B. LES SOCIÉTÉS PUBLIQUES LOCALES ET SOCIÉTÉS PUBLIQUES LOCALES D'AMÉNAGEMENT

1. L'émergence de la doctrine « in house » conduisant à mettre en concurrence les sociétés d'économie mixte

Le droit de la commande publique est fortement encadré par le droit de l'Union européenne dans la mesure où il concerne les libertés économiques nécessaires à la construction et au parachèvement du marché unique européen. Ce principe est d'ailleurs rappelé par le premier considérant de la directive 2014/24/UE sur la passation des marchés publics 23 ( * ) : « La passation de marchés publics par les autorités des États membres ou en leur nom doit être conforme aux principes du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment la libre circulation des marchandises, la liberté d'établissement et la libre prestation de services, ainsi qu'aux principes qui en découlent comme l'égalité de traitement, la non-discrimination, la reconnaissance mutuelle, la proportionnalité et la transparence » .

Ces principes impliquent la nécessaire mise en concurrence des candidats à l'attribution d'une commande publique mais ne fait pas obstacle à ce qu'une entité ou un pouvoir adjudicateur réponde à ses besoins par ses propres moyens, dans le cadre de régies. La jurisprudence européenne a toutefois considéré que certains acteurs économiques entretenaient un lien suffisamment étroit avec les pouvoirs et les entités adjudicateurs pour que ces derniers fassent appel à leurs services sans procédures d'appel d'offres.

La Cour de justice des communautés européennes (CJCE) a créé cette exception dite « in house » à l'occasion d'une première décision Teckal du 18 novembre 1999 24 ( * ) . Le juge y indique que l'acheteur public est exonéré d'appel d'offres lorsqu'il « exerce sur la personne en cause un contrôle analogue à celui qu'elle exerce sur ses propres services et où cette personne réalise l'essentiel de son activité avec la ou les collectivités qui la détiennent » . Par une décision du 11 janvier 2005 Stadt Halle 25 ( * ) , la CJCE est venue préciser que le critère du contrôle analogue ne pouvait être rempli par une société dont le capital comporte une part de capitaux privés, ce qui est obligatoirement le cas des sociétés d'économie mixte en droit français. L'obligation de mise en concurrence des sociétés d'économie mixte avait, par ailleurs, également été imposée par la jurisprudence du Conseil constitutionnel 26 ( * ) .

Les critères dégagés par la jurisprudence européenne ont ensuite été repris par les directives de 2014 relatives aux marchés publics et aux concessions 27 ( * ) . Le critère de la part essentielle d'activité a été objectivé par un seuil fixé à 80 % du chiffre d'affaires du contractant et le critère de l'absence de capitaux privés a été dissocié de celui du contrôle analogue que doit exercer l'acheteur. Les trois critères ont été repris in extenso dans les ordonnances « marchés publics » 28 ( * ) et « concessions » 29 ( * ) puis dans le code de la commande publique 30 ( * ) qui les remplacera au 1 er avril 2019 .

2. La nécessité de créer des sociétés au capital intégralement public : les sociétés publiques locales d'aménagement et les sociétés publiques locales

Afin de respecter les critères « in house » , le législateur national a créé des sociétés de droit privé entièrement capitalisées par des personnes morales de droit public.

Les sociétés publiques locales d'aménagement (SPLA) prévues aux articles L. 327-1 et suivants du code de l'urbanisme ont d'abord été créées à titre expérimental, pour cinq ans, par la loi du 13 juillet 2006 dite « loi ENL » 31 ( * ) , avant d'être pérennisées par la loi du 28 mai 2010 32 ( * ) . Comme les SEML, les SPLA sont constituées sous forme de sociétés anonymes par renvoi aux dispositions du code de commerce 33 ( * ) . Elles sont exclusivement capitalisées par des collectivités territoriales ou des groupements de collectivités territoriales dont l'un doit détenir à lui seul la majorité des parts 34 ( * ) . Ces sociétés peuvent revêtir le caractère de SPLA « d'intérêt national » lorsqu'elles sont capitalisées par l'État ou un de ses établissements publics. Les SPLA « sont compétentes pour réaliser toute opération ou action d'aménagement au sens du présent code [de l'urbanisme] » 35 ( * ) . Elles peuvent, pour cela, se voir déléguer certains droits de préemption ou de priorité prévus par le code de l'urbanisme et peuvent agir par voie d'expropriation, sous certaines conditions 36 ( * ) . L'essentiel du régime juridique applicable aux SPLA est désormais basé sur celui des sociétés publiques locales (SPL) créées par la loi du 28 mai 2010 précitée.

L'existence des sociétés publiques locales (SPL) est prévue à l'article L. 1531-1 du code général des collectivités territoriales depuis la loi du 28 mai 2010 précitée pour le développement des sociétés publiques locales 37 ( * ) . Leur régime est essentiellement basé sur celui des SEML , à la différence près que leurs actionnaires ne sont que des personnes de droit public et exclusivement des collectivités territoriales ou des groupements de collectivités territoriales .

Ces sociétés sont créées dans le cadre des compétences qui sont attribuées par la loi à leurs actionnaires . Leur objet social porte sur la réalisation de différentes opérations d'aménagement ou de construction ainsi que l'exploitation des services publics à caractère industriel ou commercial ou toutes autres activités d'intérêt général. Ces sociétés exercent leurs activités exclusivement pour le compte de leurs actionnaires et sur le territoire des collectivités territoriales et des groupements de collectivités territoriales qui en sont membres.


* 23 Directive 2014/24/UE du Parlement européen et du conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE.

* 24 CJCE, 18 novembre 1999, affaire C-107/98.

* 25 CJCE, 11 janvier 2005, Stadt Halle, affaire C-26/03.

* 26 Conseil constitutionnel, décision n° 92-316 DC du 20 janvier 1993, considérants 49 et suivants.

* 27 Article 13 de la directive 2014/23/UE du 26 février 2014 sur l'attribution de contrats de concession, article 12 de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE et article 28 de la directive 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 relative à la passation de marchés par des entités opérant dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux et abrogeant la directive 2004/17/CE.

* 28 Article 17 de l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics.

* 29 Article 16 de l'ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession.

* 30 Articles L. 2511-1 et suivants du code de la commande publique en ce qui concerne les marchés publics et articles L. 3211-1 du même code en ce qui concerne les concessions.

* 31 Loi n° 2006-872 du 13 juillet 2006 portant engagement national pour le logement.

* 32 Loi n° 2010-559 du 28 mai 2010 pour le développement des sociétés publiques locales.

* 33 L'article L. 327-1 du code de l'urbanisme renvoie au livre II du code de commerce.

* 34 Article L. 327-2 du code de l'urbanisme.

* 35 Ibidem .

* 36 Article L. 327-1 du code de l'urbanisme.

* 37 Loi n° 2010-559 du 28 mai 2010 pour le développement des sociétés publiques locales.

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