B. LA CRÉATION DU CENTRE NATIONAL DE LA MUSIQUE : UN ÉTABLISSEMENT SOUS-DOTÉ

1. Un nouvel outil de soutien au secteur

L'adoption, le 16 octobre 2019, après accord en commission mixte paritaire, de la proposition de loi relative à la création du Centre national de la musique devrait ouvrir la voie au lancement, le 1 er janvier 2020, de cet établissement public à caractère industriel commercial 6 ( * ) . L'ambition affichée est de faire de cette nouvelle structure l'équivalent, dans le domaine de la musique, du centre national du cinéma et de l'image animée. Ce projet de « maison commune de la musique » avait été une première fois envisagé en 2011. Le ministère de la culture a relancé l'idée en juin 2017, en commandant un rapport sur le sujet 7 ( * ) puis en confiant à deux députés une mission de préfiguration en novembre 2018 8 ( * ) . La proposition de loi découle de celle-ci.

Le Centre national de la musique (CNM) devrait être chargé de quatre missions :

- l'observation de la filière musicale ;

- l'information, la formation, le conseil et l'accompagnement des professionnels ;

- le soutien économique aux acteurs ;

- le développement international.

Le nouvel établissement devrait fusionner plusieurs structures :

- le centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV) ;

- le club action des labels et disquaires indépendants (CALIF) ;

- le centre d'informations et de ressources pour les musiques actuelles (IRMA) ;

- le fonds pour la création musicale ;

- le bureau export de la musique.

Le Président du CMN devrait pouvoir délivrer, au nom du ministre de la culture, les agréments fiscaux des crédits d'impôt pour la production d'oeuvres phonographiques (CIPP) et pour les dépenses de production de spectacle vivant (CISV) atteignant environ 30 millions d'euros par an.

2. Des sources de financement variées

Le CNM disposera de plusieurs sources de financement. Il percevrait ainsi le produit de la taxe sur les spectacles de variétés actuellement versée au CNV (42,5 millions d'euros attendus en 2020).

Les crédits budgétaires dédiés à l'IRMA, au fonds pour la création musicale (FCM), au club action des labels et disquaires indépendants (CALIF) ou au Bureau export de la musique viendront également abonder son budget.

Enfin, les organismes de gestion collective pourront affecter au CNM les contributions actuellement destinées à l'action culturelle et sociale.

Ces sommes seront complétées par une subvention du ministère chargé de la culture. Le présent projet de loi de finances prévoit ainsi une dotation de 7,5 millions d'euros, via le programme 334. Les ressources affectées au CNV dans le programme 131 « Création » de la mission « Culture », évaluées à 0,495 million d'euros viendront compléter cette dotation.

3. Une subvention insuffisante ?

À périmètre constant, le financement complémentaire apporté par l'État à cette nouvelle structure s'élève donc à 7,5 millions d'euros. Cette somme reste cependant en deçà des orientations du rapport de la mission de préfiguration Ce document insistait sur un financement complémentaire de l'État de 20 millions d'euros. Reste à définir plus précisément si l'enveloppe accordée dans le cadre du présent projet de loi de finances ne constitue qu'un financement de transition, alors même que le CNM ne devrait atteindre son périmètre réel qu'en cours d'année et si les prochains exercices devraient être marqués par une montée en puissance de la subvention de l'État, comme indiqué par le Gouvernement à l'occasion de l'examen de la mission à l'Assemblée nationale.

Compte-tenu de la faiblesse des ressources du CNM et des moyens dont il dispose pour soutenir le secteur, il apparaît indispensable de pérenniser les deux crédits d'impôt.

Votre rapporteur spécial rappelle que le crédit d'impôt pour les dépenses de production phonographique (CIPP) dont l'impact fiscal était estimé à 11 millions d'euros en 2018, a été prorogé en loi de finances pour 2019 jusqu'en 2022. Le dispositif pourrait être repensé en vue de favoriser les TPE, potentiellement exclues par le critère dit de francophonie qui oblige une maison d'édition à produire 50 % d'albums francophones pour pouvoir être éligible au CIPP. Il convient, plus largement, de valoriser un dispositif qui ne semble pas confisqué par les grosses entreprises du secteur puisque 50 % du montant du crédit d'impôt concerne les petites maisons de production. Il s'agit d'une dépense fiscale dynamique : le nombre de bénéficiaires a ainsi été multiplié par 10 entre 2007 et 2015.

Le crédit d'impôt pour dépenses de production de spectacles vivants (CISV) a également fait l'objet d'une modification de son périmètre dans la loi de finances pour 2019, à l'initiative de l'Assemblée nationale 9 ( * ) . La dépense fiscale afférente au CISV était estimée à 15 millions d'euros en 2018. Le bénéfice de ce crédit d'impôt est désormais limité aux spectacles musicaux, qui doivent comprendre quatre représentations au minimum dans au moins trois lieux différents, le dispositif mettant en place un seuil d'affluence à partir duquel les artistes ne sont plus éligibles à ce dispositif. Cette modification était destinée à concentrer la dépense fiscale.

Plus largement, votre rapporteur spécial s'interroge sur les retards pris pour le lancement du CNM. Le décret l'instituant n'a toujours pas été adopté. Le rattachement prévu d'autres structures n'est pas encore traduit au plan budgétaire. Ainsi, si le présent projet de loi de finances prévoit l'affectation d'une partie des ressources autrefois affectées au CNV au futur CNM (0,895 million d'euros étaient prévus en LFI 2019 pour le CNV, dont 0,4 au titre d'un programme d'aide à la résidence d'artistes), rien n'est indiqué s'agissant des crédits accordés anciennement par le programme 131 « Création » à l'IRMA, au fonds pour la création musicale (FCM) ou au Bureau export de la musique (également financé par le programme 185 « Diplomatie culturelle et influence »), ces structures étant censées rejoindre le CNM. Les subventions accordées à ces différents organismes atteignent un montant équivalent à 4,25 millions d'euros par an. Elles sont pour l'heure intégrées aux crédits centraux de la sous-action 1 « Soutien dans le domaine de la musique enregistrée ».

Subventions de l'État aux organismes appelés à intégrer le CNM (hors CNV)

(en millions d'euros)

Organisme

Montant du financement public

Bureau export de la musique

- Dont Programme 131

- Dont Programme 185

3

- 2,8

-0,2

IRMA

0,8

FCM

0,2

CALIF

0,25

Total

4,25

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires et les rapports de préfiguration du CNM

Observation n° 6 : le financement complémentaire apporté par l'État au Centre national de la musique (CNM), soit 7,5 millions d'euros, est en deçà des orientations du rapport de la mission de préfiguration, qui insistait sur une dotation de 20 millions d'euros. Compte-tenu de la faiblesse des ressources du CNM et des moyens dont il dispose pour soutenir le secteur, il apparaît indispensable de conserver, à moyen terme, le crédit d'impôt pour les dépenses de production phonographique (CIPP) et le crédit d'impôt pour dépenses de production de spectacles vivants (CISV).


* 6 Loi n° 2019-1100 du 30 octobre 2019 relative à la création du Centre national de la musique.

* 7 Rassembler la musique pour un centre national, mission confiée à M. Roch-Olivier Maistre, octobre 2017.

* 8 M. Pascal Bois, député de l'Oise et Mme Émilie Cariou, députée de la Meuse ont été chargés de cette mission.

* 9 Article 220 quindecies du code général des impôts

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