III. LA POSITION DE LA COMMISSION

A. LES DIFFICULTÉS SOULEVÉES PAR LA PROPOSITION DE LOI

Votre commission partage la préoccupation des auteurs de la proposition de loi. La disparition prévisible de nombreuses associations d'anciens combattants va poser la question du devenir de leur patrimoine et il serait regrettable qu'une exploitation mercantile se mette en place.

Le dispositif proposé pose toutefois un certain nombre de difficultés juridiques.

1. Une proposition en partie satisfaite par le droit existant

S'agissant des drapeaux appartenant à une association d'anciens combattants confiés à un porte-drapeau, l'interdiction prévue par la proposition de loi semble superfétatoire. En effet, le porte-drapeau peut être vu en droit civil comme le dépositaire d'un bien qui n'est pas le sien et est donc tenu de le restituer au propriétaire (art. 1915 du code civil). En cas de décès, cette obligation repose sur ses héritiers. Le fait pour le dépositaire de ne pas restituer et, a fortiori , de vendre le bien qui lui a été confié constituerait un abus de confiance (article 314-1 du code pénal), puni de trois ans d'emprisonnement et 375 000 euros d'amende, soit nettement plus sévèrement que ne le prévoit la proposition de loi.

Au demeurant, il ressort des auditions menées par votre rapporteure que les auteurs de la proposition de loi ne visent pas la vente de drapeaux par les porte-drapeaux eux-mêmes, qui serait un phénomène marginal voire inexistant compte tenu de l'importance que ceux-ci accordent à leur mission.

2. Une interdiction qui poserait problème

S'agissant des drapeaux qui seraient devenu la propriété d'un particulier, par exemple par prescription acquisitive, l'interdiction proposée par la proposition de loi constituerait une atteinte au droit de propriété et semblerait donc contraire aux libertés constitutionnelles et en particulier à l'article 17 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen qui fait de la propriété un droit « inviolable et sacré ».

Cette interdiction constituerait par ailleurs une exception. Il convient en effet de noter que des objets ayant une forte valeur symbolique, qu'elle soit historique, patriotique ou religieuse, sont aujourd'hui échangés librement. C'est le cas par exemple des uniformes, insignes et décorations militaires mais aussi d'objets cultuels qui peuvent être achetés et vendus 11 ( * ) . L'article 433-14 du code pénal réprime toutefois le port public et sans droit d'uniformes ou de décorations réglementées.

Enfin, l'amende proposée, outre qu'elle correspond à une contravention et relève de ce fait du domaine règlementaire, conduirait à sanctionner avec la même sévérité la vente ou la cession à titre gratuit d'un drapeau d'anciens combattants et la destruction ou la dégradation publique d'un drapeau tricolore. On peut donc s'interroger sur la proportionnalité de cette peine.

Par ailleurs, l'interdiction proposée par les auteurs de la proposition de loi empêcherait le commerce des drapeaux d'associations d'anciens combattants mais n'assurerait pas leur conservation.


* 11 On peut en outre noter que les emblèmes rappelant ceux d'organisations ou de personnes responsables de crimes contre l'humanité, notamment les symboles nazis, peuvent être vendus bien qu'il soit interdit de les porter ou de les exhiber en public (article R. 645-1 du code pénal).

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