II. LE PROGRAMME « LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES » : UNE MAQUETTE À REVOIR ET DES ENGAGEMENTS À PRÉCISER

Les crédits du programme « Livre et industries culturelles » connaissent une augmentation de 9,89 millions d'euros. Cette majoration est en très large partie destinée à abonder le Centre national de la musique, dont le lancement est prévu le 1 er janvier 2020.

Évolution des crédits du programme 334 « Livre et industries culturelles »
de 2019 à 2020

(en euros)

LFI 2019

PLF 2020

Variation 2020/2019 (%)

AE

CP

AE

CP

AE

CP

01 - Livre et culture

266 605 397

273 414 033

283 995 614

283 304 250

+2,55

-0,24

02 - Industries culturelles

15 406 051

15 406 051

23 048 415

23 048 415

+49,61

+49,61

334 - Livre et industries culturelles

282 011 448

299 401 665

296 462 448

306 352 665

+5,12

+2,32

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données budgétaires

A. DES MOYENS DISPERSÉS EN FAVEUR DU LIVRE

1. Un financement principalement tourné vers les opérateurs

L'action 01 « Livre et culture » du programme 334 ne reflète qu'imparfaitement l'action de l'État en faveur du livre. Cette action, qui devrait être dotée en 2020 de 283,3 millions d'euros, est en effet principalement tournée vers le financement des dépenses de fonctionnement de trois opérateurs : la Bibliothèque nationale de France (BnF), la Bibliothèque publique d'information (Bpi) implantée au Centre national d'art et de culture Georges Pompidou et le Centre national du livre. Ces trois établissements concentrent, en effet, 86 % des crédits prévus en 2020.

Subventions pour charges de service public versées dans le cadre du programme 334 (prévision 2020)

(en euros)

Dépenses de fonctionnement

Dépenses d'investissement

Total

AE

CP

AE

CP

AE

CP

BnF

186 426 829

186 426 829

23 684 783

23 684 783

210 111 612

210 111 612

BpI

6 887 559

6 887 559

4 375 812

2 766 029

11 263 371

9 653 588

CNL

24 643 000

24 643 000

75 000

75 000

24 718 000

24 718 000

Total

217 957 388

217 957 388

28 315 595

26 525 812

246 092 983

244 483 200

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données budgétaires

a) Des crédits dévolus aux travaux

La notion de dépense d'investissement doit par ailleurs être relativisée, tant celle-ci couvre principalement les frais inhérents aux travaux de rénovation de la BnF et de la Bpi.

Le coût total des travaux de la BnF s'agissant du quadrilatère Richelieu est estimé à 240,9 millions d'euros, soit un dépassement de plus de 30 %, par rapport au montant initial arrêté en 2011. La participation du ministère de la culture s'élève à 198,2 millions d'euros, financée sur le programme 334 « Livres et industries culturelles » à hauteur de 163,7 millions d'euros (dont 8,5 millions d'euros financés sur crédits propres par la BnF grâce au mécénat) et sur le programme 175 « Patrimoines », à hauteur de 34,5 millions d'euros. Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche contribue à ce chantier à hauteur de 42,7 millions d'euros. Le présent projet de loi de finances prévoit une intervention de 14,5 millions d'euros au titre du programme 334 pour financer ces travaux en 2020.

Le site Richelieu ne saurait résumer la dépense d'investissement de la Bnf, confrontée à l'obsolescence des équipements du site François Mitterrand. Celle-ci devrait fortement majorer les dépenses d'investissement dans les années à venir. Plusieurs chantiers ont déjà débuté ou devraient débuter en 2020, pour un montant total de 54,1 millions d'euros. Il en va ainsi :

- du remplacement du système de sécurité incendie, estimé à 31 millions d'euros, les travaux devant s'étaler de 2020 à 2026 ;

- de la rénovation des équipements de la gestion technique centralisée et du système de gestion technique électrique, pour un montant de 5,4 millions d'euros étalé entre 2019 et 2025 ;

- de remplacement des 62 ascenseurs du socle, soit 1 million d'euros par an entre 2020 et 2026 ;

- du remplacement du système de contrôle d'accès et de la vidéo-protection, pour un coût estimé à 5,8 millions d'euros étalé de 2019 à 2022 ;

- du renouvellement décennal du transport automatique des collections et des documents, soit 5,9 millions d'euros étalés entre 2016 et 2027.

De nouveaux travaux sont également prévus à partir de 2022. Le coût global est évalué à 18 millions d'euros. Ils visent :

- l'amélioration de la performance énergétique des centrales de traitement d'air. Le coût de 1,3 million d'euros sera étalé entre 2022 et 2027 ;

- le remplacement des groupes froids de la production centralisée , soit 4 millions d'euros entre 2022 et 2025 ;

- les travaux de réfection des tours aéro-réfrigérantes du site, soit 3 millions d'euros en 2022 ;

- la rénovation des installations électriques de puissance pour un coût de 9,7 millions d'euros à financer à partir de 2023.

2020 sera également marquée par le début des travaux de rénovation partielle des espaces de lecture de la BpI. Le coût total du chantier est estimé à 14 millions d'euros La subvention d'investissement prévue pour 2020 est majorée en conséquence de 4 millions d'euros destinés à couvrir des surcoûts liés à la complexité du chantier. Cette somme sera couverte par des CP en 2021 et 2022.

b) Une réelle maîtrise des charges de personnel

Ces investissements lourds ne doivent pas occulter les efforts de maîtrise des dépenses réalisés par les trois opérateurs, notamment en matière de personnels.

La BnF voit ses ETPT passer de 2 177,4 à 2 171 entre 2018 et 2019, une baisse des emplois hors plafonds étant également observée entre les deux exercices (-8). Une diminution de 13 ETPT est également attendue en 2020. La subvention accordée à la BnF devrait cependant être majorée de 2,456 millions d'euros afin de prendre en compte le transfert, depuis le programme 224 des crédits dédiés au plan de rattrapage indemnitaire ministériel lié à la mise en place du régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP), nouvel outil indemnitaire de référence qui remplace la plupart des primes et indemnités existantes dans la fonction publique de l'État (0,456 million d'euros). Une augmentation de la charge pour service public de 2 millions d'euros devrait également être mise en oeuvre afin d'accompagner la réouverture prévue en 2020 du site Richelieu, qui devrait affecter la masse salariale.

La Bpi réduit également à la marge le nombre d'ETPT qui passe de 21,1 à 20, 1 entre 2018 et 2019, un retour à 21,1 étant néanmoins attendu en 2020. Dans le même temps, le nombre d'emplois hors plafonds tend à croître passant de 5 en 2018 à 8 en 2020. De façon générale, les crédits prévus en 2020 sont maintenus au même niveau que ceux de 2019 (9,65 millions d'euros).

Les effectifs du CNL sont également relativement stables, le gain d'un ETPT étant attendu entre 2018 et 2020. La dotation prévue en 2020 est équivalente à celle octroyée en 2019 : 24,71 millions d'euros.

2. Soutien au livre ou à la lecture ?

Le rapport sur la situation des bibliothèques par MM. Erik Orsenna et Noël Corbin remis à la ministre chargée de la culture en février 2018 avait pour ambition de proposer des pistes pour la transformation des bibliothèques afin de garantir un accès plus large. Le « tour de France des bibliothèques » mené par les deux rapporteurs a souligné le dynamisme des collectivités territoriales en la matière et mis en avant un certain nombre d'expériences qui pourraient être généralisées :

- élargissement de leurs missions pour investir d'autres terrains, à l'instar de la formation, lutte contre la fracture numérique ou encore éducation artistique et culturelle ;

- développement de partenariats avec d'autres acteurs, intervenant dans le domaine culturel, social ou éducatif.

Le plan « Bibliothèques » s'inscrit dans cette optique et définit les bibliothèques comme des « maisons de service public culturel », particulièrement dans les zones prioritaires identifiées par le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) au titre des politiques de cohésion des territoires. Le dispositif est axé autour de deux thèmes :

- « ouvrir plus » visant spécifiquement l'extension des horaires d'accueil ;

- « offrir plus », portant sur l'élargissement des missions.

En dépit de l'objectif assigné au programme 334, « favoriser l'accès du public aux bibliothèques et le développement de la lecture », la gestion des crédits alloués à ce plan - 15 millions d'euros sur la période 2018-2020 - est partagée entre le programme 119 « concours particuliers aux collectivités territoriales et à leurs groupements », via la dotation générale de décentralisation (concours particulier des bibliothèques - DGD Bibliothèques) pour le volet « ouvrir plus » (8 millions d'euros) et le programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » pour le volet « offrir plus » (7 millions d'euros). Les crédits dédiés au développement de la lecture, considérés comme participant de l'éducation artistique, sont, en effet, depuis 2018 inscrits au programme 224. Les crédits dédiés aux contrats territoires lecture (CTL) ne sont ainsi plus inscrits au programme 334.

Le programme 334 voit donc ses missions recentrées sur l'industrie du livre plus que sur la lecture en tant que telle. Ainsi, sur les 17,5 millions de dépenses d'intervention dont elle dispose, hors soutien aux trois opérateurs cités plus haut, 11,6 millions sont dédiés à la sous-action 04 « Edition, librairie et profession du livre ». Ces crédits visent à participer au financement de la Centrale de l'édition, du Syndicat de la librairie française ou du Bureau international de l'édition française (9,4 millions d'euros au total) et au développement, dans les territoires, des librairies et des maisons d'édition (2,2 millions). In fine , votre rapporteur spécial s'interroge sur la permanence de 5,9 millions d'euros de crédits dédiés au développement de la lecture et des collections, appelés, notamment, à financer le soutien au développement et à la diffusion de l'offre et des pratiques de lecture dans les bibliothèques (1,8 millions d'euros de crédits déconcentrés) ou à la professionnalisation et à l'animation du réseau de bibliothèques (0,25 million d'euros), au risque de créer une impression de doublon avec le Plan bibliothèque. Une poursuite de la rationalisation de la maquette semble s'imposer.

Observation n° 5 : le programme 334 ne résume pas la politique de l'État en faveur du livre et se concentre principalement sur le fonctionnement de la Bibliothèque nationale de France (210 millions d'euros sur une dotation globale de 283 millions d'euros) Dans ces conditions, il paraît opportun de réfléchir à la maquette budgétaire et à une rationalisation des financements en faveur de la lecture au sein d'un même programme.

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