IV. L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE : DES DÉPENSES IMMOBILIÈRES MOINS DYNAMIQUES QU'ATTENDU, 1 000 EMPLOIS CRÉÉS EN 2020

87 % de l'augmentation des crédits de paiement à périmètre constant entre 2019 et 2020 (soit 210 millions d'euros) sont consacrés à l'administration pénitentiaire. Les crédits alloués au programme 107 « Administration pénitentiaire » augmentent ainsi de 5,6 % par rapport à 2019.

Évolution par titre des crédits du programme 107
« Administration pénitentiaire » (2019-2020) à périmètre constant

(en millions d'euros)

Source : réponses du ministère de la justice au questionnaire

Près de la moitié de cet effort concerne les dépenses de personnel (dont 32 % pour les dépenses de personnel hors CAS « Pensions »), et 40 % les dépenses d'investissement.

Répartition par titre de l'augmentation des crédits de paiement du programme 107 « Administration pénitentiaire » (2019-2020) à périmètre constant

Source : commission des finances

A. LE PROGRAMME IMMOBILIER PÉNITENTIAIRE : UN BUDGET QUI AUGMENTE DE 88 MILLIONS D'EUROS EN 2020

L'augmentation du budget dédié à l'immobilier pénitentiaire s'explique par la poursuite du programme immobilier porté par la loi de programmation et de réforme pour la justice, visant à construire 15 000 places de prison supplémentaires à horizon 2027.

Selon les prévisions du Gouvernement, plus de 1,7 milliard d'euros devrait être consacré à la construction de nouveaux établissements pénitentiaires jusqu'en 2022 : 7 000 places devraient être finalement construites avant 2022, et les 8 000 autres places seraient initiées d'ici 2022.

La politique d'immobilier carcéral du Gouvernement

Destiné à réduire la surpopulation carcérale dans les maisons d'arrêt, le programme immobilier pénitentiaire doit permettre d'améliorer la prise en charge des détenus et les conditions de travail des personnels. Il prévoit de créer 15 000 nouvelles places de détention d'ici 2027 ; cet effort conjugué aux effets attendus de la loi de programmation pour la justice (LPJ) doit permettre à la France d'atteindre l'objectif de 80 % d'encellulement individuel.

Ce programme immobilier permettra la construction de nouvelles maisons d'arrêt ou centre pénitentiaires mais aussi de 2 000 places de structures d'accompagnement vers la sortie (SAS) et deux prisons expérimentales centrées autour du travail (360 places). Les SAS permettront de répondre aux besoins d'accompagnement accru vers la sortie de la population carcérale.

La localisation des nouveaux établissements a fait l'objet d'une communication en octobre 2018 par la ministre de la justice. Les territoires retenus sont ceux où un besoin en places de détention a été identifié au regard de la projection à 10 ans du nombre de personnes détenues écrouées sur le ressort.

Ces nouvelles constructions, permettront d'augmenter la capacité carcérale de la France de 60 000 places en 2017 à 75 000 places à horizon 2027 .

Pour les 7 000 premières places, le calibrage des établissements c'est-à-dire la répartition du nombre de places opérationnelles entre quartiers (hommes, femmes, mineurs, quartier d'accueil et d'évaluation, etc...) est presque finalisé.

L'acquisition du foncier est sécurisée pour près de 70 % du programme.

Source : réponses du ministère de la justice au questionnaire du rapporteur spécial

Alors même que votre rapporteur spécial regrettait l'année dernière que le calendrier de ce programme ne soit pas plus ambitieux, dans un contexte de détérioration importante des conditions de détention et de travail des surveillants pénitentiaires (surtout dans les maisons d'arrêt), ce dernier s'apprête à connaître un « ajustement » en 2020 , sur lequel est imputé le différentiel de budgétisation pour la mission « Justice » proposée par le présent projet de loi de finances et l'annuité 2020 prévue par l'article 1 er de la loi de programmation pour la justice.

D'après le ministère de la justice, « cet écart est principalement dû à l'actualisation des besoins de crédits de paiement en 2020 sur les opérations immobilières ». La direction de l'administration pénitentiaire précise ainsi que les crédits demandés ont été ajustés pour tenir compte de l'avancement réel des opérations : le délai de construction d'une place de prison est assez long - cinq ou six ans pour une maison d'arrêt - et sujet à des aléas (recherches foncières, les procédures d'appel d'offres et les chantiers eux-mêmes).

Ainsi, d'après la direction de l'administration pénitentiaire, s'agissant de l'opération de Baumettes 3, « si la définition du programme de l'opération est aujourd'hui validée, elle s'est avérée complexe car la construction des nouveaux bâtiments s'accompagne d'un réaménagement des fonctions support de l'établissement de Baumettes 2 afin de créer des mutualisations entre les deux structures. La notification du marché est prévue début 2020 ».

Néanmoins, aucune opération n'a, d'après son directeur, été remise en cause : « seules quelques structures d'accompagnement vers la sortie (SAS) n'ont pas progressé au même rythme car les recherches foncières prennent du temps, notamment en raison d'oppositions locales : un décalage de quelques mois est donc inévitable pour ces projets (Val-de-Marne, Seine-Martime, Grenoble) ».

L'objectif est donc maintenu et les établissements de la première tranche « seront donc soit livrés, soit à un stade de construction très avancé en 2022 ; dans le même temps, les procédures se poursuivent pour engager d'ici 2022 les 8 000 autres places ».

D'après la DAP, « s'agissant des cinq premières opérations de Villepinte-Tremblay-en-France, Avignon-Entraigues, Toulouse-Muret, Seine-et-Marne et Saint-Laurent du Maroni, les marchés seront notifiés aux entreprises en 2021 et les études seront achevées par les groupements en 2022, permettant de lancer les travaux dans la foulée ».

Le projet de loi de finances pour 2020 prévoit 327,4 millions d'euros de crédits immobiliers pour l'administration pénitentiaire, dont 180,6 millions d'euros correspondent à des projets mis en oeuvre par l'Agence publique pour l'immobilier de la justice (APIJ).

Alors qu'ils s'élevaient à 88 millions d'euros en 2019, les crédits demandés au titre du programme immobilier pénitentiaire pour 2020 s'élèvent, d'après la direction de l'administration pénitentiaire, à 176 millions d'euros (+ 88 millions d'euros).

Crédits de paiement prévus en 2020 au titre du programme immobilier pénitentiaire

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les réponses de la direction de l'administration pénitentiaire

Il est à noter que 100 millions d'euros (AE) sont budgétées en 2020 pour la création de deux prisons expérimentales de 180 places chacune , centrées sur la réinsertion par le travail et la formation professionnelle.

D'après la direction de l'administration pénitentiaire, « ce projet, lauréat du Fonds de transformation de l'action publique, bénéficiera d'un cofinancement pour une de ces structures à hauteur de 35 millions d'euros sur la période 2020-2022 ».

Par ailleurs, les crédits concernant la maintenance et la sécurisation des sites sont renforcés.

Évolution des crédits de paiement relatifs à la maintenance et à la sécurisation des sites pénitentiaires

(en millions d'euros)

LFI 2019

PLF 2020

Variation 2019-2020

Dépenses de sécurisation active 14 ( * ) et passive

22,7

23

0,3

Système de brouillage des communications illicites

20

24,8

4,8

Lutte contre les drones malveillants

1

3,7

2,7

Rénovation des systèmes de vidéo-surveillance

3

5,6

2,6

Sécurisation périmétrique des établissements

1

1

0

Total

47,7

58,1

10,4

Source : commission des finances du Sénat à partir du projet annuel de performances

Dispositif de brouillage de communications téléphoniques illicites

La présence de téléphones portables au sein des enceintes pénitentiaires est une préoccupation majeure pour la sécurité en détention. Favorisée par les dimensions de plus en plus restreintes des appareils ainsi que par leur composition basée sur des matériaux difficilement décelables par les moyens de détection traditionnels, l'introduction de téléphones portables fragilise la sécurité des établissements en facilitant des activités délinquantes et des violences induites en détention.

Alors que la technologie ne cesse de s'améliorer, les dispositifs de brouillage actuellement installés ne sont pas évolutifs : les plus anciens ne brouillent que la 2G alors que les portables actuels émettent en 3G ou en 4G.

Une procédure de dialogue compétitif a permis de déterminer la solution technique et évolutive la plus adaptée au regard des difficultés et contraintes précédemment mentionnées. À l'issue des différents dialogues et d'un test des équipements proposés, le marché a été notifié en décembre 2017 pour une période de six ans.

Le budget arbitré dans le quinquennal pour le déploiement de cette technologie s'élève à 14,7 millions d'euros en 2018, 19,9 millions d'euros en 2019, 24,8 millions d'euros en 2020, 30,6 millions d'euros en 2021 et 35,5 millions d'euros en 2022.

Source : réponses du ministère de la justice au questionnaire

Enfin, le renseignement pénitentiaire a été renforcé par la création le 29 mai 2019 d'un service à compétence nationale placé sous l'autorité directe du directeur de l'administration pénitentiaire. L'enveloppe de 5,8 millions d'euros prévue en 2019 augmente légèrement (5,9 millions d'euros), afin de poursuivre le déploiement des équipements d'investigation spéci fiques.


* 14 Achat d'équipements de sécurisation des entrées et des sorties des personnes et véhicules, armes, munitions, etc.

Page mise à jour le

Partager cette page