C. UNE DIMINUTION DE CRÉDITS QUI AFFECTE TOUTES LES SOCIÉTÉS DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC

1. Un effort conséquent pour France Télévisions qui incite à une révision de son format

Le projet de loi de finances pour 2020 prévoit une dotation de 2,34 milliards d'euros , soit une réduction de 60 millions d'euros par rapport à celle octroyée en 2019. La réforme de la TST-E devrait lui permettre cependant de dégager environ 20 millions d'euros de ressources supplémentaires. La transformation de France 4 et France Ô en chaînes non linéaires devrait également concourir à libérer, en 2020, des gisements de ressources.

Le groupe poursuit par ailleurs sur la voie de la réduction de ses effectifs, établis à 9 618 ETP en 2018, soit un niveau inférieur aux prévisions budgétaires (-51 ETP) et en baisse significative par rapport à 2017 (- 224 ETP). La maîtrise des effectifs a vocation à se poursuivre en 2019, avec une prévision de 9 470 ETP (-148 ETP par rapport à 2018). Cette réduction a été notamment permise par la signature d'un accord-cadre sur le projet d'entreprise à l'horizon 2022 le 9 mai 2019. Il prévoit notamment la mise en oeuvre durable d'une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), par projet, encadrant l'évolution des métiers au niveau du groupe. Cet accord-cadre prévoit, en outre, une réduction supplémentaire des effectifs de l'entreprise, avec une cible d'effectifs désormais établie à 8 570 ETP au 1 er janvier 2023.

Les charges de personnel budgétées en 2019 s'élèvent à 889 millions d'euros (hors indemnités, coûts liés aux litiges et suppléments de cachets), contre 952 millions d'euros en 2018, soit une diminution de 63 millions d'euros. Si elles constituent un poste évident d'économies, elles ne sauraient absorber l'ensemble des efforts de réduction des coûts. Votre rapporteur spécial relève ainsi que les coûts de grille des programmes n'ont que peu évolué entre 2018 et 2019. Le budget 2019 du groupe prévoyait une somme y afférent de 2,094 milliards d'euros, soit 15 millions d'euros de moins qu'en 2018 (2,109 milliards d'euros). Il convient de rappeler que le coût des acquisitions de programmes américains représentait en 2018, 57,8 millions d'euros.

Charges d'exploitation et de personnel de France Télévisions

(en millions d'euros)

Exécution 2018

Prévision 2019

Variation

Variation (%)

Charges d'exploitation

2 632,3

2 593,6

-38,7

-1,47

Coût de la grille

2 109,4

2 094,1

-15,3

-0,7

Charges de personnel

952,2

889

-63,2

-6;63

Total

3 584.5

3 482,6

-101,9

- 2,84

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Un choix politique fort en termes de périmètre du service public devrait permettre de générer davantage d'économies concernant le coût de la grille. Une réflexion sur le positionnement du groupe (rôle de France 2 notamment) et sa taille apparaît en effet plus que nécessaire si le Gouvernement entend poursuivre sur la voie de la réduction des coûts. Votre rapporteur spécial rappelle son souhait que le groupe se recentre sur des émissions dédiées à la promotion de la culture et à l'accès à la connaissance accessibles à toutes les générations. Il avait insisté sur ce point lors de sa mission de contrôle en 2018.

2. Radio France face à la double contrainte de la rénovation de ses locaux et la numérisation de ses services

Radio France devrait voir sa dotation réduite de 5 millions d'euros en 2020. Elle serait ainsi ramenée à 587,3 millions d'euros HT. Cette réduction intervient alors que Radio France devrait faire face à de nouveaux coûts d'ici à2022 lié au financement de la priorité numérique et à la diffusion de l'ensemble de ses services en DAB+, sans occulter celui du chantier de la Maison de la radio.

Le coût total maximum de ces travaux a été évalué lors du conseil d'administration de Radio France du 21 décembre 2018 à 510 millions d'euros, dont 58,6 millions d'euros de provisions pour aléas et imprévus, pour partie inévitable compte tenu des caractéristiques du chantier : celui-ci se situe sur un site occupé, avec une contrainte supplémentaire s'agissant du bruit et le bâtiment apparaît mal documenté. 3 millions d'euros devraient néanmoins être rendus s'agissant de la provision.

La clé de répartition des coûts mise en place depuis le début des travaux prévoyait que la société autofinance 30 % des coûts, l'État finançant le solde. Le présent projet de loi de finances prévoit, en tout état de cause, une subvention d'investissement de 10 millions d'euros qui, comme l'an dernier, vient s'ajouter à la dotation de fonctionnement. La loi de finances pour 2019 annonçait un financement ad hoc. Un an plus tard, les contours de celui-ci ne semblent toujours pas définis. Le ministre de la culture a réaffirmé, lors de son audition le 31 octobre dernier, par la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, que ce financement ad hoc allait être défini. Mais il n'a apporté aucune précision à ce sujet.

La dernière phase du chantier est aujourd'hui lancée. Elle vise les studios de création. Une évaluation du coût total maximum est désormais en cours de finalisation. Il est une nouvelle fois regrettable que le Parlement ne puisse accéder à ses chiffres qu'à l'issue du vote de la loi de finances. La fin des travaux est envisagée au troisième trimestre 2022.

C'est dans cette optique que Radio France a présenté en juin 2019 un projet stratégique à horizon 2022. Celui-ci prévoit notamment :

- d'axer prioritairement les moyens de la société sur les trois missions de service public suivantes : l'information, la proximité, et la culture ;

- de s'appuyer sur les formations musicales de Radio France (Orchestre national de France, Orchestre philharmonique de Radio France, Choeur et maîtrise de Radio France) à travers le renforcement de leur présence dans tout le pays et le développement de la visibilité de leurs concerts au bénéfice de nouveaux publics (télévision, cinéma, numérique) ;

- de créer une plateforme numérique rassemblant tous les contenus produits par les chaînes du groupe. Cette démarche s'inscrit dans la continuité du rajeunissement observé des audiences et de l'orientation vers plus de pédagogie de ses antennes, à l'instar de France culture.

L'équilibre du projet stratégique de Radio France repose sur trois axes stratégiques de transformation :

- l'élaboration d'un plan d'évolution des compétences de ses salariés et d'adaptation de son cadre social, destiné à réaliser 25 millions d'euros d'économies d'ici à 2022. Il vise notamment à assouplir les règles en matière de temps de travail et devrait déboucher sur un plan de départs qui pourrait concerner entre 270 et 390 salariés ;

- la réalisation d'économies sur ses charges de diffusion sur la période 2019-2022 à hauteur de 5 millions d'euros et la poursuite de sa politique d'optimisation des achats et de maîtrise des dépenses de fonctionnement courant, afin de redéployer des moyens vers la production et la distribution numérique (10 millions d'euros d'économies attendues) ;

- une hausse de 20 millions d'euros d'ici à 2022 de ses revenus liée à la progression de ses recettes publicitaires, consécutive à la hausse de ses audiences et à la montée en puissance de ses podcasts, la valorisation de son savoir-faire dans le domaine du son, via la commercialisation de prestations et de formats audio auprès de tiers ou la location ponctuelle de studios à des productions externes dans le cadre du projet « Studio Radio France », la croissance de ses recettes de billetterie et un soutien financier d'acteurs publics ou privés auprès de ses deux orchestres.

Votre rapporteur spécial ne peut qu'appuyer une telle orientation. Il s'interroge cependant sur la faisabilité de ce plan. Ainsi, les charges de personnel n'ont été réduites que de 2,5 millions d'euros en 2019, soit - 0,6 %, le montant total de celles-ci atteignant 394,3 millions d'euros.

De fait, une démarche plus ambitieuse aurait pu consister en une véritable redéfinition du périmètre de Radio France, en réévaluant notamment l'apport de deux de ces antennes : FIP, dont le succès relève plus de l'estime que de l'audience compte-tenu de sa faible diffusion et le Mouv', même si l'auditoire de celle-ci tend à s'élargir.

En dépit d'un nombre d'enregistrements et de tournées croissant, la question du coût du maintien de deux orchestres de taille et de niveau comparable est également posée.

Coût de la direction de la musique de Radio France en 2019

(en millions d'euros)

Dépenses de fonctionnement

10,7

Orchestre national de France

3,7

Orchestre philharmonique de Radio France

3,7

Maitrise

0,4

Choeur et activités lyriques

0,6

Direction

2,3

Dépenses de personnel

33,1

Recettes

-1,9

Mécenat

-0,5

Total Charges Musique

41,4

Total Charges Radio France

696,4

Source : Commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

3. Un soutien inégal aux groupes tournés vers l'international

Le projet de loi de finances prévoit d'allouer à ARTE France une subvention diminuée de 2,2 millions d'euros HT. La prise en compte de l'effet de la réforme en cours de la TST-E dont devait s'acquitter ARTE viendrait en large partie compenser la diminution de la part de CAP affectée 20 ( * ) . Le montant de la dotation s'élèverait à 275,30 millions d'euros HT. Trois axes de développement sont assignés au groupe :

- le maintien de ses investissements dans la création ;

- le développement de l'innovation numérique, afin de continuer à anticiper les nouveaux usages ;

- la poursuite du développement européen au-delà de l'axe franco-allemand.

Votre rapporteur observe que cette stabilisation permet à la chaîne de répondre à une mission claire de service public, constante depuis sa création, qui consiste à oeuvrer pour le rapprochement des peuples d'Europe à travers la promotion de la création audiovisuelle européenne. Il avait appelé à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2019 à un maintien des crédits en étant à l'origine d'un amendement en ce sens, non repris par l'Assemblée nationale.

TV5 Monde devrait également bénéficier d'une dotation stabilisée à hauteur de 76,2 millions d'euros HT, soit le niveau enregistré en 2019.

À l'inverse, le groupe France Médias Monde (France 24, RFI et MCD) devrait voir sa dotation diminuer de 1 million d'euros pour atteindre 255,2 millions d'euros. Cette réduction de ses moyens fragilise la volonté exprimée par ailleurs par le président de la République de renforcer la présence audiovisuelle de la France dans le monde ( cf infra ). Elle dénote, en outre un traitement différencié en matière d'octroi de fonds selon qu'il s'agisse de partenariats (ARTE et TV5 Monde) ou d'entités nationales.

De fait, votre rapporteur spécial s'inquiète de la faiblesse des moyens de l'audiovisuel extérieur, alors que la concurrence des chaînes anglaises, américaines, chinoises ou russes est, tous les jours, plus active.

4. La diminution continue de la dotation de l'INA

Le présent projet de loi de finances prévoit d'allouer à l'Institut national de l'audiovisuel (INA) une dotation de 86,4 millions d'euros HT, soit une réduction de 1 million d'euros par rapport à 2019.

Comme votre rapporteur spécial l'indiquait l'an dernier, l'INA a su développer un processus de maîtrise de ses charges d'exploitation et de personnels. Ainsi, la masse salariale a été diminuée de 1,8 million d'euros entre 2013 et 2017. Cet effort semble néanmoins avoir été tempéré en 2018 avec la progression des charges de personnel de 1 million d'euros (66,56 millions d'euros contre 65,56 un an plus tôt). La réduction de la dotation publique en 2020 devrait inciter l'institut à renouer avec une trajectoire de limitation des coûts.

Cet écart pourrait cependant être compensé par la progression continue de ses ressources propres. Celles-ci ont en effet augmenté de plus de 1 million d'euros en 2019 pour atteindre 40,5 millions d'euros. Le lancement de nouvelles offres de contenus et de service, un approfondissement de son catalogue et la conception d'opérations éditoriales et la production sur mesure de contenus ont contribué à renforcer sa capacité d'autofinancement.

Montants prévus de la part de contribution à l'audiovisuel public attribué
aux sociétés de l'audiovisuel public en 2020

(en millions d'euros HT)

Montant prévu en 2020

Évolution par rapport à 2019

France Télévisions

2430,8

-60

Radio France

592,3

-5

ARTE France

277,5

-2,1

France Médias Monde

255,2

-1

Institut national de l'audiovisuel

86,4

-1

TV5 Monde

76,2

-

Total

3 711,2

-69,1

Source : commission des finances du Sénat


* 20 L'article 62 du présent projet de loi de finances prévoit en effet que l'abattement visant les chaînes ne diffusant pas de message publicitaire soit porté de 16 à 30 millions d'euros. Cette majoration est destinée à tenir compte de l'augmentation de l'audience de certaines de ces chaînes, à l'image d'ARTE, et du coût d'opportunité que représente l'absence de recette publicitaire.

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