Rapport général n° 140 (2019-2020) de M. Roger KAROUTCHI , fait au nom de la commission des finances, déposé le 21 novembre 2019

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N° 140

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2019

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2020 ,

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 19

MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES

COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS : AVANCES À L'AUDIOVISUEL PUBLIC

Rapporteur spécial : M. Roger KAROUTCHI

(1) Cette commission est composée de : M. Vincent Éblé , président ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Yvon Collin, Bernard Delcros, Philippe Dominati, Charles Guené, Jean-François Husson, Mme Christine Lavarde, MM. Georges Patient, Claude Raynal , vice-présidents ; M. Thierry Carcenac, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Joyandet, Marc Laménie , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Julien Bargeton, Jérôme Bascher, Arnaud Bazin, Jean Bizet, Yannick Botrel, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Mme Frédérique Espagnac, MM. Rémi Féraud, Jean-Marc Gabouty, Jacques Genest, Alain Houpert, Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Sébastien Meurant, Claude Nougein, Didier Rambaud, Jean-François Rapin, Jean-Claude Requier, Pascal Savoldelli, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 2272 , 2291 , 2292 , 2298 , 2301 à 2306 , 2365 , 2368 et T.A. 348

Sénat : 139 et 140 à 146 (2019-2020)

LES OBSERVATIONS
DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Le montant global des crédits demandés dans le cadre du présent projet de loi de finances s'élève à 580,86 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 590,75 millions en crédits de paiement (CP). Ces chiffres traduisent une relative stabilité par rapport à la loi de finances pour 2019, l'écart entre les deux textes s'élevant à + 2,61 % en AE et à +1,95 % en CP.

2. Pour la deuxième année consécutive, le montant des crédits prévus en loi de finances dépasse le plafond retenu dans la trajectoire triennale adoptée dans la loi de programmation des finances publiques pour 2018-2022. À périmètre constant, l'écart entre le plafond retenu et le montant prévu des crédits atteint 42,8 millions d'euros, soit une différence de 7,9 % avec la cible retenue dans la loi.

3. Le présent projet de loi de finances prévoit une majoration de la dotation accordée à l'Agence France Presse de 6 millions d'euros pour atteindre 139,5 millions d'euros, afin d'accompagner la mise en oeuvre du plan stratégique 2018-2022, visant la réforme de son fonctionnement et le développement de son activité. Ce soutien doit être salué car il doit permettre de renforcer le poids de l'AFP à l'échelle internationale. Il doit néanmoins être exigeant et s'accompagner d'une réelle ambition s'agissant de la gestion des ressources humaines de l'AFP ou de sa stratégie immobilière. L'écart entre la loi de finances initiale et l'exécution en dépend.

4. L'adoption du projet de loi sur la distribution de la presse doit conduire à une réflexion sur le dispositif actuel d'aide à la presse (111 millions d'euros de crédits prévus en 2020). Son efficience doit, en effet, être évaluée à l'aune de la réforme du statut de vendeur-colporteur et de l'ouverture à la concurrence du secteur de la distribution, dans un contexte de baisse des crédits budgétaires. Une réorientation de l'intervention publique vers des projets innovants, au travers du Fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) et du Fonds de soutien à l'émergence et à l'innovation dans la presse (FSEIP) apparaît primordiale.

5 . Le programme 334 ne résume pas la politique de l'État en faveur du livre et se concentre principalement sur le fonctionnement de la Bibliothèque nationale de France (210 millions d'euros sur une dotation globale de 283 millions d'euros). Dans ces conditions, il paraît opportun de réfléchir à la maquette budgétaire et à une rationalisation des financements en faveur de la lecture au sein d'un même programme.

6. Le financement complémentaire apporté par l'État au Centre national de la musique (CNM), soit 7,5 millions d'euros, est en deçà des orientations du rapport de la mission de préfiguration, qui insistait sur une dotation de 20 millions d'euros. Compte-tenu de la faiblesse des ressources du CMN et des moyens dont il dispose pour soutenir le secteur, il apparaît indispensable, à moyen terme, de conserver le crédit d'impôt pour les dépenses de production phonographique (CIPP) et le crédit d'impôt pour dépenses de production de spectacles vivants (CISV).

7. L'harmonisation des taux de la taxe sur les services de télévision - éditeurs (TST-E) et de la taxe sur la diffusion en vidéo physique (TSV) fait oeuvre utile en prenant en compte les nouveaux modes de diffusion d'oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles, tout en garantissant des revenus constants pour le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC). Elle doit cependant être suivie d'une réforme structurelle de la fiscalité affectée au CNC , qui distinguera mieux l'activité d'édition de contenus de la fourniture d'accès aux contenus audiovisuels.

8. Le soutien à la production cinématographique apparaît bien développé , au regard de la variété de mécanismes dont les acteurs de ce secteur disposent, qu'il s'agisse du CNC dès lors que ces ressources sont appelées à être maintenues à un haut niveau, des crédits d'impôts - 384 millions d'euros de dépense fiscale en 2020 -, des produits d'épargne (loi Pacte) ou du fonds d'investissement, doté d'environ 100 millions d'euros et appelé à être mis en place en 2020.

9. Le projet de loi de finances pour 2020 prévoit une baisse de 69,21 millions d'euros HT du concours financier à l'audiovisuel public par rapport à la loi de finances initiale pour 2019, soit une dotation de 3 711,2 millions d'euros HT (1,8 %).

10. La baisse de un euro de la contribution à l'audiovisuel public - qui devrait atteindre 3,79 milliards en 2020 - apparaît plus symbolique qu'efficace. Elle n'est pas associée à une réflexion quant à son utilisation et peut apparaître prématurée, avant l'examen du futur projet de loi sur l'audiovisuel, qui pourrait être l'occasion d'une réflexion sur son assiette.

11. La trajectoire d'économie imposée aux sociétés de l'audiovisuel public comme la future réforme de l'audiovisuel ne sont pas corrélées à une réflexion sur le périmètre du service public. Le présent projet loi de finances traduit cette logique de coup de rabot uniforme - -70 millions d'euros pour l'ensemble du secteur public - sans vision stratégique ni réformes structurelles, en particulier concernant France Télévisions. Les synergies attendues semblent déjà à l'oeuvre et la future holding pourrait s'avérer être une structure supplémentaire, sans réelle valeur ajoutée.

12. La réduction des moyens imposée aux sociétés d'audiovisuel public fragilise considérablement toute ambition en faveur de l'audiovisuel extérieur. Faute de sanctuarisation des moyens et de rapprochement effectif avec l'Agence française de développement, France Médias Monde ne peut rivaliser avec les stratégies déployées par les grandes puissances mais aussi par certains de nos partenaires européens.

L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, le rapporteur spécial avait reçu 98 % des réponses du ministère de la culture et de la communication à son questionnaire budgétaire.

PREMIÈRE PARTIE :
LA MISSION « MÉDIAS, LIVRE ET
INDUSTRIES CULTURELLES »

La mission « Médias, Livre et industries culturelles » du budget général concourt à la mise en oeuvre de l'action du ministère de la culture en faveur du développement et du pluralisme des médias, du secteur du livre et de la lecture, de l'industrie musicale et de la protection des oeuvres sur internet.

Elle est composée de deux programmes :

- le programme 180 « Presse et médias » vise à renforcer la vitalité, le pluralisme et le développement de la presse et des médias, notamment au niveau local1 ( * ). Le programme 180 représente 48 % des crédits de la mission ;

- le programme 334 « Livre et industries culturelles » est dédié à la diversité et au renouvellement de la création, quels que soient les secteurs (livre, musique, audiovisuel, cinéma et jeu vidéo), et l'élargissement de la diffusion des oeuvres. Si l'État n'a pas vocation à se substituer aux acteurs privés du secteur culturel, il agit néanmoins afin d'assurer certains équilibres, tant en matière de diversité que d'accès à l'offre. 52 % des crédits de la mission sont affectés au programme 334.

Près de 50 % des dépenses de la mission relèvent du titre 6 « dépenses d'intervention ».

Observation n° 1 : le montant global des crédits demandés dans le cadre du présent projet de loi de finances s'élève à 580,86 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 590,75 millions en crédits de paiement (CP). Ces chiffres traduisent une relative stabilité par rapport à la loi de finances pour 2019, l'écart entre les deux textes s'élevant à + 2,61 % en AE et à +1,95 % en CP.

Évolution des crédits de la mission « Médias, Livre et industries culturelles »
par programme

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

Une partie de cette progression relève d'une mesure de périmètre. La création du Centre national de la musique (CNM) au 1 er janvier 2020, qui sera rattaché au programme 334 se traduit par l'octroi d'une subvention pour charges de service public d'un montant de 7,50 millions d'euros. Le nouvel opérateur devrait également bénéficier de l'affectation de ressources historiquement dédiées au Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV), précédemment rattachées au programme 131 « Création » et estimées, dans le cadre du présent projet de loi de finances, à 0,495 million d'euros. Le CNM devrait ainsi percevoir 7,995 millions d'euros, majorant d'autant la dotation du programme 334.

Déduction faite de cette création, la progression des crédits de paiement de la mission entre 2019 et 2020 est ramenée à 0,57 %.

Évolution des crédits de la mission « Médias, Livre et industries culturelles »
à périmètre constant

(en euros)

LFI 2019

PLF 2020

Évolution

Programme 180 : Presse et médias

280 047 363

284 397 363

+1,55 %

Action 01 : Relations financières avec l'AFP

133 476 239

139 476 239

+4,50 %

Action 02 : Aides à la presse

112 574 325

110 924 325

-1,47 %

Action 05 : Soutien aux médias de proximité

1 581 660

1 581 660

-

Action 06 : Soutien à l'expression radiophonique locale

30 748 639

30 748 6390

-

Action 07 : Compagnie internationale de radio et de télévision

1 666 500

1 666 500

-

Programme 334 : Livres et industries culturelles

299 401 665

298 357 665

-0,35 %-

Action 01 : Livre et culture

283 995 614

283 304 250

-0,24 %

Action 02 : Industries culturelles

15 406 051

15 053 415

-2,29 %

Total

579 449 028

582 755 028

+0,57 %

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

Cette stabilité ne permet pas, cependant, à la mission de respecter la trajectoire retenue au sein de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour 2018-2022. L'écart entre le plafond prévu par la trajectoire pour 2020 et le montant prévu dans le projet de loi de finances s'élève à 42,8 millions d'euros à périmètre constant.

Trajectoire prévue pour la mission « Médias, livre et industries culturelles »
par l'article 15 de la loi de programmation des finances publiques pour 2018-2022 et évolution des crédits (à périmètre constant)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

Observation n° 2 : pour la deuxième année consécutive, le montant des crédits prévus en loi de finances dépasse le plafond retenu dans la trajectoire triennale adoptée dans la loi de programmation des finances publiques pour 2018-2022. À périmètre constant, l'écart entre le plafond retenu et le montant prévu des crédits atteint 42,8 millions d'euros, soit une différence de 7,9 % avec la cible retenue dans la loi.

I. LE PROGRAMME « PRESSE ET MÉDIAS » : UN SYSTÈME D'AIDES À REVOIR

Le montant des crédits du programme 180 « Presse et médias » demandé dans le cadre du présent projet de loi de finances, soit en légère hausse par rapport à celui accordé en loi de finances initiales pour 2019. Cette augmentation, à peine supérieure à celle du taux d'inflation en ce qui concerne les crédits de paiement, résulte de deux mouvements opposés : une majoration du soutien à l'Agence France Presse (+ 6 millions d'euros en crédits de paiement) et une poursuite de la baisse des aides à la presse (- 1,65 million d'euros).

Trois des cinq actions du programme (soutien aux médias de proximité, soutien à l'expression radiophonique locale, et compagnie internationale de radio et de télévision) devraient bénéficier en 2020 d'une dotation équivalente à celle adoptée pour l'exercice précédent. Constituées pour l'essentiel de dépenses de guichet, elles n'appellent pas de remarque particulière de la part de votre rapporteur spécial.

Évolution des crédits du programme 180 « Presse et médias » de 2019 à 2020

(en euros)

LFI 2019

PLF 2020

Variation 2020/2019 (%)

AE

CP

AE

CP

AE

CP

01 - Relations avec l'Agence France Presse

137 476 239

133 476 239

139 476 239

139 476 239

+1,45

+4,50

02 - Aides à la presse

112 574 325

112 574 325

110 924 325

110 924 325

-1,47

-1,47

05 - Soutien aux médias de proximité

1 581 660

1 581 660

1 581 660

1 581 660

-

-

06- Soutien à l'expression radiophonique locale

30 748 639

30 748 639

30 748 639

30 748 639

-

--

07 - Compagnie internationale de radio et télévision (CIRT)

1 666 500

1 666 500

1 666 500

1 666 500

-

-

180 - Presse et Médias

284 047 363

280 047 363

284 397 363

284 397 363

+0,12

+1,55

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données budgétaires

A. UNE NOUVELLE AIDE AU PLAN DE TRANSFORMATION DE L'AGENCE FRANCE PRESSE

Le soutien à l'Agence France Presse (AFP) constitue le premier poste de dépenses du programme 180. Le projet de loi de finances pour 2020 prévoit une majoration de 4,50 % des crédits de paiement, qui devraient ainsi atteindre 139,48 millions d'euros.

Cette dotation globale distingue le paiement des abonnements commerciaux de l'État, soit 21 655 380 euros, de la subvention accordée à l'Agence, au titre de la compensation de ses missions d'intérêt général (MIG) 2 ( * ) , soit 117,82 millions d'euros.

Les crédits prévus pour les MIG progresseraient de 6 millions d'euros entre 2019 et 2020. Cette somme se décompose de la façon suivante :

- 1,5 million d'euros au titre de la revalorisation de la dotation courante de l`AFP pour la compensation de sa mission d'intérêt général ;

- 4,5 millions d'euros destinés à contribuer au plan stratégique 2018-2022 de transformation de l'agence.

1. Le plan stratégique 2018-2022

Le plan stratégique 2018-2022 présenté le 12 juillet 2018, vise à répondre au déséquilibre structurel de l'Agence, fragilisée par une baisse de ses recettes commerciales de 3,8 % sur la période 2014-2017 alors même que ses dépenses de personnel (76 % des charges de l'AFP), ont progressé de 3,7 % sur la même période.

Ce plan repose sur plusieurs axes, au premier rang desquels figure le développement massif de la vidéo, afin de permettre à l'AFP de devenir une véritable alternative à Reuters ou Associated press (AP). L'ambition affichée est de porter le chiffre d'affaires de l'agence lié à la photo et à la vidéo à 50 % de son activité à l'horizon 2022, contre 39 % en 2018. Le plan mise sur une ressource supplémentaire de 30 millions d'euros pour l'Agence d'ici à 2023. La mise en oeuvre d'une plateforme compétitive de présentation et de livraison de ses contenus doit venir appuyer cette réorientation.

L'Agence entend, dans le même temps, développer son activité de vérification de l'information ( fact-checking ), 40 experts ayant été recrutés en avril 2019 pour couvrir une vingtaine de pays.

Cette nouvelle ambition commerciale est accompagnée d'une réduction des charges importante. La nouvelle orientation stratégique table en effet sur une réduction de la masse salariale de 14 millions d'euros d'ici à 2023, avec la suppression nette de 95 postes (23 journalistes et 72 personnels techniques et administratifs). 85 % des réductions d'effectifs portent sur les effectifs du siège parisien. Un plan de départs volontaires et les départs naturels en retraite devraient concourir à la satisfaction de cet objectif.

Le contrat d'objectifs et de moyens avec l'État en cours d'élaboration prévoit la mise en oeuvre de nouveaux indicateurs ainsi que des objectifs chiffrés : une progression de 23 millions d'euros du chiffre d'affaires généré par l'exploitation de l'image d'ici 2023 et une augmentation de 4,5 millions d'euros du chiffre d'affaire liée à la lutte contre la désinformation.

2. Une augmentation continue de la dotation de l'État et une situation encore fragile

La majoration de la subvention de l'État à l'Agence s'inscrit dans le cadre de son soutien à ce plan. L'apport de l'État a été établi à 17 millions d'euros sur les exercices 2019 et 2020, dont 6 millions d'euros au titre du présent projet de loi. Cette augmentation des crédits s'accompagne, en outre, d'une modification du calendrier de versement : la subvention est désormais versée en une fois, en début d'année.

Votre rapporteur spécial ne peut que saluer ce soutien aux objectifs du plan, qui doivent permettre de renforcer le poids de l'AFP à l'échelle internationale. Le développement de son expertise en matière de lutte contre les fausses informations répond naturellement à la mission d'intérêt général qui lui est assignée par la loi et s'inscrit dans un cadre récemment consolidé par le législateur 3 ( * ) . L'AFP, seule agence européenne disposant d'un réseau international extrêmement solide, doit, de surcroît, faire face à une concurrence multiple, qu'il s'agisse de ses rivales américaines ou des agences des pays émergents, russes ou chinoises principalement, des services d'information des GAFA ou des agences spécialisées. Le développement de nouveaux modes de consommation et l'appétence pour la presse gratuite fragilisent également son activité.

Ce soutien doit cependant être exigeant. L'augmentation de la subvention de l'État comme les écarts entre la prévision en loi de finances initiale et l'exécution sont une constante depuis 2015 et la signature du précédent contrat d'objectifs et de moyens. Le montant des crédits versés à l'AFP au titre de ses missions d'intérêt général a, ainsi progressé de 12 % entre 2015 et 2020.

Votre rapporteur spécial s'interroge également sur le suivi des procédures à l'étranger concernant le personnel local de l'AFP, qui, en demandant la requalification, de son statut, entraîne des dépenses supplémentaires pour l'agence.

Évolution des crédits accordés à l'AFP au titre de ses missions d'intérêt général (2015-2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

Sur la période 2016-2018, l'écart cumulé entre les crédits consommés et ceux accordés en loi de finances initiale s'élève, quant à lui, à 11,01 millions d'euros.

Écart entre les crédits prévus en loi de finances initiale et les crédits consommés de 2016 à 2018

(en euros)

Année

LFI

Exécution

Écart (en %)

2016

105 820 859

107 420 859

+ 1,5 %

2017

110 820 859

117 820 589

+ 6,3 %

2018

109 820 859

111 694 027

+ 2,2 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les rapports annuels de performance

Cette tendance à un soutien supplémentaire en cours d'année pourrait être confirmée à l'issue du présent exercice. Les premiers mois d'exécution du budget 2019 de l'Agence viennent, en effet, souligner que l'accroissement souhaité des produits d'exploitation ne s'accentue pas sur le début de l'année. Ainsi, fin juin 2019, les produits affichent un retard de 2,5 % (- 2,1 millions d'euros) par rapport à la prévision inscrite dans le budget et une baisse de 2,2 % (- 1,9 million d'euros) par rapport à 2018. Le retard concerne principalement la photo (- 3,1 %, 0,73 million d'euros) et la vidéo (- 12,8 %, soit -1,75 million d'euros), qui constituent la principale priorité du plan de transformation.

Dans ces conditions, et au-delà de la réduction des effectifs, il apparaît indispensable que des efforts soient mis en oeuvre en vue d'une diminution des charges hors personnels, en réformant la direction des ressources humaines et le pilotage de celle des achats. Des plans d'actions ont été adoptés à la suite du rapport de la Cour des comptes de mai 2018 sur la gestion 2014-2016 de l'Agence Ils doivent désormais être pleinement opérants. L'outil de gestion des temps et des activités (GTA) n'est, ainsi, toujours pas actif.

Dans le même temps, une réflexion sur la stratégie immobilière de l'Agence s'agissant de son siège parisien doit aboutir, en veillant à respecter au mieux les fonds versés par l'État. Le regroupement des équipes parisiennes sur le seul site de la Place de la Bourse pourrait générer, à terme, des économies de l'ordre de 2,5 millions d'euros, via notamment la fin du bail rue Vivienne. Reste que le préalable à celui-ci passe par des travaux dans le siège historique de l'agence estimés pour l'heure à 8 millions d'euros.

Observation n° 3 : le présent projet de loi de finances prévoit une majoration de la dotation accordée à l'Agence France Presse de 6 millions d'euros, afin d'accompagner la mise en oeuvre du plan stratégique 2018-2022, visant la réforme de son fonctionnement et le développement de son activité. Ce soutien doit être salué car il doit permettre de renforcer le poids de l'AFP à l'échelle internationale. Il doit néanmoins être exigeant et s'accompagner d'une réelle ambition s'agissant de la gestion des ressources humaines de l'AFP ou de sa stratégie immobilière. L'écart entre la loi de finances initiale et l'exécution en dépend.

B. DES AIDES À LA PRESSE À REVOIR ?

Les crédits demandés pour l'aide à la presse dans le cadre du présent projet loi de finances s'élèvent à 110,92 millions d'euros, soit une diminution de 1,47 % (1,65 million d'euros) par rapport à l'exercice 2018.

Les aides à la presse sont pour l'essentiel intégralement ciblées sur la presse d'information politique et générale (IPG). Trois types d'aides sont visées par l'action n° 2 du programme 180 : les aides à la diffusion, les aides au pluralisme et les aides à la modernisation du secteur. Votre rapporteur spécial tient à rappeler, avant toute analyse, que la place importante accordée à la presse d'information politique et générale ne doit pas occulter les besoins du reste de la presse, en particulier de la presse d'information professionnelle et spécialisée.

Répartition et évolution des aides directes à la presse écrite
entre 2016 et 2019

(en euros)

(AE = CP)

LFI 2017

LFI 2018

LFI 2019

PLF 2020

Action 2 « Aides à la presse »

125 839 207

119 430 676

113 478 901

110 924 325

Aides à la diffusion

51 308 083

45 741 273

40 887 903

39 387 903

Aide au portage de la presse

36 000 000

31 500 500

26 500 000

26 500 000

Exonérations charges patronales pour les porteurs

15 308 083

14 241 273

14 378 903

12 887 903

Aides au pluralisme

16 025 000

16 025 000

16 025 000

16 025 000

Aides aux quotidiens nationaux d'IPG à faibles ressources publicitaires**

13 155 000

13 155 000

13 155 000

13 155 000

Aides aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux d'IPG à faibles ressources de petites annonces

1 400 000

1 400 000

1 400 000

1 400 000

Aides à la presse régionale

1 470 000

1 470 000

1 470 000

1 470 000

Aides à la modernisation

58 506 124

57 664 403

56 565 998

55 511 422

Aides à la modernisation sociale

1 250 000

500 000

300 000

150 000

Aide à la distribution de la presse

18 850 000

18 850 000

27 850 000

27 850 000

Aide à la modernisation des diffuseurs

6 000 000

6 000 000

6 000 000

6 000 000

Fonds stratégique pour le développement de la presse

27 406 124

27 314 403

17 415 998

16 511 422

Fonds de soutien à l'émergence et à l'innovation dans la presse

5 000 000

5 000 000

5 000 000

5 000 000

Aides au transport postal (programme 134 « Développement des entreprises et régulations » »

119 000 000

111 500 000

103 800 000

103 800 000

Total des crédits budgétaires dédiés aux aides à la presse écrite

244 839 207

230 930 676

217 278 901

214 724 325

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

1. Une maquette budgétaire à redéfinir

Le programme 134 « Développement des entreprises et régulations » de la mission « Économie » vient compléter le programme 180 en rassemblant les aides au transport postal (103,8 millions d'euros prévus en AE et en CP dans le cadre du présent projet de loi de finances).

Votre rapporteur spécial rappelle que l'inscription des aides au transport postal de la presse au sein du programme 134 de la mission « Économie » ne permet pas de disposer d'une vision globale des aides au secteur. Il lui a néanmoins été indiqué, dans une réponse au questionnaire budgétaire, qu'une mission interministérielle devrait prochainement être lancée afin de proposer au Gouvernement différents scénarios d'évolution des tarifs postaux et du soutien public au transport postal de la presse à partir du 1 er janvier 2021. L'évolution de la maquette budgétaire concernant l'aide postale pourrait faire partie des sujets étudiés par la mission. Votre rapporteur spécial rappelle que la Cour des comptes avait, en février 2018, souligné la nécessité de produire un document budgétaire unique visant à évaluer l'ensemble des transferts réalisés au bénéfice de ce secteur.

2. Un dispositif à repenser ?

Deux dispositifs concentrent l'essentiel des crédits de l'action n° 2 « Aides à la presse » :

- l'aide au portage de la presse : 26,5 millions d'euros (sous-action 1 « aides à la diffusion »);

- l'aide à la modernisation de la distribution de la presse : 27,85 millions d'euros (sous-action 3 « aides à la modernisation »).

Le montant de l'aide au portage prévu dans le présent projet loi de finances ne connaît aucune modification par rapport au montant inscrit en loi de finances pour 2019. La baisse de 5 millions d'euros enregistrée entre 2018 et 2019 s'expliquerait, selon le Gouvernement, par une réduction du nombre de volumes portés. 115 titres ont été bénéficiaires de ce régime d'aide en 2018 (contre 112 en 2017). 13 réseaux de portage ont également bénéficié du volet « mutualisation des réseaux de portage » de ce dispositif, 9 étant rattachés à un groupe de presse et 4 étant indépendants.

Les crédits dévolus à la sous-action n°3-2 « Aide à la modernisation de la presse » sont divisés en deux sections. La première concentre l'essentiel des crédits : 27 millions d'euros. Elle correspond en effet à l'aide à la distribution de la presse quotidienne nationale d'information politique et générale (IPG) vendue au numéro en France mais se traduit dans les faits par un soutien à Presstalis , seule société de messagerie distribuant lesdits quotidiens sur tout le territoire français. Menacée d'une cessation de paiement, Presstalis a signé, avec l'État, un protocole de conciliation homologué par le Tribunal de commerce de Paris le 14 mars 2018. Aux termes de ce Plan, l'État s'est engagé, jusqu'en 2021, à rehausser l'aide à la distribution de 9 millions d'euros par an. Cette somme est obtenue via un redéploiement de crédits en provenance du Fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP).

Le projet de loi relatif à la modernisation de la distribution de la presse, adopté, après accord en commission mixte paritaire, le 26 septembre dernier, et désormais en attente de promulgation pose aujourd'hui clairement l'avenir d'un dispositif d'aide à un secteur en passe d'être rénové. Le texte prévoit en effet une réforme du statut des vendeurs-colporteurs de presse (VCP). Le périmètre des publications d'information politique et générale pouvant être, à titre principal, vendues par les VCP, limité jusqu'alors aux quotidiens et aux publications hebdomadaires régionales, sera élargi aux publications hebdomadaires nationales d'IPG. La future loi ouvrira, par ailleurs, dans un délai de trois ans à compter de sa publication, le secteur de la distribution à la concurrence.

Dans ces conditions, votre rapporteur spécial estime que deux des principaux postes budgétaires du programme 180 devront faire l'objet d'une évaluation à l'aune de ces nouvelles donnes, afin de vérifier leur efficience.

Il s'agira également, dans ce contexte, de revoir le rôle du fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP), dont un tiers des crédits ont été réorientés, depuis 2018, vers la survie de Presstalis . Il convient de rappeler que ce Fonds a été conçu lors de sa création en 2013 comme l'instrument central de la politique de l'État des projets innovants 4 ( * ) . Des avances à taux bonifiés pouvant aller jusqu'à 70 % pour les médias émergents sont ainsi mises en oeuvre dans ce cadre et doivent permettre au secteur de faire face à de nouveaux défis, à l'instar du kiosque numérique. Votre rapporteur spécial relève qu'au-delà de la ponction de 9 millions d'euros, les crédits accordés à ce dispositif tendent à être rabotés : baisse de 4,91 % à périmètre constant entre 2019 et 2018 et diminution annoncée de 5,19 % entre 2020 et 2018. Le Fonds devrait être doté en 2020 de 16,51 millions d'euros. Il fait ailleurs l'objet de mesures de gel budgétaire systématiques depuis 2012. Elles devraient concerner 27 % des crédits en 2019, ce qui fragilise un peu plus son efficacité.

La diminution de la dotation du FSDP n'est pas compensée par une montée en charge du Fonds de soutien à l'émergence et à l'innovation dans la presse (FSEIP) dont la dotation est maintenue à 5 millions d'euros depuis sa création en 2016 5 ( * ) .

Plus largement, votre rapporteur souhaite que soit rapidement présenté un texte de loi visant la presse écrite et en ligne. Ce texte constituerait l'occasion de réviser et d'actualiser les critères d'aides à la diversité dans la presse.

Observation n° 4 : l'adoption du projet de loi sur la distribution de la presse doit conduire à une réflexion sur le dispositif actuel d'aide à la presse (111 millions d'euros de crédits prévus en 2020). Son efficience doit, en effet, être évaluée à l'aune de la réforme du statut de vendeur-colporteur et de l'ouverture à la concurrence du secteur de la distribution, dans un contexte de baisse des crédits budgétaires. Une réorientation de l'intervention publique vers des projets innovants, au travers du Fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) et du Fonds de soutien à l'émergence et à l'innovation dans la presse (FSEIP) apparaît primordiale.

II. LE PROGRAMME « LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES » : UNE MAQUETTE À REVOIR ET DES ENGAGEMENTS À PRÉCISER

Les crédits du programme « Livre et industries culturelles » connaissent une augmentation de 9,89 millions d'euros. Cette majoration est en très large partie destinée à abonder le Centre national de la musique, dont le lancement est prévu le 1 er janvier 2020.

Évolution des crédits du programme 334 « Livre et industries culturelles »
de 2019 à 2020

(en euros)

LFI 2019

PLF 2020

Variation 2020/2019 (%)

AE

CP

AE

CP

AE

CP

01 - Livre et culture

266 605 397

273 414 033

283 995 614

283 304 250

+2,55

-0,24

02 - Industries culturelles

15 406 051

15 406 051

23 048 415

23 048 415

+49,61

+49,61

334 - Livre et industries culturelles

282 011 448

299 401 665

296 462 448

306 352 665

+5,12

+2,32

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données budgétaires

A. DES MOYENS DISPERSÉS EN FAVEUR DU LIVRE

1. Un financement principalement tourné vers les opérateurs

L'action 01 « Livre et culture » du programme 334 ne reflète qu'imparfaitement l'action de l'État en faveur du livre. Cette action, qui devrait être dotée en 2020 de 283,3 millions d'euros, est en effet principalement tournée vers le financement des dépenses de fonctionnement de trois opérateurs : la Bibliothèque nationale de France (BnF), la Bibliothèque publique d'information (Bpi) implantée au Centre national d'art et de culture Georges Pompidou et le Centre national du livre. Ces trois établissements concentrent, en effet, 86 % des crédits prévus en 2020.

Subventions pour charges de service public versées dans le cadre du programme 334 (prévision 2020)

(en euros)

Dépenses de fonctionnement

Dépenses d'investissement

Total

AE

CP

AE

CP

AE

CP

BnF

186 426 829

186 426 829

23 684 783

23 684 783

210 111 612

210 111 612

BpI

6 887 559

6 887 559

4 375 812

2 766 029

11 263 371

9 653 588

CNL

24 643 000

24 643 000

75 000

75 000

24 718 000

24 718 000

Total

217 957 388

217 957 388

28 315 595

26 525 812

246 092 983

244 483 200

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données budgétaires

a) Des crédits dévolus aux travaux

La notion de dépense d'investissement doit par ailleurs être relativisée, tant celle-ci couvre principalement les frais inhérents aux travaux de rénovation de la BnF et de la Bpi.

Le coût total des travaux de la BnF s'agissant du quadrilatère Richelieu est estimé à 240,9 millions d'euros, soit un dépassement de plus de 30 %, par rapport au montant initial arrêté en 2011. La participation du ministère de la culture s'élève à 198,2 millions d'euros, financée sur le programme 334 « Livres et industries culturelles » à hauteur de 163,7 millions d'euros (dont 8,5 millions d'euros financés sur crédits propres par la BnF grâce au mécénat) et sur le programme 175 « Patrimoines », à hauteur de 34,5 millions d'euros. Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche contribue à ce chantier à hauteur de 42,7 millions d'euros. Le présent projet de loi de finances prévoit une intervention de 14,5 millions d'euros au titre du programme 334 pour financer ces travaux en 2020.

Le site Richelieu ne saurait résumer la dépense d'investissement de la Bnf, confrontée à l'obsolescence des équipements du site François Mitterrand. Celle-ci devrait fortement majorer les dépenses d'investissement dans les années à venir. Plusieurs chantiers ont déjà débuté ou devraient débuter en 2020, pour un montant total de 54,1 millions d'euros. Il en va ainsi :

- du remplacement du système de sécurité incendie, estimé à 31 millions d'euros, les travaux devant s'étaler de 2020 à 2026 ;

- de la rénovation des équipements de la gestion technique centralisée et du système de gestion technique électrique, pour un montant de 5,4 millions d'euros étalé entre 2019 et 2025 ;

- de remplacement des 62 ascenseurs du socle, soit 1 million d'euros par an entre 2020 et 2026 ;

- du remplacement du système de contrôle d'accès et de la vidéo-protection, pour un coût estimé à 5,8 millions d'euros étalé de 2019 à 2022 ;

- du renouvellement décennal du transport automatique des collections et des documents, soit 5,9 millions d'euros étalés entre 2016 et 2027.

De nouveaux travaux sont également prévus à partir de 2022. Le coût global est évalué à 18 millions d'euros. Ils visent :

- l'amélioration de la performance énergétique des centrales de traitement d'air. Le coût de 1,3 million d'euros sera étalé entre 2022 et 2027 ;

- le remplacement des groupes froids de la production centralisée , soit 4 millions d'euros entre 2022 et 2025 ;

- les travaux de réfection des tours aéro-réfrigérantes du site, soit 3 millions d'euros en 2022 ;

- la rénovation des installations électriques de puissance pour un coût de 9,7 millions d'euros à financer à partir de 2023.

2020 sera également marquée par le début des travaux de rénovation partielle des espaces de lecture de la BpI. Le coût total du chantier est estimé à 14 millions d'euros La subvention d'investissement prévue pour 2020 est majorée en conséquence de 4 millions d'euros destinés à couvrir des surcoûts liés à la complexité du chantier. Cette somme sera couverte par des CP en 2021 et 2022.

b) Une réelle maîtrise des charges de personnel

Ces investissements lourds ne doivent pas occulter les efforts de maîtrise des dépenses réalisés par les trois opérateurs, notamment en matière de personnels.

La BnF voit ses ETPT passer de 2 177,4 à 2 171 entre 2018 et 2019, une baisse des emplois hors plafonds étant également observée entre les deux exercices (-8). Une diminution de 13 ETPT est également attendue en 2020. La subvention accordée à la BnF devrait cependant être majorée de 2,456 millions d'euros afin de prendre en compte le transfert, depuis le programme 224 des crédits dédiés au plan de rattrapage indemnitaire ministériel lié à la mise en place du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP), nouvel outil indemnitaire de référence qui remplace la plupart des primes et indemnités existantes dans la fonction publique de l'État (0,456 million d'euros). Une augmentation de la charge pour service public de 2 millions d'euros devrait également être mise en oeuvre afin d'accompagner la réouverture prévue en 2020 du site Richelieu, qui devrait affecter la masse salariale.

La Bpi réduit également à la marge le nombre d'ETPT qui passe de 21,1 à 20, 1 entre 2018 et 2019, un retour à 21,1 étant néanmoins attendu en 2020. Dans le même temps, le nombre d'emplois hors plafonds tend à croître passant de 5 en 2018 à 8 en 2020. De façon générale, les crédits prévus en 2020 sont maintenus au même niveau que ceux de 2019 (9,65 millions d'euros).

Les effectifs du CNL sont également relativement stables, le gain d'un ETPT étant attendu entre 2018 et 2020. La dotation prévue en 2020 est équivalente à celle octroyée en 2019 : 24,71 millions d'euros.

2. Soutien au livre ou à la lecture ?

Le rapport sur la situation des bibliothèques par MM. Erik Orsenna et Noël Corbin remis à la ministre chargée de la culture en février 2018 avait pour ambition de proposer des pistes pour la transformation des bibliothèques afin de garantir un accès plus large. Le « tour de France des bibliothèques » mené par les deux rapporteurs a souligné le dynamisme des collectivités territoriales en la matière et mis en avant un certain nombre d'expériences qui pourraient être généralisées :

- élargissement de leurs missions pour investir d'autres terrains, à l'instar de la formation, lutte contre la fracture numérique ou encore éducation artistique et culturelle ;

- développement de partenariats avec d'autres acteurs, intervenant dans le domaine culturel, social ou éducatif.

Le plan « Bibliothèques » s'inscrit dans cette optique et définit les bibliothèques comme des « maisons de service public culturel », particulièrement dans les zones prioritaires identifiées par le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) au titre des politiques de cohésion des territoires. Le dispositif est axé autour de deux thèmes :

- « ouvrir plus » visant spécifiquement l'extension des horaires d'accueil ;

- « offrir plus », portant sur l'élargissement des missions.

En dépit de l'objectif assigné au programme 334, « favoriser l'accès du public aux bibliothèques et le développement de la lecture », la gestion des crédits alloués à ce plan - 15 millions d'euros sur la période 2018-2020 - est partagée entre le programme 119 « concours particuliers aux collectivités territoriales et à leurs groupements », via la dotation générale de décentralisation (concours particulier des bibliothèques - DGD Bibliothèques) pour le volet « ouvrir plus » (8 millions d'euros) et le programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » pour le volet « offrir plus » (7 millions d'euros). Les crédits dédiés au développement de la lecture, considérés comme participant de l'éducation artistique, sont, en effet, depuis 2018 inscrits au programme 224. Les crédits dédiés aux contrats territoires lecture (CTL) ne sont ainsi plus inscrits au programme 334.

Le programme 334 voit donc ses missions recentrées sur l'industrie du livre plus que sur la lecture en tant que telle. Ainsi, sur les 17,5 millions de dépenses d'intervention dont elle dispose, hors soutien aux trois opérateurs cités plus haut, 11,6 millions sont dédiés à la sous-action 04 « Edition, librairie et profession du livre ». Ces crédits visent à participer au financement de la Centrale de l'édition, du Syndicat de la librairie française ou du Bureau international de l'édition française (9,4 millions d'euros au total) et au développement, dans les territoires, des librairies et des maisons d'édition (2,2 millions). In fine , votre rapporteur spécial s'interroge sur la permanence de 5,9 millions d'euros de crédits dédiés au développement de la lecture et des collections, appelés, notamment, à financer le soutien au développement et à la diffusion de l'offre et des pratiques de lecture dans les bibliothèques (1,8 millions d'euros de crédits déconcentrés) ou à la professionnalisation et à l'animation du réseau de bibliothèques (0,25 million d'euros), au risque de créer une impression de doublon avec le Plan bibliothèque. Une poursuite de la rationalisation de la maquette semble s'imposer.

Observation n° 5 : le programme 334 ne résume pas la politique de l'État en faveur du livre et se concentre principalement sur le fonctionnement de la Bibliothèque nationale de France (210 millions d'euros sur une dotation globale de 283 millions d'euros) Dans ces conditions, il paraît opportun de réfléchir à la maquette budgétaire et à une rationalisation des financements en faveur de la lecture au sein d'un même programme.

B. LA CRÉATION DU CENTRE NATIONAL DE LA MUSIQUE : UN ÉTABLISSEMENT SOUS-DOTÉ

1. Un nouvel outil de soutien au secteur

L'adoption, le 16 octobre 2019, après accord en commission mixte paritaire, de la proposition de loi relative à la création du Centre national de la musique devrait ouvrir la voie au lancement, le 1 er janvier 2020, de cet établissement public à caractère industriel commercial 6 ( * ) . L'ambition affichée est de faire de cette nouvelle structure l'équivalent, dans le domaine de la musique, du centre national du cinéma et de l'image animée. Ce projet de « maison commune de la musique » avait été une première fois envisagé en 2011. Le ministère de la culture a relancé l'idée en juin 2017, en commandant un rapport sur le sujet 7 ( * ) puis en confiant à deux députés une mission de préfiguration en novembre 2018 8 ( * ) . La proposition de loi découle de celle-ci.

Le Centre national de la musique (CNM) devrait être chargé de quatre missions :

- l'observation de la filière musicale ;

- l'information, la formation, le conseil et l'accompagnement des professionnels ;

- le soutien économique aux acteurs ;

- le développement international.

Le nouvel établissement devrait fusionner plusieurs structures :

- le centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV) ;

- le club action des labels et disquaires indépendants (CALIF) ;

- le centre d'informations et de ressources pour les musiques actuelles (IRMA) ;

- le fonds pour la création musicale ;

- le bureau export de la musique.

Le Président du CMN devrait pouvoir délivrer, au nom du ministre de la culture, les agréments fiscaux des crédits d'impôt pour la production d'oeuvres phonographiques (CIPP) et pour les dépenses de production de spectacle vivant (CISV) atteignant environ 30 millions d'euros par an.

2. Des sources de financement variées

Le CNM disposera de plusieurs sources de financement. Il percevrait ainsi le produit de la taxe sur les spectacles de variétés actuellement versée au CNV (42,5 millions d'euros attendus en 2020).

Les crédits budgétaires dédiés à l'IRMA, au fonds pour la création musicale (FCM), au club action des labels et disquaires indépendants (CALIF) ou au Bureau export de la musique viendront également abonder son budget.

Enfin, les organismes de gestion collective pourront affecter au CNM les contributions actuellement destinées à l'action culturelle et sociale.

Ces sommes seront complétées par une subvention du ministère chargé de la culture. Le présent projet de loi de finances prévoit ainsi une dotation de 7,5 millions d'euros, via le programme 334. Les ressources affectées au CNV dans le programme 131 « Création » de la mission « Culture », évaluées à 0,495 million d'euros viendront compléter cette dotation.

3. Une subvention insuffisante ?

À périmètre constant, le financement complémentaire apporté par l'État à cette nouvelle structure s'élève donc à 7,5 millions d'euros. Cette somme reste cependant en deçà des orientations du rapport de la mission de préfiguration Ce document insistait sur un financement complémentaire de l'État de 20 millions d'euros. Reste à définir plus précisément si l'enveloppe accordée dans le cadre du présent projet de loi de finances ne constitue qu'un financement de transition, alors même que le CNM ne devrait atteindre son périmètre réel qu'en cours d'année et si les prochains exercices devraient être marqués par une montée en puissance de la subvention de l'État, comme indiqué par le Gouvernement à l'occasion de l'examen de la mission à l'Assemblée nationale.

Compte-tenu de la faiblesse des ressources du CNM et des moyens dont il dispose pour soutenir le secteur, il apparaît indispensable de pérenniser les deux crédits d'impôt.

Votre rapporteur spécial rappelle que le crédit d'impôt pour les dépenses de production phonographique (CIPP) dont l'impact fiscal était estimé à 11 millions d'euros en 2018, a été prorogé en loi de finances pour 2019 jusqu'en 2022. Le dispositif pourrait être repensé en vue de favoriser les TPE, potentiellement exclues par le critère dit de francophonie qui oblige une maison d'édition à produire 50 % d'albums francophones pour pouvoir être éligible au CIPP. Il convient, plus largement, de valoriser un dispositif qui ne semble pas confisqué par les grosses entreprises du secteur puisque 50 % du montant du crédit d'impôt concerne les petites maisons de production. Il s'agit d'une dépense fiscale dynamique : le nombre de bénéficiaires a ainsi été multiplié par 10 entre 2007 et 2015.

Le crédit d'impôt pour dépenses de production de spectacles vivants (CISV) a également fait l'objet d'une modification de son périmètre dans la loi de finances pour 2019, à l'initiative de l'Assemblée nationale 9 ( * ) . La dépense fiscale afférente au CISV était estimée à 15 millions d'euros en 2018. Le bénéfice de ce crédit d'impôt est désormais limité aux spectacles musicaux, qui doivent comprendre quatre représentations au minimum dans au moins trois lieux différents, le dispositif mettant en place un seuil d'affluence à partir duquel les artistes ne sont plus éligibles à ce dispositif. Cette modification était destinée à concentrer la dépense fiscale.

Plus largement, votre rapporteur spécial s'interroge sur les retards pris pour le lancement du CNM. Le décret l'instituant n'a toujours pas été adopté. Le rattachement prévu d'autres structures n'est pas encore traduit au plan budgétaire. Ainsi, si le présent projet de loi de finances prévoit l'affectation d'une partie des ressources autrefois affectées au CNV au futur CNM (0,895 million d'euros étaient prévus en LFI 2019 pour le CNV, dont 0,4 au titre d'un programme d'aide à la résidence d'artistes), rien n'est indiqué s'agissant des crédits accordés anciennement par le programme 131 « Création » à l'IRMA, au fonds pour la création musicale (FCM) ou au Bureau export de la musique (également financé par le programme 185 « Diplomatie culturelle et influence »), ces structures étant censées rejoindre le CNM. Les subventions accordées à ces différents organismes atteignent un montant équivalent à 4,25 millions d'euros par an. Elles sont pour l'heure intégrées aux crédits centraux de la sous-action 1 « Soutien dans le domaine de la musique enregistrée ».

Subventions de l'État aux organismes appelés à intégrer le CNM (hors CNV)

(en millions d'euros)

Organisme

Montant du financement public

Bureau export de la musique

- Dont Programme 131

- Dont Programme 185

3

- 2,8

-0,2

IRMA

0,8

FCM

0,2

CALIF

0,25

Total

4,25

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires et les rapports de préfiguration du CNM

Observation n° 6 : le financement complémentaire apporté par l'État au Centre national de la musique (CNM), soit 7,5 millions d'euros, est en deçà des orientations du rapport de la mission de préfiguration, qui insistait sur une dotation de 20 millions d'euros. Compte-tenu de la faiblesse des ressources du CNM et des moyens dont il dispose pour soutenir le secteur, il apparaît indispensable de conserver, à moyen terme, le crédit d'impôt pour les dépenses de production phonographique (CIPP) et le crédit d'impôt pour dépenses de production de spectacles vivants (CISV).

III. UNE RÉFORME DU FINANCEMENT DU CENTRE NATIONAL DU CINÉMA EN DEUX TEMPS

Le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) est chargé d'une triple mission :

- économique, au travers du soutien à une industrie soumise à une très forte concurrence. L'industrie cinématographique représente 0,9 % du PIB et 1 % de l'emploi total en France ;

- culturelle, via la valorisation de la diversité et de l'originalité de la création française ;

- stratégique et réglementaire, par l'intermédiaire d'une participation directe à la définition de la politique de l'État pour ce secteur et à l'élaboration des textes de nature législative ou réglementaire visant ce secteur.

Établissement public administratif placé sous la tutelle du ministère chargé de la culture, le CNC ne bénéficie d'aucun crédit budgétaire. Son budget annuel, 675,5 millions d'euros prévus en 2020, est abondé par trois taxes affectées.

- la taxe sur les services de télévision due par les éditeurs (TST-E) et par les distributeurs de services de télévisions (TST-D) ;

- la taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels (TSV) ;

- la taxe sur les entrées en salle de cinéma (TSA).

Décomposition des recettes du CNC en 2018

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

A. LE PROJET DE LOI DE FINANCES PRÉVOIT UNE HARMONISATION DES TAUX DE TST ET DE TSV

1. Les deux volets de la taxe sur les services de télévision

Prévues aux articles L. 115-6 et suivants du code du cinéma et de l'image animée (CCIA), la TST-E et la TST-D sont dues par les éditeurs et les distributeurs de service de télévision, établis en France. Ces taxes sont directement recouvrées par le CNC.

La TST-E est assise sur les recettes issues des messages publicitaires et de parrainage, celles issues des SMS et appels surtaxés ainsi que sur la contribution à l'audiovisuel public (CAP) et toute autre ressource publique. Son taux est fixé à 5,65 % après application d'un abattement de 11 millions d'euros sur les recettes publicitaires et la contribution à l'audiovisuel public. Les chaînes ne diffusant pas de messages publicitaires bénéficient, quant à elles, d'un abattement de 16 millions d'euros.

L'assiette de la TST-E a été consolidée par la loi de finances rectificative pour 2017 10 ( * ) , afin de tenir compte de la décision du Conseil constitutionnel du 27 octobre 2017 qui l'avait jugée inconstitutionnelle 11 ( * ) . L'assiette de la taxe incluait en effet des sommes dont les éditeurs de service de télévision ne pouvaient pas disposer, en l'espèce les montants versés aux régisseurs de messages publicitaires ou de parrainage. Le produit de la TST-E recouvré par le CNC s'est élevé à 296,8 millions d'euros en 2018.

La TST-D est assise sur le produit des abonnements à un ou plusieurs services de télévision ou à une offre comprenant un accès à un réseau de communications électroniques permettant de recevoir des services de télévision. Dans le premier cas, est appliqué un abattement de 10 %, dans le second cas, un abattement de 66 %. Un barème composé de quatre tranches est ensuite appliqué pour le calcul de la taxe, après un nouvel abattement de 10 millions d'euros. Le produit de la TST-D s'est élevé à 203,2 millions d'euros en 2018.

2. Une taxe sur la diffusion de vidéo physique et en ligne modernisée

La TSV, prévue à l'article 1609 sexdecies B du code général des impôts, est due par tout opérateur, quel que soit son lieu d'établissement, en France ou à l'étranger, dès lors qu'il propose un service en France. Elle est recouvrée par la direction générale des finances publiques (DGFIP), avant reversement au CNC.

Elle est assise sur :

- le prix payé par les utilisateurs pour l'achat ou la location -physiques ou en ligne - d'oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles ;

- les sommes versées par les annonceurs et les parrains pour la diffusion de leurs messages publicitaires sur un service donnant ou permettant l'accès, à titre gratuit, à des contenus audiovisuels.

Si les services proposent des contenus audiovisuels créés par des utilisateurs prouvés à des fins de partage au sein de communauté d'intérêts, un abattement de 66 % est appliqué.

Le taux de la taxe est de 2 % et s'élève à 10 % si les contenus visés sont de nature pornographique ou incitent à la violence.

La TSV a connu de nombreuses modifications ces dernières années, afin d'en étendre son assiette et juguler ainsi son érosion induite par la diminution importante des ventes de vidéos physiques. La loi de finances rectificatives pour 2013 a ainsi intégré les plateformes de vidéos payantes installées à l'étranger grâce à leurs abonnés (taxe dite Netflix ) 12 ( * ) . La loi de finances rectificative pour 2016 a, quant à elle, visé les plateformes composées majoritairement de vidéos gratuites (taxe dite Youtube ) 13 ( * ) . Le nouveau dispositif est entrée en vigueur le 1 er janvier 2018 14 ( * ) , le Gouvernement attendant la confirmation par la Commission européenne de la conformité de ces taxes au droit de l'Union européenne. Celle-ci est intervenue le 18 juillet 2017. La Cour de justice de l'Union européenne a par ailleurs estimé, le 20 septembre 2018, que les taxes affectées au CNC ne relevaient pas d'un régime d'aide d'État au sens de l'article 107 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.

Le produit de la TSV s'est élevé à 25,7 millions d'euros en 2018, soit 58,7 % de plus qu'en 2017. Le rendement des taxes Netflix et Youtube est estimé à environ 10 millions d'euros. Le CNC table sur un produit de 29,2 millions d'euros en 2019.

3. Un rééquilibrage des taux en faveur d'une certaine équité

L'article 62 du présent projet de loi de finances prévoit une harmonisation du taux des deux taxes affectées. Un taux commun de 5,15 % serait appliqué pour la taxe sur les services de télévision - éditeurs (TST-E) et pour la taxe sur la diffusion en vidéo physique (TSV). S'agissant des oeuvres à caractère pornographique ou incitant à la violence, le taux de la TSV serait porté à 15 %.

Cette unicité de taux met fin à l'écart de taxation observée entre les opérateurs historiques et les nouveaux acteurs, principalement les plateformes de vidéos à la demande. Il répond ainsi à un défaut d'équité entre les différents acteurs, constituant une réelle distorsion de concurrence.

Le taux le plus élevé s'appliquait, par ailleurs, aux marchés les moins dynamiques, en particulier la télévision hertzienne, et le taux le plus faible à un marché en plein développement.

Au-delà de ce rapprochement des taux, le dispositif tient compte de la situation particulière de certains redevables.

La TST-D serait, ainsi, diminuée pour les éditeurs de services de télévision qui s'auto-distribuent, à l'instar de Canal +. Le Gouvernement souhaite ainsi prendre en compte les contraintes liées à la gestion d'un parc de clients abonnés à un service disponible sur l'ensemble des réseaux de diffusion. Le taux majoré serait ainsi ramené de 7,25 % à 6,8 %.

Par ailleurs, l'assiette déclarée par France Télévisions au titre de la CAP fait l'objet d'un abattement de 8 %, afin de tenir compte des contraintes de service public auxquelles elle est soumise. L'abattement visant les chaînes ne diffusant pas de message publicitaire serait, quant à lui, porté de 16 à 30 millions d'euros.

Enfin l'augmentation de la TSV serait compensée pour les vendeurs et les loueurs de vidéos physiques par un abattement de 65 % sur la base d'imposition de ces opérateurs.

S'agissant de l'impact économique du dispositif, le niveau du taux unique a été déterminé afin de garantir un niveau de recettes pour le CNC, comparable à celui de l'exercice 2018-2019, soit 675 millions d'euros. Le montant de la TST-E attendu pour 2020 devait ainsi d'élever à 293 millions d'euros alors que celui de la TSV était estimé 30,5 millions d'euros. Le nouveau dispositif devrait permettre de ramener la TST-E à 260,8 millions d'euros en 2020, la TSV atteignant 66 millions d'euros.

Évolution de la TST-E et de la TSV avant et après le rééquilibrage des taux

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le document stratégique de performance du CNC 2018-2020

Votre rapporteur spécial avait estimé à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2019 que les taxes Netflix et Youtube constituaient une première étape en vue d'un rééquilibrage du financement du CNC au profit des opérateurs historiques. Il avait insisté pour que cet effort soit poursuivi tant l'écart entre les montants perçus par le CNC via la TST-E d'une part et la TSV, d'autre part, était important. L'unicité de taux proposée aujourd'hui va donc dans le bon sens, en prenant en compte les nouveaux modes de diffusion d'oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles, tout en garantissant un niveau de revenu relativement constant pour le CNC.

Trajectoire prévisionnelle du produit des taxes affectées au CNC 2018-2023
(après réforme)

(en millions d'euros)

Exécution 2018

Prévision 2019

Prévision 2020

Prévision 2021

Prévision 2022

Prévision 2023

TSA

146

151,2

146,7

148,2

149,7

150,4

TST

-TST-E

- TST D

500

296,8

203,2

494,4

298,7

195,7

462,7

260,8

201,9

448

254,1

193,9

442

252

190

441.5

253,5

188,1

TSV

25,7

29,2

66

72,6

74,9

76,3

Recettes diverses

3

0,1

0,1

0,1

0,1

0,1

Total

674,8

674,8

675,5

668,9

666,8

668,2

Source : commission des finances du Sénat, d'après le document stratégique de performance du CNC 2018-2020

4. Une réforme à compléter à l'occasion du projet de loi de finances pour 2021

L'harmonisation des taux ne saurait cependant garantir, à court terme, le niveau de recettes de 675 millions d'euros. Le CNC table en effet, au regard des perspectives économiques du secteur, sur une diminution du produit des taxes dès 2021. Une perte de recettes de 6 millions d'euros est envisagée à cette date, suivie d'une nouvelle chute de 2 millions d'euros en 2022.

Cette diminution du montant des ressources du CNC serait principalement imputable à une évolution à la baisse du produit de la TST. Celui-ci serait, en effet, affecté par le recul de la contribution à l'audiovisuel public versée aux chaines du groupe France Télévisions mais aussi par un éventuel impact pour Canal + de la perte des droits de diffusion du championnat de France de football.

L'harmonisation des taux ne doit donc être envisagée que comme un préalable à une réforme structurelle de la fiscalité affectée au CNC. Celle-ci devra distinguer l'activité d'édition de contenus (linéaire ou non, gratuite ou payante, française ou produite depuis l'étranger) de la fourniture d'accès aux contenus audiovisuels.

Dans le cadre d'une vaste refonte, le Gouvernement et le CNC travaillent sur l'élaboration de deux taxes :

- une taxe dite « édition », qui rassemblerait les éditeurs de service de télévision, les plateformes et les distributeurs de vidéos physiques ;

- une taxe dite « accès », à laquelle seraient soumis les fournisseurs d'accès aux contenus audiovisuels.

Le CNC table sur une présentation de ce nouveau dispositif dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021.

Observation n° 7 : l'harmonisation des taux de la taxe sur les services de télévision - éditeurs (TST-E) et de la taxe sur la diffusion en vidéo physique (TSV) fait oeuvre utile en prenant en compte les nouveaux modes de diffusion d'oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles, tout en garantissant des revenus constants pour le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC). Elle doit cependant être suivie d'une réforme structurelle de la fiscalité affectée au CNC, qui distinguera mieux l'activité d'édition de contenus de la fourniture d'accès aux contenus audiovisuels.

5. Une diminution des dépenses du fonds de soutien en 2020

Les dépenses de soutien du CNC devraient diminuer de 7,2 % en 2020 et être ainsi ramenées à 673 millions d'euros. Une baisse de 1 % devrait également être enregistrée en 2019.

Évolution des dépenses du fonds de soutien du
Centre national du cinéma et de l'image animée de 2018 à 2020

(en millions d'euros)

Exécution 2018

Pr évision2019

Prévision2020

Évolution 2020 / 2019

Action 1 - Production et création cinématographiques

135,4

137,8

126,2

-11,6

-8,4%

Action 2 - Production et création audiovisuelles

290,8

277,9

260,6

-17.3

-6,2%

Action 3 - Industries techniques et innovation (soutiens sélectifs)

24,2

23,9

23,9

-

-

Action 4 - Distribution, diffusion et promotion

228

230,1

211,8

-18,3

-7,9%

Action 4 bis - Plan numérique

11,6

10,3

7,9

-2,4

-23,3 %

Action 5 - Autres soutiens aux industries cinématographiques et audiovisuelles

42

42,4

42.4

-

-

Total des dépenses du fonds de soutien

731,9

725,2

673

-52,2

-7,2 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après le document stratégique de performance du CNC 2018-2020

Il convient de rappeler, à ce stade, que les réserves dont pouvait disposer le CNC au début des années 2010 ont été entièrement mobilisées pour accompagner la numérisation des salles de cinéma et des oeuvres cinématographiques, un transfert d'une partie des réserves pour un montant total de 372 millions d'euros étant parallèlement opéré.

B. DES MÉCANISMES DE SOUTIEN COMPLÉMENTAIRES : CRÉDITS D'IMPÔT ET FONDS D'INVESTISSEMENT

1. Des crédits d'impôts dynamiques

L'action du CNC est appuyée, au niveau fiscal, par cinq crédits d'impôts au rendement dynamique. Ces dispositifs ont permis de réduire le phénomène de délocalisation des tournages - 14 % en 2018 contre 27 % en 2015 - et auraient permis, d'après le CNC, la création de 15 000 emplois. Le montant total de la dépense fiscale est évalué à 388,2 millions d'euros pour 2019, soit un montant légèrement inférieur par à rapport à 2018 (-1,7 %). Cette diminution relative ne saurait occulter une réelle dynamique, comme en témoigne la progression constatée entre 2017 et 2018 : + 18 %.

Le CNC assure la gestion de quatre d'entre eux : les crédits d'impôts « cinéma », « audiovisuel », « international » et « jeux vidéo ».

Le crédit d'impôt « cinéma »(CIC) 15 ( * ) , mis en place depuis le 1 er janvier 2004, prévoit une déduction fiscale représentant de 20 à 30 % du montant total des dépenses éligibles, dans la limite de 30 millions d'euros par film. 170 films (161 en 2017) ont été éligibles à ce dispositif en 2018, la dépense fiscale étant évaluée à 121 millions d'euros.

Le crédit d'impôt « audiovisuel »(CIA) 16 ( * ) , entré en vigueur le 1 er janvier 2005, prévoit un crédit d'impôt équivalent à 25 % du montant total des dépenses éligibles pour les oeuvres de fiction et d'animation et à 20 % pour les oeuvres documentaires. 627 oeuvres ont bénéficié de ce dispositif en 2018 (584 en 2017), la dépense fiscale étant estimée à 139 millions d'euros.

Le crédit d'impôt « international » (C2I) 17 ( * ) est dédié aux oeuvres étrangères tournées en France depuis 2009. Il prévoit une déduction fiscale de l'ordre de 30 % des dépenses éligibles. Initialement appelé à s'éteindre fin 2016, le dispositif a été prorogé jusqu'au 31 décembre 2022 après accord de la Commission européenne. La dépense fiscale est estimée à 56 millions d'euros en 2019.

Créé en 2009, le crédit d'impôt « jeux vidéo » 18 ( * ) , vise les dépenses afférentes à la création de ce type de programme. Le crédit d'impôt est égal à 30 % des dépenses éligibles, dans la limite de 6 millions d'euros par exercice et par entreprise. Le montant de la dépense fiscale est évalué à 42 millions d'euros, 40 dossiers ayant été instruits en 2017 (contre 34 l'année précédente).

Plus ancien, le dispositif des sociétés d'investissements qui collectent des fonds auprès des particuliers pour les investir dans la production cinématographique et audiovisuelle (SOFICA) 19 ( * ) , mis en place en 1985, a permis de participer au financement de 123 films et 33 oeuvres audiovisuelles en 2018. 96,7 % de ces investissements visent des productions indépendantes. Trois taux de déduction fiscale (30 %, 36 % et 48 %) s'appliquent aux montants collectés par les SOFICA. La dépense fiscale est évaluée à 30,2 millions d'euros pour 2019.

Dépense fiscale en faveur du cinéma 2017-2020

(en millions d'euros)

2017

2018

Prévision 2019

Prévision 2020

SOFICA

22,4

30,3

30,2

30,3

Crédit d'impôt « cinéma »

121

142,5

121

115

Crédit d'impôt « audiovisuel »

125,9

131

139

140

Crédit d'impôt « international »

13

24

42

51

Crédit d'impôt « jeux vidéo »

41,2

67

56

48

Total

323,5

394,8

388,2

384,3

Source : commission des finances, d'après le document stratégique de performance du CNC 2018-2020

2. La mise en place de nouveaux dispositifs en faveur d'une mutation de l'écosystème du cinéma

Le président de la République a, par ailleurs annoncé en mai dernier, le lancement, en 2020, d'un fonds de capital-investissement dédié aux secteurs des industries culturelles, doté de 225 millions d'euros via des interventions de la Banque publique d'investissement (Bpi) et de l'Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles (IFCIC). Le principe est repris dans le projet loi de finances. 80 à 100 millions d'euros pourraient être spécifiquement dédiés au secteur du cinéma. Cette annonce répond aux orientations du rapport sur le financement privé de la création et de la distribution cinématographiques remis le 13 mai dernier au Gouvernement par le président du CNC, Dominique Boutonnat. Ce document insiste sur la nécessaire mutation de l'écosystème du cinéma et de la production audiovisuelle dans un délai de 3 à 5 ans.

L'ambition affichée est de promouvoir le développement en fonds propres des acteurs historiques du cinéma français, tout en favorisant des modèles innovants (25 millions d'euros leur seraient ainsi attribués sous la forme de prêts de l'IFCIC). La Bpi serait amenée à mettre en place une logique proche de celle d'un incubateur de start-ups (capital-développement, capital amorçage). Il s'agit de rompre avec une logique reposant essentiellement sur les oeuvres et de transformer un tissu de petites sociétés de production fragiles en une filière de PME dynamiques, disposant de quelques champions à l'international.

La loi Pacte peut également offrir de nouvelles pistes pour le financement du cinéma : les fonds professionnels de capital investissement pourront ainsi proposer un produit d'investissement dans la production cinématographique ou audiovisuelle.

Observation n° 8 : le soutien à la production cinématographique apparaît bien développé, au regard de la variété de mécanismes dont les acteurs de ce secteur disposent, qu'il s'agisse du CNC dès lors que ces ressources sont appelées à être maintenues à un haut niveau, des crédits d'impôts - 384 millions d'euros de dépense fiscale en 2020 -, des produits d'épargne (loi Pacte) ou du fonds d'investissement, doté d'environ 100 millions d'euros et appelé à être mis en place en 2020.

DEUXIÈME PARTIE :
LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS
« AVANCES À L'AUDIOVISUEL PUBLIC »

I. UN BUDGET CONFORME À LA TRAJECTOIRE D'ÉCONOMIE FIXÉE EN 2018

A. UNE BAISSE SENSIBLE DES CRÉDITS ACCORDÉS

Le projet de loi de finances pour 2020 constitue la deuxième étape de la trajectoire, élaborée en juillet 2018, de réduction de la dotation accordée aux sociétés de l'audiovisuel public, à hauteur de 190 millions d'euros d'économies entre 2018 et 2022, soit 187,9 millions d'euros HT. Cette réforme permet par ailleurs de faire contribuer l'audiovisuel public au redressement des finances publiques et à l'allègement de la pression fiscale. La dotation totale pour ce secteur a diminué de 1 % entre 2017 et 2018, soit une baisse de 36,8 millions d'euros HT, et de 0,9 % entre 2018 et 2019, soit une baisse de 36 millions d'euros.

Il convient de rappeler qu'à cette diminution s'ajoute une obligation d'investissement dans le numérique formulée par le Gouvernement. 100 à 150 millions d'euros doivent être ainsi dégagés d'ici 2022, ce qui porte l'effort de réduction des coûts entre 260 et 310 millions d'euros. La loi de finances pour 2019 a, par ailleurs, prévu la suppression de la part affectée à France télévisions de la taxe sur les opérateurs de communication électronique (TOCE), soit une diminution de ses ressources de 85,5 millions d'euros par rapport à 2018.

Pour l'année 2020, le niveau de dotation alloué au secteur tient compte, au-delà de cette trajectoire, de la réforme des taxes affectées au CNC (cf supra.). L'Assemblée nationale a adopté les crédits de la mission avec modifications.

Observation n° 9 : le projet de loi de finances pour 2020 prévoit une baisse de 69,21 millions d'euros HT du concours financier à l'audiovisuel public par rapport à la loi de finances initiale pour 2019, soit une dotation de 3 711,2 millions d'euros HT (1,8 %).

Évolution de la répartition des crédits du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » de 2017 à 2020

(en millions d'euros HT)

LFI 2017

LFI 2018

LFI 2019

PLF 2020

Évolution 2019/2020

en millions d'euros

en %

841 - France Télévisions

2 547,7

2 516,9

2 490,8

2 430,8

-60

-2,5

842 - ARTE

274,3

279,5

277,5

275,3

-2,2

-0,8 %

843 - Radio France

612,3

596,3

592,3

587,3

-5

-0,9 %

844 - France Médias Monde

251,5

257,8

256,2

255,2

-1

-0,4 %

845 - Institut national de l'audiovisuel

89

88,6

87,4

86,4

-1

-1,2%

847 - TV5 Monde

78,4

77,4

76,2

76,2

-

-

Total Avances à l'audiovisuel public

3 853,1

3 816,3

3 780,2

3 711,2

-69,2

-1,8 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

B. UNE RÉDUCTION DE LA CONTRIBUTION A L'AUDIOVISUEL PUBLIC AU SERVICE DE CETTE TRAJECTOIRE

La diminution de la CAP s'inscrit dans le cadre de la trajectoire d'économies. Le rendement de la redevance aurait, en effet, été supérieur au besoin de financement défini.

1. Une diminution limitée à 1 euro

L'article 31 du présent projet de loi de finances propose de ne pas retenir le taux d'inflation dans le calcul de la contribution à l'audiovisuel public (CAP) et de diminuer de 1 euro le montant de celle-ci. Le montant de la redevance devrait donc s'établir à 138 euros en métropole et 88 euros en outre-mer.

Afin de tenir compte de cette diminution de ressources, l'article prévoit également une baisse des plafonds de dégrèvements des sociétés audiovisuelles publiques prévus par la loi de finances pour 2006. La prise en charge des dégrèvements de redevance audiovisuelle par le budget de l'État passe ainsi de 552 millions d'euros en 2019 à 542,1 millions d'euros en 2020. Le montant prévisionnel d'encaissements nets de CAP est ramené, quant à lui, de 3 307,6 millions d'euros prévus en 2019 à 3 246,9 millions d'euros en 2020, soit une baisse de 53,7 millions d'euros.

Ces montants prennent également acte de l'évolution du nombre de foyers assujettis : + 0,17 % (soit 48 000 foyers) en 2020 (contre + 0,52 % en 2019). Ils intègrent également une progression de 1,6 % des versements des professionnels, qui atteindraient 132,8 millions d'euros. La direction du budget estime que la baisse d'un euro équivaut à une diminution des ressources d'environ 25 millions d'euros. À cette baisse estimée, il convient d'ajouter un effet assiette. Celui-ci n'inclut pas uniquement la progression de l'assiette d'une année sur l'autre mais aussi d'autres éléments : volume de dégrèvements, taux de recouvrement, frais de gestion et de trésorerie ou montant de CAP perçue sur les professionnels. La direction générale du budget estime que l'effet assiette sera également négatif, une diminution des recettes de 29 millions d'euros par rapport à 2019 étant attendue. Celle-ci serait imputable à une forte baisse de la perception de la CAP au titre des années passées.

Au regard de ces éléments, le montant de la CAP, versée sur le compte de concours financiers AAP devrait être diminué de 70,6 millions d'euros par rapport à ce qui était prévu en loi de finances initiale pour 2019.

2. Une recette dynamique en 2019

En 2019, il avait déjà été dérogé à la règle d'indexation automatique sur l'inflation pour maintenir les montants de la CAP au niveau de 2018. Les montants de la CAP n'avaient alors pas augmenté pour la première fois depuis dix ans. Les encaissements nets de redevances devraient cependant progresser d'environ 81,5 millions d'euros par rapport à l'exécution 2018, en raison de l'augmentation du nombre de foyers assujettis par rapport à la prévision 2018. L'effet taux est nul.

Le montant de la CAP n'a, par ailleurs, pas diminué depuis 2005.

27,68 millions de foyers fiscaux étaient assujettis à la contribution à l'audiovisuel public en 2018. 3,25 milliards d'euros ont ainsi été encaissés, le montant des dégrèvements compensés par l'État s'élevant de son côté à 589,9 millions d'euros. Au final le montant versé aux opérateurs audiovisuels a atteint 3,81 milliards d'euros, déduction faite des frais de gestion et de trésorerie (29,2 millions d'euros). Les chiffres attendus pour l'exercice 2019 tablent sur une progression du nombre de foyers assujettis (27,75 millions) et des montants perçus (3,85 milliards d'euros).

6 millions de foyers ont, par ailleurs, déclaré ne pas posséder d'appareil permettant la réception de la télévision lors de leur déclaration d'impôt sur le revenu de 2017.

Évolution de la contribution à l'audiovisuel public depuis 2016

2016

2017

2018

LFI 2019

Prev 2019

PLF 2020

CAP métropole (en euros)

137

138

139

139

139

138

CAP outre-mer

(en euros)

87

88

89

89

89

88

Nombre de foyers assujettis

(en millions)

27,43

27,59

27,68

27,91

27,75

27,96

Encaissements nets

(en millions d'euros)

3 112,2

3 174,0

3 219,2

3 307,6

3 300,7

3 246,9

Dégrèvements compensés par l'État

(en millions d'euros)

617,1

592,2

589,9

552,0

552,0

542,1

Dotation de la CAP aux organismes (TTC)

(en millions d'euros)

3 728,3

3 766,2

3 809,1

3 859,6

3 852,7

3 789

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La réduction du montant de la CAP ramènerait celle-ci au niveau de 2017, alors qu'elle aurait dû progresser d'un euro lors du prochain exercice, compte-tenu de l'inflation.

Dans ces conditions, le montant total de la CAP versée aux opérateurs de l'audiovisuel devrait atteindre 3,79 milliards d'euros en 2020.

3. Un nouveau coup de rabot

Cette diminution des ressources n'est, cependant, pas sans susciter d'interrogation alors qu'aucune réforme du périmètre de l'audiovisuel public n'a été réellement mise en oeuvre. La réforme attendue ne devrait pas intervenir avant le deuxième semestre 2020. Si elle veut être ambitieuse (cf. infra ), cette réforme doit induire une réflexion sur la CAP. Plusieurs pistes ont été envisagées, dont un élargissement de l'assiette à tous les foyers, afin de prendre en compte l'usage des tablettes, des téléphones ou des consoles. Dans ces conditions, la baisse annoncée peut apparaître prématurée.

La diminution de la CAP présente, en outre, le risque de fragiliser un peu plus certaines entités du service public, à l'image de France Médias monde ou de l'INA, alors même que ces structures ont mis en oeuvre depuis plusieurs années une réelle maîtrise de leurs coûts de fonctionnement.

Répartition de la CAP

Source : commission des finances du Sénat

De fait, l'application uniforme de la baisse de la CAP à l'ensemble des acteurs de l'audiovisuel public procède d'une logique de rabot sans vision réellement stratégique sur les priorités du service public , notamment en ce qui concerne l'audiovisuel extérieur ( cf. infra ). Cette diminution de la CAP n'est, en effet, pas corrélée à une réflexion quant à son utilisation.

La baisse d'un euro du montant de la CAP apparaît, de surcroît, invisible pour le contribuable, compte-tenu de son montant. Votre rapporteur spécial avait pris position, dès 2017, pour une baisse significative de la CAP, mais elle devait être précédée d'un texte réorganisant le service public de l'audiovisuel, redéfinissant ses missions et son périmètre. Ce n'est évidemment pas le cas.

Observation n° 10 : la baisse de un euro de la contribution à l'audiovisuel public - qui devrait atteindre 3,79 milliards en 2020 - apparaît plus symbolique qu'efficace. Elle n'est pas associée à une réflexion quant à son utilisation et peut apparaître prématurée, avant l'examen du futur projet de loi sur l'audiovisuel, qui pourrait être l'occasion d'une réflexion sur son assiette.

C. UNE DIMINUTION DE CRÉDITS QUI AFFECTE TOUTES LES SOCIÉTÉS DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC

1. Un effort conséquent pour France Télévisions qui incite à une révision de son format

Le projet de loi de finances pour 2020 prévoit une dotation de 2,34 milliards d'euros , soit une réduction de 60 millions d'euros par rapport à celle octroyée en 2019. La réforme de la TST-E devrait lui permettre cependant de dégager environ 20 millions d'euros de ressources supplémentaires. La transformation de France 4 et France Ô en chaînes non linéaires devrait également concourir à libérer, en 2020, des gisements de ressources.

Le groupe poursuit par ailleurs sur la voie de la réduction de ses effectifs, établis à 9 618 ETP en 2018, soit un niveau inférieur aux prévisions budgétaires (-51 ETP) et en baisse significative par rapport à 2017 (- 224 ETP). La maîtrise des effectifs a vocation à se poursuivre en 2019, avec une prévision de 9 470 ETP (-148 ETP par rapport à 2018). Cette réduction a été notamment permise par la signature d'un accord-cadre sur le projet d'entreprise à l'horizon 2022 le 9 mai 2019. Il prévoit notamment la mise en oeuvre durable d'une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), par projet, encadrant l'évolution des métiers au niveau du groupe. Cet accord-cadre prévoit, en outre, une réduction supplémentaire des effectifs de l'entreprise, avec une cible d'effectifs désormais établie à 8 570 ETP au 1 er janvier 2023.

Les charges de personnel budgétées en 2019 s'élèvent à 889 millions d'euros (hors indemnités, coûts liés aux litiges et suppléments de cachets), contre 952 millions d'euros en 2018, soit une diminution de 63 millions d'euros. Si elles constituent un poste évident d'économies, elles ne sauraient absorber l'ensemble des efforts de réduction des coûts. Votre rapporteur spécial relève ainsi que les coûts de grille des programmes n'ont que peu évolué entre 2018 et 2019. Le budget 2019 du groupe prévoyait une somme y afférent de 2,094 milliards d'euros, soit 15 millions d'euros de moins qu'en 2018 (2,109 milliards d'euros). Il convient de rappeler que le coût des acquisitions de programmes américains représentait en 2018, 57,8 millions d'euros.

Charges d'exploitation et de personnel de France Télévisions

(en millions d'euros)

Exécution 2018

Prévision 2019

Variation

Variation (%)

Charges d'exploitation

2 632,3

2 593,6

-38,7

-1,47

Coût de la grille

2 109,4

2 094,1

-15,3

-0,7

Charges de personnel

952,2

889

-63,2

-6;63

Total

3 584.5

3 482,6

-101,9

- 2,84

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Un choix politique fort en termes de périmètre du service public devrait permettre de générer davantage d'économies concernant le coût de la grille. Une réflexion sur le positionnement du groupe (rôle de France 2 notamment) et sa taille apparaît en effet plus que nécessaire si le Gouvernement entend poursuivre sur la voie de la réduction des coûts. Votre rapporteur spécial rappelle son souhait que le groupe se recentre sur des émissions dédiées à la promotion de la culture et à l'accès à la connaissance accessibles à toutes les générations. Il avait insisté sur ce point lors de sa mission de contrôle en 2018.

2. Radio France face à la double contrainte de la rénovation de ses locaux et la numérisation de ses services

Radio France devrait voir sa dotation réduite de 5 millions d'euros en 2020. Elle serait ainsi ramenée à 587,3 millions d'euros HT. Cette réduction intervient alors que Radio France devrait faire face à de nouveaux coûts d'ici à2022 lié au financement de la priorité numérique et à la diffusion de l'ensemble de ses services en DAB+, sans occulter celui du chantier de la Maison de la radio.

Le coût total maximum de ces travaux a été évalué lors du conseil d'administration de Radio France du 21 décembre 2018 à 510 millions d'euros, dont 58,6 millions d'euros de provisions pour aléas et imprévus, pour partie inévitable compte tenu des caractéristiques du chantier : celui-ci se situe sur un site occupé, avec une contrainte supplémentaire s'agissant du bruit et le bâtiment apparaît mal documenté. 3 millions d'euros devraient néanmoins être rendus s'agissant de la provision.

La clé de répartition des coûts mise en place depuis le début des travaux prévoyait que la société autofinance 30 % des coûts, l'État finançant le solde. Le présent projet de loi de finances prévoit, en tout état de cause, une subvention d'investissement de 10 millions d'euros qui, comme l'an dernier, vient s'ajouter à la dotation de fonctionnement. La loi de finances pour 2019 annonçait un financement ad hoc. Un an plus tard, les contours de celui-ci ne semblent toujours pas définis. Le ministre de la culture a réaffirmé, lors de son audition le 31 octobre dernier, par la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, que ce financement ad hoc allait être défini. Mais il n'a apporté aucune précision à ce sujet.

La dernière phase du chantier est aujourd'hui lancée. Elle vise les studios de création. Une évaluation du coût total maximum est désormais en cours de finalisation. Il est une nouvelle fois regrettable que le Parlement ne puisse accéder à ses chiffres qu'à l'issue du vote de la loi de finances. La fin des travaux est envisagée au troisième trimestre 2022.

C'est dans cette optique que Radio France a présenté en juin 2019 un projet stratégique à horizon 2022. Celui-ci prévoit notamment :

- d'axer prioritairement les moyens de la société sur les trois missions de service public suivantes : l'information, la proximité, et la culture ;

- de s'appuyer sur les formations musicales de Radio France (Orchestre national de France, Orchestre philharmonique de Radio France, Choeur et maîtrise de Radio France) à travers le renforcement de leur présence dans tout le pays et le développement de la visibilité de leurs concerts au bénéfice de nouveaux publics (télévision, cinéma, numérique) ;

- de créer une plateforme numérique rassemblant tous les contenus produits par les chaînes du groupe. Cette démarche s'inscrit dans la continuité du rajeunissement observé des audiences et de l'orientation vers plus de pédagogie de ses antennes, à l'instar de France culture.

L'équilibre du projet stratégique de Radio France repose sur trois axes stratégiques de transformation :

- l'élaboration d'un plan d'évolution des compétences de ses salariés et d'adaptation de son cadre social, destiné à réaliser 25 millions d'euros d'économies d'ici à 2022. Il vise notamment à assouplir les règles en matière de temps de travail et devrait déboucher sur un plan de départs qui pourrait concerner entre 270 et 390 salariés ;

- la réalisation d'économies sur ses charges de diffusion sur la période 2019-2022 à hauteur de 5 millions d'euros et la poursuite de sa politique d'optimisation des achats et de maîtrise des dépenses de fonctionnement courant, afin de redéployer des moyens vers la production et la distribution numérique (10 millions d'euros d'économies attendues) ;

- une hausse de 20 millions d'euros d'ici à 2022 de ses revenus liée à la progression de ses recettes publicitaires, consécutive à la hausse de ses audiences et à la montée en puissance de ses podcasts, la valorisation de son savoir-faire dans le domaine du son, via la commercialisation de prestations et de formats audio auprès de tiers ou la location ponctuelle de studios à des productions externes dans le cadre du projet « Studio Radio France », la croissance de ses recettes de billetterie et un soutien financier d'acteurs publics ou privés auprès de ses deux orchestres.

Votre rapporteur spécial ne peut qu'appuyer une telle orientation. Il s'interroge cependant sur la faisabilité de ce plan. Ainsi, les charges de personnel n'ont été réduites que de 2,5 millions d'euros en 2019, soit - 0,6 %, le montant total de celles-ci atteignant 394,3 millions d'euros.

De fait, une démarche plus ambitieuse aurait pu consister en une véritable redéfinition du périmètre de Radio France, en réévaluant notamment l'apport de deux de ces antennes : FIP, dont le succès relève plus de l'estime que de l'audience compte-tenu de sa faible diffusion et le Mouv', même si l'auditoire de celle-ci tend à s'élargir.

En dépit d'un nombre d'enregistrements et de tournées croissant, la question du coût du maintien de deux orchestres de taille et de niveau comparable est également posée.

Coût de la direction de la musique de Radio France en 2019

(en millions d'euros)

Dépenses de fonctionnement

10,7

Orchestre national de France

3,7

Orchestre philharmonique de Radio France

3,7

Maitrise

0,4

Choeur et activités lyriques

0,6

Direction

2,3

Dépenses de personnel

33,1

Recettes

-1,9

Mécenat

-0,5

Total Charges Musique

41,4

Total Charges Radio France

696,4

Source : Commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

3. Un soutien inégal aux groupes tournés vers l'international

Le projet de loi de finances prévoit d'allouer à ARTE France une subvention diminuée de 2,2 millions d'euros HT. La prise en compte de l'effet de la réforme en cours de la TST-E dont devait s'acquitter ARTE viendrait en large partie compenser la diminution de la part de CAP affectée 20 ( * ) . Le montant de la dotation s'élèverait à 275,30 millions d'euros HT. Trois axes de développement sont assignés au groupe :

- le maintien de ses investissements dans la création ;

- le développement de l'innovation numérique, afin de continuer à anticiper les nouveaux usages ;

- la poursuite du développement européen au-delà de l'axe franco-allemand.

Votre rapporteur observe que cette stabilisation permet à la chaîne de répondre à une mission claire de service public, constante depuis sa création, qui consiste à oeuvrer pour le rapprochement des peuples d'Europe à travers la promotion de la création audiovisuelle européenne. Il avait appelé à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2019 à un maintien des crédits en étant à l'origine d'un amendement en ce sens, non repris par l'Assemblée nationale.

TV5 Monde devrait également bénéficier d'une dotation stabilisée à hauteur de 76,2 millions d'euros HT, soit le niveau enregistré en 2019.

À l'inverse, le groupe France Médias Monde (France 24, RFI et MCD) devrait voir sa dotation diminuer de 1 million d'euros pour atteindre 255,2 millions d'euros. Cette réduction de ses moyens fragilise la volonté exprimée par ailleurs par le président de la République de renforcer la présence audiovisuelle de la France dans le monde ( cf infra ). Elle dénote, en outre un traitement différencié en matière d'octroi de fonds selon qu'il s'agisse de partenariats (ARTE et TV5 Monde) ou d'entités nationales.

De fait, votre rapporteur spécial s'inquiète de la faiblesse des moyens de l'audiovisuel extérieur, alors que la concurrence des chaînes anglaises, américaines, chinoises ou russes est, tous les jours, plus active.

4. La diminution continue de la dotation de l'INA

Le présent projet de loi de finances prévoit d'allouer à l'Institut national de l'audiovisuel (INA) une dotation de 86,4 millions d'euros HT, soit une réduction de 1 million d'euros par rapport à 2019.

Comme votre rapporteur spécial l'indiquait l'an dernier, l'INA a su développer un processus de maîtrise de ses charges d'exploitation et de personnels. Ainsi, la masse salariale a été diminuée de 1,8 million d'euros entre 2013 et 2017. Cet effort semble néanmoins avoir été tempéré en 2018 avec la progression des charges de personnel de 1 million d'euros (66,56 millions d'euros contre 65,56 un an plus tôt). La réduction de la dotation publique en 2020 devrait inciter l'institut à renouer avec une trajectoire de limitation des coûts.

Cet écart pourrait cependant être compensé par la progression continue de ses ressources propres. Celles-ci ont en effet augmenté de plus de 1 million d'euros en 2019 pour atteindre 40,5 millions d'euros. Le lancement de nouvelles offres de contenus et de service, un approfondissement de son catalogue et la conception d'opérations éditoriales et la production sur mesure de contenus ont contribué à renforcer sa capacité d'autofinancement.

Montants prévus de la part de contribution à l'audiovisuel public attribué
aux sociétés de l'audiovisuel public en 2020

(en millions d'euros HT)

Montant prévu en 2020

Évolution par rapport à 2019

France Télévisions

2430,8

-60

Radio France

592,3

-5

ARTE France

277,5

-2,1

France Médias Monde

255,2

-1

Institut national de l'audiovisuel

86,4

-1

TV5 Monde

76,2

-

Total

3 711,2

-69,1

Source : commission des finances du Sénat

D. L'ABSENCE D'AMBITION DE LA FUTURE RÉFORME DE L'AUDIOVISUEL

Le projet de loi portant réforme de l'audiovisuel devrait être examiné par le Parlement au cours du premier semestre 2020. Les premières annonces tendent à indiquer qu'il ne devrait pas bouleverser le financement de l'audiovisuel public.

1. La création de France Médias

Si les contours de cette réforme n'ont pas encore été précisés, elle semble se résumer pour l'heure à la création de France Médias, holding censée chapeauter les sociétés publiques audiovisuelles. ARTE France et TV5 Monde ne seront pas, cependant, intégrées à cette nouvelle structure. Trois missions lui seraient assignées :

- définir des coopérations éditoriales entre les différentes entités, les décisions éditoriales demeurant du ressort des entreprises éditrices de programme ;

- déployer une offre « trimédia » : télévision, radio et internet ;

- mutualiser les fonctions non éditoriales à l'image de la formation, de la régie publicitaire ou de la recherche et développement.

France Médias serait lancée fin 2022. Elle serait dotée d'un conseil d'administration composé de douze membres, désignés par l'État, le Parlement et les représentants du personnel pour 5 ans. Ce conseil choisirait son président-directeur-général, qui sera ensuite nommé par décret présidentiel. Les présidents de chaînes seraient remplacés, à cet horizon, par des directeurs généraux, eux-mêmes désignés par les conseils d'administration de ces entités, sous l'impulsion du président de la holding.

2. Des synergies déjà à l'oeuvre

La création d'une holding ne constitue pas forcément un levier indispensable en vue de développer les synergies.

Les émissions communes mises en place par France 3 et France Bleu répondent ainsi d'ores et déjà à cette ambition. Suite à une première expérimentation associant les antennes locales des deux chaînes en Provence-Alpes-Côte d'Azur et en Occitanie menée en début d'année, Radio France et France Télévisions ont en effet annoncé en mai 2019 leur souhait de généraliser la diffusion des matinales locales des 44 antennes de France Bleu sur 44 zones de diffusion TV aménagées pour correspondre à l'auditoire de France Bleu. La fin de la mise en place de ce dispositif devrait intervenir à l'horizon 2022. Une dizaine de stations devraient être concernées chaque année. Des projets immobiliers communs concernant les deux entités sont également mis en oeuvre à Rennes, Lyon, Clermont-Ferrand, Strasbourg, Vesoul, Toulon ou Châteauroux.

D'autres projets de mutualisation sont également en cours à l'image de l'offre d'information du service public franceinfo, qui associe Radio France, France Télévisions, France Médias Monde et l'INA. Les six organismes de de l'audiovisuel public ont, par ailleurs, lancé, le 22 novembre 2018, Culture Prime , média social culturel visant à favoriser l'accès à la culture et à la connaissance au plus grand nombre. Les entreprises de l'audiovisuel public ont également mis en place un appel à projets dédié aux écritures numériques, à destination des créateurs audiovisuels et numériques, « l'Atelier de l'audiovisuel public ». Une offre éducative commune est également en cours d'élaboration, en lien étroit avec le ministère de l'Éducation nationale.

Au niveau financier, un « Club achats » a été créé fin 2017, rassemblant l'ensemble des acteurs de l'audiovisuel public. Il vise à

- mettre en place des marchés mutualisés sur des besoins existants ou nouveaux ;

- échanger sur les bonnes pratiques du secteur et les stratégies achat, ainsi que sur la nomenclature achat (référentiel commun) afin d'harmoniser les procédures ;

- réaliser un gain de temps ;

- rendre plus aisées certaines synergies grâce à l'adoption de mêmes outils technologiques.

3. L'absence d'annonce financière

Au plan financier, la réforme devrait s'intégrer dans la trajectoire de réduction des coûts définie préalablement. Le Gouvernement semble donc laisser aux chaînes le soin d'ajuster leurs coûts de production, sans pousser à une rationalisation du paysage de l'audiovisuel public et à une réflexion sur le positionnement des différentes chaînes. Celle-ci devrait, en effet, se limiter à la mutation de France 4 et France Ô qui cesseront d'émettre en linéaire à partir de 2020, les chaînes restant toutefois accessibles sur internet, leurs contenus ayant, en outre vocation à alimenter les flux linéaires des autres chaines du groupe. Le format généraliste de France 2 ne semble ainsi pas remis en cause. Il apparaît pourtant nécessaire d'ouvrir une réflexion sur le périmètre et les missions du service public de l'audiovisuel. À défaut de priorisation ou de choix des missions assumées par ces groupes, en particulier par France Télévisions, la réalisation d'économies pour le secteur relève de l'équation insoluble.

Faute de réforme structurelle permettant de dégager de nouvelles marges de financement, le Gouvernement table sur un éventuel relèvement du plafond de ressources financières pour les chaînes publiques. Une augmentation de la publicité reste une option ouverte pour Radio France. Celle-ci n'a pas connu de hausse significative de ses revenus publicitaires entre 2018 et 2019 (52,3 millions d'euros en 2019 contre 52 millions en 2018). Le Gouvernement insiste par ailleurs sur l'ouverture de de la publicité segmentée et géolocalisée pour accroître les ressources de Radio France et France Télévisions, à volume constant.

Votre rapporteur spécial est, de fait, assez réservé sur les premières annonces. Une réforme annoncée de grande ampleur devrait se résumer à la mise en place d'une holding au-dessus du système actuel, celui-ci n'étant modifié qu'à la marge. La holding ne présente pas, à première vue de réelle plus-value. Le modèle auquel le Gouvernement semble faire référence est celui de la BBC. Un tel modèle a cependant un coût. Votre rapporteur spécial rappelle que la redevance audiovisuelle atteint environ 166 euros en Grande-Bretagne, où elle consiste en un impôt universel, sans condition de possession d'un téléviseur. Le futur projet de loi ne semble pourtant pas annoncer, là encore, de changement de grande envergure en la matière. Le débat sur la redevance audiovisuelle est en effet réduit dans le cadre du présent projet de loi de finances à une baisse tout autant symbolique qu'invisible de la contribution à l'audiovisuel public.

Observation n° 11 : la trajectoire d'économie imposée aux sociétés de l'audiovisuel public comme la future réforme de l'audiovisuel ne sont pas corrélées à une réflexion sur le périmètre du service public. Le présent projet loi de finances traduit cette logique de coup de rabot uniforme - -70 millions d'euros pour l'ensemble du secteur public - sans vision stratégique ni réformes structurelles, en particulier concernant France Télévisions. Les synergies attendues semblent déjà à l'oeuvre et la future holding pourrait s'avérer être une structure supplémentaire, sans réelle valeur ajoutée.

II. UNE STRATÉGIE INTERNATIONALE AMBITIEUSE MAIS DÉPOURVUE DE MOYENS : L'AUDIOVISUEL EXTÉRIEUR

Dans le cadre du programme de contrôle de la commission des finances, votre rapporteur spécial a souhaité évaluer les moyens accordés à l'audiovisuel extérieur. De son côté, le Premier ministre a chargé, en janvier 2019, M. Olivier Courson, d'une mission sur l'audiovisuel extérieur. Il s'agissait d'établir une cartographie des activités de l'audiovisuel public à l'international et, dans le même temps d'approfondir les pistes d'économie et de transformation de l'audiovisuel extérieur à l'horizon 2022. Ses conclusions n'ont pas été communiquées à votre rapporteur spécial, le ministère de la culture et de la communication estimant qu'il ne s'agissait que d'un document technique.

Le Gouvernement considère que l'audiovisuel extérieur est constitué de deux maillons : France Médias Monde d'un côté et TV5 Monde de l'autre.

Votre rapporteur spécial a concentré sa mission de contrôle sur France Médias Monde. Le caractère multilatéral de la gouvernance de TV5 Monde rend, en effet, délicate toute appréciation.

Par ailleurs, en dépit de son action en faveur de la promotion de la francophonie, la mission de cette chaîne ne vise pas spécialement au renforcement de l'influence française dans le monde. L'intégration de TV5 Monde au sein de la future holding France Médias, prévue dans le cadre du prochain projet de loi portant réforme de l'audiovisuel, a, en outre, été écartée, puisqu'elle eût été contraire à la charte de TV5 Monde qui définit l'organisation, les missions, et les règles concernant les programmes, la distribution et le mode de financement de la chaîne, approuvée par l'ensemble des gouvernements bailleurs de fonds.

A. LA HOLDING FRANCE MÉDIAS MONDE : UNE SOCIÉTÉ NATIONALE DE PROGRAMME AU SERVICE DE L'INFLUENCE FRANÇAISE

1. Une holding dotée de trois chaînes et une agence

La holding France Médias Monde, anciennement appelée Audiovisuel extérieur de la France (AEF) a été créée en avril 2008. Elle se compose aujourd'hui d'une chaîne de télévision et de deux radios :

- France 24, conçue comme une chaîne d'information en continu, qui émet en quatre langues (français, anglais, arabe et espagnol). Les quatre déclinaisons de France 24 produisent plus de 1 000 journaux télévisés et 74 magazines chaque semaine. 69,5% des programmes sont consacrés à l'information21 ( * ).

- Radio France International, qui émet en français et en treize autres langues ;

- Monte Carlo Doualiya (MCD), radio généraliste, émettant en langue arabe. L'antenne quotidienne de la chaîne est composée de 7h20 d'information, de 10h de magazines et de 6h40 de fil musical.

Dépenses globales de France Médias Monde en 2018

(en millions d'euros)

France 24

RFI

MCD

FMM

63,5

52,9

7,2

268,2

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

L'ambition affichée au moment de sa création consistait en une optimisation de la diffusion de ces chaînes sur trois supports différents : télévision, radio et internet. Les trois sociétés ont fusionné avec la holding le 13 février 2012.

FMM détient également une participation au sein de TV5 Monde, établie à 12,64 %. Cette participation atteignait 49 % jusqu'en 2013, une partie du capital détenu étant alors cédé à France Télévisions.

Disposant initialement du statut de société anonyme, FMM est, depuis la loi du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de télévision, une société nationale de programme 22 ( * ) . Ainsi, aux termes de la loi, FMM a pour mission de contribuer à la diffusion et à la promotion de la langue française, des cultures française et francophone, ainsi qu'au rayonnement de la France dans le monde. Elle agit à cette fin au travers de la programmation et de la diffusion d'émissions de télévision et de radio ou de services de communication au public en ligne relatifs à l'actualité française, francophone, européenne et internationale. FMM doit, en outre, contribuer à définir les orientations stratégiques et la coordination des services de communication audiovisuelle, en français ou en langues étrangères, destinés en particulier au public français résidant à l'étranger et au public étranger, édités par des sociétés dont elle détient tout ou partie du capital. Elle peut financer ces sociétés ou concevoir et programmer elle-même de tels services. Un cahier des charges définit les obligations de service public auxquelles elle est soumise et les conditions dans lesquelles elle assure la diversité et le pluralisme des programmes.

Les crédits visant FMM et TV5 Monde sont inscrits au compte de concours financiers Avances à l'Audiovisuel public, piloté par la direction générale Médias et industries culturelles du ministère de la culture. Ce ministère assure la tutelle de FMM depuis 2010, relayant le ministère chargé des affaires étrangères.

L'agence Canal France International (CFI), est, par ailleurs, devenue depuis le 27 juin 2017 une filiale de FMM. Créée en 1989, elle agit, dans le cadre de l'aide publique au développement, pour favoriser le développement des médias en Afrique, dans le monde arabe et en Asie du Sud-Est. CFI soutient ainsi les efforts de modernisation des médias audiovisuels et numériques publics et privés des pays en sortie de crise et en développement, en valorisant l'expertise française. 85 % de son budget est couvert par le programme 209 « Solidarité avec les pays en développement », rattaché au ministère chargé des affaires étrangères. Le projet de loi de finances pour 2020 prévoit ainsi une subvention annuelle de 7,4 millions d'euros.

FMM dispose, par ailleurs, de 6 filiales, dont le chiffre d'affaire global (1,3 million d'euros) est considéré comme non significatif.

Filiales de France Médias Monde

F3M Mandingue : la filiale Malienne Mandingue, est détenue à 100% par FMM. Son chiffre d'affaires `élevait à 0,544 million d'euros.

FMM Publicité : cette société n'a aucune activité.

RFI Roumanie : la filiale Roumaine de RFI, est détenue à 99.96%. Son chiffre d'affaire est estimé à 0,73 million d'euros en 2018.

F3M Dakar : cette société a été créée en novembre 2018, afin d'accueillir à terme une activité de production de programme en langues Peul et Mandingue. Elle n'avait aucune activité à fin 2018.

Opemux : cette société est un opérateur de multiplex pour la diffusion de radios en numérique terrestre, dont RFI dans certaines grandes villes françaises.

Multi 7 : cette société est un opérateur de multiplex pour la diffusion de chaînes de télévision locales de la TNT, dont France 24 en Ile de France.

Source : commission des finances du Sénat, d'après le rapport de gestion et d'activité 2018 de France Médias Monde

2. Des chaînes relativement dynamiques

Les indicateurs d'audience contenus dans le projet annuel de performance relèvent une progression réelle des audiences des chaînes de FMM ces dernières années.

S'agissant des audiences linéaires, cette dynamique est particulièrement nette pour France 24, dont le nombre de contacts hebdomadaires a progressé de 55 millions en 2016 à 79,8 millions en 2018. MCD connaît également une réelle progression passant de 7,3 millions de contacts en 2016 à 9,2 millions en 2018. Seule RFI tend légèrement à décroître, passant de 41,3 millions en 2016 de contacts à 40,8 millions de contacts en 2018. Au total, FMM a réuni 129,8 millions de téléspectateurs et auditeurs en 2018, soit une progression de 25 % depuis 2016.

46,3 millions de personnes, soit une progression de 8,4 % par rapport à 2017, accèdent chaque semaine aux chaînes de FMM via internet. Les comptes des trois entités sur les réseaux sociaux ( Facebook et Twitter ) atteignent 65 millions d'abonnés, leurs déclinaisons Youtube fidélisant 3 millions de personnes. 900 millions de vidéos et de sons produits par les chaînes ont été consommés en 2018 sur internet, soit une progression de 32 % par rapport à 2017.

Diffusion de France 24 par zone géographique

Source : France Médias Monde, Rapport de gestion et d'activité 2018

3. Des synergies relativement récentes

D'une manière générale, France Médias Monde met en oeuvre une stratégie de transversalité entre ses différents médias, déployée sur trois niveaux :

- productions communes à France 24, RFI et MCD en linéaire et sur le numérique. Des opérations conjointes permettent de mutualiser leurs moyens éditoriaux respectifs ;

- rapprochement entre les équipes : interventions croisées de journalistes, missions communes sur le terrain, échanges de contenus systématisés sur le linéaire et sur le numérique et renforcement de la promotion croisée des antennes ;

- nouveaux projets éditoriaux : le lancement de France 24 en espagnol en 2017 repose ainsi sur la collaboration bi-média entre France 24 et RFI, les offres InfoMigrants et Culture Prime associent les équipes éditoriales de RFI et de France 24.

Cette transversalité est déclinée au niveau technique, via l'harmonisation des infrastructures techniques (réseau, téléphonie, stockage, sauvegarde, serveurs virtuels, cyber-sécurité) et les logiciels « support » (messagerie, paye, gestion financière, planification ...). Un service achat a été créé en 2017 en vue de professionnaliser les procédures d'achat public. La communication et les relations institutionnelles ont été regroupées au sein d'une direction unique.

Un rapprochement entre les équipes en charge du linéaire et du numérique au sein de France 24 a également été opéré en 2018, celles-ci étant désormais rassemblées au sein d'une direction unique, organisée par langue.

B. UN MANQUE DE SOUTIEN BUDGÉTAIRE

1. France Médias Monde est fragilisée par la trajectoire d'économie appliquée à l'audiovisuel public

Le niveau de la dotation proposée pour France Médias Monde dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020 conduit, une nouvelle fois, votre rapporteur spécial à s'interroger sur l'exercice de ses missions de service public. La dotation s'établirait à 255,2 millions d'euros HT, en diminution de 1 million d'euros, par rapport à l'exercice précédent. Cette réduction relativise la pertinence de l'objectif assigné à FMM dans le projet annuel de performances : « développer la présence française et francophone dans le paysage audiovisuel mondial ».

Le projet de loi de finances s'inscrit dans la continuité de la loi de finances pour 2019 qui s'était déjà traduite par une diminution de la dotation accordée à FMM d'1,6 million d'euros.

FMM s'inscrit ainsi dans la trajectoire de réduction des dotations assignée à l'ensemble des sociétés de l'audiovisuel public et qui devrait se traduire par une perte de recettes de 190 millions d'euros pour l'ensemble des acteurs sur la période 2018-2022. Cette réduction année après année s'inscrit à rebours du contrat d'objectifs et de moyens signé

Votre rapporteur spécial estime que l'ambition affichée ne se traduit pas par des moyens adaptés, alors même que la concurrence internationale s'avère de plus en plus aigüe. Les coups de rabot apportés à tous les budgets des sociétés d'audiovisuel public sans distinction dénotent, dans le cas des opérateurs dédiés à l'audiovisuel extérieur, une absence de vision à long terme et une réelle contradiction avec le discours ambitieux porté au plus haut niveau de l'État. Le président de la République a, en effet, en mars 2018, insisté sur la nécessité de « rehausser notre ambition » en matière de promotion de la langue et des contenus français en s'appuyant sur la « puissance de feu médiatique » de l'« institution puissante » que représente France Médias Monde 23 ( * ) . Le gel budgétaire semble tempérer cette ardeur et rend illusoire le souhait du chef de l'État de passer de 135 millions de personnes touchées par les programmes audiovisuels français en 2018 à 150 millions à l'horizon 2020.

2. Un contrat d'objectif et de moyens 2016-2020 jamais respecté

Le contrat d'objectifs et de moyens signé entre FMM et l'État le 14 avril 2017 prévoyait une augmentation régulière de la dotation publique à partir de 2018. Il n'a jamais été respecté. L'écart entre la dotation prévue par le COM 2016-2020 pour l'année 2020 et celle présentée dans le cadre du présent projet de loi de finances devrait atteindre 9,9 millions d'euros.

Comparaison des dotations prévues en loi de finances avec le COM 2016-2020

(en millions d'euros HT)

Source : commission des finances du Sénat

Au-delà de la question financière, le COM 2016-2020 prévoit :

- d'adapter les offres éditoriales de FMM à la diversité des publics ainsi qu'aux changements induits par la révolution numérique ;

- de développer la présence mondiale de France Médias Monde dans un contexte d'intensification de la concurrence. Il s'agit d'adapter sa stratégie de distribution aux évolutions techniques, via le passage en TNT en Afrique et en haute définition dans l'ensemble du monde. Le COM insiste également sur l'amélioration de la notoriété des chaînes, à travers une hausse du budget de communication ;

- d'optimiser l'organisation et la maîtrise des équilibres budgétaires, en améliorant notamment les processus internes à l'entreprise (ressources humaines, procédures d'achats...) et en développant les coopérations avec les autres entreprises de l'audiovisuel public en vue de réaliser des économies en gestion (achats groupés par exemple) et de porter des projets ambitieux à moindre coût, à l'image de la création de l'offre d'information en continu de service public.

Le changement de trajectoire budgétaire a déjà conduit à renoncer à plusieurs des priorités du COM. Les dépenses de communication et marketing - 3,28 millions d'euros en 2019 - n'ont ainsi pas progressé en 2019, un gel budgétaire à hauteur de 0,2 million d'euros étant même décidé en 2019. L'arrêt de la diffusion de France 24 en TNT en Outre-mer, et l'arrêt de la diffusion de MCD en modulation de fréquence aux Émirats arabes unis ne répondent pas véritablement au souhait d'adapter la stratégie de distribution aux évolutions techniques.

Le Gouvernement communique aujourd'hui sur une majoration des ressources publiques accordées à FMM de 5 % sur la période 2016-2019, soit 12,1 millions d'euros, ce qui constitue la hausse la plus importante concernant le secteur audiovisuel public avec celle enregistre par ARTE. Cette progression doit être nuancée, tant elle est liée au développement de la déclinaison hispanique de France 24 : 17,7 millions d'euros sur la période.

Évolution des ressources publiques de France Médias Monde 2016 à 2019
(hors CFI et filiales)

(en millions d'euros HT)

2016

2017

2018

2019

Dotation publique

244,04

251,57

257,79

256,15

Dont financement France 24 espagnol

-

3,1

7,3

7,3

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

3. Un effet de ciseau entre augmentation des charges de personnel et fragilité des recettes publicitaires

Il convient de rappeler à ce stade la structure du budget de France Médias Monde, composé à 55 % de charges de personnel, le groupe n'achetant pas de programmes. Une diminution des frais support de 35 % a été opérée ces dernières années, à la suite de réformes de structure.

Évolution des charges de France Médias Monde de 2016 à 2019 ( hors CFI et filiales)

(en millions d'euros)

2016

2017

2018

2019 (prévisions)

Coûts des offres linéaires et numériques

174,81

180,24

185,15

185,17

Environnement numérique

7,50

7,19

7,61

8,33

Frais de diffusion / distribution

26,45

26,39

24,78

24,81

Projets financés avec subventions internationales

0,67

1,77

2,48

2,72

Communication / Marketing

3,39

3,47

3,28

3,26

Directions commune et moyens généraux

39,89

43,64

44,94

42,76

Total

252,72

260,70

268,23

267,05

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Cependant, malgré ces réformes, le glissement mécanique de la masse salariale conduit à diminuer les marges de manoeuvre du groupe. Le coût de ce glissement représente 5 millions d'euros sur la période 2016-2019. De fait, si les effectifs du groupe sont ainsi en diminution depuis 2018, passant de 1 744 ETP permanents et non permanents (dont 1 344 ETP permanents) à 1 716 ETP permanents et non permanents prévus en 2020 (dont 1343 ETP permanents), la masse salariale devrait continuer à progresser en 2020 atteignant 145,4 millions d'euros contre 143,6 millions d'euros en 2019 (hors charges à payer sur les litiges et départs négociés) . Les estimations de FMM ne correspondent pas à ces chiffres, compte-tenu notamment du coût de l'accord d'entreprise signé en 2015.

Évolution des charges de personnel de France Médias Monde de 2016 à 2019
( hors CFI et filiales)

(en millions d'euros)

2016

2017

2018

2019

Charges de personnel

138,2

140,1

142,7

145,1

Dont accord d'entreprise

4,1

2,8

4,2

4,2

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Le projet annuel de performances 2020 table sur une progression des ressources propres, hors subventions des bailleurs de fonds internationaux, de 8,5 millions d'euros attendus en 2019 à 10,3 millions d'euros en 2020. Cette projection peut paraître optimiste au regard de la faible évolution constatée entre 2017 et 2018 puis entre 2018 et 2019 (+0,15 million d'euros puis +0,22 million d'euros). L'augmentation constatée en 2018 était notamment liée à la hausse escomptée des recettes de France 24 suite à la commercialisation de ses espaces publicitaires par Canal+ en Afrique depuis 2018 et à l'effet favorable de la Coupe d'Afrique des Nations de football pour RFI. En 2019, FMM table sur l'ouverture de la publicité de marque pour RFI en Île-de-France.

Évolution des ressources propres de France Médias Monde de 2016 à 2019
( hors CFI et filiales)

(en millions d'euros)

2016

2017

2018

2019 (prévisions)

Publicité / parrainage

3,92

3,73

3,81

4,20

France 24

2,20

2,20

2,20

2,35

RFI

1,67

1,52

1,61

1,80

MCD

0,05

0,01

0,01

0,05

Autres ressources propres

4,31

4,43

4,50

4,34

Diversification

1,14

1,19

1,24

1,11

Éditions musicales

0,92

0,80

0,91

0,84

Refacturation

2,25

2,45

2,35

2,38

Total

8,24

8,16

8,31

8,53

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Plus généralement, la probabilité d'une majoration des recettes est rendue aléatoire par la situation délicate du marché publicitaire. Le Gouvernement reconnaît d'ailleurs que la progression des recettes commerciales de France Médias Monde est « structurellement affectée » par :

- le morcellement du marché publicitaire mondial, dominé par les diffuseurs anglophones ;

- les limitations, pour les médias d'information, du champ de commercialisation des espaces publicitaires ;

- les évolutions réglementaires constatées sur le marché africain qui fragilisent les décrochages publicitaires locaux ;

- la volatilité des montants des ressources publicitaires liées à la diffusion sur internet. Leur niveau dépend en effet du référencement des contenus, lui-même relié à des algorithmes difficilement maîtrisables.

Il convient, par ailleurs, de relever que le projet annuel de performances prévoit une stabilité des audiences de France 24 et RFI en 2020 et une baisse de celle de MCD. Une telle évolution ne devrait pas générer d'augmentation des recettes publicitaires.

Rien n'indique en outre que les subventions européennes, qui ont progressé, passant à 2,5 millions d'euros en 2018 contre 1,8 million d'euros en 2017, en raison de l'extension du portail Info-Migrants à deux nouvelles langues, continueront à augmenter au cours des prochains exercices.

En tout état de cause, compte tenu de la diminution de la dotation et malgré la possibilité d'un nouveau plan d'économies de 1,5 million d'euros, le déficit de France Médias Monde s'élevait en 2019 à 3 millions d'euros. Il pourrait atteindre 11,5 millions d'euros à l'horizon 2022.

Au regard de ces éléments, la poursuite de la trajectoire de réduction de la dotation de France Médias Monde devrait conduire le groupe à devoir faire des choix déterminants concernant sa présence dans le monde. La suppression de MCD est ainsi évoquée comme l'abandon de l'antenne hispanique de France 24 (6 heures de programme par jour). L'abandon du passage à la Haute définition apparaît acté.

Cette diminution de la voilure peut constituer un mauvais signal pour nos partenaires. Il convient de rappeler que le traité d'Aix-la-Chapelle signé le 22 janvier 2019 prévoit la création d'une plateforme numérique franco-allemande de contenus audiovisuels et d'information, qui associerait FMM et son homologue allemande, Deutsche Welle . Un partenariat étroit avec le groupe allemand a déjà été mis en oeuvre s'agissant de la plateforme InfoMigrants. Des projets éditoriaux communs ont également été développés à l'occasion des élections européennes de mai 2019. Enfin, FMM a participé au lancement de la chaîne numérique en langue turque « + 90 » aux côtés de Deutsche Welle , Voice of America et BBC World .

C. UNE PLACE À TROUVER EN PLEINE « GUERRE FROIDE DES MÉDIAS »

L'absence de moyens accordés à notre ambition tranche avec les politiques d'influence développées par les grandes puissances (États-Unis, Russie ou Chine) mais aussi par nos partenaires européens (Allemagne, Grande-Bretagne). Votre rapporteur spécial relève ainsi les éléments constitutifs d'une véritable « guerre froide des médias », pour reprendre les termes de Mme Marie-Christine Saragosse, présidente-directrice-générale de FMM.

Ainsi, aux États-Unis, l'agence gouvernementale United States Agency for Global Media (USAGM), anciennement Broadcasting board of governors , a vu ses missions confirmées par l'administration Trump, en dépit des velléités isolationnistes de celle-ci. Le dispositif regroupe cinq réseaux de médias : les radios Voice of America , Radio Free Europe/Radio Liberty et Radio Free Asia , et les groupes audiovisuels Radio and TV Martí (Cuba) et Middle East Broadcasting Networks ( Alhurra TV et Radio Sawa ). La chaîne Current Affairs , en langue russe, a ainsi été lancée en 2017. La section africaine de Voice of America a, dans le même temps, été redynamisée avec la mise en place d'une chaine en anglais et le déploiement de fréquences FM en français, l'objectif assumé étant de concurrencer France 24. Une plateforme comparable au site InfoMigrants mis en place par France Médias Monde est d'ailleurs en cours d'élaboration. L'USAGM revendique 345 millions de contacts hebdomadaires. Elle bénéficie d'une dotation annuelle de 719 millions d'euros.

Le lancement de Russia Today (RT) en français en 2017 a, de son côté, témoigné de la volonté russe de poursuivre l'approfondissement de sa présence en France mais aussi en Afrique francophone, concurrençant là encore France 24. RT développe également son réseau en Europe, en Amérique latine et aux États-Unis. La chaîne, créée en 2005, émet désormais en allemand, en anglais, en arabe et en espagnol. L'agence de presse multimédia internationale Sputnik , lancée en 2014, contribue également largement à la présence russe audiovisuelle dans le monde. Elle regroupe plus de 30 sites et ses rédactions travaillent dans plus de 30 langues

L'audiovisuel extérieur chinois a vu son développement accéléré ces dix dernières années, via un investissement massif évalué à environ 6 milliards d'euros sur la période. Ce montant aurait depuis augmenté pour atteindre 1,3 milliard d'euros par an. China Media Group / Voice of China , regroupe notamment le réseau China Global Television Network , soit 5 chaînes d'information en continu (anglais, français, arabe, russe, chinois) diffusées dans 140 pays et qui emploie plus de 10 000 personnes , et China Radio International , qui émet en 65 langues depuis plus de 70 stations à l'étranger. Le groupe audiovisuel est placé sous le contrôle direct du Département central de la propagande du Parti. Voice of China planifie des opérations de promotion des intérêts chinois, destinées notamment à concurrencer les médias occidentaux. CGTN Africa émet ainsi en anglais depuis Nairobi et des stations de radio en langues locales ont été constituées. Voice of China a également renforcé sa présence en Europe, ( CGTN Europe ), via l'implantation d'un centre de production à Londres. 90 journalistes locaux ont été recrutés.

Nos partenaires européens ne sont pas en reste. BBC World service , soutenue par le ministère des affaires étrangères, bénéficie d'une dotation annuelle de 282 millions d'euros sur la période 2016-2020, montant sans précédent depuis la seconde guerre mondiale. Elle dispose, de surcroît, d'une dotation complémentaire de 98 millions d'euros versée au titre des crédits de l'aide publique au développement. Elle est placée au coeur de cette stratégie offensive en faveur d'un pays dont l'image est fragilisée par le Brexit. BBC World Service revendique 319 millions de contacts hebdomadaires. Outre des subventions, la chaine BBC World News , qui n'est pas intégrée au périmètre de BBC World services , perçoit, de son côté, 57 millions d'euros de recettes commerciales

La Deutsche Welle (DW) allemande bénéficie quant à elle d'un budget de 400 millions d'euros en 2020, soit une progression de 123 millions d'euros par rapport à 2013. Cette somme est supérieure au budget cumulé de France Médias Monde et TV5 Monde (340 millions d'euros en 2020). DW entend, d'ici 2021, approfondir sa présence au sein du monde arabe et en Turquie, de la zone Iran-Pakistan-Afghanistan, en Afrique subsaharienne et dans le monde slave. DW bénéficie d'une aide de 30 millions d'euros par an au titre de l'aide publique au développement. Les effectifs de DW sont estimés à 3 000 ETP. Elle revendique 162 millions de contacts hebdomadaires

La stratégie d'influence de ces différents acteurs s'inscrit de surcroît dans un contexte marqué par l'émergence des géants du secteur du numérique et pae leur importance croissante dans le paysage médiatique.

D. UNE STRATÉGIE À REPENSER

Votre rapporteur spécial reste assez réservé sur les contours de la mission d'Olivier Courson, qui peuvent apparaître contradictoires, en voulant accroître les moyens de l'influence française tout en appelant à une réduction des moyens qui lui sont assignés.

De la présentation sommaire des conclusions qui lui en a été faite, votre rapporteur spécial retient avant tout la possibilité d'un rapprochement de FMM avec l'Agence française de développement. Un fléchage des crédits de celle-ci doit permettre notamment de renforcer la présence de FMM en Afrique. Plus largement, le montant des actions menées par FMM et pouvant relever de l'aide au développement est estimé à une somme comprise entre 20 et 30 millions d'euros. Reste à adapter les critères d'éligibilité des projets en ce qui concerne l'audiovisuel. Les projets financés par l'AFD le sont dans le cadre d'une aide limitée à une durée de 4 ans, ce qui peut apparaître peu efficient s'agissant des investissements audiovisuels. L'octroi annoncé en 2020 d'un financement (1,2 million d'euros) pour développer le pôle de langues africaines de RFI permettra d'évaluer les contours de ce partenariat.

S'il partage le souhait du Gouvernement de réformer l'audiovisuel public, votre rapporteur spécial rappelle que ce projet doit également aboutir à une mise en avant de la spécificité de l'audiovisuel extérieur. Le rôle de la puissance publique est en effet de contribuer au financement de missions permettant de renforcer la présence française dans le monde, face à une concurrence particulièrement agressive. Votre rapporteur spécial souhaite donc que soit sanctuarisé un pourcentage de la contribution à l'audiovisuel public, qui serait consacré à l'audiovisuel public extérieur 24 ( * ) . Cette sanctuarisation pourrait être précédée d'une modification de la répartition de la contribution à l'audiovisuel public entre les différents affectataires.

Cette part réservée financerait uniquement des dépenses afférentes au renforcement de la présence française dans le monde et non des dépenses courantes de fonctionnement. Elle impliquerait un rapprochement des ministères chargés des affaires étrangères et de la culture en vue d'élaborer les priorités en la matière. Il convient de rappeler à ce stade qu'un représentant du ministère chargé des affaires étrangères participe au conseil d'administration de FMM. L'agence CFI détenue par FMM est par ailleurs principalement soutenue par ce ministère, via le programme 209.

Cette refonte de la gouvernance et cet élargissement du financement impliquent, dans le même temps, une amélioration des outils de suivi budgétaire, ciblant notamment l'utilisation, par zone géographique, des crédits affectés.

S'agissant des synergies, le ministère comme le rapport Courson table sur la réforme de l'audiovisuel à venir et le cadre de la holding pour les développer. Les annonces en la matière ne convainquent pas votre rapporteur spécial (cf supra). Les mutualisations existent déjà, notamment entre FMM et TV5 Monde. Les deux groupes participent ainsi :

- à Vrai ou Fake ?, la plateforme de décryptage de l'information et d'éducation aux médias commune aux sociétés de l'audiovisuel public et hébergée sur le site de franceinfo, mise en ligne le 6 juin 2018 ;

- à Culture Prime, l'offre numérique culturelle commune aux sociétés de l'audiovisuel public lancée en novembre 2018 ;

- au groupement qui s'est constitué entre les sociétés du secteur pour choisir un prestataire du prochain Centre opérationnel de sécurité commun.

Votre rapporteur spécial s'interroge cependant sur un rééquilibrage entre TV5 Monde et France 24. Le positionnement de TV5 est aujourd'hui nettement orienté vers la culture et le divertissement, par le biais de la diffusion de programmes produits par les chaînes des services publics français, suisse, belge et québécois. Fort de cette évolution, la question du maintien d'une rédaction autonome peut-être posée. Une éventuelle suppression pourrait conduire à un redéploiement de crédits vers FMM.

Observation n° 12 : la réduction des moyens imposée aux sociétés de l'audiovisuel public fragilise considérablement toute ambition en faveur de l'audiovisuel extérieur. Faute de sanctuarisation des moyens et de rapprochement effectif avec l'Agence française de développement, France Médias Monde ne peut rivaliser avec les stratégies déployées par les grandes puissances mais aussi par certains de nos partenaires européens.

EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ

ARTICLE 76 quaterdecies (nouveau)

Affectation de la taxe sur les spectacles de variétés au Centre national de la musique

Commentaire : le présent article prévoit d'affecter la taxe sur les spectacles de variétés perçue au profit du Centre national de la chanson, des variétés et du jazz, au Centre national de la musique appelé à lui succéder le 1 er janvier 2020.

I. LE DROIT EXISTANT

L'article 76 de la loi de finances pour 2003 institue une taxe sur les spectacles de variétés affectée au Centre national de la chanson, des variétés et du jazz 25 ( * ) , dans la limite d'un plafond fixé par la loi de finances pour 2012 26 ( * ) . Son produit est affecté au financement des actions de soutien aux spectacles de chanson, de variétés et de jazz.

Cette taxe s'applique aux représentations de spectacles de variétés, lorsque ceux donnent lieu à la perception d'un droit d'entrée, ou à défaut à la cession ou à la concession de son droit d'exploitation. Elle est assise sur le montant hors taxe des recettes de billetterie ou sur le montant hors taxe des sommes perçues au titre de la cession ou de la concession du droit d'exploitation du spectacle. Son taux est de 3,5 %.

Elle est acquittée par l'entrepreneur de spectacle responsable de la billetterie ou, en cas de cession ou de concession du droit d'exploitation, par le vendeur du spectacle. Elle est directement recouvrée par le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz.

Les représentations de spectacles de variétés qui sont intégrées à des séances éducatives présentées dans le cadre des enseignements d'un établissement placé sous la tutelle de l'État ou ayant passé avec celui-ci un contrat d'association sont exonérées de cette taxe.

Le plafond de cette taxe est fixé à 50 millions d'euros. Son rendement attendu en 2020 est estimé à 42,5 millions d'euros.

Institué par la loi n° 2019-1100 du 30 octobre 2019, le Centre national de la musique est appelé à succéder, au 1 er janvier 2020, au Centre national de la chanson, des variétés et du jazz 27 ( * ) . Aux termes de l'article 4 de cette loi, le Centre national de la musique bénéficiera du produit de la taxe sur les spectacles de variétés.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ À L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article est issu de l'adoption, après avis favorable du Gouvernement, d'un amendement de nos collègues Pascal Bois et Émilie Cariou, auteurs de la proposition de loi instituant le Centre national de la musique.

Le I du présent article est de nature rédactionnelle.

Le II vise à préciser les conditions d'affectation de cette taxe . Celle-ci devrait ainsi être, jusqu'au 31 décembre 2022, spécifiquement dédiée au financement des actions de soutien aux spectacles de chansons, de variétés et de jazz. Passée cette date, le principe de solidarité collective de la filière inhérent à la création du CMN tendra à s'imposer.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Outre le produit de la taxe sur les spectacles de variétés actuellement versé au CNV (42,5 millions d'euros attendus en 2020), le CNM devrait disposer d'autres sources de financement.

Les crédits budgétaires dédiés à l'IRMA, au fonds pour la création musicale (FCM), au club action des labels et disquaires indépendants (CALIF) et au Bureau export de la musique, appelés à fusionner avec le CNV au sein du CNM, viendront ainsi abonder son budget, à hauteur de 4,25 millions d'euros. Les organismes de gestion collective pourront également affecter au CNM les contributions actuellement destinées à l'action culturelle et sociale.

Ces sommes seront complétées par une subvention du ministère chargé de la culture. Le présent projet de loi de finances prévoit ainsi une dotation de 7,5 millions d'euros, via le programme 334. Les ressources affectées au CNV dans le programme 131 « Création » de la mission « Culture », évaluées à 0,495 million d'euros, viendront compléter cette dotation.

La mission de préfiguration du CMN tablait sur une subvention du ministère de la culture de 20 millions d'euros. Lors de l'examen de la mission à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a indiqué une montée en charge progressive de ce financement pour atteindre cet objectif en deux ou trois ans, sans plus de précision.

Les auteurs de l'amendement justifient donc l'introduction d'une période transitoire par le fait qu'en 2023, le CNM devrait bénéficier du financement complémentaire de l'État attendu et accomplir l'ensemble de ses missions. En attendant, le produit de la taxe actuellement dédiée ne saurait être affecté à d'autres projets que le financement des actions de soutien aux spectacles de chanson, de variétés et de jazz, sauf à affaiblir celui-ci et à fragiliser une partie de la filière.

Cet article additionnel rejoint les préoccupations exprimées par dans le présent rapport spécial sur le financement du CNM. Il devrait inciter le Gouvernement à accélérer la montée en puissance de son soutien budgétaire.

Décision de votre commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR
L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a adopté les crédits de la mission avec modifications.

En seconde délibération, l'Assemblée nationale a minoré les crédits de la mission de 2 313 349 d'euros en AE et en CP afin de gager des ouvertures de crédits sur d'autres missions. Cette diminution se décompose de la façon suivante :

- 1 313 349 euros en AE et en CP au titre du programme 180 «Presse et médias» ;

- 799 992 euros en AE et en CP, au titre du programme 334 «Livres et industries culturelles».

AMENDEMENT PROPOSÉ PAR VOTRE
COMMISSION DES FINANCES

Direction de la Séance

Projet de loi

PLF pour 2020

Seconde Partie

Compte spécial - Avances à l'audiovisuel public

(n° 139 , rapport 140 ,  142 )

N° II-23

22 novembre 2019

AMENDEMENT

présenté par

M. KAROUTCHI

au nom de la commission des finances

ARTICLE 40 (CRÉDITS DU COMPTE SPÉCIAL)

État D

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

France Télévisions

9 900 000

9 900 000

ARTE France

Radio France

France Médias Monde

9 900 000

9 900 000

Institut national de l'audiovisuel

TV5 Monde

TOTAL

9 900 000

9 900 000

9 900 000

9 900 000

SOLDE

0

0

Objet

Le présent amendement vise à modifier la répartition des économies demandées par le Gouvernement aux sociétés de l'audiovisuel public en juillet 2018. L'objectif de diminution de 190 millions d'euros des ressources de l'audiovisuel public à l'horizon 2022 se traduit dans le présent projet de loi de finances par un effort de 70 millions d'euros, réparti entre l'ensemble des sociétés de l'audiovisuel public.

Or, cet effort demandé à tous ne tient pas compte de deux paramètres :

- certaines sociétés ont déjà réalisé des plans d'économies et de maîtrise des charges courantes. Leur demander de réaliser à nouveau des économies impliquerait une remise en cause de l'exercice des missions de service public qu'elles assument ;

- certaines missions de service public sont mieux identifiées et plus stratégiques pour le secteur audiovisuel public.

Il est ainsi nécessaire de garantir les ressources de l'audiovisuel public extérieur. France Médias Monde a réalisé ces dernières années des réformes de structure. Les conséquences d'une diminution des financements publics de l'audiovisuel extérieur seraient problématiques en termes stratégiques et conduiraient le groupe à devoir faire des choix déterminants concernant sa présence dans le monde, alors même que le renforcement de celle-ci fait figure de priorité pour le Gouvernement. Dans l'attente de la définition de priorités stratégiques et d'une solution pérenne de financement de l'audiovisuel public extérieur, au travers d'une sanctuarisation d'une part de la contribution à l'audiovisuel public, le présent amendement augmente la dotation de France Médias Monde de 9,9 millions d'euros. La dotation atteindrait ainsi le montant prévu en  2020 par le contrat d'objectifs et de moyens signé par l'État et France Médias Monde en 2017.

Les 9,9 millions d'euros nécessaires pour cet amendement seront imputés sur la dotation de France Télévisions. La trajectoire d'économies proposée par le Gouvernement fixe l'objectif de diminution des ressources du groupe à 160 millions d'euros en 2022 La baisse de la dotation semble absorbée en large partie par une réduction des charges de personnel, - 63 millions d'euros entre 2018 et 2019. Si elles constituent un poste évident d'économies, elles ne sauraient permettre d'esquiver un véritable débat sur le périmètre du groupe et ses missions. Les coûts de grille des programmes n'ont ainsi que peu évolué entre 2018 et 2019. Le budget 2019 du groupe prévoyait une somme y afférent de 2,094 milliards d'euros, soit 15 millions d'euros de moins qu'en 2018 (2,109 milliards d'euros). Il convient de rappeler que le coût des acquisitions de programmes et fictions américains représentait en 2018 57,8 millions d'euros. Une baisse supplémentaire de la dotation de 9,9 millions d'euros qui viendrait s'ajouter à la réduction de 60 millions d'euros prévue par le présent projet de loi de finances devrait inciter France Télévisons à réviser son positionnement et à se recentrer sur des émissions dédiées à la promotion de la culture et à l'accès à la connaissance accessibles à toutes les générations.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le jeudi 14 novembre 2019, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a examiné le rapport de M. Roger Karoutchi, rapporteur spécial, sur la mission « Médias, livres et industries culturelles » et le compte de concours financier « Avances à l'audiovisuel public » (et communication sur le contrôle budgétaire sur le financement de l'audiovisuel extérieur).

M. Roger Karoutchi , rapporteur spécial (Mission « Médias, livres et industries culturelles » et compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ») . - Mon rapport, comme l'an dernier, couvre deux sujets, fort différents.

S'agissant de la mission « Médias, livres et industries culturelles », le montant global des crédits s'élève à 580 millions d'euros en AE et à 590 millions en CP. Il y a deux ou trois ans, j'avais indiqué que l'Agence France Presse (AFP) ne s'en sortait pas financièrement, parce qu'elle devait faire face à des procédures judiciaires de requalification des emplois de ses correspondants à l'étranger. Elle a fait de gros efforts pour sa numérisation, aussi. Sa dotation, cette année, est majorée de 6 millions d'euros pour atteindre environ 140 millions d'euros. Son président dit que c'est suffisant, car il compte sur les ressources des ventes et abonnements. Pour le moment, toutefois, l'AFP n'est pas totalement concurrentielle face aux grandes agences anglo-saxonnes.

S'agissant de la presse écrite, l'aide au portage diminue. C'est normal : les volumes expédiés sont de moins en moins importants. Les aides à la presse se concentrent sur la numérisation et la modernisation, notamment à travers le Fonds stratégique pour le développement de la presse et le Fonds de soutien à l'émergence et à l'innovation dans la presse. Quels critères devraient être retenus pour les aides à la diversité de la presse ? Ceux qu'on utilise datent de plusieurs décennies... Il faudra les repenser.

L'aide au livre est plus large que cette mission, qui se concentre sur les bibliothèques, et notamment - 210 millions d'euros sur 283 - la Bibliothèque nationale de France, dont les travaux semblent avoir été repris en main et devoir s'achever - enfin ! - dans deux ans.

Nous avons voté la création d'un centre national de la musique (CNM). Le financement complémentaire apporté par l'État dans le cadre du présent projet de loi de finances est de 7,5 millions d'euros, alors qu'il s'était engagé sur 20 millions d'euros. Le Gouvernement a promis une montée en charge progressive... Compte tenu de la faiblesse des ressources du CNM et des moyens dont il dispose pour soutenir le secteur, il paraît indispensable, à moyen terme, de conserver le crédit d'impôt pour les dépenses de production phonographique (CIPP) et le crédit d'impôt pour dépenses de production de spectacles vivants (CISV). L'Assemblée nationale a précisé dans un article additionnel les conditions d'affectation de la taxe sur les spectacles de variétés versée au CNM. Aux termes de cet amendement, la taxe devrait ainsi être, jusqu'au 31 décembre 2022, spécifiquement dédiée au financement des actions aux spectacles de chansons, de variétés et de jazz. Au 1 er janvier 2023, le principe de solidarité collective de la filière tendra à s'imposer. Je vous propose de ne pas revenir sur cet article.

Abordons maintenant le cinéma. Je ne pleure pas sur les crédits du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), qui se porte bien. L'harmonisation des taux de la taxe sur les services de télévision - éditeurs (TST-E) et de la taxe sur la diffusion en vidéo physique (TSV), qui vise notamment Youtube et Netflix - fait oeuvre utile en prenant en compte les nouveaux modes de diffusion d'oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles, tout en garantissant des revenus constants pour le CNC. Celui-ci est demandeur d'une réforme de la fiscalité qui lui est affectée. Mais il n'est pas en crise, et aide beaucoup à la production cinématographique, grâce à des ressources conséquentes.

Venons-en aux concours financiers à l'audiovisuel public. Je vais tenter de rester plus modéré que l'année dernière ! La redevance, la contribution à l'audiovisuel public (CAP), devrait atteindre 3,79 milliards d'euros en 2020. Le Gouvernement a annoncé la baisse d'un euro de cette redevance. Je ne parviens toujours pas à comprendre le système. On attend un grand texte sur la réforme de l'audiovisuel public. Les premières annonces laissent un peu sceptique pour le moment, puisque le périmètre ne serait presque pas changé et que l'on ne revient pas sur les missions de service public de l'audiovisuel : on va en fait mettre en place une holding qui conservera les chaînes et leurs directeurs, mais qui sera une structure avec plusieurs directions. Je ne comprends pas en quoi cette structure permettrait de faire des économies. Je redoute qu'il s'agisse d'une structure chapeau supplémentaire aux directions qui ne fasse qu'ajouter des dépenses de fonctionnement. Je ne suis pas convaincu par la réforme, car je n'y vois pas de vision stratégique. Le souhait du ministre est de baisser progressivement les crédits, puis de voir ensuite, avec cette holding, comment réaliser des économies. Je pense qu'il eût été préférable de redéfinir l'ensemble préalablement.

Globalement, c'est France Télévisions qui, avec 60 millions d'euros de moins de dotation, doit faire l'effort maximum. Je défendrai un amendement pour réorienter une partie de sa subvention sur l'audiovisuel extérieur. Les économies demandées peuvent apparaître conséquentes. C'est toutefois un effort maximum à partir de peu d'efforts ! Simultanément, on demande à Radio France de faire un effort qui me semble plus important puisqu'elle a déjà restructuré et rationalisé ses programmes et réduit le service. Je rappelle que dans le PLF 2019, on parlait d'un financement ad hoc pour le chantier de Radio France, qui n'est toujours pas terminé. Le ministre m'a répondu il y a quelques jours que je verrais bien quand ce financement ad hoc arriverait... En attendant, Radio France doit poursuivre le chantier sur ses propres crédits.

J'ai axé cette année ma mission de contrôle sur l'audiovisuel extérieur. Le Gouvernement avait confié à Olivier Courson une mission sur l'audiovisuel extérieur pour établir une cartographie des activités, voir les pistes d'économie et le développement. On peut distinguer deux maillons, avec France Médias Monde (FMM), d'un côté, et TV5 Monde, de l'autre. Le caractère multilatéral de la gouvernance de TV5 Monde rend délicate toute appréciation. FMM, créée en 2008, rassemble une chaîne de télévision et deux radios : France 24, qui émet en quatre langues - le français, l'anglais, l'arabe et l'espagnol -, Radio France International (RFI), qui émet en français et en treize autres langues, et Monte Carlo Doualiya (MCD), une radio généraliste qui émet en langue arabe. L'agence Canal France International (CFI), est, par ailleurs, devenue, depuis le 27 juin 2017, une filiale de FMM. CFI reste financée dans le cadre de l'aide publique au développement afin de favoriser le développement des médias en Afrique, dans le monde arabe et en Asie du Sud-Est.

En revanche, je suis inquiet concernant le financement de France Médias Monde. Elle connaît pourtant un accroissement de spectateurs ou d'auditeurs considérable. France 24 a vu par exemple le nombre de ses contacts hebdomadaires progresser de 55 millions en 2016, à 79,8 millions en 2018. Par ailleurs, 46,3 millions de personnes - soit une progression de 8,4 % par rapport à 2017 - accèdent chaque semaine aux chaînes de FMM via Internet.

Les dépenses annuelles de la holding FMM représentent 268 millions d'euros. Le Gouvernement a diminué progressivement les crédits ces dernières années. FMM a réalisé beaucoup d'efforts en termes de réduction des coûts, en fermant certaines stations - notamment en Afrique orientale -, en réduisant ses programmes. L'année prochaine, la dotation s'établirait à 255,2 millions d'euros, en diminution de 1 million d'euros par rapport à l'exercice précédent.

Lorsque nous protestons contre cette baisse des crédits, le Gouvernement nous répond : « en proportion, FMM baisse moins ses crédits que France Télévisions ». La comparaison n'est pas valable : FMM ne peut y arriver. Je vous rappelle que FMM est en concurrence avec l'audiovisuel extérieur des États-Unis, de la Russie, de la Chine, de l'Allemagne et de la Grande-Bretagne. La Chine consacre 1,3 milliard d'euros à son audiovisuel extérieur, les États-Unis 720 millions d'euros, le Royaume-Uni, 380 millions et l'Allemagne 400 millions. En France, nous sommes à 255 millions. Les Européens, les États-Unis, la Russie et la Chine mettent nettement plus de crédits sur leur audiovisuel extérieur que la France. Nous sommes très en retard et nous demandons à FMM de se débrouiller pour trouver des recettes supplémentaires, dans la publicité, les budgets locaux, etc.

L'année dernière, nous avions fait voter, au Sénat, un amendement - certes peu révolutionnaire - tendant à lui octroyer des crédits supplémentaires à hauteur de deux millions d'euros, mais le Gouvernement l'a fait supprimer à l'Assemblée nationale.

Nous ne comprenons pas : le chef de l'État dit qu'il souhaite rehausser notre ambition en matière de promotion de la langue, des contenus français, en s'appuyant sur notre puissance de feu médiatique, citant même « l'institution puissante que représente FMM » et, en parallèle, on baisse les crédits d'une structure qui a fait beaucoup d'efforts. Ce n'est pas avec 1,2 million d'euros de l'AFD pour RFI que cela peut fonctionner. Par exemple, les Britanniques versent des crédits assez conséquents de l'aide au développement à leur système audiovisuel extérieur. Pourquoi refuser de le faire en France ?

Il faut faire en sorte que dans le cadre de la réforme de l'audiovisuel, il y ait une sanctuarisation des crédits de l'audiovisuel extérieur. L'idéal, si le Gouvernement l'acceptait, serait de proposer un pourcentage constant de la CAP, qui serait consacré à l'audiovisuel public extérieur. Je vous proposerai en attendant un amendement pour France Médias Monde, visant à majorer les crédits de 9,9 millions d'euros, au détriment de France Télévisions. Les crédits de FMM sont en effet inférieurs de 9,9 millions à ce que prévoyait le contrat d'objectifs et de moyens.

La course à l'audimat n'est pas conforme à la mission de service public confiée à France Télévisions. On voit France Télévisions acheter des films américains à des prix extravagants pour battre TF1 certains soirs. Je peux comprendre que cela fasse plaisir à France 2, mais s'agit-il là d'une mission de service public ? Sur ce sujet, le ministre ne souhaite pas bouger, car il ne voit pas comment s'en sortir. Mais si l'on dit que France Télévisons a une mission de service public, que l'on revoit et définit le périmètre, faudrait-il soumettre France Télévisions à l'audimat ? Le service public ne doit pas proposer exclusivement des programmes ennuyeux, que personne ne regarde. On ne doit pas pour autant le mettre constamment en concurrence avec TF1, ce qui conduit à n'avoir comme unique repère que la bataille de l'audimat. Là, ce n'est plus du service public.

France Télévisions demande à avoir des pages publicitaires supplémentaires jusqu'à 21 h 15 ; j'y suis défavorable. Sur France Télévisions, il n'y a plus de publicités après 20 h 30, mais il y a de la promotion avec des émissions parrainées jusqu'à 21 h 10. Il faut donc redéfinir le périmètre.

Pour en revenir à cet amendement de crédits, s'il est adopté, j'émettrai un vote positif sur les crédits du compte de concours financiers à l'audiovisuel public. Je rappelle que je suis favorable à l'article rattaché 76 quaterdecies sur les conditions d'affectation de la taxe sur les spectacles de variétés au Centre national de la musique et invite à voter les crédits de la mission « Médias, livres et industries culturelles ».

Mme Sylvie Vermeillet . - Quel est l'avenir de la CAP avec la suppression de la taxe d'habitation ? Ce sujet semblait séduire Gérald Darmanin qui avait envisagé de la supprimer. Comme l'ensemble des Jurassiens, je suis excédée par les programmes télévisés qui commencent à 21 h 15.

M. Victorin Lurel . - Connaît-on la date de parution du rapport que devait fournir le Gouvernement sur l'avenir de la CAP ?

Avec l'article 31 du PLF, le Gouvernement a décidé de déroger à la règle en vigueur d'indexation de la CAP sur l'inflation. Je trouve cela hypocrite, car le gain de pouvoir d'achat est insuffisant : il est de l'ordre de 0,25 centime d'euro par personne et par an pour une famille de quatre personnes.

Le Gouvernement souhaite imposer au secteur public une économie de 70 millions d'euros. Nous avions déjà consenti 36 millions d'euros l'année dernière et en 2017, soit 72 millions d'euros sur les deux dernières années. Le pire est à venir puisqu'à l'horizon, de 2022, l'audiovisuel public verra sa dotation publique baisser de 190 millions, dont 160 millions imputables sur la seule dotation de France Télévisions et 20 millions sur celle de Radio France. La totalité des 70 millions serait portée par France Télévisions selon l'amendement de notre collègue. C'est là que nous avons quelques divergences, car c'est le personnel qui va porter cet effort. France Télévisions doit faire des efforts de rationalisation et trouver un nouveau modèle économique bien entendu, mais là, c'est une véritable saignée pour France Télévisions !

Le Gouvernement engage France Télévisons dans une stratégie qui me paraît relever de l'idéologie. La suppression des deux chaînes France 4 et France Ô représente 25 millions d'euros d'économies, mais, en même temps, on crée France Info Tv, chaîne d'information en continu, à laquelle on octroie 50 millions d'euros. Je souhaiterais que le rapporteur m'éclaire sur le total des économies réalisées et sur ce qu'il adviendra des canaux libérés ? Seront-ils supprimés du bouquet TNT, vendus à d'autres chaînes ?

Par ailleurs, depuis 2002, France Télévisions a dû supprimer 1 000 ETP. Il faudra en supprimer autant d'ici à 2022, ce qui représente 20 % des effectifs en moins en dix ans. Pouvez-vous m'indiquer combien vont coûter à court et à moyens terme le plan de départs volontaires, les ruptures conventionnelles et les nombreux contentieux ?

Enfin, dans le CAS « Participations financières de l'État », l'État a décidé de participer à l'augmentation du capital de France Télévisions à hauteur de 115 millions d'euros libérés sur quatre ans pour permettre au groupe de s'adapter à la révolution numérique. Mis en perspective avec le plan social imposé à l'entreprise, j'ai du mal à croire à l'intérêt de ces 115 millions d'euros. Le rapporteur peut-il nous dire à quoi correspond véritablement cette somme ? Je ne crois pas à l'utilité de la holding, dont nous ignorons tout du périmètre.

Depuis 2009, on interdit aux chaînes de commercialiser des espaces publicitaires en soirée. L'interdiction a été étendue aux programmes jeunesse, y compris pendant les jeux Olympiques de 2024. Comment France Télévisions pourrait-il donc à l'avenir diversifier ses sources de financement ? Le groupe fera donc face à une baisse massive des dotations publiques sans capacité de développer ses propres ressources via la publicité ou la production interne de programmes, à l'inverse de la BBC. Parallèlement, France Télévisions sera toujours obligée de financer la production externe audiovisuelle et cinéma à hauteur de 480 millions d'euros par an. Toute l'entreprise réalise des économies massives sauf les sociétés de production privées qui continue de disposer d'une enveloppe garantie de la CAP. Je rappelle que le groupe France Télévisions ne possède que des droits limités lorsqu'il achète en externe des productions : passé le délai de sept jours, il n'a plus le droit de diffuser gratuitement les programmes qu'il a financés. L'oligopole des producteurs privés fait cofinancer ses productions par le secteur public et garde le bénéfice des droits de diffusion.

Quel est donc l'avis du rapporteur sur ce point ? Comment permettre à France Télévisions de reprendre le contrôle sur des programmes qu'elle finance avec de l'argent public et sur lesquels elle est aujourd'hui dépossédée de tous ses droits ?

Notre groupe devrait voter contre l'adoption de cette mission.

M. Patrice Joly . - Je partage l'avis du rapporteur sur les enjeux diplomatiques, culturels, économiques et politiques que constitue l'audiovisuel extérieur. Nous avons la chance d'avoir une histoire qui a constitué ce réseau de la francophonie.

Par ailleurs, j'ai beaucoup d'inquiétudes sur la diffusion de la presse, compte tenu de la situation du groupe Presstalis. Sur mon territoire, la Nièvre, la diffusion des quotidiens n'est assurée qu'un jour sur deux. Le numérique n'est cependant pas accessible à tous et, sur les territoires ruraux, il n'apporte qu'une réponse partielle aux besoins. pourtant, il importe de ne pas négliger cet enjeu démocratique et culturel au regard de ce que l'on observe dans les sondages et les résultats électoraux.

M. Jean-Claude Requier . - Radio France dispose de deux orchestres : l'Orchestre national de France et l'Orchestre philharmonique de Radio France dont les dépenses de fonctionnement représentent 7,4 millions d'euros. Je ne suis pas musicien, mais, ne pourrait-on pas se contenter d'un seul orchestre ?

La CAP baisse d'un euro symbolique. Comment va-t-on la prélever à l'avenir puisqu'elle ne sera plus couplée avec la taxe d'habitation ?

Je partage le point de vue du rapporteur sur les missions du service public. Par exemple, il y a peu de sports populaires diffusés sur les chaînes publiques. Comment faire pour acheter ces prestations onéreuses quand on a peu d'argent ?

Je vous rejoins également sur la publicité et les sponsors qui me semblent excessifs.

M. Marc Laménie . - Je m'intéresse particulièrement au programme 334, notamment à ses parties consacrées à la lecture et au livre ainsi qu'aux industries culturelles. Des crédits non négligeables sont fléchés vers trois opérateurs bien connus à Paris, mais peu en province : la Bibliothèque nationale de France, la Bibliothèque publique d'information (BPI) et le Centre national du livre. Les personnels de ces établissements ainsi que la culture sont concentrés sur Paris. Toutefois, je rappelle que la province a également des besoins importants.

M. Roger Karoutchi , rapporteur spécial . - Concernant l'avenir de la CAP, nous ignorons quel sera le niveau de la taxe et comment elle sera perçue avec la disparition de la taxe d'habitation. Gérald Darmanin n'a pas été suivi par le Gouvernement et le projet actuel est de l'intégrer à l'impôt sur le revenu, mais nous ne savons pas comment les choses vont se passer, notamment pour la moitié des Français qui ne paie pas cet impôt. Le Gouvernement essaie de trouver un système qui redonne environ 4 milliards d'euros. Une réflexion est engagée à Bercy. Le rapport que cite Victorin Lurel n'a toujours pas été remis.

Si elle se limite à la holding, la réforme de l'audiovisuel ne sera qu'une réforme de gouvernance qui n'abordera donc pas la publicité, le début des programmes ou la ressource. Le Gouvernement semble, pour l'heure, ne pas vouloir engager de réflexion sur le financement de l'audiovisuel avant d'avoir réformé la gouvernance. C'est peu logique. Cela signifie que nous allons avoir en mai-juin 2020 un texte sur la holding et les directions générales, mais nous ne saurons pas comment tout cela sera financé, et je doute que nous en sachions davantage à ce moment sur le prélèvement de l'audiovisuel.

Sur l'indexation de la CAP, qui était prévue sur l'inflation, la baisse d'un euro par an est inintéressante. C'est surtout symbolique et démagogique.

Concernant la baisse des crédits, j'entends régulièrement que l'on demande trop d'efforts à l'audiovisuel public. Oui et non ! Le chaînes publiques comme Radio France se sont mises d'accord il y a maintenant trois ans sur un programme sur cinq ans avec un contrat d'objectifs et de moyens qui comporte une rationalisation des services, une réduction du personnel, une révision de la grille et des programmes, etc. Radio France doit encore rationaliser, mais a fait un très gros effort. Aujourd'hui, il a d'ailleurs été annoncé que la chaîne se séparerait d'ici à 2022 à nouveau de 200 collaborateurs - 150 départs en retraite non renouvelés et 50 départs volontaires. Pour autant, les chaînes de Radio France - France Inter, France Info - sont en progression.

À France Télévisions, il y a eu des secousses en 2018 et début 2019. Les deux ministres successifs ont en effet signifié au groupe qu'il ne s'était pas pleinement engagé dans les efforts demandés depuis deux ans. En réalité, sous la présidence précédente, on avait déjà demandé à Delphine Ernotte depuis longtemps de réaliser des efforts : elle avait bloqué le système en disant que les tensions sociales étaient trop fortes et que les efforts ne pouvaient pas être aussi importants qu'à Radio France ! On ne voit pas pourquoi !

La réduction des coûts ne passe pas uniquement par la diminution des charges de personnel. Aujourd'hui, l'achat par France Télévisions de séries ou films américains représente plus de 94 millions d'euros par an. L'objectif poursuivi n'est pas le bon. En revanche, quand France Télévisions fait des efforts pour proposer des séries françaises historiques ou politiques de qualité, cela s'apparente à la mission de service public. Tous les accords signés avec les producteurs précisaient que l'aide visait à aider la production française et les PME. Il faut désormais trouver un équilibre.

France Télévisions - et ce groupe n'est pas le seul - réduit les marges des producteurs, diversifie, et a mis en place un système dit de maximum pour chaque société de production. Il y a encore cinq ans, certaines sociétés de production avaient jusqu'à 200 millions d'euros de commandes dans l'année. Pour rester à recettes constantes, il faut envisager soit une réforme du périmètre soit trouver de recettes complémentaires avec, notamment, des partenariats.

Je ne crois pas que France Télévisions soit mal traitée. Quand je vois les efforts consentis par d'autres chaînes, je constate qu'elle a encore des marges de progression. Il faudra, à un moment, redéfinir son financement. Cela sera plus difficile lorsque la CAP sera associée à l'impôt sur le revenu.

Pour répondre à Patrice Joly, le groupe Presstalis est en crise. On l'a réformé et refinancé, mais cela ne fonctionne pas. Les responsables de la Fédération nationale de la presse spécialisée que j'ai reçus il y a quelques jours ont indiqué que la grande presse nationale avait des systèmes de portage plus faciles. Des marges de progression demeurent à destination des zones rurales et de certaines zones de province.

Concernant les deux orchestres de Radio France, j'avais déjà posé la question l'an dernier. On m'a répondu : « Ce sont deux orchestres magnifiques. » L'idée de parvenir à un seul orchestre Radio France est dans toutes les têtes, mais, dans l'immédiat, Radio France nous demande de les conserver en arguant qu'ils sont excellents.

La dotation budgétaire pour les bibliothèques dans les territoires ne relève pas de la mission « Médias, livres et industries culturelles ». Le plan « Bibliothèques » lancé par le Gouvernement donne, cela étant, d'excellents résultats.

La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption de la mission « Médias, livres et industries culturelles », et de l'article 76 quaterdecies qui lui est rattaché.

L'amendement n° 1, présenté par le rapporteur spécial, a été adopté.

La commission a décidé de proposer au Sénat, sous réserve de l'adoption de son amendement, l'adoption du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ».

*

* *

Réunie à nouveau le 21 novembre 2019, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission des finances a confirmé sa décision de proposer au Sénat l'adoption sans modification des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et de l'article 76 quaterdecies , ainsi que l'adoption des crédits du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » tels que modifiés par son amendement.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Personnes entendues dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020

________________

Ministère de la culture et de la communication

Direction générale Médias et industrie culturelles

- M. Martin ADJARI, directeur général ;

- M. Fabrice de BATTISTA, chef du département des affaires financières et générales.

Centre national du cinéma et de l'image animée

- M Oliver HENRARD, délégué général ;

- M. Maxime BOUTRON, directeur financier et juridique.

Radio France

- Mme Sibyle VEIL, Présidente directrice générale ;

- Mme Marie MESSAGE, directrice des ressources et des moyens ;

- Mme Catherine DOUMID, directrice des relations extérieures.

Syndicat national de l'édition phonographique

- M. Alexandre LASCH, délégué général ;

- Mme Émilie TREBOUVIL, chargée des relations institutionnelles.

Fédération nationale de la presse spécialisée

- M. Laurent BERARD-QUELIN, Président;

- M. Jean-Louis REDON, Président de la commission vente et diffusion ;

- Mme Catherine CHAGNIOT, directrice générale.

Personnes entendues dans le cadre du contrôle budgétaire

________________

Ministère de la culture et de la communication

Direction générale Médias et industrie culturelles

- M. Ludovic BERTHELOT, sous-directeur de l'audiovisuel ;

- M. Louis BENON, chargé de mission en charge au bureau du secteur audiovisuel public, en charge de l'audiovisuel extérieur.

Ministère de l'action et des comptes publics

Direction du budget

- M. Jean-Marc OLÉRON, sous-directeur de la 8e sous-direction;

- M. Florian CAHAGNE, chef du bureau de la justice et des médias ;

- Mme Caroline REUILLON, adjointe au chef du bureau de la justice et des médias.


* 1 L'audiovisuel public fait l'objet d'un compte de concours financiers (cf infra).

* 2 Articles 1 er , 2 et 13 de la loi n° 57-32 du 10 janvier 1957 portant statut de l'Agence France Presse.

* 3 Loi n° 2018-1202 du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l'information.

* 4 Décret n° 2012-484 du 13 avril 2012 relatif à la réforme des aides à la presse, au fonds stratégique pour le développement de la presse et au fonds de soutien à l'émergence et à l'innovation dans la presse.

* 5 Décret n° 2016-1161 du 26 août 2016 relatif au soutien à l'émergence et à l'innovation dans la presse et réformant les aides à la presse.

* 6 Loi n° 2019-1100 du 30 octobre 2019 relative à la création du Centre national de la musique.

* 7 Rassembler la musique pour un centre national, mission confiée à M. Roch-Olivier Maistre, octobre 2017.

* 8 M. Pascal Bois, député de l'Oise et Mme Émilie Cariou, députée de la Meuse ont été chargés de cette mission.

* 9 Article 220 quindecies du code général des impôts

* 10 Articles 37 et 38 de la loi n° 2017-1175 du 28 décembre 2017 de finances rectificatives pour 2017.

* 11 Décision n° 2017-669 QPC du 27 octobre 2017 - Société EDI-TV.

* 12 II de l'article 30 de la loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013.

* 13 I à III de l'article 56 de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016.

* 14 Décret n° 2017-1364 du 20 septembre 2017.

* 15 Articles 220 F et 220 sexies du code général des impôts.

* 16 Articles 220 F et 220 sexies du code général des impôts.

* 17 Articles 220 X et 220 quaterdecies du code général des impôts.

* 18 Article 220 Z bis et terdecies du code général des impôts.

* 19 Article 199 unvicies du code général de simpôts

* 20 L'article 62 du présent projet de loi de finances prévoit en effet que l'abattement visant les chaînes ne diffusant pas de message publicitaire soit porté de 16 à 30 millions d'euros. Cette majoration est destinée à tenir compte de l'augmentation de l'audience de certaines de ces chaînes, à l'image d'ARTE, et du coût d'opportunité que représente l'absence de recette publicitaire.

* 21 FMM a racheté, le 12 février 2009, l'intégralité des actions détenues par TF1 et France Télévisions. Les deux groupes disposaient chacun de 50 % du capital.

* 22 Article 3 de la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision

* 23 Discours du Président de la République à l'Institut de France pour la stratégie sur la langue française, 20 mars 2018.

* 24 Votre rapporteur pour avis a fait adopter par le Sénat à l'occasion de l'examen des projets de loi de finances pour 2018 et pour 2019 deux amendements visant à majorer la dotation de FMM de respectivement 1,9 millions d'euros et 5 millions d'euros. Ils n'ont pas été retenus lors de l'examen de ces textes à l'Assemblée nationale.

* 25 Loi n° 2003-1312 du 30 décembre 2003 de Finances rectificative pour 2003.

* 26 Article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.

* 27 Loi n° 2019-1100 du 30 octobre 2019 relative à la création du Centre national de la musique.

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