Rapport n° 530 (2018-2019) de M. André REICHARDT , fait au nom de la commission des lois, déposé le 29 mai 2019

Disponible au format PDF (405 Koctets)

Tableau comparatif au format PDF (16 Koctets)

Synthèse du rapport (133 Koctets)


SOMMAIRE

Pages

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS 5

EXPOSÉ GÉNÉRAL 7

I. UN DROIT DE LA COMMANDE PUBLIQUE D'ORES ET DÉJÀ ADAPTÉ AUX SPÉCIFICITÉS DES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES 9

A. LA SOUS-REPRÉSENTATION DES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES DANS LA COMMANDE PUBLIQUE 9

1. Le poids économique prépondérant de la commande publique dans l'économie nationale 9

2. Des petites et moyennes entreprises tendanciellement sous-représentées dans la commande publique 10

a) Le constat d'un retard général 10

b) Les marchés des collectivités territoriales plus favorables aux PME que ceux passés par les autres acheteurs 11

B. DES DIFFICULTÉS IDENTIFIÉES ET LES RÉPONSES DÉJÀ MISES EN oeUVRE 14

1. Les difficultés clairement identifiées des PME à accéder à la commande publique 14

a) Les raisons économiques et financières 14

b) La complexité des procédures 16

2. Les réponses déjà apportées afin de mieux faire se rencontrer la demande des acheteurs publics et l'offre des PME 16

a) Des marchés repensés pour ne plus exclure a priori les PME 16

b) L'adaptation des modalités des marchés à la structure financière des PME 18

c) L'amélioration de la clarté du droit et de l'accessibilité des procédures 18

d) Des efforts prospectifs 19

II. UNE PROPOSITION DE LOI À L'OBJECTIF LOUABLE MAIS AU DISPOSITIF LIMITÉ 20

A. L'INTRODUCTION DE DISPOSITIONS NON NORMATIVES 20

B. LA NEUTRALISATION DU RECOURS EXCEPTIONNEL AUX MARCHÉS GLOBAUX POUR LES PETITS ACHETEURS 21

C. UNE TENTATIVE INOPÉRANTE DE RÉGULER LES RELATIONS DE SOUS-TRAITANCE 22

D. UNE PRISE EN COMPTE DU MANQUE DE COUVERTURE NUMÉRIQUE DANS LES ÉCHANGES ENTRE ACHETEURS ET OPÉRATEURS ÉCONOMIQUES DÉJÀ OPÉRÉE PAR LE DROIT POSITIF 22

EXAMEN EN COMMISSION 25

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES 31

TABLEAU COMPARATIF 33

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le mercredi 29 mai 2019, sous la présidence de M. Philippe Bas, président, la commission des lois a examiné le rapport de M. André Reichardt, rapporteur, sur la proposition de loi n° 436 (2018-2019) relative à l'accès effectif et direct des petites et moyennes entreprises à la commande publique, présentée par MM. Jean-Marc Gabouty, Jean-Claude Requier et plusieurs de leurs collègues du groupe RDSE.

Malgré leur poids prépondérant dans l'économie nationale, les petites et moyennes entreprises (PME) peinent encore à accéder à la commande publique. Cette difficulté s'explique principalement par la fragilité de leur trésorerie, d'une part, et par leurs difficultés à appréhender des règles et des procédures parfois complexes, d'autre part.

La proposition de loi entend se placer dans la continuité des différentes mesures déjà prises pour faciliter l'accès des PME à la commande publique , telles que la systématisation des marchés découpés en lots (allotissement), l'interdiction de faire varier une offre en fonction du nombre de lots finalement attribués, l'augmentation des avances versées aux PME ou la mise en place d'un code de la commande publique et de guides pratiques.

L'objectif de la proposition de loi est louable, mais les choix retenus ne paraissent pas de nature à apporter d'améliorations effectives. Ils tendent à introduire des dispositions dépourvues de portée normative et, créent, par ailleurs, des effets collatéraux in fine défavorables soit pour les petits acheteurs publics, nombreux, soit pour les PME elles-mêmes.

Pour l'ensemble de ces raisons, votre commission n'a pas adopté la proposition de loi.

En conséquence, en application du premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique portera sur le texte initial de la proposition de loi.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

La commande publique constitue une part significative de l'activité économique nationale. En 2014, elle représentait 200 milliards d'euros de montants cumulés, soit 10 % du produit intérieur brut. Paradoxalement, la part des PME y reste marginale, alors qu'elles étaient 3,8 millions en 2015, représentant 99,9 % des entreprises et 48,3 % de l'emploi salarié (en équivalent temps plein), et qu'elles réalisaient 42,7 % de la valeur ajoutée.

Cette dissymétrie s'explique par plusieurs antagonismes. D'une part, la fragilité de la trésorerie des PME s'accommode mal de la règle du paiement après service fait et des délais de paiement pratiqués par les acheteurs publics. D'autre part, les PME ne disposent pas des moyens humains adéquats en réponse à la complexité du droit applicable et des procédures.

Face à ce constat, des mesures ont été prises. À l'initiative de votre commission, la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « Sapin 2 », a fait de l'allotissement des marchés publics un principe et a interdit les offres variables afin que les PME puissent se battre à armes égales avec les entreprises de taille intermédiaire ou les grandes entreprises. Les avances qui leur sont versées dans le cadre des marchés passés par l'État ont été augmentées et les retenues de garanties diminuées pour préserver leur trésorerie. En outre, l'accès au droit a été favorisé avec la création du code de la commande publique et l'édition de nombreux guides pratiques. Les procédures de candidature ont aussi été facilitées par la dématérialisation généralisée des procédures depuis le 1 er octobre 2018.

La présente proposition de loi entend se placer dans la continuité de cette démarche de renforcement de la place des PME dans la commande publique. Si l'intention de ses auteurs ne peut qu'être approuvée, tant les PME peinent encore, malgré les dispositions susmentionnées, à trouver la place qui leur revient dans l'achat public, les choix retenus ne paraissent pas de nature à apporter les améliorations effectives. Ils tendent à introduire des dispositions dépourvues de portée normative, d'une part, et créent, d'autre part, des effets collatéraux défavorables pour les petits acheteurs publics, nombreux, comme pour les PME elles-mêmes.

Une partie des dispositions proposées tend, à l'instar de l'article 1 er relatif à l'obligation d'allotir les marchés, à introduire des dispositifs sans réelle portée normative .

L'article 2 tend à réduire encore les cas dans lesquels un acheteur peut déroger à l'obligation d'allotir les marchés qu'il passe. Mais cette mesure pénalise les petits acheteurs - majoritairement des collectivités territoriales - pouvant actuellement recourir à des marchés globaux dans les cas extrêmes où ils ne sont pas en mesure de coordonner des marchés allotis.

L'article 3 propose d'encadrer les cas dans lesquels une entreprise titulaire d'un marché peut changer de sous-traitant en cours d'exécution. Néanmoins, le mécanisme proposé ne semble pas opérant et facilement contournable.

Enfin, le dernier article de la proposition de loi tend à ce que l'on tienne compte de la couverture numérique pour la mise en oeuvre de la dématérialisation des échanges. Or, ce souhait semble satisfait par la possibilité déjà accordée aux entreprises de faire parvenir à l'acheteur une « copie de sauvegarde » de leurs candidatures afin, notamment, de se prémunir des défaillances ou des insuffisances de réseau internet.

Pour l'ensemble de ces raisons, et après avoir rappelé les mesures préexistantes pour favoriser l'accès des PME à la commande publique que les acheteurs publics comme les entreprises elles-mêmes doivent s'approprier résolument en pratique, votre commission n'a pas adopté la proposition de loi.

En conséquence, en application du premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique portera sur le texte initial de la proposition de loi.

I. UN DROIT DE LA COMMANDE PUBLIQUE D'ORES ET DÉJÀ ADAPTÉ AUX SPÉCIFICITÉS DES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES

A. LA SOUS-REPRÉSENTATION DES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES DANS LA COMMANDE PUBLIQUE

1. Le poids économique prépondérant de la commande publique dans l'économie nationale

La commande publique constitue une part significative de l'activité économique nationale. En 2014, elle représentait 200 milliards d'euros de montants cumulés, soit 10 % du produit intérieur brut 1 ( * ) .

En 2017, le montant cumulé des seuls marchés publics 2 ( * ) dont le montant dépasse 90 000 euros 3 ( * ) , soit 163 000 contrats initiaux 4 ( * ) , atteignait 89 milliards d'euros .

Évolution du nombre de marchés publics et de leurs montants cumulés de 2014 à 2017

Source : données de l'Observatoire économique de la commande publique (décembre 2018) 5 ( * ) retraitées par la commission des lois.

En 2017, la très grande majorité de ces marchés a été passée par des collectivités territoriales mais les marchés passés par l'État ont été les plus onéreux.

Répartition des marchés publics passés en 2017,
par types d'acheteurs

Nombre de marchés

Montants cumulés
(en milliards d'euros)

État

32 204

(20 %)

37 550

(42 %)

Collectivités territoriales

114 440

(70 %)

27 770

(31 %)

Autres acheteurs

16 875

(10 %)

24 017

(27 %)

Source : données de l'Observatoire économique de la commande publique (décembre 2018) 6 ( * ) retraitées par la commission des lois.

2. Des petites et moyennes entreprises tendanciellement sous-représentées dans la commande publique
a) Le constat d'un retard général

Le tissu économique français a pour principale caractéristique d'être massivement composé de petites et moyennes entreprises (PME), telles que définies par l'article 51 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie. Il s'agit des entreprises qui, d'une part, emploient moins de 250 personnes et, d'autre part, ont un chiffre d'affaires annuel n'excédant pas 50 millions d'euros ou un total de bilan n'excédant pas 43 millions d'euros 7 ( * ) .

Selon le Centre de documentation Économie-Finances, « en 2015, la France compte 3,8 millions de PME [...], soit 99,9 % des entreprises, 48,3 % de l'emploi salarié (en équivalent temps plein). Elles réalisent 42,7 % de la valeur ajoutée et 15,4 % du chiffre d'affaires à l'exportation » 8 ( * ) .

Pourtant, leur accès à la commande publique n'est pas à la hauteur de leur niveau de participation dans l'économie nationale, tant au niveau du nombre de marchés attribués qu'au niveau de leurs montants cumulés. Selon l'Observatoire économique de la commande publique (OECP), les PME ont été attributaires de 57,5 % des marchés conclus en 2017, mais ces contrats n'ont représenté que 29,4 % des montants cette même année. Or, sur la même période, les grandes entreprises ont passé presque trois fois moins de marchés, mais leurs montants cumulés étaient presque une fois et demie supérieure.

b) Les marchés des collectivités territoriales plus favorables aux PME que ceux passés par les autres acheteurs

Le retard constaté des PME semble très lié au type d'acheteur concerné. Les chiffres fournis par l'OECP démontrent que les marchés passés par les collectivités territoriales laissent leur plus grande chance aux PME : 69 % du nombre de leurs marchés leur revenaient en 2017, pour une part de montants cumulés de 48 %.

Niveau de participation des PME
en montant et par type d'acheteur

Montants en %

État

Collectivités

Autres acheteurs

PME

25,8

48,2

22,4

ETI

30,8

23,6

26,7

GE

43,4

28,2

50,9

Source : données de l'Observatoire économique de la commande publique
(décembre 2018)

Selon les données de l'OECP, l'évolution des parts de montants attribués aux PME pour les marchés des collectivités semble moins dynamique mais demeure nettement plus élevée que pour les marchés passés par d'autres acheteurs. À l'inverse, l'évolution du nombre de marchés attribués par les collectivités aux PME est, elle, plus dynamique que pour les autres marchés.

Évolution de la participation des PME en montant,
par type d'acheteur, en pourcentages

Évolution de la participation des PME en nombre,
par type d'acheteur, en pourcentages

Il semble donc que le montant individuel des marchés attribués à des PME par les collectivités ait tendance à diminuer par rapport aux marchés attribués aux entreprises plus importantes, mais que l'augmentation du nombre de marchés attribués par les collectivités aux PME permette la stabilité de la part globale de montants qui leur revient.

Les sources du droit de la commande publique

I - Le droit de l'Union européenne

Le droit de la commande publique est fortement soumis au droit de l'Union européenne tant il concerne les libertés économiques nécessaires à la construction et au parachèvement du marché unique européen. Ce principe est d'ailleurs rappelé par le premier considérant de la directive 2014/24/UE sur la passation des marchés publics 9 ( * ) : « La passation de marchés publics par les autorités des États membres ou en leur nom doit être conforme aux principes du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment la libre circulation des marchandises, la liberté d'établissement et la libre prestation de services, ainsi qu'aux principes qui en découlent comme l'égalité de traitement, la non-discrimination, la reconnaissance mutuelle, la proportionnalité et la transparence » .

Le droit européen de la commande publique est actuellement structuré autour de quatre directives qui déterminent les procédures de passation des différents types de contrats de marchés et de concessions. La directive 2014/24/UE précitée fixe le « droit commun » applicable aux différents marchés publics. Elle est complétée par la directive 2014/25/UE relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux 10 ( * ) et par la directive 2009/81/CE relative aux marchés de défense ou de sécurité 11 ( * ) . L'attribution des contrats de concessions est, quant à elle, régie par la directive 2014/23/UE 12 ( * ) .

II - Le droit national

a) Le nouveau code de la commande publique

La majeure partie des règles applicables aux marchés publics et contrat de concession 13 ( * ) est aujourd'hui regroupée au sein du code de la commande publique, entré en vigueur au 1 er avril 2019 14 ( * ) . Il est désormais le principal vecteur de transposition des directives européennes précitées. Auparavant, les règles nationales de niveau législatif étaient majoritairement regroupées au sein de l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics et de l'ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession.

b) Les principes constitutionnels relatifs à la commande publique

Outre les dispositions relevant du droit de l'Union européenne et les dispositions de rang législatif, la jurisprudence du Conseil constitutionnel a élevé au rang constitutionnel certains principes généraux inscrits dans l'ancien code des marchés publics 15 ( * ) , tels que les principes de libre accès à la commande publique, d'égalité de traitement ou de transparence de la procédure, en les faisant découler d'une lecture croisée des articles 6 et 14 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 16 ( * ) .

c) Les dispositions pénales

Afin de renforcer la portée des règles applicables à la commande publique, le « délit de favoritisme » inscrit à l'article 432-14 du code pénal vient spécialement en incriminer les manquements. En ce sens, il sanctionne de deux ans d'emprisonnement et de 200 000 euros d'amende le fait, pour certaines personnes, « de procurer ou de tenter de procurer à autrui un avantage injustifié par un acte contraire aux dispositions législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la liberté d'accès et l'égalité des candidats dans les marchés publics et les contrats de concession » 17 ( * ) . L'article L. 2141-1 du code de la commande publique exclut également des procédures de passation les personnes condamnées au titre de certaines infractions prévues par le code pénal ou le code général des impôts.

B. DES DIFFICULTÉS IDENTIFIÉES ET LES RÉPONSES DÉJÀ MISES EN oeUVRE

1. Les difficultés clairement identifiées des PME à accéder à la commande publique
a) Les raisons économiques et financières

La taille des PME impacte directement leurs capacités financières, indépendamment de leurs facultés à dégager des résultats. Elles disposent le plus souvent de peu de réserves liquides, ce qui se traduit de deux manières. La première est une difficulté à emprunter dans de bonnes conditions auprès des établissements de crédit ou d'obtenir des garanties financières de leur part. La seconde est la vulnérabilité face à la longueur des délais de paiements ou l'absence d'avance sur paiement , faute de trésorerie suffisante pour faire « tampon » entre le paiement des charges qui incombent à la PME pour assurer la bonne exécution du marché et le paiement de ce marché par l'acheteur public.

Or, ces vulnérabilités structurelles se conjuguent mal avec certaines des caractéristiques de la commande publique. Même si elle connait des exceptions telles que la pratique d'avances de paiements (voir infra ), la règle du « paiement à service fait » impose au titulaire du marché de ne transmettre sa demande de paiement qu'après exécution de la prestation demandée ou livraison des travaux ou fournitures commandées. À cela vient ensuite s'ajouter les délais de paiement dont peuvent se prévaloir les acheteurs publics. Ces délais de paiement s'étalent de 30 à 60 jours. À titre de comparaison, les délais de paiement supplétifs fixés par l'article L. 441-10 du code de commerce sont de 30 jours.

Source : Portail sercice-public-pro.fr, rubrique « paiement d'un marché public »,
mis à jour le 24 mai 2019.

L'enjeu des délais de paiement a été clairement identifié lors des auditions conduites par votre rapporteur. L'Union des groupements d'achats publics (UGAP) 18 ( * ) précise ainsi avoir mis des solutions innovantes en oeuvre pour les diminuer afin de compter davantage de PME parmi ses fournisseurs : « En 2018, le délai de paiement moyen de l'UGAP est de 29 jours, prenant en charge sur sa propre trésorerie les retards de paiement de certains clients publics, ce qui constitue un soutien direct à la trésorière des PME fournisseurs de l'établissement. De plus, l'UGAP propose une solution d'affacturage collaboratif qui permet aux fournisseurs qui le souhaitent de réduire les délais de paiement à 5 jours (grâce à un marché financier conclu avec la Banque Postale, qui compte tenu du bon rating financier de l'UGAP, permet aux fournisseurs de bénéficier de frais financiers parmi les plus bas du marché) » 19 ( * ) .

b) La complexité des procédures

Selon une enquête transmise à votre rapporteur par la CPME 20 ( * ) , la complexité des procédures d'appels d'offre représente une part prépondérante des raisons invoquées par les PME pour ne pas soumissionner.

Les PME peuvent difficilement se permettre de disposer de personnels dédiés à la commande publique et ne peuvent donc pas s'appuyer sur des compétences dédiées. Les personnels qui prennent ponctuellement en charge l'élaboration de dossiers de candidature doivent également se consacrer à d'autres tâches. La contrainte que représente l'élaboration d'un dossier de candidature doit également être associée au caractère aléatoire de cette démarche, puisque la PME qui soumissionne n'a, par définition, aucune certitude sur le fait que sa candidature sera retenue ou non par l'acheteur.

2. Les réponses déjà apportées afin de mieux faire se rencontrer la demande des acheteurs publics et l'offre des PME

À l'exception des articles L. 2213-14 et R. 2213-4 du code de la commande publique relatifs aux marchés de partenariat, le droit de la commande publique ne prévoit pas de mesures explicitement favorables aux PME. En revanche, de nombreuses mesures de niveau législatif, réglementaire ou relevant de bonnes pratiques ont été mises en oeuvre pour faciliter effectivement leur accès à la commande publique. Certaines de ces mesures sont relativement récentes et entrent dans le champ de la réforme de la commande publique engagée par le Gouvernement au dernier semestre de l'année 2018 21 ( * ) .

a) Des marchés repensés pour ne plus exclure a priori les PME

Aux termes de la directive de 2014 relative aux marchés publics, le recours à des marchés publics allotis n'est qu'une simple option prévue (voir encadré). L'article 46 de ce texte dispose en ce sens que « les pouvoirs adjudicateurs peuvent décider d'attribuer un marché sous la forme de lots distincts, dont ils peuvent déterminer la taille et l'objet » . Ce même article, en son paragraphe 4., ouvre toutefois la possibilité, pour les États membres, de « rend[re] obligatoire la passation de marchés sous la forme de lots distincts dans des conditions à définir conformément à leur droit national et dans le respect du droit de l'Union » . C'est cette option que le droit français a retenue.

Ainsi, en dehors des marchés globaux identifiés 22 ( * ) , le droit français fait de l'allotissement la règle normale de passation des marchés publics 23 ( * ) . Seules les exceptions prévues aux articles L. 2113-10 et L. 2113-11 du code de la commande publique permettent à l'acheteur de s'y soustraire. Le contrôle de l'obligation d'allotir a été renforcé par le Sénat, à l'initiative de votre rapporteur, par la loi dite « Sapin 2 », du 9 décembre 2016 24 ( * ) . Depuis lors « lorsqu'un acheteur décide de ne pas allotir le marché, il motive son choix en énonçant les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de sa décision » 25 ( * ) . Cette motivation fait l'objet d'un contrôle par le juge administratif 26 ( * ) .

Dans le même temps, la systématisation renforcée des marchés allotis a été conjuguée à la suppression des offres variables 27 ( * ) . Ce principe a également été mis en oeuvre par amendement à l'occasion de l'examen de la loi « Sapin 2 » sur la base des travaux antérieurement conduits par votre rapporteur lors de l'examen du projet de loi de ratification de l'ordonnance « marché publics » de 2015 28 ( * ) .

Ces deux mesures favorisent la compétitivité des PME face aux entreprises plus importantes. D'une part, elles permettent aux PME de présenter des candidatures sur des lots dont la taille est adaptée à leurs moyens de production . D'autre part, elles font obstacle à ce que les grandes entreprises puissent anticiper, au stade de l'offre, d'éventuelles économies d'échelle dans l'hypothèse où plusieurs lots leur seraient attribués.

Dans le même but, une expérimentation sur trois ans est en cours et permet la passation de gré à gré de marchés publics portant sur des achats innovants, sous un seuil de 100 000 euros 29 ( * ) . Ces contrats portent spécifiquement sur la mise en oeuvre « de nouveaux procédés de production ou de construction, d'une nouvelle méthode de commercialisation ou d'une nouvelle méthode organisationnelle dans les pratiques, l'organisation du lieu de travail ou les relations extérieures de l'entreprise » 30 ( * ) et s'adressent donc particulièrement aux PME.

b) L'adaptation des modalités des marchés à la structure financière des PME

Afin de s'adapter aux besoins de trésorerie spécifiques des PME, un décret du 24 décembre 2018 31 ( * ) est venu augmenter la part des avances de paiement qui leur sont consenties dans le cadre de marchés publics passés par l'État. Ce taux est désormais de 20 % contre 5 % auparavant 32 ( * ) .

Les taux des retenues de garanties pratiquées envers les PME dans le cadre de marchés publics passés par l'État sont également passés de 5 % à 3 % 33 ( * ) . Pour rappel, « la retenue de garantie a pour seul objet de couvrir les réserves formulées à la réception des prestations du marché et, le cas échéant, celles formulées pendant le délai de garantie lorsque les malfaçons n'étaient pas apparentes ou que leurs conséquences n'étaient pas identifiables au moment de la réception » 34 ( * ) .

Ces mesures ont été unanimement reconnues comme des avancées lors des travaux conduits par votre rapporteur.

c) L'amélioration de la clarté du droit et de l'accessibilité des procédures

La codification du droit de la commande publique représente une étape majeure afin de favoriser la clarté et l'accessibilité du droit applicable. Le code de la commande publique est entré en vigueur au 1 er avril 2019 (voir encadré). Il a pour principal avantage de regrouper en son sein la majeure partie des règles applicables à la commande publique et de les présenter selon un plan qui reprend les étapes successives rencontrées par l'acheteur et le soumissionnaire dans leurs relations contractuelles.

La direction des affaires juridiques de Bercy édite également des guides et fiches techniques afin de permettre aux différents acteurs de se familiariser avec les règles applicables et les outils d'échange. Le dernier en date est une version actualisée du Guide très pratique de la dématérialisation, « version 4.0 ». Il se décline en deux versions : l'une à destination des opérateurs économiques, l'autre à destination des acheteurs. En effet, comme le rappelle ce guide, « depuis le 1 er octobre 2018 35 ( * ) , tous les acheteurs doivent être équipés d'un profil d'acheteur et publier sur cette plateforme les documents de la consultation pour les marchés publics (hors défense ou sécurité) dont la valeur du besoin estimé est égale ou supérieure à 25 000 € HT. Les acheteurs doivent en outre procéder a` la publication des données essentielles de ces marchés » .

Le profil acheteur est « une plateforme de dématérialisation permettant notamment aux acheteurs de mettre les documents de la consultation a` disposition des opérateurs économiques par voie électronique et de réceptionner les documents transmis par les candidats et les soumissionnaires » 37 ( * ) . L'utilisation systématique de cet outil de dialogue facilite grandement les échanges entre acheteurs et opérateurs électroniques et représente une avancée pour les PME qui voient leurs contraintes administratives allégées.

d) Des efforts prospectifs

Mis en place en 2016, l'Observatoire économique de la commande publique (OECP) est « placé auprès du ministre chargé de l'économie [, il] rassemble et analyse les données relatives aux aspects économiques et techniques de la commande publique. Il constitue une instance de concertation et d'échanges d'informations avec les opérateurs économiques, les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices et contribue à la diffusion des bonnes pratiques » 38 ( * ) . L'OECP a également pour mission d'effectuer « chaque année, sur la base des informations transmises par les pouvoirs adjudicateurs et les entités adjudicatrices, un recensement économique des contrats de la commande publique » 39 ( * ) .

Les statistiques de l'année 2017 élaborées par l'OECP ont été présentées le 18 décembre 2018, lors de son quatrième comité d'orientation. Elles établissent des données spécifiques aux PME sur lesquelles votre rapporteur s'est appuyé pour l'élaboration du présent rapport.

L'OECP compte également un groupe de travail « accès des TPE/PME à la commande publique », qui regroupe acheteurs publics et fédérations professionnelles. Il est présenté comme ayant pour objet « de dégager des lignes directrices communes sur des thématiques importantes (ex : allotissement, critères de sélection, délais, exécution financière, sous-traitance...) dans un nouveau guide opérationnel axé sur les bonnes pratiques, à paraître avant l'été 2019 » 40 ( * ) .

Votre rapporteur compte sur la parution imminente de cet ouvrage pour faire un point efficace sur les pratiques à développer et les éventuelles modifications législatives et réglementaires à apporter.

II. UNE PROPOSITION DE LOI À L'OBJECTIF LOUABLE MAIS AU DISPOSITIF LIMITÉ

Votre rapporteur partage pleinement l'objectif poursuivi par la présente proposition de loi qui vise à favoriser l'accès des PME à la commande publique. Les travaux conduits par votre commission lors de l'examen du projet de loi de ratification de l'ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics ou de la loi « Sapin 2 » démontrent son intérêt pour ce sujet sensible.

Néanmoins, la teneur des dispositifs soulèvent des interrogations et des difficultés d'application qui conduisent à s'interroger sur leur capacité à atteindre les objectifs assignés par leurs auteurs.

A. L'INTRODUCTION DE DISPOSITIONS NON NORMATIVES

L'article 1 er de la proposition de loi tend à modifier l'article L. 2113-10 du code de la commande publique pour qu'il précise que les marchés sont, en principe, passés par lots séparés « afin de renforcer la concurrence et faciliter la participation des petites et moyennes entreprises » . L'exposé des motifs de la proposition de loi indique que « la rédaction proposée serait un point d'appui supplémentaire pour le travail d'information des acheteurs publics et de diffusion des bonnes pratiques effectué par le ministère de l'Économie et des Finances » . Votre rapporteur constate cependant que cet ajout ne dispose d'aucune portée normative. Sa place n'est donc pas dans la loi.

Le 2° de l'article 2 de la proposition de loi souffre, dans une moindre mesure, des mêmes griefs. À l'article L. 2113-11 du code de la commande publique, il tend à préciser qu'un acheteur peut ne pas allotir un marché s'il n'est « manifestement » pas en mesure d'assurer par lui-même les missions d'organisation, de pilotage et de coordination ou si la dévolution en lots séparés est « manifestement » de nature à restreindre la concurrence.

Votre rapporteur comprend la volonté de durcir le regard du juge sur les conditions de dérogation à l'obligation d'allotir. Toutefois, l'ajout d'un tel adverbe n'apporterait pas de garantie objective pour les PME et risquerait d'ouvrir des champs contentieux qui ne seraient dans l'intérêt ni des acheteurs publics ni des entreprises elles-mêmes.

Votre rapporteur souligne que la stabilité du droit de la commande publique est un enjeu majeur pour l'ensemble des acteurs. C'est en particulier le cas pour les PME qui ne disposent pas nécessairement de personnels exclusivement consacrés à suivre les évolutions des textes et à s'adapter aux nouvelles procédures. Dans leur intérêt, le législateur doit donc s'efforcer de n'apporter que des modifications strictement et évidemment nécessaires.

Cette position a été affirmée à plusieurs reprises au cours des auditions menées par votre rapporteur.

B. LA NEUTRALISATION DU RECOURS EXCEPTIONNEL AUX MARCHÉS GLOBAUX POUR LES PETITS ACHETEURS

Le 1° de l'article 2 de la proposition de loi tend à préciser, à l'article L. 2113-11 du code de la commande publique, que pour ne pas être obligé d'allotir un marché, un acheteur doit, non seulement ne pas pouvoir coordonner l'allotissement lui-même, mais également ne pas pouvoir le faire coordonner par un tiers.

Votre rapporteur considère que la rédaction actuelle de l'article visé atteint un point d'équilibre satisfaisant à la fois pour l'acheteur et pour les PME qui souhaiterait soumissionner. Depuis la modification opérée par la loi « Sapin 2 », le droit applicable a érigé l'allotissement en principe mais a laissé une « soupape de sécurité », sous le contrôle du juge (voir supra ), pour les acheteurs qui ne sont pas en mesure d'assurer eux-mêmes les missions d'organisation, de pilotage et de coordination.

Or, l'application des dispositions proposées aurait pour conséquence de supprimer complètement cette soupape puisqu'un acheteur peut toujours confier la coordination d'un marché à un tiers s'il n'est pas capable de l'opérer lui-même. Il lui suffit seulement pour cela de le rémunérer. L'exposé des motifs de la proposition de loi indique, à juste titre, qu'une part du prix payé par l'acheteur pour un marché global correspond à des coûts de coordination interne à l'entreprise titulaire. Votre rapporteur estime néanmoins que la rémunération devant être versée à un tiers coordinateur sera bien supérieure s'il doit, d'une part, concevoir l'allotissement en amont de la passation du marché et, d'autre part, coordonner l'exécution des différents lots par différentes entreprises.

Cette mesure n'est donc pas satisfaisante puisqu'elle pénalise en premier lieu les petits acheteurs qui peuvent actuellement recourir à des marchés globaux lorsqu'ils ne sont pas en mesure de coordonner des marchés allotis. Or, ces petits acheteurs sont le plus souvent des collectivités territoriales et ce sont principalement les marchés qu'elles proposent qui bénéficient le plus largement aux PME (voir supra ).

En outre votre rapporteur constate que la disposition de la proposition de loi souffre d'une erreur rédactionnelle. L'utilisation de la coordination « ou » et non du mot « et » tend à étendre le champ des exceptions prévues par l'article au lieu de les restreindre, comme semble au contraire le souhaiter les auteurs du texte.

C. UNE TENTATIVE INOPÉRANTE DE RÉGULER LES RELATIONS DE SOUS-TRAITANCE

L'article 3 de la proposition de loi tend à introduire un nouvel article dans le code de la commande publique disposant qu' « après la passation du marché, l'opérateur économique ne peut changer un sous-traitant désigné lors de la passation du marché public qu'en cas de défaillance économique, technique ou juridique du sous-traitant. Un décret en Conseil d'État précise les critères de défaillance légitime d'un sous-traitant » . Ces dispositions trouvent leur justification dans la volonté de lutter contre un « dumping économique, social ou environnemental et le recours tardif au sous-traitant le moins-disant par des consultations en cascade, au détriment de l'impact local, de l'innovation et du développement durable » 41 ( * ) .

Là aussi, votre rapporteur partage l'objectif de ces dispositions mais constate qu'elles sont inopérantes.

En premier lieu, la rédaction proposée ferait obstacle à un changement de sous-traitant, en l'absence de toute défaillance, malgré l'éventuel accord de l'acheteur, de l'entreprise titulaire et du sous-traitant. En deuxième lieu, ce mécanisme serait facilement contournable par l'entreprise titulaire, puisqu'il lui suffirait de ne pas présenter ses sous-traitants au stade de la candidature 42 ( * ) . Enfin, ces dispositions pourraient être défavorables aux PME dans la mesure où elles encourageraient les grandes entreprises à ne plus leur confier de contrats de sous-traitance.

D. UNE PRISE EN COMPTE DU MANQUE DE COUVERTURE NUMÉRIQUE DANS LES ÉCHANGES ENTRE ACHETEURS ET OPÉRATEURS ÉCONOMIQUES DÉJÀ OPÉRÉE PAR LE DROIT POSITIF

Le dernier article de la proposition de loi tend à introduire dans le code de la commande publique que la dématérialisation des communications et échanges d'informations dans le cadre de la passation des marchés publics doit tenir compte des conditions de couverture numérique.

Les auditions conduites par votre rapporteur ont montré que la dématérialisation des échanges a été perçue comme une réelle avancée par la majorité des PME qui y voient une mesure de simplification (voir supra ). Les PME défendent d'ailleurs plus largement le droit à un réseau internet performant plus qu'elles ne remettent en question la dématérialisation des marchés publics.

Enfin, les textes réglementaires prévoient déjà des garanties permettant de se prémunir de problèmes de téléchargement de dossiers de candidature volumineux liés à un bas débit internet. Ils rendent possible l'envoi d'une "copie de sauvegarde" sous format papier ou numérique (envoi physique d'un disque de stockage) qui doit parvenir à l'acheteur dans les mêmes délais que son offre dématérialisée 43 ( * ) .

Votre rapporteur constate donc que la situation actuelle permet de prendre en considération les risques liés à la rupture d'accès à l'internet en garantissant les entreprises contre les effets que celle-ci pourraient engendrer dans le cadre des procédures de soumission dématérialisées. De plus, le plan du Gouvernement en matière de couverture numérique des territoires lancé à Cahors en décembre 2017 devrait conduire à la généralisation d'une couverture mobile de qualité dès l'année prochaine et du très haut débit pour tous en 2022 44 ( * ) .

*

* *

Pour l'ensemble de ces raisons, votre commission n'a pas adopté la proposition de loi n° 436 (2018-2019) relative à l'accès effectif et direct des petites et moyennes entreprises à la commande publique.

En conséquence, et en application du premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion portera en séance sur le texte initial de la proposition de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

_______

MERCREDI 29 MAI 2019

M. Philippe Bas, président . - Nous examinons la proposition de loi relative à l'accès effectif et direct des petites et moyennes entreprises à la commande publique déposée par Jean-Marc Gabouty, Jean-Claude Requier et plusieurs de leurs collègues du groupe du Rassemblement démocratique et social européen (RDSE).

M. André Reichardt, rapporteur . - La commande publique constitue une part significative de l'activité économique nationale. En 2014, elle représentait 200 milliards d'euros de montants cumulés, soit 10 % du produit intérieur brut. Paradoxalement, la part des petites et moyennes entreprises (PME) y reste marginale, alors que celles-ci étaient au nombre de 3,8 millions en 2015, soit 99,9 % des entreprises, représentaient 48 % de l'emploi salarié et réalisaient 43 % de la valeur ajoutée. Cette dissymétrie s'explique par plusieurs antagonismes. D'une part, la fragilité de la trésorerie des PME s'accommode mal de la règle du paiement après service fait et des délais de paiement pratiqués par les acheteurs publics. D'autre part, les PME ne disposent pas des moyens humains adéquats en réponse à la complexité du droit applicable et des procédures.

Face à ce constat, des mesures ont été prises. À l'initiative de notre commission, la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « Sapin 2 », a fait de l'allotissement des marchés publics un principe - l'acheteur qui n'allotit pas doit le justifier en droit et en fait - et a interdit les offres variables, afin que les PME puissent se battre à armes égales avec les entreprises de taille intermédiaire ou les grandes entreprises. Les avances qui leur sont versées dans le cadre des marchés passés par l'État ont été augmentées, passant de 5 % à 20 %, et les retenues de garanties diminuées pour préserver leur trésorerie. En outre, l'accès au droit a été favorisé avec la création récente du code de la commande publique et l'édition de nombreux guides pratiques. Les procédures de candidature ont aussi été facilitées par la généralisation de la dématérialisation depuis le 1 er octobre 2018.

La présente proposition de loi entend se placer dans la continuité de la démarche de renforcement de la place des PME dans la commande publique. L'intention de ses auteurs ne peut qu'être approuvée, tant les PME peinent encore à trouver la place qui leur revient dans l'achat public, malgré les dispositions susmentionnées. Toutefois, les choix retenus ne paraissent pas de nature à apporter des améliorations effectives. Certaines des dispositions du texte créent des effets collatéraux défavorables pour les petits acheteurs publics sans toutefois améliorer réellement l'accès des PME aux marchés publics.

Ainsi, l'article 1 er et la seconde partie de l'article 2 de la proposition de loi, relatifs à l'obligation d'allotir, introduisent des dispositifs sans réelle portée normative. Les PME ne disposent pas de personnels exclusivement consacrés à suivre les évolutions du droit. Dans leur intérêt, le législateur doit donc s'efforcer de n'apporter que des modifications strictement et évidemment nécessaires, ce qui n'est manifestement pas le cas ici.

La première partie de l'article 2 de la proposition de loi précise que, pour ne pas être obligé d'allotir un marché, un acheteur doit non seulement ne pas pouvoir coordonner l'allotissement lui-même, mais également ne pas pouvoir le faire coordonner par un tiers. Le droit en vigueur atteint un point d'équilibre satisfaisant pour l'acheteur comme pour les PME qui souhaiteraient soumissionner. Depuis la modification opérée par la loi « Sapin 2 », l'allotissement a été érigé en principe, mais une soupape de sécurité a été conservée pour les acheteurs ne pouvant assurer eux-mêmes les missions d'organisation, de pilotage et de coordination (OPC). Les dispositions proposées auraient pour conséquence de supprimer cette soupape, alors qu'un acheteur peut toujours confier la coordination d'un marché à un tiers s'il n'est pas capable de l'opérer lui-même, dès lors qu'il le rémunère. Cette mesure n'est donc pas satisfaisante : elle pénaliserait les petits acheteurs qui peuvent actuellement recourir à des marchés globaux lorsqu'ils ne sont pas en mesure de coordonner des marchés allotis. Il s'agit majoritairement de collectivités territoriales dont les marchés bénéficient souvent aux PME.

L'article 3 encadre les cas dans lesquels une entreprise titulaire d'un marché peut changer de sous-traitant en cours d'exécution. L'objectif est louable, mais la mesure inopérante. En premier lieu, la rédaction proposée ferait obstacle à un changement de sous-traitant en l'absence de toute défaillance, malgré l'éventuel accord de l'acheteur, de l'entreprise titulaire et du sous-traitant. En second lieu, ce mécanisme serait facilement contournable par l'entreprise titulaire, puisqu'il lui suffirait de ne pas présenter ses sous-traitants au stade de la candidature. Cette disposition pourrait s'avérer défavorable aux PME en décourageant les grandes entreprises de leur confier des contrats de sous-traitance.

Enfin, le dernier article de la proposition de loi prévoit qu'il soit tenu compte de la couverture numérique pour la mise en oeuvre de la dématérialisation des échanges. Ce souhait semble satisfait par la possibilité déjà accordée aux entreprises de faire parvenir une copie de sauvegarde de leur candidature à l'acheteur afin, notamment, de se prémunir des défaillances ou des insuffisances de réseau Internet. De plus, le plan du Gouvernement en matière de couverture numérique des territoires lancé à Cahors en décembre 2017 devrait conduire à la généralisation d'une couverture mobile de qualité dès l'année prochaine et du très haut débit pour tous en 2022.

Pour l'ensemble de ces raisons, et malgré mon intérêt pour le thème qu'elle aborde, je suis contraint de donner un avis défavorable à l'adoption de cette proposition de loi. Il me semblerait, en revanche, opportun qu'au sein de notre commission un groupe de travail réfléchisse aux moyens d'améliorer l'accès effectif des PME à la commande publique. Leurs représentants ont rappelé, lors des auditions, combien les délais de soumissionnement et de paiement par les acheteurs publics, ainsi que le montant des avances, méritaient d'être améliorés malgré les efforts déjà réalisés.

M. Philippe Bas, président . - L'ambition des auteurs de la proposition de loi est éminemment légitime et je la salue. Ceux parmi nous qui ont exercé des responsabilités locales savent combien il est désolant de ne pouvoir soutenir nos PME. Le coût d'accès à la commande publique est effectivement élevé : la réalisation des dossiers demande une expertise certaine et la concurrence des grandes entreprises s'agissant des prix pratiqués est souvent insoutenable. Ces dernières, pourtant, n'hésitent pas, une fois le marché attribué, à réclamer des augmentations tarifaires. Je soutiens la proposition de notre rapporteur ; elle répond à une attente profonde de nos PME.

Mme Nathalie Delattre . - Je salue la qualité du rapport et l'investissement de notre rapporteur, qui a procédé à de nombreuses auditions. Il est vrai que notre proposition de loi, dont l'ambition était d'améliorer la situation des PME, ne va pas assez loin. Notre groupe demandera probablement son retrait de l'ordre du jour et participera au groupe de travail proposé par le rapporteur.

M. Jean Louis Masson . - Il me semble trop rigide de ne pouvoir changer de sous-traitant en cours d'exécution du marché si de bonnes raisons l'exigent. Lorsqu'une entreprise propose de travailler avec un sous-traitant, un contrat devrait les lier en amont sans conséquence sur la procédure d'attribution du marché.

Mme Agnès Canayer . - Les difficultés évoquées par notre rapporteur sont fréquemment rencontrées par les communes. Les délais de paiement, notamment, représentent un frein pour les PME qui souhaiteraient répondre à des appels d'offres.

Mme Françoise Gatel . - Je félicite à mon tour le rapporteur pour la qualité de son travail, ainsi que pour sa proposition de poursuivre la réflexion. La délégation sénatoriale aux entreprises s'est également penchée sur le sujet. La complexité des procédures oblige les entreprises à y consacrer un temps salarié dont elles ne disposent pas toujours. Les chambres de commerce et d'industrie, comme les chambres de métiers et de l'artisanat, devraient davantage accompagner les PME et les former aux marchés publics. Par ailleurs, les délais de paiement représentent un obstacle pour la trésorerie des PME susceptibles de candidater.

M. Alain Marc . - Le sujet est majeur et mérite qu'un groupe de travail s'en empare. Comme président de la commission des routes de l'Aveyron, je puis témoigner que lorsque le conseil départemental a financé, avec la région Occitanie, 25 % des travaux réalisés sur une portion de la RN 88, la maîtrise d'ouvrage nous a été refusée. Les grandes entreprises choisies par l'État n'ont, hélas, guère fait travailler les PME locales. Je trouve cela dommage : l'argent du contribuable aveyronnais aurait pu être employé à soutenir notre économie. A contrario , sur un autre aménagement, le conseil départemental a pris les travaux à sa charge afin d'éviter que la déclaration d'utilité publique soit prescrite. Il a alors pu confier le marché à une entreprise locale.

M. François Grosdidier . - Je remercie les auteurs de la proposition de loi pour leur initiative. La complexité des procédures représente une entrave à la concurrence au détriment des PME comme des collectivités territoriales. J'ai, pendant dix-sept ans, été maire d'une ville moyenne : malgré tous mes efforts, j'ai toujours payé plus cher qu'un promoteur privé pour le même type d'opération. Nombre de PME ne sont pas en capacité administrative de répondre aux appels d'offres. Il convient de simplifier les procédures pour ouvrir davantage les marchés : les PME, les collectivités territoriales et les contribuables y gagneront. Le législateur est déjà intervenu sur les délais de paiement, notamment avec des dispositions relatives aux intérêts moratoires. Hélas, les fonctionnaires font encore preuve, trop souvent, d'un zèle excessif pour freiner les paiements. Les collectivités territoriales portent une part de responsabilité...

M. Jacques Bigot . - En matière de commande publique, les excès de jadis ont conduit à la rigueur actuelle. Il convient désormais de trouver un juste équilibre. La création d'un groupe de travail au sein de la commission constitue, à cet égard, une idée intéressante. Le récent code de la commande publique insiste sur l'allotissement, mais la complexité juridique des procédures continue à freiner les PME, lesquelles, trop souvent, présentent des dossiers incomplets. En Alsace, les collectivités territoriales ont créé un site Internet commun pour faciliter l'accès des PME aux marchés publics, ainsi que l'allotissement par les collectivités territoriales. Par ailleurs, lorsque les PME entrent sur un marché par la voie de la sous-traitance, les entreprises titulaires leur proposent souvent des tarifs peu élevés. Pour débuter nos travaux, nous pourrions envoyer un questionnaire aux communes s'agissant de la part d'allotissement de leurs marchés et l'accès aux PME. Je rappelle que la présente proposition de loi reprend certains amendements présentés à l'occasion du projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises à la suite de discussions avec les représentants des PME. Peut-être ne constitue-t-elle pas une solution efficace, mais nous devons nous saisir du sujet.

M. André Reichardt, rapporteur . - Je vous remercie pour vos interventions. Il s'en dégage un consensus sur la nécessité de continuer à travailler sur ce thème. Monsieur Bigot, l'Observatoire économique de la commande publique dispose déjà de nombreuses données, dont les dernières datent du mois de décembre 2018. Il publiera prochainement un rapport sur ce thème à l'aune du nouveau code. Les organismes professionnels représentant les PME ont travaillé à sa rédaction. Vous avez été nombreux à témoigner de difficultés qui nous ont été signalées lors des auditions : la complexité des procédures, l'accompagnement insuffisant des PME, les contraintes de trésorerie, les freins à une démarche contractuelle en matière de sous-traitance, etc. Nous devons y travailler.

M. Philippe Bas, président . - Le dossier est passionnant. L'accès aux marchés est rigide, mais son exécution souvent trop souple : la multiplication des contentieux perturbe l'activité des collectivités territoriales.

La proposition de loi n'est pas adoptée.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Direction des affaires juridiques des ministères économiques et financiers

M. Benoît Dingremont , sous-directeur de la 1ère sous-direction de la DAJ « Droit de la commande publique »

M. Clément Demas , adjoint au chef du bureau de la réglementation générale de la commande publique

Association pour l'achat dans les services publics (APASP)

M. Jean Pierre Gohon , administrateur

Union des groupements d'achats publics (UGAP)

M. Edward Jossa , président

M. Lionel Ferraris , directeur des politiques publiques

Mouvement des entreprises de France (MEDEF)

M. Gilles de Bagneux , président du Comité de la commande publique

M. François Gonord , rapporteur de la Commission Croissance des TPE et PME

M. Franck Le Floch , directeur adjoint à la direction des affaires publiques

Fédération française du bâtiment (FFB)

M. Alain Piquet , Président de la Commission Marchés de la FFB et Président de la Fédération régionale de Normandie

Mme Eileen Colombet , Chef du service Marchés de la FFB

Mme Annabelle Lavergne , chargée des relations parlementaires et institutionnelles

Union des entreprises de proximité (U2P)

M. Pierre Burban , secrétaire général

Mme Thérèse Note , relations parlementaires

Contributions écrites

Association des Acheteurs Publics

Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment

Confédération des petites et moyennes entreprises

Syndicat de la Construction Métallique de France


* 1 Données issues du Portail de l'Économie, des Finances, de l'Action et des Comptes publics - La commande publique en quelques chiffres.

* 2 Une typologie exhaustive des différents contrats de la commande publique est fournie par la fiche de la Direction des affaires juridiques de Bercy « Marchés publics et autres contrats » disponible à l'adresse suivante :

https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/daj/marches_publics/conseil_acheteurs/fiches-techniques/champs-application/MP-et-autres-contrats-2019.pdf

* 3 Seuil qui est celui de la publicité au Bulletin officiel des annonces des marchés publics (BOAMP).

* 4 Hors avenants et actes de sous-traitance.

* 5 Document consultable à l'adresse suivante :
https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/daj/marches_publics/oecp/concertation/comite-orientation-numero-4-presentation.pdf

* 6 Ibidem .

* 7 Définition donnée à l'article 3 du décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d'appartenance d'une entreprise pour les besoins de l'analyse statistique et économique.

* 8 CEDEF, Où trouver les chiffres des PME ? Disponible à l'adresse suivante : https://www.economie.gouv.fr/cedef/chiffres-cles-des-pme

* 9 Directive 2014/24/UE du Parlement européen et du conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE.

* 10 Directive 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux et abrogeant la directive 2004/17/CE.

* 11 Directive 2009/81/CE du Parlement européen et du conseil du 13 juillet 2009 relative à la coordination des procédures de passation de certains marchés de travaux, de fournitures et de services par des pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices dans les domaines de la défense et de la sécurité, et modifiant les directives 2004/17/CE et 2004/18/CE.

* 12 Directive 2014/23/UE du 26 février 2014 sur l'attribution de contrats de concession.

* 13 Des règles spécifiques à certains contrats entrant dans le champ des directives précitées sont prescrites en dehors du code de la commande publique. C'est par exemple le cas des règles applicables aux concessions autoroutières qui figurent dans le code de la voirie routière.

* 14 L'article 38 de la loi ° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique dite « Sapin 2 » a habilité le Gouvernement à « procéder par voie d'ordonnance, dans un délai de vingt-quatre mois à compter de la promulgation de la présente loi, à l'adoption de la partie législative du code de la commande publique. Ce code regroupe et organise les règles relatives aux différents contrats de la commande publique ».

* 15 Code abrogé par l'ordonnance n° 2015 899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics.

* 16 Conseil constitutionnel, décision n° 2003-473 DC du 26 juin 2003.

* 17 L'incrimination vise les contrats de concession et non plus les seules délégations de service public depuis la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière.

* 18 L'UGAP est la seule centrale d'achat public généraliste, avec environ 4 milliards d'achats en 2018. Elle est à ce jour la seule centrale d'achat public labélisée RFAR (Relations Fournisseurs Achats Responsables), label décerné par la Médiation et basé sur la norme ISO 20.400, qui définit au niveau international les meilleures pratiques d'achat.

* 19 Extrait de la contribution écrite transmise par l'UGAP à la suite de son audition.

* 20 Enquête « Accès des PME à la commande publique », réalisée en 2018 par la Confédération des PME auprès de 172 dirigeants de PME.

* 21 À l'occasion d'un déplacement chez Maximilien, plateforme de marchés publics franciliens, la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances, Delphine Gény-Stephann, a présenté le 1 er octobre 2108 les grands axes de la stratégie du Gouvernement en matière de commande publique.

* 22 Le code de la commande publique prévoit la possibilité de recourir à des marchés globaux au travers des marchés de conception réalisation, des marchés globaux de performance et des marchés globaux sectoriels.

* 23 En revanche, l'allotissement est une faculté laissée à l'acheteur dans le cadre des marchés de défense ou de sécurité, en application de l'article L. 2313-5 du code de la commande publique.

* 24 Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique dite loi « Sapin 2 ». Par voie d'amendement, votre rapporteur - alors rapporteur pour avis de ce texte au nom de votre commission - a intégré les évolutions suggérées par votre commission lors de l'examen du projet de loi de ratification de l'ordonnance « marchés publics » n° 2015-899 du 23 juillet 2015, déposé par le Gouvernement mais non inscrit à l'ordre du jour de la séance publique (rapport n° 477 (2015-2016) du 16 mars 2016).

* 25 Article L. 2113-11 du code de la commande publique, reprenant, en substance, les dispositions de l'article 32 de l'ordonnance « marchés publics » n° 2015-899 du 23 juillet 2015, modifié par la loi « Sapin 2 ».

* 26 Voir, par exemple, la décision du Conseil d'État du 25 mai 2018, n° 417428.

* 27 Il s'agit d'offres dont le prix ou les conditions dépendent du nombre de lots qui seraient attribués à l'entreprise qui présente sa candidature.

* 28 Rapport n° 477 (2015-2016) fait au nom de la commission des lois, déposé le 16 mars 2016.

* 29 Articles 1 à 3 du décret n° 2018-1225 du 24 décembre 2018 portant diverses mesures relatives aux contrats de la commande publique.

* 30 2° de l'article 25 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics.

* 31 Article 7 du décret n° 2018-1225 du 24 décembre 2018 portant diverses mesures relatives aux contrats de la commande publique.

* 32 Article R. 2191-3 du code de la commande publique.

* 33 Article R. 2191-32 du code de la commande publique.

* 34 Article R. 2191-31 du code de la commande publique.

* 35 Article 39 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics.

36 Article 7 du décret n° 2018-1225 du 24 décembre 2018 portant diverses mesures relatives aux contrats de la commande publique.

* 37 Guide très pratique version 4.0 de la dématérialisation des marchés publics.

* 38 Article R. 2196-2 du code de la commande publique.

* 39 Article R. 2196-4 du code de la commande publique.

* 40 Le portail de l'Économie, des Finances, de l'Action et des Comptes publics, page dédiée à l'OECP.

* 41 Exposé des motifs de la proposition de loi.

* 42 Voir l'article L. 2193-5 du code de la commande publique.

* 43 Article 2 de l'arrêté du 22 mars 2019 fixant les modalités de mise à disposition des documents de la consultation et de la copie de sauvegarde.

* 44 Voir le dossier de presse édité à l'occasion du déplacement du premier ministre dans le Gers le 22 mars 2019, disponible à l'adresse suivante : https://www.gouvernement.fr/sites/default/files/document/document/2019/03/dossier_de_presse_-_deplacement_de_m._edouard_philippe_premier_ministre_dans_le_gers_-_22.03.2019.pdf

Page mise à jour le

Partager cette page