Rapport n° 561 (2018-2019) de M. Louis-Jean de NICOLAY , fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, déposé le 12 juin 2019

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N° 561

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2018-2019

Enregistré à la Présidence du Sénat le 12 juin 2019

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) sur la proposition de loi , ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN NOUVELLE LECTURE , portant création d'une Agence nationale de la cohésion
des territoires ,

Par M. Louis-Jean de NICOLAY,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Hervé Maurey , président ; M. Claude Bérit-Débat, Mme Pascale Bories, MM. Patrick Chaize, Ronan Dantec, Alain Fouché, Guillaume Gontard, Didier Mandelli, Frédéric Marchand, Mme Nelly Tocqueville, M. Michel Vaspart , vice-présidents ; Mmes Nicole Bonnefoy, Marta de Cidrac, MM. Jean-François Longeot, Cyril Pellevat , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Jérôme Bignon, Joël Bigot, Jean Bizet, Jean-Marc Boyer, Mme Françoise Cartron, MM. Guillaume Chevrollier, Jean-Pierre Corbisez, Michel Dagbert, Michel Dennemont, Mme Martine Filleul, MM. Jordi Ginesta, Éric Gold, Mme Christine Herzog, MM. Jean-Michel Houllegatte, Benoît Huré, Olivier Jacquin, Mme Christine Lanfranchi Dorgal, MM. Olivier Léonhardt, Jean-Claude Luche, Philippe Madrelle, Pierre Médevielle, Louis-Jean de Nicolaÿ, Jean-Jacques Panunzi, Philippe Pemezec, Mme Évelyne Perrot, M. Rémy Pointereau, Mme Angèle Préville, MM. Jean-Paul Prince, Christophe Priou, Mme Françoise Ramond, M. Charles Revet, Mmes Nadia Sollogoub, Michèle Vullien .

Voir les numéros :

Première lecture : 2 , 98 , 99 et T.A. 20 (2018-2019)

Commission mixte paritaire : 433 et 434 (2018-2019)

Nouvelle lecture : 518 et 562 (2018-2019)

Première lecture : 1393 , 1621 , 1623 , 1662 et T.A. 242

Commission mixte paritaire : 1836

Nouvelle lecture : 1839 , 1939 et T.A. 273

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

Réunie le mercredi 12 juin 2019 sous la présidence de M. Hervé Maurey , président, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a examiné le rapport de M. Louis-Jean de Nicolaÿ et établi son texte en nouvelle lecture sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi portant création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires , déposée au Sénat en octobre 2018 par M. Jean-Claude Requier et les membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen (RDSE) et adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture le 21 mai dernier.

Cette proposition de loi comportait initialement 12 articles visant à définir le statut, les missions, l'organisation, le fonctionnement ainsi que les moyens financiers et humains de la future Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).

En première lecture au Sénat , la commission avait souhaité valider la création de l'ANCT, en soulignant que la mise en place d'un guichet unique pour le soutien aux projets des collectivités territoriales correspond au voeu exprimé depuis près de deux ans par le Président du Sénat et de nombreux élus, dont le président Hervé Maurey et Louis-Jean de Nicolaÿ, dans leur rapport de mai 2017 « Aménagement du territoire : plus que jamais une nécessité ». Pour marquer l'importance de ce projet, elle avait d'ailleurs procéder à la codification des principales dispositions du texte au sein du code général des collectivités territoriales , suivant la recommandation émise par le Conseil d'État, dans son avis rendu à la demande du Président du Sénat, en application du dernier alinéa de l'article 39 de la Constitution.

Au stade de l'examen en commission, 27 amendements avaient été adoptés, dont 23 à l'initiative du rapporteur selon trois axes principaux :

- renforcer le rôle des élus dans la gouvernance de l'agence par l'instauration de la parité entre les représentants des élus locaux et nationaux d'une part, et les représentants de l'État, de ses établissements publics et du personnel de l'agence d'autre part, au sein du conseil d'administration (article 3) ainsi que par la création d'un comité local de la cohésion territoriale (article 5), visant à associer les élus locaux aux actions de l'agence à l'échelle départementale ;

- garantir la prise en compte des territoires les plus fragiles dans le périmètre d'intervention de l'ANCT, en orientant prioritairement son action vers les zones en difficulté pour des raisons géographiques, démographiques, sociales et économiques (article 1 er ) et en incluant dans le champ de ses missions des sujets essentiels tels que l' accès aux services publics et la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs (article 2) ;

- améliorer le fonctionnement et la transparence de l'action de l'agence, en prévoyant notamment que les conventions pluriannuelles conclues par l'agence avec d'autres établissements publics de l'État soient transmises pour information au Parlement (article 7) et en permettant à l'agence de créer des filiales ou d'acquérir des participations , dans le cadre de ses missions (article 6 ter ).

En outre, une proposition de loi organique relative à la nomination du directeur général de l'ANCT et modifiant la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution avait été déposée le 16 octobre 2018 par les présidents Hervé Maurey et Jean-Claude Requier pour prévoir l'audition du futur directeur général de l'ANCT par les commissions permanentes compétentes de chaque assemblée .

En séance , le Sénat avait adopté 26 amendements s'inscrivant dans la même logique que ceux adoptés en commission, dont 3 à l'initiative du rapporteur, avant de voter les deux textes de loi ordinaire et organique, le 8 novembre 2018. La commission rappelle, en particulier, l' adoption d'un amendement du président Hervé Marseille à l'article 3, visant à instaurer la parité au conseil d'administration de l'agence entre, d'une part, les représentants de l'État, de ses établissements publics et du personnel de l'agence, d'autre part, les représentants des élus locaux et nationaux.

Lors de la première lecture à l'Assemblée nationale , le 12 mars 2019, les principaux apports du Sénat ont été confortés . Toutefois, les députés ont rétabli la majorité des représentants de l'État au conseil d'administration , contre le souhait exprimé par le Sénat.

Aussi, au stade de la commission mixte paritaire , le 3 avril dernier, les deux assemblées ne sont pas parvenues à un accord sur la proposition de loi ordinaire, s'agissant du point nodal de la gouvernance et de la représentation des élus locaux et nationaux, malgré de nombreuses tentatives de conciliation du Sénat pour établir un texte équilibré et pragmatique. Alors que le rapporteur avait fait un premier pas en acceptant une représentation majoritaire de l'État au conseil d'administration à condition de permettre aux élus de disposer d'un droit de véto si les trois quarts d'entre eux étaient en désaccord avec une décision du conseil d'administration, cette proposition n'a pas été acceptée par les députés . Un accord a néanmoins été trouvé sur la proposition de loi organique, ce dont la commission se félicite.

En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale a adopté plusieurs amendements, apportant pour certains des précisions techniques et juridiques opportunes.

Par ailleurs, à l'article 3, les députés ont adopté deux amendements identiques de la rapporteure de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire et du rapporteur pour avis de la commission de loi visant à introduire un mécanisme de seconde délibération du conseil d'administration , sur initiative des représentants des collectivités territoriales tout en maintenant l'équilibre global de la composition de ce conseil. Cette disposition s'inspire directement des enjeux évoqués lors de la commission mixte paritaire du 3 avril dernier.

Au stade de l'examen en commission en nouvelle lecture au Sénat , la commission a toutefois considéré, à une très large majorité, que cette disposition introduite par les députés à l'article 3 constitue une mesure en trompe l'oeil , dans le sens où elle n'ouvre droit qu'à une seule nouvelle délibération, sans vrai pouvoir pour les élus. Autrement dit, la commission considère que cette disposition, sous couvert d'une démarche de compromis, ne changera rien au droit de regard réel dont disposeront les collectivités territoriales sur la gouvernance de l'agence .

En conséquence et en cohérence avec la position exprimée par le Sénat depuis le début de l'examen de ce texte, la commission a adopté un unique amendement à l'article 3 , reprenant la dernière rédaction proposée par le Sénat au stade de la commission mixte paritaire , permettant à trois quarts des élus locaux présents de s'opposer à toute nouvelle délibération du conseil d'administration.

La commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

La création d'un guichet unique pour les collectivités territoriales est un voeu exprimé depuis plus de deux ans par le Président du Sénat et de nombreux élus, dont le président Hervé Maurey et le rapporteur Louis-Jean de Nicolaÿ, dans leur rapport consacré à l'aménagement du territoire en 2017 1 ( * ) .

Si l'Agence nationale de la cohésion des territoires n'est pas une solution miracle aux problèmes de dynamisme que connaissent certains territoires, elle constitue un premier pas pour replacer l'objectif d'un aménagement durable et innovant du territoire national au coeur des politiques de cohésion.

En dépit de réserves, tant sur la forme et la méthode employée, que sur le fond, avec notamment des interrogations quant aux ressources et à la gouvernance de la future agence, le Sénat avait adopté les deux propositions de loi ordinaire 2 ( * ) et organique 3 ( * ) avec des modifications substantielles poursuivant trois objectifs : le renforcement du rôle des élus locaux et nationaux dans la gouvernance de l'agence, l'amélioration de son fonctionnement et de sa transparence et une meilleure prise en compte des territoires les plus fragiles .

Saisie en nouvelle lecture de la proposition de loi ordinaire, modifiée et adoptée en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale le 21 mai dernier, la commission maintient sa vigilance quant à la gouvernance de l'ANCT et rappelle qu'il serait inopportun de laisser à l'État un pouvoir de décision unilatérale, dans une agence pourtant conçue pour être au service des projets des collectivités et contribuer à une meilleure cohésion territoriale.

I. LE TEXTE ADOPTÉ EN PREMIÈRE LECTURE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE CONFORTE LES APPORTS DU SÉNAT, EN DÉPIT D'UN DÉSACCORD FONDAMENTAL SUR LA GOUVERNANCE DE LA FUTURE AGENCE

A. LES APPORTS DU SÉNAT CONFORTÉS ET ENRICHIS PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'essentiel des apports du Sénat , pour la plupart adoptés à l'initiative de la commission, a été maintenu par l'Assemblée nationale .

Ainsi, les députés ont confirmé l'orientation prioritaire des actions de l'agence vers les territoires en difficulté et la création du comité local de la cohésion territorial , rassemblant autour du préfet, délégué territorial de l'agence, les élus locaux concernés par des projets soutenus par celle-ci.

• S'agissant de la prise en compte des territoires les plus fragiles , la liste des territoires prioritaires pour l'intervention de l'agence, mentionnée à l'article 1 er et largement enrichie par le Sénat, a été complétée par les députés pour inclure les territoires caractérisés par des « contraintes géographiques », ceux caractérisés par des difficultés en matière sociale et environnementale ainsi que les zones mentionnées à l'article 174 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne 4 ( * ) . Le rapporteur relève que ce dernier ajout a été adopté contre l'avis du Gouvernement, la rapporteure de la commission du développement durable s'en étant remise à la sagesse de ses collègues. Les députés ont également précisé que l'agence doit veiller à la prise en compte des spécificités des territoires de montagne et contribuer à leur développement, à leur valorisation et à leur protection. À cet effet, elle pourra disposer des commissariats de massif.

Lors de l'examen du texte en première lecture au Sénat, la commission avait rappelé que la vocation urbaine de l'agence ne devait pas l'emporter sur sa vocation rurale . Au vu des modifications apportées par les députés, ce risque demeure maîtrisé à ce stade aux yeux du rapporteur.

• Concernant le fonctionnement de l'agence, plusieurs précisions ont été introduites à l'article 2 , notamment une référence à l'article L. 5111-1 du code général des collectivités territoriales, pour garantir aux pôles d'équilibre territorial et rural la possibilité de solliciter l'ANCT. En outre, les députés ont assigné à l'agence la mission de soutenir les réseaux associatifs intervenant dans le champ de ses compétences.

Au-delà de modifications rédactionnelles , les députés ont chargé l'ANCT de coordonner l'utilisation des fonds européens et d'assister le ministre chargé de l'aménagement du territoire dans sa mission de définition, de mise en oeuvre et de suivi des politiques nationales et européennes de cohésion économique, sociale et territoriale.

Ils ont également précisé que l'agence devrait diffuser les informations concernant les projets relatifs à l'aménagement et à la cohésion des territoires dont elle avait connaissance.

S'agissant des conventions pluriannuelles conclues entre l'ANCT, l'État et plusieurs partenaires, un nouvel article 6 ter a été introduit dès le stade de commission pour regrouper les dispositions du texte relatives à ces conventions, tout en maintenant l'information du Parlement, qui recevra communication de ces conventions et de leurs avenants 5 ( * ) .

Par ailleurs, le comité d'action territoriale créé par l'article 7 du texte, réuni autour du directeur général de l'ANCT et regroupant l'ANRU 6 ( * ) , l'ANAH 6 , l'Ademe 6 et le Cerema 6 , a été conforté dans son existence mais rebaptisé « comité national de coordination » .

Enfin, le rapporteur signale plusieurs amendements rédactionnels adoptés à l'article 10 sur les conditions du transfert des établissements et services intégrés à l'ANCT , qui prévoient un transfert à titre gratuit des droits, biens et obligations de l'Epareca 6 à l'ANCT.

• S'agissant du comité local de la cohésion territoriale ( article 5) , les députés avaient initialement adopté des amendements de la rapporteure et du rapporteur pour avis de la commission des lois, contre l'avis du Gouvernement, pour élargir sa composition en y incluant un représentant de la région, les députés et les sénateurs élus dans le département, des représentants des collectivités territoriales limitrophes à ce département, un représentant de l'agence régionale de santé et des personnalités qualifiées. Ils avaient également prévu que l'information de ce comité sur les demandes d'accompagnement adressées à l'ANCT ait lieu au moins deux fois par an et que le comité soit informé des suites données à ces demandes ainsi que, le cas échéant, de la mise en oeuvre des projets concernés. En séance publique, l'Assemblée a toutefois adopté un amendement du Gouvernement supprimant l'ensemble des dispositions adoptées en commission relatives à la composition du comité , celle-ci ainsi que les modalités de son fonctionnement étant renvoyées à la voie réglementaire.

Au-delà, le rapporteur relève l'adoption conforme par les députés des articles 6, 9, 9 bis et 11.

B. DES MODIFICATIONS OPPORTUNES, D'AUTRES REVENANT SUR LE TEXTE ADOPTÉ AU SÉNAT ET UNE DIVERGENCE FONDAMENTALE SUR LA GOUVERNANCE DE L'AGENCE ET LE RÔLE DES ÉLUS LOCAUX

• Plusieurs amendements de précision constituent des modifications opportunes aux yeux du rapporteur.

En premier lieu, les députés ont inscrit, à l'article 2 du texte, la notion de contrat de cohésion territoriale . Ce nouvel instrument, évoqué dans le rapport du préfet Serge Morvan 7 ( * ) , a vocation à intégrer une pluralité d'instruments contractuels existant entre l'État et les collectivités territoriales, dans une logique de rationalisation et d'adaptation à la situation de chaque territoire. Ils ont également exigé la publication, par l'agence, d'un rapport annuel d'activité .

S'agissant du rôle des préfets de département , délégués territoriaux de l'agence aux termes de l'article 5 de la proposition de loi, leur rôle de coordination des interventions de l'État a été conforté et les députés ont également adopté un amendement précisant qu'en dehors des départements métropolitains, le représentant de l'État dans les collectivités à statut particulier ou dans les collectivités d'outre-mer serait le délégué territorial de l'ANCT.

Concernant la capacité de l'agence à créer ou céder des filiales , acquérir, étendre ou céder des participations dans des sociétés, groupements ou organismes actifs dans le champ de ses missions et concourant au développement des territoires ( article 6 bis ) , l'Assemblée nationale a précisé que cette disposition ne serait ouverte que dans le champ des missions de l'Epareca , c'est-à-dire pour l'aménagement et la restructuration d'espaces commerciaux et artisanaux dans les territoires en difficulté, en l'absence de besoins clairement identifiés à ce stade pour les autres missions de l'agence .

Enfin, par l'introduction d'un nouvel article 8 ter , les députés ont souhaité instituer une nouvelle réserve thématique , visant à ce que toute personne volontaire puisse servir des projets de territoire soutenus par l'agence afin de « compléter les moyens habituellement mis en oeuvre dans le cadre des missions de l'agence par les services de l'État et par toute personne morale concourant à l'action de l'agence ». Cette réserve serait instituée dans les conditions prévues à l'article 1 er de la loi du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté 8 ( * ) , impliquant le caractère volontaire, bénévole et occasionnel de l'activité de ces personnes 9 ( * ) . Ces volontaires devraient conclure un contrat avec le délégué territorial de l'ANCT, qui pourrait par ailleurs conclure avec des établissements d'enseignement public ou privé des conventions permettant la mobilisation des étudiants de ces établissements au titre de la réserve thématique dans le cadre de leur parcours scolaire. Les conditions d'application de ces dispositions seraient fixées par décret, qui devrait notamment définir les catégories de personnes pouvant entrer dans cette réserve thématique ainsi que la durée et les clauses du contrat d'engagement à servir dans la réserve thématique.

• D'autres modifications adoptées par l'Assemblée nationale tendent à revenir sur le texte voté par le Sénat et soulèvent plusieurs remarques de la part du rapporteur. La question de la gouvernance de l'agence et du rôle des élus locaux au sein du conseil d'administration s'est par ailleurs constituée comme une ligne de fracture entre les deux assemblées.

À l' article 7 , les députés ont supprimé la présence de représentants des agences régionales de santé dans la composition du comité d'action territoriale, rebaptisé comité national de coordination . Cette précision, introduite en commission au Sénat à l'initiative du rapporteur, visait pourtant à donner un écho aux difficultés rencontrées par de nombreux élus dans leurs relations avec les ARS . Aussi, le rapporteur ne peut que regretter la disparition de cette disposition mais relève que les débats ont été vifs sur cette question en séance à l'Assemblée nationale, témoignant de son importance.

S'agissant de la gestion des personnels de l'agence et des modalités de leur représentation au sein de l'ANCT ( article 8) , les députés sont revenus sur la fusion des trois comités de gestion du personnel prévue par le Sénat dans une logique de simplification. En commission, un amendement du Gouvernement a été adopté pour permettre à l'ANCT d'employer des fonctionnaires issus des trois fonctions publiques (territoriale, hospitalière, de l'État). En séance, deux amendements du Gouvernement ont en outre été adoptés : l'un visant à revenir au texte initial de la proposition de loi s'agissant des instances représentatives du personnel et réintroduisant le triptyque comité technique - CSE - CHSCT ; l'autre simplifiant la définition du personnel de l'agence , en ne distinguant plus les fonctionnaires et les agents publics non titulaires.

Une nouvelle catégorie de conventions a, en outre, été créée à l'article L. 5111-1 du code général des collectivités territoriales pour développer les synergies entre les métropoles ou les communautés urbaines et les territoires ruraux et créer un cadre permettant aux premières de fournir une offre d'ingénierie aux secondes en dehors de leur périmètre géographique de compétences , par dérogation au principe de spécialité applicable aux intercommunalités ( article 8 bis ). En pratique, ces conventions auraient pour objet la réalisation de prestations de services entre d'une part, une métropole ou une communauté urbaine et, d'autre part, des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ou des communes situés en dehors du territoire de la métropole ou de la communauté urbaine. Elles devraient s'inscrire dans le cadre de la mise en oeuvre des contrats de cohésion territoriale précités. Si le rapporteur accueille favorablement l'idée d'une coopération entre les territoires urbains et ruraux via l'apport, par les métropoles ou les communautés urbaines, d'une offre d'ingénierie , il ne peut que constater le flou entourant cette proposition quant au financement de ces prestations . Les conventions de l'article 8 bis ne constitueront une avancée que si elles permettent de développer un « mécénat de compétences », par des prestations mises à titre gratuit par les territoires urbains au service des territoires ruraux. Aussi, il est nécessaire que les métropoles s'inscrivent dans cette logique, dans le cadre conventionnel établi par l'article 8 bis .

Enfin, l'article 3 de la proposition de loi, relatif à la gouvernance de l'agence et à la composition de son conseil d'administration , a été profondément remanié par les députés selon une orientation en contradiction manifeste avec la volonté affichée par le Sénat en première lecture 10 ( * ) . Contrairement à la représentation paritaire souhaitée par le Sénat entre, d'une part, les élus (représentants des collectivités territoriales et de leurs groupements ainsi que deux députés et deux sénateurs) et, d'autre part, l'État, ses établissements publics et le personnel de l'agence, les députés ont voté en faveur d'une majorité de l'État au conseil d'administration. Ils ont également souhaité redonner aux représentants des quatre agences de l'État concluant des conventions avec l'ANCT un siège avec voix consultative au sein du conseil d'administration, disposition qui figurait dans le texte initial de la proposition de loi mais qui relève, aux yeux du rapporteur et du Conseil d'État 11 ( * ) , du domaine réglementaire .

Le rapporteur rappelle qu'à ses yeux il ne peut y avoir de cohésion des territoires sans réelle concertation et sans confiance entre les élus et l'État. Aussi, il regrette particulièrement l'orientation retenue par la commission et confirmée en séance à l'Assemblée nationale en première lecture.

II. L'ÉCHEC DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE, EN DÉPIT D'UNE DÉMARCHE CONSTRUCTIVE DU SÉNAT

• Si la proposition de loi organique relative à la nomination du directeur général de l'Agence nationale de la cohésion des territoires a fait l'objet d'un accord en commission mixte paritaire (CMP ), ce dont la commission se félicite, tel n'a pas été le cas de la présente proposition de loi, faute de compromis sur la composition et le fonctionnement du conseil d'administration (article 3).

Dans une démarche constructive et pragmatique, le Sénat a présenté en CMP plusieurs propositions de rédaction, avec la volonté de garantir un équilibre entre la protection de la représentation des collectivités territoriales au conseil d'administration et l'efficacité du fonctionnement de l'ANCT.

Ainsi, dans un premier temps, le Sénat a proposé d'accepter la représentation majoritaire de l'État , à condition de permettre aux élus locaux de s'opposer à une décision du conseil d'administration en cas de désaccord de la moitié d'entre eux. Il était prévu que, dans ce cas, une nouvelle délibération ait lieu, dans les mêmes conditions de vote . Cette proposition de rédaction plaçait par ailleurs le représentant de la Caisse des dépôts et consignations dans le premier collège, aux côtés de l'État et de ses établissements publics, pour permettre aux représentants des collectivités locales de disposer d'un siège supplémentaire dans le deuxième collège .

Cette proposition ayant été refusée par les députés, le rapporteur a fait un nouveau pas en leur direction en conservant le principe du droit de veto pour la majorité des élus locaux, mais en proposant que pour toute nouvelle délibération , un blocage soit possible uniquement si les trois-quarts des élus locaux s'opposent à la décision.

Ces propositions, pourtant pragmatiques, n'ont pas été acceptées par les députés. Aussi, malgré les nombreuses tentatives de conciliation du Sénat, la CMP n'a pas abouti, ce que déplore la commission, qui considèrait cette CMP comme une occasion pour la majorité présidentielle d'afficher sa confiance à l'égard des élus locaux.

• L'échec de la CMP est d'autant plus regrettable que, sur les autres dispositions de la proposition de loi, les deux chambres avaient adopté une démarche constructive afin d'enrichir le texte dans l'intérêt des collectivités territoriales.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION EN NOUVELLE LECTURE : PROTÉGER LA RÔLE DES ÉLUS DANS LA GOUVERNANCE DE L'ANCT, UN IMPÉRATIF DE COHÉSION TERRITORIALE ET DE COHÉRENCE

A. LE TEXTE ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN NOUVELLE LECTURE : UNE TENTATIVE DE COMPROMIS EN TROMPE-L'OEIL

• Le 21 mai 2019, l'Assemblée nationale a adopté en nouvelle lecture la proposition de loi portant création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires 12 ( * ) . Dès lors, ne restent en discussion que les articles 1, 2, 3, 5, 6 bis , 6 ter , 7, 8, 8 ter et 10.

En commission et sur proposition de la rapporteure, la commission du développement durable a confirmé et maintenu, pour l'essentiel, le texte issu de la première lecture . Au total, parmi la dizaine d'amendements votés en commission ou en séance, la majorité d'entre eux sont rédactionnels 13 ( * ) ou tendent à apporter des précisions juridiques bienvenues .

À l'article 1 er , la commission du développement durable a adopté un amendement présenté par sa rapporteure, précisant que l'ANCT devra intervenir prioritairement, d'une part, pour les territoires présentant des difficultés particulières et, d'autre part, pour soutenir les projets innovants.

À l'article 2 , la commission a adopté trois amendements rédactionnels. En séance, trois autres amendements ont été adoptés, dont un amendement rédactionnel de la rapporteure et deux amendements de précision 14 ( * ) .

Les articles 5 , 6 bis , 6 ter , 7 , 8 et 8 bis ont été adoptés sans modification par les députés.

À l'article 8 ter , plusieurs modifications ont été apportées. La commission a ainsi adopté un amendement de sa rapporteure, visant à codifier les dispositions de cet article au sein du code général des collectivités territoriales , en cohérence avec le travail effectué par le Sénat dès le stade de la première lecture, et à procéder à une série de modifications rédactionnelles et de précision juridique . Une nouvelle dénomination de cette réserve a été retenue, qui s'intitule désormais « réserve citoyenne pour la cohésion des territoires » et la disposition relative à la mobilisation des étudiants, dont le périmètre n'était pas suffisamment précis, a été supprimée. En séance, deux amendements rédactionnels ont été adoptés à l'initiative de la rapporteure.

Enfin, à l'article 10 , un unique amendement rédactionnel, présenté par la rapporteure, a été adopté au stade de la commission.

• En outre, deux modifications ont été apportées à la gouvernance de l'agence, sans toutefois rejoindre la position du Sénat.

À l'article 3 , la commission a adopté un amendement présenté par sa rapporteure, qui modifie la composition du conseil d'administration et introduit un mécanisme de nouvelle délibération, s'inspirant des échanges qui ont eu lieu lors de la CMP du 3 avril dernier.

D'une part, les députés ont placé le représentant de la Caisse des dépôts et consignations dans le même collège que les représentants de l'État, afin que les représentants des collectivités territoriales disposent d'un siège supplémentaire dans le deuxième collège.

D'autre part, ils ont introduit un mécanisme de nouvelle délibération : pour être approuvé par le conseil d'administration, une délibération devra réunir la majorité des membres présents ainsi que, au sein de cette majorité, la majorité des membres représentants les collectivités territoriales et leurs groupements. Si une délibération ne recueillait pas la majorité des voix des élus locaux, le président du conseil d'administration, lui-même élu local, aurait l'obligation d'inscrire à l'ordre du jour du prochain conseil d'administration une nouvelle délibération portant sur le même objet. Pourtant, là où le Sénat donnait un droit de veto à la majorité qualifiée aux collectivités, tel n'est pas le cas de la présente rédaction. La dernière phrase du sixième alinéa de l'article 3, tel qu'adopté par les députés, précise en effet qu'« il ne peut être procédé qu'à une seule nouvelle délibération sur un même objet ».

Votre rapporteur ne peut que constater que ce mécanisme ne changerait rien au droit de regard réel des collectivités territoriales sur la gouvernance de l'ANCT, ce qu'il regrette.

B. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION : DONNER UN VÉRITABLE RÔLE AUX COLLECTIVITÉS DANS LA GOUVERNANCE DE L'ANCT

• La commission rappelle que l'association étroite des élus au fonctionnement de la future ANCT et leur rôle prépondérant dans sa gouvernance ont constitué des points déterminants pour l'adoption du texte en première lecture. Aux yeux de la Haute Assemblée, ces points sont en outre essentiels pour que l'agence assure la mission que les élus souhaitent la voir remplir.

La position du Sénat en CMP , marquée par l'adoption de l'amendement n° 7 rect. bis du président Hervé Marseille en séance en première lecture, est aussi une position de cohérence car elle considère inopportun de laisser à l'État un pouvoir de décision unilatéral, dans une agence conçue pour être au service des projets des collectivités territoriales et de la cohésion des territoires.

Aussi, dans la continuité de ses travaux en première lecture, la commission a adopté un unique amendement COM-2 à l'article 3, reprenant l'ultime rédaction faite en CMP.

Cet amendement vise à favoriser la recherche d'une solution consensuelle entre les différents membres du conseil d'administration de l'ANCT, en cas de nouvelle délibération consécutive à l'expression d'une opposition par la majorité des élus locaux présents au sein dudit conseil d'administration sur une délibération. Ainsi, aucune nouvelle délibération ne pourra être validée si les trois-quarts des élus locaux présents s'y opposent.

Le rapporteur ne souscrit pas à la vision selon laquelle ce mode de décision bloquerait le fonctionnement de l'ANCT . Il rappelle à cet égard que les projets qu'elle doit servir sont ceux des territoires . Aussi, les élus n'ont pas d'intérêt à empêcher l'agence de fonctionner sauf s'ils estiment que les orientations sont mauvaises ; dans ce cas, le dispositif proposé par la commission permettra d'instaurer un dialogue constructif.

• La commission estime que le Sénat ne peut aller plus loin dans sa démarche de compromis, sans renier sa volonté de faire de l'ANCT un établissement public au service des territoires et des collectivités.

La commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 12 juin 2019, la commission a examiné le rapport sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture après engagement de la procédure accélérée, portant création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires.

M. Hervé Maurey , président . - Nous entendons Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur de cette proposition de loi qui sera examinée en nouvelle lecture en séance par le Sénat le 20 juin.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ , rapporteur . - Nous examinons ce matin la proposition de loi portant création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires, adoptée en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale le 21 mai dernier.

Ce texte avait été déposé au Sénat en octobre 2018 par M. Jean-Claude Requier et les membres du groupe du RDSE, conjointement à une proposition de loi organique déposée par notre président de commission, Hervé Maurey, visant à l'audition, en application de l'article 13 de la Constitution, du directeur général de l'agence par les commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Ces textes, que le Sénat avait adoptés le 8 novembre 2018, ont été modifiés et adoptés par l'Assemblée nationale en première lecture le 12 mars dernier.

La commission mixte paritaire du 3 avril a abouti à un accord sur la proposition de loi organique mais échoué sur la proposition de loi ordinaire. C'est donc seulement de ce dernier texte, amendé et adopté en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale le 21 mai, que nous sommes saisis aujourd'hui.

En première lecture au Sénat, nous avions considéré que si l'ANCT n'était pas une solution miracle aux problèmes de dynamisme que connaissent certains territoires, elle constituait un premier pas pour replacer l'objectif d'un aménagement durable et innovant du territoire au coeur des politiques de cohésion. En dépit de réserves, tant sur la forme et la méthode employée, que sur le fond, avec notamment des inquiétudes quant aux ressources et à la gouvernance de l'agence, le Sénat avait adopté un texte enrichi à l'initiative de notre commission selon trois axes : le renforcement du rôle des élus locaux et nationaux dans la gouvernance de l'agence ; l'amélioration du fonctionnement et de la transparence de l'agence ; enfin, une meilleure prise en compte des territoires les plus fragiles.

Concernant la gouvernance, notre commission avait instauré à l'article 3 la parité au sein du conseil d'administration de l'agence entre les représentants de l'État, de ses établissements publics ainsi que du personnel de l'établissement d'une part, et les représentants des élus locaux et nationaux d'autre part. Elle avait également institué un comité local de la cohésion territoriale à l'article 5, afin de renforcer l'information et l'association des élus locaux aux actions de l'agence dans les territoires, en particulier à l'échelle départementale. Elle avait également prévu à l'article 7 la transmission au Parlement, pour information, des conventions pluriannuelles conclues par l'agence avec d'autres établissements publics de l'État.

Concernant le fonctionnement et la transparence de l'ANCT, notre commission avait notamment souhaité renforcer ses prérogatives en lui permettant de créer des filiales ou d'acquérir des participations, à l'article 6 ter .

Enfin, des précisions avaient été introduites à l'article 2 sur les missions de l'agence pour cibler les territoires les plus fragiles.

L'Assemblée nationale a conforté en première lecture l'essentiel de ces apports sénatoriaux. Sur plusieurs points, elle a même apporté des modifications opportunes au texte initial. Sur les missions de l'ANCT et son périmètre géographique d'activité d'abord, en ajoutant l'article 174 du traité de fonctionnement de l'Union européenne, qui intègre les zones rurales aux cibles prioritaires de l'action de l'Agence. Cet ajout est conforme à la volonté du Sénat, qui avait rappelé en première lecture que la vocation urbaine de l'agence ne devait pas l'emporter sur sa vocation rurale.

Concernant les missions de l'agence, l'Assemblée a aussi amélioré le texte en apportant plusieurs précisions bienvenues, parmi lesquelles le soutien aux réseaux associatifs ou encore l'appui aux porteurs de projets dans leur demande de subvention au titre des fonds européens.

Enfin, concernant les modalités d'intervention de l'ANCT, l'Assemblée a introduit plusieurs dispositifs intéressants. À l'article 2 figure désormais la notion de contrat de cohésion territoriale, qui aura vocation à regrouper divers instruments contractuels liant l'État et les collectivités dans une logique de simplification. À l'article 8 ter a été introduite la création d'une réserve thématique permettant à toute personne volontaire de s'investir dans des projets soutenus par l'agence.

Pourtant, en dépit de ces apports relativement consensuels, une divergence fondamentale persiste entre nos deux assemblées sur la gouvernance de l'agence, et plus particulièrement à l'article 3 du texte, concernant les pouvoirs des élus locaux au sein de son conseil d'administration.

En première lecture, l'Assemblée était revenue sur la proposition sénatoriale de parité entre les élus et l'État au conseil d'administration, en rétablissant la majorité pour l'État. Au regard de l'objet de l'agence et d'autres exemples d'établissements comparables, cela n'était pas acceptable pour le Sénat. Dans une démarche constructive, j'avais fait des propositions en CMP pour tenter de trouver un accord.

J'ai ainsi proposé, avec l'accord du président Maurey, d'accepter la représentation majoritaire de l'État, à condition de donner aux élus locaux un droit de veto si la moitié d'entre eux était en désaccord avec une décision du conseil d'administration. Il était proposé que, dans ce cas, une nouvelle délibération ait lieu dans les mêmes conditions de vote. Nous avons ensuite proposé que pour toute nouvelle délibération, un blocage soit possible uniquement si les trois quarts des élus locaux s'opposaient à la décision.

Cette proposition, pourtant pragmatique et constructive, n'a pas été acceptée. Malgré les nombreuses tentatives de conciliation du Sénat pour aboutir à un texte commun, la CMP a donc échoué sur ce point de désaccord qui est apparu insurmontable pour les députés.

En nouvelle lecture, le texte n'a été que peu modifié par l'Assemblée nationale, une dizaine d'amendements ayant été adoptés. La majorité d'entre eux sont rédactionnels ou tendent à apporter des précisions juridiques opportunes, comme l'amendement à l'article 8 ter renommant la réserve thématique en « réserve citoyenne pour la cohésion des territoires ». Je regrette néanmoins que l'Assemblée nationale ait supprimé la présence des ARS au sein des comités locaux de l'action territoriale de l'agence.

L'Assemblée nationale a surtout adopté un amendement à l'article 3, modifiant la composition et le fonctionnement du conseil d'administration par deux dispositions s'inspirant fortement de la position sénatoriale en CMP. D'une part, l'Assemblée a placé, comme nous l'avions fait, le représentant de la Caisse des dépôts et consignations dans le même collège que les représentants de l'État, afin que les représentants des collectivités locales disposent d'un siège supplémentaire dans le deuxième collège.

D'autre part, elle a donné un pouvoir de veto aux élus locaux si la moitié d'entre eux sont en désaccord avec une décision du conseil d'administration, comme nous l'avions proposé. Mais ne soyons pas dupes : ce veto n'ouvre droit qu'à une seule et unique seconde délibération, sans réelle faculté de blocage des élus à ce stade, comme le Sénat le souhaitait. Autrement dit, sous couvert de compromis, l'Assemblée nationale a adopté une disposition en trompe-l'oeil, qui ne changera rien au droit de regard réel des collectivités sur la gouvernance de l'ANCT.

En cohérence avec nos travaux précédents et les positions que nous avons défendues en CMP, je vous proposerai donc un unique amendement à l'article 3, qui reprend la dernière rédaction proposée par le Sénat au stade de la CMP.

Le Sénat ne peut aller plus loin dans sa démarche de compromis sans renier sa volonté de faire de l'ANCT un établissement public au service des territoires et des collectivités. Nous ne pouvons envisager de laisser à l'État un pouvoir de décision unilatérale. Notre vigilance quant au droit de regard des collectivités sur la gouvernance de l'ANCT est primordiale. Pour le Sénat, il s'agit autant d'un impératif de cohésion que de cohérence.

M. Hervé Maurey , président . - Nous sommes prêts à accepter le texte de l'Assemblée nationale à la condition de renforcer le pouvoir des élus au sein du conseil d'administration. Un veto unique n'a aucun sens, si la délibération rejetée peut être adoptée à la réunion suivante.

M. Alain Fouché . - Quels sont les moyens humains de l'agence et son coût de fonctionnement ?

M. Louis-Jean de Nicolaÿ , rapporteur . - L'agence est issue de la fusion du CGET (Commissariat général à l'égalité des territoires), de l'Agence du numérique et de l'Épareca (Établissement public national pour l'aménagement et la restructuration des espaces commerciaux et artisanaux). Ses moyens de fonctionnement correspondront à l'addition des moyens de fonctionnement actuels de ces trois agences.

M. Jean-François Longeot . - Merci au président et au rapporteur d'avoir fermement maintenu notre position en CMP, face à nos collègues députés qui ont quelque peu pris le Sénat de haut. L'amendement du rapporteur est bienvenu ; j'espère que le bon sens l'emportera et que nos territoires seront convenablement représentés. Il est nécessaire que ceux-ci aient leur mot à dire dans une agence conçue pour accompagner les élus.

Mme Marta de Cidrac . - Je souscris moi aussi à cet amendement, mais quel sort connaîtra-t-il s'il est adopté par le Sénat ? Nous avons pu constater en CMP les fortes réticences que suscitait chez les députés la représentation des élus au sein de la nouvelle agence.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ , rapporteur . - Nous allons défendre la position du Sénat. On ne peut laisser l'État décider unilatéralement face aux représentants des collectivités territoriales. La position du Gouvernement est claire : l'ANCT étant financée par l'État, c'est à ce dernier de prendre les décisions. Pour notre commission, dans ce cas, il est inutile de créer une nouvelle agence... Nous avons pourtant proposé un compromis, avec un blocage possible pour toute nouvelle délibération uniquement en cas d'opposition des trois-quarts des élus du conseil d'administration. Mais le Gouvernement veut que la décision finale revienne à l'État.

M. Michel Vaspart . - Je suis en accord avec le rapporteur sur la question des ARS. Notre commission s'est vu reprocher de se saisir de certains articles de la loi santé, examinée la semaine dernière. Or la question de l'accès aux soins est bien une question d'aménagement du territoire. Il faut le redire avec force. Le texte que nous examinons aujourd'hui va encore dans le mauvais sens puisque les élus n'auront pas d'interlocuteur chargé de la santé au sein des instances de cette agence.

M. Éric Gold . - La position du groupe RDSE est exprimée dans l'amendement que nous avons déposé à l'article 2, qui concentre l'ANCT sur son rôle en matière d'aménagement du territoire, en apportant une réelle offre d'ingénierie aux collectivités les moins dotées en moyens humains et financiers. L'ANCT doit impulser une véritable politique de cohésion des territoires.

M. Claude Bérit-Débat . - Lors de l'examen du texte en première lecture, le groupe socialiste et républicain a voté, malgré certains doutes, la proposition de loi de création de cette agence au regard des fortes attentes exprimées par les élus, en particulier les élus ruraux. Nos inquiétudes ne sont pas levées. L'État fait valoir qu'étant payeur, il lui revient de prendre les décisions. Je partage l'analyse du rapporteur et les interrogations sur la gouvernance, le financement et le fonctionnement de l'agence sur le terrain. Attendons de voir en séance quel sera l'état d'esprit du Gouvernement, mais j'ai peur que la commission ne soit contrainte de revenir à ses positions de départ.

M. Jean-Michel Houllegatte . - Je prolonge l'inquiétude de M. Bérit-Débat. Une ambiguïté persiste entre le périmètre d'intervention possible de l'agence et ses moyens opérationnels. Le ministre Sébastien Lecornu nous avait déclaré que sur la base de deux projets par commune sur la durée d'un mandat, l'ANCT aurait à traiter 110 000 projets en six ans. De plus, il y a un grand nombre de micro-projets très complexes, notamment la mise en place de circuits courts avec des enjeux sanitaires, économiques et juridiques. Comment les moyens mis à la disposition des préfets satisferont-ils ces besoins, d'autant qu'il s'agit d'une ingénierie de haut niveau que le Cerema pourrait l'offrir ? Il faut lever cette ambiguïté, sous peine de susciter d'énormes déceptions chez les maires et les porteurs de projets.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ , rapporteur . - Je suis disposé à aborder en séance la question de la réintégration des ARS au sein des instances de l'agence. Le problème de la santé est partie intégrante de l'aménagement du territoire. Il est indispensable d'organiser un dialogue avec les ARS et de les inciter à une réflexion sur la cohésion territoriale, en particulier au regard du développement de la télémédecine.

Concernant l'amendement du groupe RDSE, à ce stade du dialogue entre les assemblées, il ne me semble pas opportun de rouvrir ce volet et d'introduire de nouvelles modifications dans le fonctionnement de l'agence, qui doit être opérationnelle au 1 er janvier 2020.

Le fonctionnement de l'agence sera précisé par voie réglementaire. Il y a un réel besoin de rationalisation des équipements et de cohérence des projets entre les territoires voisins. Il convient que cette harmonisation ait lieu au sein des comités locaux de l'agence. L'ANCT ne doit pas être une simple boîte à outils pour financer des études.

Monsieur Bérit-Débat, l'état d'esprit du Gouvernement est pour le moment le suivant : il revient à celui qui finance de décider.

Monsieur Houllegatte, la multitude des projets obligera en effet l'agence à faire des choix. Faut-il instaurer un seuil de 100 000 euros, comme pour la dotation d'équipement aux territoires ruraux (DETR) ? Je suis surtout attaché au principe de gratuité des services de l'agence. Un choix contraire découragerait les collectivités.

M. Benoît Huré . - Il est souhaitable que ceux qui ont davantage d'expérience du territoire puissent faire prévaloir leur point de vue. Attention aux caricatures : les 20 ou 30 % de cas où les relations entre les élus et les ARS sont mauvaises ne doivent pas occulter la majorité de cas où les choses se passent bien. On ne peut imaginer une ARS mettant en oeuvre un projet de santé sur un territoire contre l'avis des élus. Ainsi le directeur de l'ARS de ma région, ancien des urgences dans un grand pôle hospitalier, a une approche pragmatique, ce qui facilite nos relations.

Je considère que l'ANCT doit concentrer son action sur les grands projets. Quant aux projets plus modestes, il faut avant tout simplifier leur mise en oeuvre. Nous démarrons une mission d'information sur la sous-utilisation chronique des fonds européens, liée au fait que beaucoup de territoires renoncent à mettre en oeuvre leurs projets. Or le responsable n'est pas Bruxelles, mais l'administration française, qui leur impose des contraintes excessives. Commençons par supprimer les réglementations superfétatoires.

M. Charles Revet . - L'avis de l'agence sur les projets aura-t-il un caractère obligatoire, ou les équipes territoriales auront-elles toute latitude pour mettre en oeuvre leurs projets, qu'ils soient financés ou non par l'ANCT ? Il faudra insister sur cette question au cours des débats.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ , rapporteur . - Nous souhaitons que le dialogue sur la cohésion des territoires ait lieu et que tous les organismes concernés par cette question puissent être membres de l'agence.

Monsieur Revet, l'agence ne délivrera ses services qu'à la demande des communes, qui pourront toujours réaliser leurs investissements sans son aide.

M. Hervé Maurey , président . - Je partage les inquiétudes exprimées par les membres de la commission et les doutes sur le périmètre et les moyens humains et financiers de l'agence. Il faut qu'elle apporte quelque chose ; si l'État doit garder la main, nous n'en voyons pas l'intérêt.

Je suis très heureux que M. Huré soit satisfait de son ARS : c'est le premier élu à m'en faire part ! Les ARS n'ont pas les meilleures relations qui soient avec les élus.

EXAMEN DES ARTICLES

L'article 1 er est adopté sans modification.

Article 2

M. Louis-Jean de Nicolaÿ , rapporteur . - L'article 2 a été fortement enrichi lors de son examen dans les deux assemblées. Je ne souhaite pas rouvrir le débat sur le fonctionnement de l'agence, mais concentrer la discussion sur la gouvernance, principal point de blocage restant. Avis défavorable à l'amendement COM-1 . .

L'amendement COM-1 n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté sans modification.

Article 3

M. Louis-Jean de Nicolaÿ , rapporteur . - Mon amendement COM-2 reprend la rédaction proposée par le Sénat en commission mixte paritaire.

L'amendement COM-2 est adopté.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

L'article 5 est adopté sans modification, ainsi que les articles 6 bis, 6 ter, 7, 8, 8 bis, 8 ter et 10.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

LISTE DES AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR
LA COMMISSION DE L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

ARTICLE 3

Amendement n° COM-2

Alinéa 6, dernière phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Toute nouvelle délibération est alors adoptée sauf si les trois quarts des représentants présents des collectivités territoriales et de leurs groupements s'y opposent.


* 1 Rapport d'information n° 565 (2016-2017) de MM. Hervé Maurey et Louis-Jean de Nicolaÿ, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

* 2 Texte n° 20 (2018-2019), adopté par le Sénat le 8 novembre 2018.

* 3 Texte n° 21 (2018-2019), adopté par le Sénat le 8 novembre 2018.

* 4 Article 174 du TFUE : « Afin de promouvoir un développement harmonieux de l'ensemble de l'Union, celle-ci développe et poursuit son action tendant au renforcement de sa cohésion économique, sociale et territoriale. En particulier, l'Union vise à réduire l'écart entre les niveaux de développement des diverses régions et le retard des régions les moins favorisées. Parmi les régions concernées, une attention particulière est accordée aux zones rurales, aux zones où s'opère une transition industrielle et aux régions qui souffrent de handicaps naturels ou démographiques graves et permanents telles que les régions les plus septentrionales à très faible densité de population et les régions insulaires, transfrontalières et de montagne ».

* 5 L'article 6 ter rétablit toutefois le principe, qui avait été supprimé par le Sénat, selon lequel l'ANRU doit conclure une convention avec l'ANCT pour participer au financement et à la mise en oeuvre des actions de celle-ci.

* 6 ANRU : Agence nationale pour la rénovation urbaine. ANAH : Agence nationale de l'habitat. Ademe : Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie. Cerema : Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement. Epareca : Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux.

* 7 Voir France territoires , rapport de préfiguration de Serge Morvan, juin 2018.

* 8 Loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017.

* 9 Par ailleurs, les règles relatives à l'âge des réservistes (majeur ou mineur de plus de seize ans ayant obtenu l'accord de ses représentants légaux) ou encore celles relatives à l'accord nécessaire du réserviste pour son affectation à une mission s'appliqueraient.

* 10 Voir l'amendement n° 7 rect. bis du président Hervé Marseille, adopté en séance publique.

* 11 Voir le point 7 de l'avis n° 395974, publié par le Président du Sénat.

* 12 Proposition de loi n° 518 (2018-2019), déposée au Sénat le 21 mai 2019.

* 13 Trois amendements rédactionnels à l'article 2.

* 14 Le premier, adopté à l'initiative de M. Philippe Vigier et plusieurs de ses collègues visant à inclure les quartiers urbains en difficulté dans le périmètre d'intervention de l'agence. Le second, adopté à l'initiative de Mme Battistel et plusieurs de ses collègues, précise que la dimension commerciale et artisanale de l'action de l'agence en matière de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs.

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