III. TENIR LE CAP DE L'AMÉLIORATION DES COMPTES SOCIAUX

Face à ces constats, le rapporteur général considère plus nécessaire que jamais de tenir le cap de l'amélioration des comptes sociaux .

Il en va de la confiance de nos concitoyens dans l'action publique et dans la pérennité de la sécurité sociale à long terme .

Et, d'un point de vue plus juridique, il est permis d'observer que, dans ses décisions relatives au dernier transfert de dette à la Cades 12 ( * ) , le Conseil constitutionnel a considéré comme impératif (et de valeur organique) le respect de l'échéance de 2024 pour éteindre la « dette sociale » - et non la seule Cades. Plus l'échéance de 2024 approchera, moins la compatibilité de l'autorisation de découvert de l'Acoss accordée par la LFSS avec les principes dégagés par le Conseil constitutionnel sera assurée - ce qui pourrait en cas de censure, plonger les pouvoirs publics dans de réelles difficultés.

A. FIXER UN CAP RÉALISTE DANS LE CADRE D'UNE NOUVELLE LOI DE PROGRAMMATION

Tout d'abord, il est nécessaire de refixer un cap réaliste pour les comptes de la sécurité sociale dans les années futures et, au-delà, pour l'ensemble des « administrations de sécurité sociale » (ASSO) au sens du traité de Maastricht.

En effet, la trajectoire fixée par la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 n'est plus pertinente, notamment au vu de l'évolution de la conjoncture économique depuis son adoption et des mesures diverses qui ont été adoptées depuis lors - qu'il s'agisse des mesures d'urgence sociale ou de la définition de « nouvelles relations financières » entre l'État et la sécurité sociale.

B. REMETTRE EN CAUSE LES « NOUVELLES RELATIONS FINANCIÈRES » ENTRE L'ÉTAT ET LA SÉCURITÉ SOCIALE

A cette occasion, il sera temps de remettre en cause ces « nouvelles relations financières » , issues, à ce stade, d'un simple rapport du Gouvernement au Parlement sans valeur juridique.

D'une part, parce que les hypothèses implicites sur lesquelles elles se fondaient n'existent tout simplement plus . Comme cela a été amplement montré dans le présent rapport, les déficits sont revenus (ils ne sont en fait jamais partis...) et, avec eux, la perspective d'éteindre l'ensemble de la dette sociale dans les délais prescrits par la loi organique s'éloigne. Dès lors, la solidarité financière qu'une sécurité sociale revenue à l'équilibre devrait avoir avec l'État n'a plus guère de sens.

D'autre part et plus fondamentalement, parce que l'abandon du principe de compensation par l'État des mesures tendant à diminuer les recettes de la sécurité sociale méconnaît sa nature . Depuis l'origine de la sécurité sociale, à l'inverse de ce qui se passe dans le budget de l'État, des recettes précises financent des dépenses précises, le tout dans une logique de répartition incompatible avec le creusement de déficits sur un cycle économique. C'est bien pour cela que le « trou de la sécurité sociale » est, de longue date, inadmissible pour les Français et de nature à miner leur confiance dans l'ensemble du système. Et c'est bien pour cela qu'un plan spécifique d'apurement , passant par la création d'une caisse ad hoc , la Cades, est en oeuvre depuis 1996 . Les discours que l'on entend parfois selon lesquels les impôts, cotisations et contributions devraient se confondre car ils « sortent de la même poche » reposent donc sur une profonde méconnaissance de ce qu'est la sécurité sociale - juridiquement et aux yeux des Français.

Un éventuel entêtement du Gouvernement à conserver à tout crin le principe du « chacun chez soi » risque d'ailleurs de ne pas placer sur le meilleur plan les futurs débats politiques relatifs aux prélèvements obligatoires . Par exemple, si la suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) devait être envisagée l'année prochaine, le débat risque fort de ne pas porter sur le fait de savoir s'il s'agit d'un bon ou d'un mauvais impôt pour l'économie française mais sur le fait de savoir si la sécurité sociale en général, et sa branche vieillesse en particulier, peut supporter une nouvelle perte de recettes de 4 milliards d'euros (la réponse étant clairement non).

Cette nécessité de retrouver le sens de ce qu'est la sécurité sociale va d'ailleurs au-delà des seules relations financières entre l'État et la sécurité sociale. Ainsi, autant que les déficits de certaines branches, les importants excédents que la programmation prévoit, année après année, pour une branche aussi assurantielle que la branche AT-MP sont eux aussi étranges . Il serait bien plus logique et cohérent de diminuer à due proportion les cotisations des employeurs à cette branche, ce qui permettrait éventuellement de dégager des marges de manoeuvre, par exemple pour la branche vieillesse (ou pour les dépenses médico-sociales).


* 12 Décisions du Conseil constitutionnel n os 2010-616 DC du 10 novembre 2010 (considérant n° 4) et 2010-620 DC.

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