AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Les associations d'anciens combattants jouent un rôle central dans la perpétuation de la mémoire des grands conflits qui ont fait notre histoire nationale et de celles et ceux qui ont combattu pour la France.

L'extinction progressive de générations d'anciens combattants va entraîner la disparition de nombre de ces associations au cours des années à venir. Cette évolution ne doit pas conduire à ce que le souvenir qu'elles entretiennent tombe dans l'oubli.

La présente proposition de loi est inspirée par ce souci de faire vivre la mémoire combattante. En effet, il arrive que les drapeaux d'associations d'anciens combattants qui ont été dissoutes ou qui ont disparu avec leurs membres soient vendus, dans des brocantes ou des vide-greniers ou sur internet. Si ce commerce est tout à fait légal, les drapeaux en question étant, en droit, des biens ordinaires, certains anciens combattants et certains de nos concitoyens ressentent comme une insulte à la mémoire combattante le fait que ces emblèmes soient traités comme des antiquités au mépris de leur dimension symbolique.

Les auteurs de la présente proposition de loi souhaitent donc d'une part interdire ce commerce et d'autre part organiser le transfert des drapeaux d'associations dissoutes aux communes.

Votre rapporteur partage cette préoccupation. Il note toutefois qu'interdire la vente par leur propriétaire légitime de drapeaux ayant appartenu à une association d'anciens combattants constituerait une atteinte au droit constitutionnel de propriété. Votre commission a donc adopté un amendement de réécriture visant à créer une exception au principe de la prescription acquisitive permettant aux associations d'anciens combattants de conserver la propriété de leurs drapeaux quand bien même un particulier en aurait pendant un certain temps la possession. La rédaction adoptée par votre commission permet par ailleurs aux associations de récupérer gratuitement leurs drapeaux qui viendraient à être vendus indument. Enfin, elle prévoit un transfert à la commune des drapeaux d'associations dissoutes dans le cas ou ni leurs statuts ni une décision de leur assemblée générale n'en disposerait autrement.

I. LA QUESTION POSÉE PAR LA DISPARITION PRÉVISIBLE DE NOMBREUSES ASSOCIATIONS D'ANCIENS COMBATTANTS ET AU RISQUE DE DISSÉMINATION DE LEURS DRAPEAUX

A. LA BAISSE NATURELLE DU NOMBRE D'ANCIENS COMBATTANTS ET LA DISPARITION PRÉVISIBLE DE NOMBRE DE LEURS ASSOCIATIONS

1. La nécessité de promouvoir une politique mémorielle, dans laquelle les associations d'anciens combattants jouent un rôle essentiel

Dans ses mémoires parues en 1931, le maréchal Foch, vainqueur de la première guerre mondiale écrivait que « parce qu'un homme sans mémoire est un homme sans vie, un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir ». L'Histoire de notre pays est en effet faite de moment glorieux et de moments douloureux dont il convient de se souvenir pour bâtir le futur et ne pas répéter les erreurs du passé. Ce devoir de mémoire passe par les honneurs rendus à celles et ceux qui ont combattu et ont parfois donné leur vie pour notre pays.

La question des anciens combattants est apparue en France après la première guerre mondiale, avec la création des premières associations mais également de l'Office national du combattant en 1926 devenu par la suite l'Office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONACVG), établissement public placé sous la tutelle du ministre chargé des anciens combattants.

Le rôle des associations d'anciens combattants, essentiel dans les commémorations patriotiques, a été reconnu par le législateur, notamment à l'occasion de la loi du 17 décembre 1991 1 ( * ) qui a inscrit dans le code de procédure pénale (art. 2-1) la possibilité pour ces associations de se porter partie civile dans les cas de « dégradations ou destructions de monuments ou les violations de sépultures, qui ont causé un préjudice direct ou indirect » à leurs missions.

2. La baisse naturelle du nombre d'anciens combattants et l'extinction de leurs associations

La première génération du feu est aujourd'hui entièrement éteinte, et la seconde et la troisième, correspondant aux soldats ayant servi au cours de la seconde guerre mondiale et en Afrique du Nord sont également appelées à disparaître au cours des années à venir.

Ce phénomène peut être perçu au travers de la baisse du nombre de titulaires de la retraite du combattant, prestation versée aux titulaires de la carte du combattant âgés d'au moins 65 ans. Ainsi que le montre le graphique ci-dessous, le nombre annuel d'attributions nouvelles de cette prestation décroît tendanciellement 2 ( * ) et est nettement inférieur au nombre d'extinctions.

Source : Avis n° 150 (2018-2019) de M. Bruno Gilles sur les crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, fait au nom de la commission des affaires sociales.

La participation de la France à de nombreuses opérations militaires au cours des trois dernières décennies a entraîné l'apparition d'une quatrième génération du feu, celle des « Opex ». Les cohortes concernées sont nettement moins nombreuses et ne permettent pas d'enrayer la baisse du nombre global d'anciens combattants. Ainsi, au 1 er janvier 2018, alors que 1,68 million de cartes du combattant avaient été délivrées au titre de la guerre d'Algérie et 2,6 millions au titre de la Seconde guerre mondiale, seulement 170 646 cartes avaient été délivrées au titre de l'ensemble des opérations extérieures 3 ( * ) .

Si certaines associations ont vocation à représenter l'ensemble des anciens combattants, d'autres ne représentent que les participants à certains conflits, notamment la guerre d'Algérie et les opérations en Afrique du Nord. Toutes ne font pas partie d'une fédération nationale. La disparition progressive de leurs membres devrait donc entrainer l'extinction d'un grand nombre d'associations d'anciens combattants au cours des prochaines années.


* 1 Loi n° 91-1257 du 17 décembre 1991 permettant aux associations d'anciens combattants et victimes de guerre d'ester en justice.

* 2 L'augmentation prévue en 2019 résulte de l'attribution de la carte du combattant aux militaires ayant servi en Algérie entre le 2 juillet 1962 et le 1 er juillet 1964 (arrêté du 12 décembre 2018). Cette mesure concernerait au maximum 50 000 bénéficiaires potentiels.

* 3 Source : Avis n° 150 (2018-2019) de M. Bruno Gilles sur les crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, fait au nom de la commission des affaires sociales.

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