » d'un million d'euros et de 100 000 euros, et augmentant les crédits du programme « Conditions de vie outre-mer » du même montant. Elle a également adopté un amendement de Max Mathiasin minorant les crédits du programme « Emploi outre-mer » de 100 000 euros et augmentant du même montant les crédits du programme « Conditions de vie outre-mer ».

En seconde délibération, l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement diminuant les crédits du programme « Emploi outre-mer » de 1,6 million d'euros et du programme « Conditions de vie outre-mer » de 8,4 millions d'euros, afin de tenir compte de ses votes lors de l'examen du présent projet de loi de finances.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 30 octobre 2019, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a examiné le rapport de MM. Nuihau Laurey et Georges Patient, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Outre-mer »,

M. Vincent Éblé , président. - Nous examinons désormais les crédits de la mission « Outre-mer ». Je salue la présence de M. Thani Mohamed Soilihi, rapporteur pour avis de la commission des lois.

M. Nuihau Laurey , rapporteur spécial des crédits de la mission « Outre-mer ». - La mission « Outre-mer » comprend l'ensemble des interventions spécifiques de l'État dans les collectivités d'outre-mer. Elles s'élèvent à 2 555,9 millions d'euros en crédits de paiement (CP) et à 2 409,5 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE).

Ces interventions représentent à peu près 11,6 % de l'ensemble des crédits budgétaires octroyés cette année à l'outre-mer, à côté des 29 autres missions totalisant 90 programmes, auxquelles il convient, par exhaustivité, de rajouter les dépenses fiscales pour un montant de 4,5 milliards d'euros, soit une contribution totale de l'État de 26,55 milliards d'euros en AE et de 26 milliards d'euros en CP aux collectivités d'outre-mer. Ce budget ne diffère pas grandement des précédents, avec son lot de mesures de périmètre et sa tendance générale baissière sur le long terme, avec cette année une baisse des crédits de 6,5 % en CP et 4 % en AE. La mission fait ainsi l'objet de deux grandes mesures de périmètre et de transferts : le prélèvement sur recettes au bénéfice de la collectivité territoriale de Guyane (CTG), relatif à l'octroi de mer, est réintégré dans l'enveloppe de la mission pour un montant de 27 millions d'euros, alors que la dotation globale d'autonomie de la Polynésie française est pour sa part transformée en prélèvement sur recettes à compter de l'exercice 2020, pour 90 millions d'euros.

En tenant compte de ces mouvements, les crédits alloués à la mission s'avèrent, à périmètre constant, en baisse de 1,3 % en AE et de 3,9 % en CP par rapport à 2019. La mission comprend deux volets, le programme 123 pour les crédits relatifs aux dispositifs permettant l'amélioration des conditions de vie en outre-mer et le programme 138 pour les mesures destinées à favoriser l'emploi.

Je laisserai à mon collègue Georges Patient le soin de présenter les mesures relatives à l'emploi et présenterai pour ma part le programme 123 « Conditions de vie outre-mer », qui totalise 808,9 millions d'euros de crédits en AE et 659,2 millions d'euros en CP.

Il convient de noter que la baisse globale du budget évoquée précédemment se retrouve mécaniquement dans l'évolution budgétaire du programme « Conditions de vie outre-mer » avec une baisse particulièrement marquée.

Dans le domaine du logement tout d'abord, qui représente près de 29 % des crédits de paiement du programme, où nous indiquons chaque année que les moyens mis en oeuvre restent largement inférieurs aux besoins exprimés par tous les acteurs publics ou privés, nous notons pour 2020 une baisse particulièrement importante des crédits alloués, de plus de 3 % en AE et de plus de 13 % en CP. Ces crédits s'avèrent malheureusement en baisse chaque année depuis 2014, avec en 2020 un plus bas historique sur les dix dernières années, alors que le déficit de logements est de plus en plus criant dans tous les territoires.

S'agissant des crédits relatifs à l'aménagement du territoire, on note une hausse des AE de plus de 6 % et une baisse des CP de 7 %.

Derrière cette évolution divergente, nous trouvons en réalité le mécanisme de substitution des contrats de développement et des contrats de projets en cours dans les différentes collectivités par les contrats de convergence et de transformation prévus par la loi sur l'égalité réelle outre-mer (EROM) promulguée en février 2017. Il s'agit de sa troisième année de mise en oeuvre, avec des crédits alloués en hausse de 10 millions d'euros pour 2020 - je rappelle à ce propos que la hausse annoncée en 2018 dans le projet de loi de finances pour 2019 s'était élevée à 23 millions d'euros. Nous ne pouvons donc que faire le constat d'une montée en puissance très modeste de ces plans de convergence conçus pour réduire les écarts de développement constatés entre l'outre-mer et l'hexagone.

Quelques points positifs ont aussi attiré notre attention.

En matière de relance de l'activité économique, nous notons avec satisfaction le maintien, en 2020, du Fonds exceptionnel d'investissement (FEI) à 110 millions d'euros en AE. Je rappelle qu'en 2019 le Gouvernement avait demandé la suppression de 170 millions d'euros de dépenses fiscales en outre-mer. En contrepartie, il s'était engagé à utiliser les gains budgétaires dégagés à l'abondement de ce fonds destiné à soutenir le développement économique. Ce choix était justifié par le caractère plus « pilotable » des dépenses budgétaires qui permettent un meilleur ciblage que la dépense fiscale. Il n'offre cependant aucune garantie quant à leur pérennité.

Comme pour d'autres missions, la question de l'efficacité de la conversion des dépenses fiscales en dépenses budgétaires se posera, sachant que la réponse ne pourra être pleinement appréciée que dans la durée et en prenant en compte l'ensemble des crédits de la mission. Il est important de le rappeler, car certaines dépenses qui n'avaient pas fait l'objet d'engagements gouvernementaux font l'objet d'importantes baisses. C'est le cas des dépenses en faveur du logement ou encore de la participation de l'État au financement du régime de solidarité de la Polynésie française (RSPF) qui est supprimée dans l'attente de la mise en oeuvre de nouvelles mesures faisant suite à une mission diligentée par l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) en 2018-2019. Il aurait été, à notre sens, préférable de les maintenir en attendant la mise en oeuvre effective de ces mesures de substitution.

Les crédits de la mission « Outre-mer » ne peuvent que faire l'objet d'appréciations générales nuancées, compte tenu de la diversité des collectivités auxquels ils sont destinés. L'État intervient ainsi aussi bien à Mayotte, marquée par une immigration clandestine massive, que dans les Antilles, touchées par des fléaux sanitaires comme le chlordécone ou les sargasses, ou encore en Polynésie française, collectivité qui doit gérer les conséquences du passé nucléaire qu'elle a subies, ou dans une collectivité où se pose la question de son avenir institutionnel.

Chaque élu d'outre-mer aura donc sa propre vision de ce budget, d'où la difficulté de le synthétiser. Cependant, en tenant compte de ces éléments de prudence nécessaires à une appréciation mesurée de ce budget, deux faits nous conduisent à une extrême réserve.

Premièrement, force est d'abord de constater qu'il s'avère en baisse, aussi bien en AE, avec une baisse de 1,3 %, qu'en CP avec une baisse de 4 %, après prise en compte des mesures de périmètre, cela en contradiction avec les engagements répétés du Gouvernement en faveur des outre-mer.

Deuxièmement, ce budget créé une véritable déception au regard des attentes légitimes engendrées par l'adoption à l'unanimité de la loi pour l'égalité réelle en outre-mer promulguée le 28 février 2017. Cette loi faisait le juste constat d'un écart de développement particulièrement important entre les collectivités métropolitaines et celles d'outre-mer, sur la base de nombreux indicateurs, tels le PIB par habitant ou l'indice de développement humain.

Ces écarts de développement résultent de problématiques insulaires connues depuis longtemps : la petite taille des marchés économiques, les coûts d'éloignement et de dispersion, la concurrence limitée dans de nombreux secteurs, le sous-emploi ou encore le manque de qualification, avec des taux de chômage oscillant entre 17,7 % pour la Martinique et 35,1 % pour Mayotte, contre une moyenne nationale de 9,1 %.

Cette loi proposait de prendre à bras-le-corps ces difficultés en prévoyant des moyens importants pour résorber sur le long terme ces écarts, dans le cadre de contrats de convergence propres à chaque territoire et tenant compte des spécificités de chaque territoire. En réalité, cet engagement de la loi n'est pas tenu, puisque les crédits consacrés à ces contrats de convergence et de transformation viennent en substitution des contrats de projets ou de développement qui existaient déjà. Si le nom des contrats a changé, les crédits n'ont pas augmenté, ceux de la mission ont même diminué, et l'écart de développement que l'on constate depuis plusieurs décennies restera probablement le même à long terme. Le constat tiré en 2017 risque donc d'être le même en 2027 si un redimensionnement de l'accompagnement des outre-mer n'est pas clairement acté...

Compte tenu de ces éléments, je proposerai à la commission d'émettre un avis de sagesse sur les crédits de la mission « Outre-mer ».

M. Georges Patient , rapporteur spécial de la mission « Outre-mer ». - Les crédits de la mission « Outre-mer » ne s'élèvent qu'à 2,5 milliards d'euros en crédits de paiement (CP). C'est l'une des plus petites missions du budget de l'État, mais ses crédits ne retracent que 12 % de l'effort total de l'État en faveur des outre-mer, estimé à 22,05 milliards d'euros en AE et 21,5 milliards d'euros en CP, portés par 90 programmes relevant de 30 missions. Les dépenses fiscales étant estimées à 4,5 milliards d'euros, l'effort total de l'État devrait s'élever à 26,55 milliards d'euros en AE et 26 milliards d'euros en CP en 2020.

Les principales missions concernées sont la mission « Enseignement scolaire », qui porte 24,8 % de l'effort de l'État en faveur de l'outre-mer, la mission « Gestion des finances publiques », avec 15,3 %, la mission « Outre-mer », avec 12 %, la mission « Relations avec les collectivités territoriales », avec 10 % et la mission « Écologie, développement et mobilités durables », avec 8 %.

Hors dépenses de personnel, les missions « Enseignement scolaire » et « Écologie » connaissent les hausses les plus importantes en valeur absolue tandis que la mission « Outre-mer » connaît la plus forte diminution en valeur absolue, avec une baisse de 105,5 millions d'euros entre 2019 et 2020. Cette baisse me paraît regrettable dans la mesure où cette mission a vocation à favoriser le rattrapage des territoires ultramarins. La situation économique des outre-mer apparaît en effet bien plus défavorable qu'en métropole.

La situation en matière de chômage est révélatrice. Le taux de chômage atteignait ainsi, en 2018, 35 % à Mayotte, 24 % à La Réunion et 23 % en Guadeloupe : c'est toujours plus du double que dans l'Hexagone. L'Insee a récemment relevé que les cinq DOM faisaient partie des 10 % des régions européennes les plus touchées par le chômage. En particulier, le taux de chômage à Mayotte - 30 % - est le plus élevé de toute l'Union européenne.

Le programme 138 « Emploi outre-mer » rassemble les crédits visant à lutter contre ces forts taux de chômage. Plus spécifiquement, il comporte les crédits visant à compenser aux organismes de sécurité sociale les exonérations spécifiques de cotisations patronales. En 2019, le dispositif d'allègements et d'exonérations de charges patronales dans les outre-mer a été modifié afin de répondre entièrement aux dispositions de l'article 86 de la loi de finances pour 2018 qui a acté la suppression du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) au 1er janvier 2019.

Cette réforme avait entraîné, en 2019, une augmentation de plus de 42 % des crédits affectés à la compensation de ces exonérations de charges. Ces derniers subissent, en 2020, une baisse de 2,3 %, mais il semblerait que cette baisse soit purement technique, liée à la fiabilisation en cours des prévisions de compensation par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss).

Sur le fond, je tiens à dire que les nouveaux paramètres du régime issu de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 n'ont pas pleinement compensé les effets de la suppression du CICE. Au total, la perte nette pour les territoires ultramarins pourrait être de l'ordre de 60 millions d'euros pour l'année 2019, selon les estimations de la Fédération des entreprises d'outre-mer (Fédom). Je relève toutefois que le Gouvernement s'est montré réactif lors du débat sur le PLFSS à l'Assemblée nationale. Deux amendements ont été adoptés le 23 octobre dernier qui ont intégré la presse dans le régime dit de « compétitivité renforcée » et modifié les seuils d'entrée dans ce régime. De même, dans l'aérien, les cotisations de retraite complémentaire seront prises en compte dans le calcul des allégements généraux. Ces mesures permettront de récupérer 35 millions d'euros. Il nous appartiendra au Sénat de déposer des amendements pour relever le seuil de sortie à trois fois le niveau du SMIC, notamment en faveur des entreprises guyanaises qui sont les plus pénalisées dans cette affaire.

Le programme 138 finance également les crédits du service militaire adapté (SMA), qui constitue un dispositif efficace d'insertion socioprofessionnelle des jeunes ultramarins puisque 82 % des 6 000 jeunes qui y ont été accueillis se sont retrouvés insérés à l'issue de leur parcours de formation. En 2020, commencera la mise en place du plan « SMA 2025 » qui vise à renforcer l'encadrement et à améliorer l'adéquation entre l'offre du SMA et les besoins géographiques, conformément aux préconisations du contrôle budgétaire que nous avions réalisé en 2019 avec Nuihau Laurey. Ainsi l'encadrement augmentera, avec le recrutement de 135 équivalents temps plein sur le quinquennat, dont 35 en 2020. L'objectif fixé par le Gouvernement est un taux d'encadrement de 16,3 % en 2022, contre 15,6 % en 2018, mais 22 % en 2010.

Avant de conclure, je voudrais également vous faire part de ma désapprobation concernant la suppression du prélèvement sur recette (PSR) qui existe depuis 2017 au profit de la collectivité territoriale de Guyane. D'un montant de 27 millions d'euros, celui-ci a vocation à compenser les pertes de recettes résultant de la suppression de la part d'octroi de mer de la collectivité. Le Gouvernement souhaite transformer ce PSR en dotation budgétaire, dont le versement serait conditionné au respect d'une convention par la collectivité territoriale de Guyane. Cela pourrait mettre en danger les finances de cette collectivité. Je compte déposer un amendement pour maintenir ce dispositif.

En dépit de cette dernière remarque, je vous proposerai de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer ».

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général. - Votre rapport montre bien que le SMA est un outil très pertinent pour l'outre-mer.

J'ai une interrogation sur le logement. L'outre-mer cumule les handicaps, avec 60 000 demandes de logement non satisfaites et des coûts de construction souvent plus élevés qu'en métropole. Pourtant les crédits consacrés au logement sont en forte baisse et certains dispositifs fiscaux de soutien sont en voie d'extinction. Comment faire ? En outre, les normes de construction métropolitaines sont-elles adaptées à l'outre-mer ?

M. Thani Mohamed Soilihi , rapporteur pour avis de la commission des lois sur les crédits de la mission « Outre-mer ». - Je tiens à remercier nos deux rapporteurs spéciaux pour leur présentation détaillée. Je m'en inspirerai dans mon avis budgétaire.

Je voudrais aussi attirer votre attention sur la sous-consommation des crédits dans certains territoires, notamment à Mayotte.

L'architecture du budget ne permet pas d'identifier clairement les moyens consacrés à l'outre-mer. La mission « Outre-mer » ne représente que 12 % de l'effort budgétaire, le reste étant porté par d'autres missions. Ne faudrait-il pas modifier cette construction ? Si l'on estime que les collectivités d'outre-mer sont spécifiques et justifient l'existence d'une mission budgétaire ad hoc, il conviendrait de concentrer les moyens.

M. Philippe Dallier . - Les crédits consacrés au logement outre-mer échappent à la mission « Cohésion des territoires » et figurent sur la ligne budgétaire unique. Il en va de l'outre-mer comme de la métropole : plus les objectifs affichés sont ambitieux, plus on réduit les crédits... En 2018, la sous-exécution a été importante puisque seuls 71 % des crédits alloués ont été dépensés. Comment expliquer cette sous-consommation ? Est-ce dû à la disponibilité du foncier ?

M. Jean-François Rapin . - Les crédits du Fonds exceptionnel d'investissement sont maintenus. Toutefois si les critères d'attribution ne sont pas revus, le risque de sous-consommation est réel, car les collectivités n'ont pas les moyens d'investir davantage. Les critères changeront-ils ?

M. Jérôme Bascher . - La sous-consommation des crédits chaque année n'est-elle pas le signe que le budget de l'outre-mer est un budget d'affichage ? Ne faudrait-il pas revoir en profondeur le système, avec des crédits plus fongibles, pour améliorer l'exécution ?

M. Éric Bocquet . - Le Président de la République s'est rendu à Mayotte la semaine dernière : il a beaucoup été question de sécurité ou d'immigration, sujets certes importants, mais je n'ai pas entendu un mot sur la situation économique et sociale du département, où 84 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, où l'illettrisme concerne 42 % des adultes, où l'accès à l'eau courante est limité... Le projet de loi de finances comporte-t-il des mesures exceptionnelles pour faire face à cette situation exceptionnelle ? Le président de la République devrait s'inspirer du candidat Macron qui déclarait en juillet 2017 que le statu quo pour Mayotte était inenvisageable !

M. Marc Laménie . - La mission « Outre-mer » représente 12 % des crédits de l'État à destination des outre-mer, le reste étant ventilé entre différents programmes budgétaires. Comment peut-on évaluer la présence de l'État sur ces territoires confrontés à des difficultés sérieuses dans de nombreux domaines ? Peut-on aussi chiffrer la participation de l'Éducation nationale ? Un effort important s'impose si l'on veut que les jeunes maîtrisent les fondamentaux, la lecture, le calcul ou l'écriture. N'oublions pas la solidarité derrière la complexité des chiffres.

M. Julien Bargeton . - Il existe un document de politique transversale sur l'outre-mer qui récapitule toutes les actions engagées.

Faut-il réunir au sein d'une même mission budgétaire toutes les actions évoquées dans ce document ? Ou bien, à l'inverse, faut-il renoncer à cette mission « Outre-mer » en ventilant les crédits entre les différents ministères compétents ?

M. Nuihau Laurey , rapporteur spécial. - Il est vrai que les crédits en faveur du logement baissent significativement, y compris sur la ligne budgétaire unique comme l'a souligné Philippe Dallier. On a constaté une forte sous-exécution en particulier à la Réunion et en Guadeloupe. Les dépenses fiscales baissent et les dispositifs fiscaux de soutien, reposant sur une défiscalisation, sont réduits. La sous-exécution peut s'expliquer en partie par la multiplicité des normes, qui varient en fonction des lieux, ou par des problématiques foncières spécifiques à chaque territoire. Le FEI est un dispositif souple. Dans notre contrôle budgétaire, avec Georges Patient, nous avions montré toutes les possibilités qu'il offrait. Nous avons été suivis par le Gouvernement qui a abondé le fonds dès le projet de loi de finances pour 2019 afin d'améliorer l'exécution. Mais nous avons aussi constaté dans le passé de nombreuses sous-exécutions, pour des raisons propres à chaque territoire, et nous serons vigilants quant à l'utilisation de cette enveloppe. Celle-ci augmente grâce à la suppression de certaines dépenses fiscales. On comprend la logique du Gouvernement, qui souhaite un pilotage plus fin grâce à des crédits budgétaires plutôt que par des dépenses fiscales, mais rien ne l'empêchera de réduire à l'avenir les enveloppes si l'on constate des sous-exécutions.

L'architecture du budget de l'outre-mer est en débat. La mission ne représente que 12 % de l'intervention de l'État outre-mer. Cette présentation a des avantages et des inconvénients. Ainsi, cette année, certains prélèvements sur recettes en faveur de la Guyane sont transformés en dépenses budgétaires, alors que la Polynésie, à l'inverse, a souhaité transformer sa dotation budgétaire en prélèvement sur recettes... Au-delà de la problématique budgétaire se pose aussi la question de la capacité du ministère des outre-mer à répondre à des défis multiples et très différents selon les collectivités. La question du rattachement du ministère des outre-mer au ministère de l'intérieur a aussi été souvent évoquée pour renforcer la coordination sur ces sujets. Nous devrons trancher ces points, sinon ils se reposeront tous les ans.

Beaucoup ont été déçus après les espoirs suscités par la loi sur l'égalité réelle outre-mer, qui visait à résorber les écarts de développement entre collectivités par le biais de contrats de convergence. Mais ces contrats, en définitive, ne font pas l'objet d'une budgétisation spécifique : ils remplacent les contrats de projet et de développement qui arrivent à terme avec une enveloppe constante et tout l'effort de rattrapage annoncé dans la loi de programmation s'est noyé dans la gestion budgétaire annuelle. Si l'ambition portée par la loi sur l'égalité réelle outre-mer n'est pas réaffirmée, elle restera lettre morte.

M. Georges Patient , rapporteur spécial. - Si notre collègue Victorin Lurel était présent, il nous dirait que la sous-exécution des crédits est une astuce utilisée par le ministère... Quelle est la situation financière des collectivités d'outre-mer ? Avec un collègue député, je remettrai prochainement au Premier ministre une étude sur les finances locales des collectivités d'outre-mer. Leurs recettes sont insuffisantes au regard de leurs missions de service public et cette situation est inégalitaire au regard des collectivités territoriales de l'hexagone : il existe un écart de péréquation de 85 millions d'euros entre les collectivités d'outre-mer et les collectivités de l'hexagone ! Les collectivités d'outre-mer sont dans une situation d'asphyxie financière qui ne leur permet pas de réaliser leurs investissements ni de bénéficier du FEI.

M. Vincent Éblé , président. - Nuihau Laurey nous propose de donner un avis de sagesse, tandis que Georges Patient nous suggère un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission. Je soumets ces deux propositions à votre appréciation.

La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Outre-mer ».

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Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2019, la commission, après avoir pris acte des modifications apportées par l'Assemblée nationale, a confirmé sa décision de proposer au Sénat l'adoption sans modification des crédits de la mission et a proposé l'adoption sans modification de l'article 76 quindecies .

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