C. L'ORGANISATION DE LA DISTRIBUTION DE LA PRESSE EN FRANCE

1. Un réseau de vente minoritaire dans la diffusion de la presse

Selon les données rassemblées par l'Alliance pour les chiffres de la presse et des médias (ACPM), la diffusion totale de la presse payée en France s'établit en 2017 à 3,2 milliards d'exemplaires . Depuis 2012, les ventes totales baissent en moyenne de plus de 3 % par an.

Le réseau des vendeurs représente un peu moins de 35,11 % du total, avec 1,122 milliard d'exemplaires vendus en 2017. Le portage représente le deuxième vecteur de diffusion, avec 32,7 %, suivi de l'abonnement avec 19,58 %.

Depuis 2006, les ventes au numéro ont diminué de plus de 52 % en volume et de 37 % en valeur . Comme votre Rapporteur l'a souligné dans son rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 2019, les ventes sur support numérique ont juste compensé en volume la baisse combinée du portage et de l'abonnement.

La presse quotidienne nationale vendue en kiosque représente 156 millions d'exemplaires vendus en France selon le CSMP, soit un peu moins de 25 % des ventes en volume et 20 % en valeur .

Source : APCM

L'ensemble de la presse quotidienne s'est écoulée à 1,680 milliard d'exemplaires payés , dont 74 % de presse quotidienne régionale .

Ventes de presse par type et évolution 2016-2017

Magazines

40,67 %

- 4,4 %

Presse quotidienne régionale (PQR)

38,87 %

- 2,4 %

Presse quotidienne nationale

12,09 %

+ 0,5 %

Presse quotidienne 7 ème jour

5,83 %

- 2,7 %

Source : d'après données ACPM

2. Trois niveaux complémentaires de distribution

L'organisation de la distribution de la presse nationale en France repose sur trois niveaux. Les journaux passent des éditeurs aux lecteurs en empruntant les niveaux un à trois , alors que les flux financiers empruntent le chemin inverse, de l'acquéreur de la parution aux éditeurs via les niveaux trois à un.

La définition de la presse

Il n'y a pas d'unité dans la définition de ce que l'on entend par « presse ». Le rapport de Marc Schwartz et Fabien Terraillot de juin 2018 liste plusieurs occurrences du terme dans le corpus réglementaire et législatif :

- la loi n° 86-897 du 1 er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse qui désigne la publication de presse comme « tout service utilisant un mode écrit de diffusion de la pensée mis à la disposition du public en général ou de catégories de publics et paraissant à intervalles réguliers » ;

- la décision n° 2013-01 du Conseil Supérieur des Messageries de Presse (CSMP) , qui définit les publications pouvant être distribuées par les coopératives de la manière suivante : « le produit de presse se caractérise par la régularité de sa périodicité, le rythme de parution n'étant pas inférieur à quatre fois par an. Principalement consacré à l'écrit, sous un titre défini permettant de l'identifier, il est présenté sur support papier et son contenu est tel qu'il appelle la succession de parutions dans le temps, numéros ordinaires et spéciaux, sans que sa fin soit envisagée . »

- la commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP) , qui donne accès au « régime économique de la presse », se réfère à l'article 72 de l'annexe III du code général des impôts et à l'article D.18 du code des postes et communications électroniques , qui disposent que « les journaux et écrits périodiques présentant un lien direct avec l'actualité, apprécié au regard de l'objet de la publication et présentant un apport éditorial significatif (...), s'ils remplissent les conditions suivantes : avoir un caractère d'intérêt général quant à la diffusion de la pensée : instruction, éducation, information, récréation du public ; satisfaire aux obligations de la loi du 29 juillet 1881 ; paraître régulièrement au moins une fois par trimestre ; faire l'objet d'une vente effective au public ; avoir au plus les deux tiers de leur surface consacrée à la publicité et aux annonces classées ; ne pas être assimilable à des publications commerciales ; n'être pas susceptible de choquer le lecteur par une présentation dégradante de la personne humaine ».

Le niveau un est composé des deux messageries sous statut coopératif, Presstalis et les Messageries lyonnaises de presse (MLP), qui représentent respectivement 75 % et 25 % du marché. Les éditeurs leur confient les journaux une fois imprimés. Seul Presstalis distribue les neuf quotidiens nationaux.

Presstalis et les MLP

En 2017, Presstalis représente environ 75 % (ventes en montants forts ie somme des ventes réalisées chez les marchands de journaux avant défalcation des commissions des agents de la vente et des messageries) de la vente au numéro de la presse magazine (51 % des titres), et 100 % de la vente au numéro de la presse quotidienne nationale.

Pour cette même année, Presstalis a réalisé 1,416 Md€ de chiffre d'affaires en vente en montants forts, dont 329,4 M€ pour les quotidiens et 1 086,6 M€ pour les magazines. Elle met en circulation plus de 2 400 titres en France mais aussi dans une centaine de pays, et emploie environ 1 200 personnes. Elle distribue les titres de 331 sociétés éditrices adhérentes au 30 juin 2018.

Les MLP ont assuré la distribution de 49 % des références de titres magazines (environ 25 % en CA) et de 50,5 % des références hors presse en 2017. Pour cette même année, les MLP ont réalisé 366 M€ de chiffre d'affaires, dont 322 M€ pour les magazines. Elles mettent en circulation plus de 3 000 titres et regroupaient 570 éditeurs sociétaires à fin 2017. Les MLP emploient environ 310 personnes.

Source : étude d'impact annexée au présent projet de loi

Les messageries répartissent les exemplaires aux 63 mandats de dépositaires centraux, qui constituent le niveau deux , chacun en situation de monopole sur sa zone géographique.

Les dépositaires centraux livrent l'assortiment de presse chez les diffuseurs, qui constituent le niveau trois .

Les contrats types du dépositaire et du diffuseur de presse précisent que les publications restent la propriété de l'éditeur jusqu'à la vente . Le dépositaire et le marchand n'en sont jamais propriétaires et sont considérés comme des commissionnaires ducroire , c'est-à-dire qu'ils sont garants de la bonne exécution de l'opération réalisée pour le compte des éditeurs . Les diffuseurs de presse, les déposants et les messageries se rémunèrent par le prélèvement d'une commission sur le prix de vente, dont le montant est arrêté par le Conseil supérieur des messageries de presse (CSMP). Les flux monétaires « remontent » donc, en passant de l'acheteur au diffuseur au déposant, à la messagerie, et in fine à l'éditeur. Ce système explique que de fortes sommes d'argent circulent en permanence dans les comptes des différents intervenants, en particulier des Messageries.

Le schéma suivant synthétise le système de distribution de la presse en France.

3. Le statut des agents de vente

Les agents de vente, principalement les dépositaires centraux (niveau 2) et les diffuseurs de presse (niveau 3), sont soumis à un statut et à des règles particulières, qui doivent leur permettre de respecter l'impartialité et la neutralité de la diffusion .

Le préambule du contrat-type entre le dépositaire central et le diffuseur de presse, homologué par le CSMP en 1972 et inchangé depuis, précise « Les éditeurs déterminent eux-mêmes le nombre d'exemplaires à fournir. [...] Les agents de vente - dépositaires centraux et diffuseurs - ont l'obligation d'apporter la plus stricte impartialité dans la présentation des journaux et publications, quelle que soit l'origine de la fourniture. Ils sont tenus de recevoir tous les titres que les éditeurs décident de leur confier . »

Initialement, et afin de garantir l'impartialité de la distribution, la rémunération des agents de vente était fixée de manière uniforme . La loi du 20 juillet 2011 a confié la mission de déterminer les modalités de rémunération des agents de vente au Conseil supérieur des Messageries de Presse ( CSMP) , qui a pris une première décision n° 2011-01 validée par l'Autorité de Régulation de la Distribution de la Presse (ARDP) le 10 décembre 2011 avec des pourcentages différenciés selon le niveau, le type de publication et le lieu d'implantation du marchand . La rémunération varie ainsi de 23 % à 31 % du prix de vente pour les dépositaires centraux, et 15 % à 30 % pour les diffuseurs de presse.

En pratique, cette commission prélevée sur le produit des ventes au numéro de la presse est composée de deux parties : une commission de base et des compléments de commission.

En 2013, le CSMP a engagé un certain nombre de chantiers portant sur l'amélioration des conditions de travail des diffuseurs (quantité des titres distribués, flux de trésorerie, etc.). Dans ce cadre, il a décidé le maintien de la rémunération du réseau en cas de baisse promotionnelle du prix de vente d'un titre. Cette mesure doit permettre aux diffuseurs de bénéficier à plein de l'augmentation des ventes en exemplaires liée à une baisse de prix promotionnelle.

Des décisions sont prises régulièrement pour actualiser cette première décision aux nouveaux usages et aux nouveaux besoins de la profession, la dernière en date validée le 5 février 2018 pour la rémunération des points de vente implantés dans les supérettes d'une surface de vente inférieure à 400 m² situées dans les grandes métropoles.

Les diffuseurs de presse connaissent une situation économique extrêmement dégradée - voir infra - qui rend nécessaire l'évolution de la législation.

4. L'offre de presse

Conçue comme absolue à l'origine, l'égalité d'accès au réseau a été limitée suite à l'adoption de la loi du 20 juillet 2011.

Il est en effet apparu que la facilité avec laquelle les éditeurs pouvaient distribuer leurs publications, en profitant d'une organisation particulièrement efficace et non discriminante, aboutissait à une situation sous optimale, à une saturation du réseau et des points de vente , finalement sans bénéfice supplémentaire dans un contexte de baisse global de la diffusion. L'article 18-6 de la loi Bichet, introduit en 2011, distingue deux types de presse :

- « la presse d'information politique et générale » (IPG), qui doit faire l'objet d'une distribution « optimale » sous le contrôle du CSMP. De facto , la presse IPG est protégée par des dispositions constitutionnelles , et a donc vocation à être disponible dans tous les points de vente si les éditeurs le souhaitent ;

La presse d'information politique et générale

La qualification de presse « d'information politique générale » est accordée par la Commission paritaire des publications et des agences de presse (CPPAP). La publication doit être au minimum hebdomadaire. Les trois critères, définis à l'article D. 19-2 du code des postes et des communications électroniques sont :

1° Apporter de façon permanente sur l'actualité politique et générale, locale, nationale ou internationale, des informations et des commentaires tendant à éclairer le jugement des citoyens ;

2° Consacrer la majorité de leur surface rédactionnelle à cet objet ;

3° Présenter un intérêt dépassant d'une façon manifeste les préoccupations d'une catégorie de lecteurs.

408 journaux bénéficient de cette qualification au 7 mars 2019, dont 101 titres nationaux distribués par les messageries, le solde relevant de la presse régionale, qui assure elle-même sa diffusion.

- « les autres catégories de presse », qui doivent être distribuées « selon des critères objectifs et non discriminatoires définis dans un cahier des charges, les conditions d'assortiment des titres et de plafonnement des quantités servis aux points de vente », sous le contrôle du CSMP.

Titres distribués par les messageries de presse

Source : Rapport « Dix propositions pour moderniser la distribution de la presse, Marc Schwartz et Fabien Terraillot, juin 2018

La décision du CSMP du 22 décembre 2011 définit « l'offre de presse » et précise que l'assortiment servi à chaque vendeur est le fruit d'un « dialogue commercial instauré avec le diffuseur de presse et sur des critères objectifs qui tiennent compte des caractéristiques du point de vente, en particulier de son linéaire développé, et des attentes de la clientèle ». La décision rappelle que le diffuseur est tenu d'accepter, en plus de la presse IPG, les quotidiens et les publications nouvelles , le dialogue commercial ne s'exerçant en réalité que sur ce qui ne rentre dans aucune de ces catégories .

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