II. L'ÉCHEC DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE, EN DÉPIT D'UNE DÉMARCHE CONSTRUCTIVE DU SÉNAT

• Si la proposition de loi organique relative à la nomination du directeur général de l'Agence nationale de la cohésion des territoires a fait l'objet d'un accord en commission mixte paritaire (CMP ), ce dont la commission se félicite, tel n'a pas été le cas de la présente proposition de loi, faute de compromis sur la composition et le fonctionnement du conseil d'administration (article 3).

Dans une démarche constructive et pragmatique, le Sénat a présenté en CMP plusieurs propositions de rédaction, avec la volonté de garantir un équilibre entre la protection de la représentation des collectivités territoriales au conseil d'administration et l'efficacité du fonctionnement de l'ANCT.

Ainsi, dans un premier temps, le Sénat a proposé d'accepter la représentation majoritaire de l'État , à condition de permettre aux élus locaux de s'opposer à une décision du conseil d'administration en cas de désaccord de la moitié d'entre eux. Il était prévu que, dans ce cas, une nouvelle délibération ait lieu, dans les mêmes conditions de vote . Cette proposition de rédaction plaçait par ailleurs le représentant de la Caisse des dépôts et consignations dans le premier collège, aux côtés de l'État et de ses établissements publics, pour permettre aux représentants des collectivités locales de disposer d'un siège supplémentaire dans le deuxième collège .

Cette proposition ayant été refusée par les députés, le rapporteur a fait un nouveau pas en leur direction en conservant le principe du droit de veto pour la majorité des élus locaux, mais en proposant que pour toute nouvelle délibération , un blocage soit possible uniquement si les trois-quarts des élus locaux s'opposent à la décision.

Ces propositions, pourtant pragmatiques, n'ont pas été acceptées par les députés. Aussi, malgré les nombreuses tentatives de conciliation du Sénat, la CMP n'a pas abouti, ce que déplore la commission, qui considèrait cette CMP comme une occasion pour la majorité présidentielle d'afficher sa confiance à l'égard des élus locaux.

• L'échec de la CMP est d'autant plus regrettable que, sur les autres dispositions de la proposition de loi, les deux chambres avaient adopté une démarche constructive afin d'enrichir le texte dans l'intérêt des collectivités territoriales.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION EN NOUVELLE LECTURE : PROTÉGER LA RÔLE DES ÉLUS DANS LA GOUVERNANCE DE L'ANCT, UN IMPÉRATIF DE COHÉSION TERRITORIALE ET DE COHÉRENCE

A. LE TEXTE ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN NOUVELLE LECTURE : UNE TENTATIVE DE COMPROMIS EN TROMPE-L'OEIL

• Le 21 mai 2019, l'Assemblée nationale a adopté en nouvelle lecture la proposition de loi portant création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires 12 ( * ) . Dès lors, ne restent en discussion que les articles 1, 2, 3, 5, 6 bis , 6 ter , 7, 8, 8 ter et 10.

En commission et sur proposition de la rapporteure, la commission du développement durable a confirmé et maintenu, pour l'essentiel, le texte issu de la première lecture . Au total, parmi la dizaine d'amendements votés en commission ou en séance, la majorité d'entre eux sont rédactionnels 13 ( * ) ou tendent à apporter des précisions juridiques bienvenues .

À l'article 1 er , la commission du développement durable a adopté un amendement présenté par sa rapporteure, précisant que l'ANCT devra intervenir prioritairement, d'une part, pour les territoires présentant des difficultés particulières et, d'autre part, pour soutenir les projets innovants.

À l'article 2 , la commission a adopté trois amendements rédactionnels. En séance, trois autres amendements ont été adoptés, dont un amendement rédactionnel de la rapporteure et deux amendements de précision 14 ( * ) .

Les articles 5 , 6 bis , 6 ter , 7 , 8 et 8 bis ont été adoptés sans modification par les députés.

À l'article 8 ter , plusieurs modifications ont été apportées. La commission a ainsi adopté un amendement de sa rapporteure, visant à codifier les dispositions de cet article au sein du code général des collectivités territoriales , en cohérence avec le travail effectué par le Sénat dès le stade de la première lecture, et à procéder à une série de modifications rédactionnelles et de précision juridique . Une nouvelle dénomination de cette réserve a été retenue, qui s'intitule désormais « réserve citoyenne pour la cohésion des territoires » et la disposition relative à la mobilisation des étudiants, dont le périmètre n'était pas suffisamment précis, a été supprimée. En séance, deux amendements rédactionnels ont été adoptés à l'initiative de la rapporteure.

Enfin, à l'article 10 , un unique amendement rédactionnel, présenté par la rapporteure, a été adopté au stade de la commission.

• En outre, deux modifications ont été apportées à la gouvernance de l'agence, sans toutefois rejoindre la position du Sénat.

À l'article 3 , la commission a adopté un amendement présenté par sa rapporteure, qui modifie la composition du conseil d'administration et introduit un mécanisme de nouvelle délibération, s'inspirant des échanges qui ont eu lieu lors de la CMP du 3 avril dernier.

D'une part, les députés ont placé le représentant de la Caisse des dépôts et consignations dans le même collège que les représentants de l'État, afin que les représentants des collectivités territoriales disposent d'un siège supplémentaire dans le deuxième collège.

D'autre part, ils ont introduit un mécanisme de nouvelle délibération : pour être approuvé par le conseil d'administration, une délibération devra réunir la majorité des membres présents ainsi que, au sein de cette majorité, la majorité des membres représentants les collectivités territoriales et leurs groupements. Si une délibération ne recueillait pas la majorité des voix des élus locaux, le président du conseil d'administration, lui-même élu local, aurait l'obligation d'inscrire à l'ordre du jour du prochain conseil d'administration une nouvelle délibération portant sur le même objet. Pourtant, là où le Sénat donnait un droit de veto à la majorité qualifiée aux collectivités, tel n'est pas le cas de la présente rédaction. La dernière phrase du sixième alinéa de l'article 3, tel qu'adopté par les députés, précise en effet qu'« il ne peut être procédé qu'à une seule nouvelle délibération sur un même objet ».

Votre rapporteur ne peut que constater que ce mécanisme ne changerait rien au droit de regard réel des collectivités territoriales sur la gouvernance de l'ANCT, ce qu'il regrette.


* 12 Proposition de loi n° 518 (2018-2019), déposée au Sénat le 21 mai 2019.

* 13 Trois amendements rédactionnels à l'article 2.

* 14 Le premier, adopté à l'initiative de M. Philippe Vigier et plusieurs de ses collègues visant à inclure les quartiers urbains en difficulté dans le périmètre d'intervention de l'agence. Le second, adopté à l'initiative de Mme Battistel et plusieurs de ses collègues, précise que la dimension commerciale et artisanale de l'action de l'agence en matière de revitalisation des centres-villes et centres-bourgs.

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