CHAPITRE II
DISPOSITIONS PÉNALES

Article 4
(art. 431-9-1 [nouveau] du code pénal)
Délit de dissimulation du visage dans une manifestation

L'article 4 de la proposition de loi tend à instaurer un délit de dissimulation du visage au sein ou aux abords immédiats d'une manifestation sur la voie publique, mentionné dans un nouvel article 431-9-1 du code pénal.

1. Le dispositif adopté par le Sénat en première lecture

En première lecture, le Sénat a souhaité la création de ce délit de dissimulation du visage, au sein ou aux abords immédiats d'une manifestation sur la voie publique, qui serait passible d'une peine d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende

Ce délit aurait vocation à se substituer à la contravention prévue, depuis 2009, à l'article R. 645-14 du code pénal. Cette disposition réglementaire punit d'une amende 17 ( * ) le fait, pour une personne, au sein ou aux abords immédiats d'une manifestation sur la voie publique, de dissimuler volontairement son visage afin de ne pas être identifiée dans des circonstances faisant craindre des atteintes à l'ordre public .

La création d'un délit présente un avantage important, sur le plan opérationnel, par rapport à une simple contravention : elle rend possible l'interpellation et le placement en garde à vue des auteurs de l'infraction, ce qui n'est pas possible aujourd'hui 18 ( * ) . Il devrait donc en résulter un gain réel en termes d'efficacité de la réponse pénale. L'alourdissement de la peine encourue devrait également rendre la sanction plus dissuasive.

Le Sénat avait prévu que la dissimulation du visage ne pourrait toutefois être sanctionnée dans deux hypothèses :

- lorsqu'elle se produit dans le cadre de manifestations conformes aux usages locaux , ce qui permettrait de masquer son visage à l'occasion d'un défilé costumé comme le carnaval de Nice par exemple ;

- lorsqu'elle est justifiée par un motif légitime , ce dernier critère laissant une marge d'appréciation au juge.

Votre commission des lois avait veillé à caractériser précisément l'élément moral de l'infraction, c'est-à-dire l'existence d'une intention ou d'une imprudence, afin de garantir la constitutionnalité du délit, au regard du principe de légalité des délits et des peines, et sa conventionalité, au regard notamment des articles 10 et 11 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH), relatifs à la liberté d'expression et à la liberté de réunion et d'association.

C'est pourquoi elle avait complété la définition du délit en précisant que la dissimulation du visage doit être opérée afin de ne pas être identifié dans des circonstances faisant craindre des atteintes à l'ordre public . Elle avait ainsi repris les termes qui figurent aujourd'hui à l'article R. 645-14 du code pénal

2. Une rédaction simplifiée par l'Assemblée nationale

À l'Assemblée nationale, la commission des lois a d'abord adopté un amendement de sa rapporteure, et des députés membres du groupe La République En Marche, afin de mieux caractériser encore l'élément intentionnel de l'infraction.

Deux précisions ont été apportées par cet amendement : d'une part, le délit serait constitué si la personne dissimule son visage au sein ou aux abords immédiats d'une manifestation « au cours ou à l'issue de laquelle des troubles à l'ordre public sont commis ou, en raison des circonstances, risquent d'être commis » ; d'autre part, elle devrait procéder à cette dissimulation « afin de participer ou d'être en mesure de participer à la commission de ces troubles sans pouvoir être identifiée ». Ce faisant, la commission a voulu détailler les circonstances permettant de sanctionner ce comportement et insister sur son élément intentionnel : l'auteur de la dissimulation a en réalité pour objectif de participer à des troubles à l'ordre public sans être identifié.

En séance publique, l'Assemblée nationale a pourtant opté pour une rédaction beaucoup plus concise de cet article.

Elle a en effet adopté, sur l'avis défavorable de la commission et l'avis de sagesse du Gouvernement, un amendement présenté par la députée Laurence Vichnievsky (Modem), dont le dispositif a été jugé plus opérationnel que celui de la commission.

Cette nouvelle rédaction permet de sanctionner le fait, pour une personne, au sein ou aux abords immédiats d'une manifestation sur la voie publique, au cours ou à l'issue de laquelle des troubles à l'ordre public sont commis ou risquent d'être commis, de « dissimuler volontairement tout ou partie de son visage sans motif légitime ».

La précision selon laquelle la dissimulation a pour but de commettre des troubles à l'ordre public sans être identifiée a donc été supprimée, de même que la référence aux usages locaux, considérés comme un motif légitime parmi d'autres de dissimulation du visage.

3. La position de la commission

Votre rapporteur s'est interrogé sur la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale, qui peut paraître en retrait par rapport à l'effort de caractérisation de l'élément intentionnel qu'avait effectué votre commission des lois.

Les personnes entendues par votre rapporteur ont toutefois souligné qu'il reviendrait aux magistrats d'apprécier l'élément intentionnel de l'infraction, en examinant si la personne mise en cause avait ou non un motif légitime de se couvrir le visage.

La charge de la preuve incombant à l'accusation en matière pénale, il appartiendra au parquet d'apporter des éléments de preuve tendant à établir que la personne mise en cause n'avait pas de motif légitime de se couvrir le visage. Cet article ne procède donc pas à une inversion de la charge de la preuve, contrairement à ce qui a pu être dit lors des débats à l'Assemblée. Si tel avait été le cas, votre commission n'aurait pu l'accepter , car elle auraitsoulevé de sérieux problèmes de constitutionnalité au regard du principe de la présomption d'innocence, dont le Conseil constitutionnel a déduit que la charge de la preuve incombe au ministère public 19 ( * ) .

Les représentants de la police et de la gendarmerie nationales, entendus par votre rapporteur, ont insisté sur la nécessité de disposer d'un texte opérationnel et estimé qu'il serait très difficile d'établir devant une juridiction que la personne mise en cause a dissimulé son visage dans le but de ne pas être reconnue. Les procès-verbaux de constatation établis par les agents sur le terrain seront très utiles pour montrer que la personne interpellée était animée d'intentions malveillantes.

Ils ont également souligné que ce nouveau délit présentait un grand intérêt du point de vue de l'objectif du maintien de l'ordre, en permettant l'interpellation d'individus dangereux qui seront ainsi empêchés de commettre des troubles à l'ordre public à l'occasion de la manifestation.

Compte tenu de l'attente exprimée par nos forces de sécurité, et des assurances données par le Gouvernement concernant la solidité juridique de cet article 4, votre commission a choisi de se rallier à la rédaction retenue par l'Assemblée nationale de manière à permettre l'entrée en vigueur de ce dispositif dans des délais rapprochés.

Votre commission a adopté l'article 4 sans modification.

Article 5
(art. 431-10 et 431-12 du code pénal)
Sanction du port d'arme et du jet de projectile lors d'une manifestation

L'article 5 de la proposition de loi, supprimé par l'Assemblée nationale, visait à réécrire l'article 431-10 du code pénal afin d'élargir les incriminations prévues par cet article.

1. Le dispositif adopté par le Sénat en première lecture

En première lecture, le Sénat avait adopté une nouvelle rédaction de l'article 431-10 du code pénal tendant à punir de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende le fait :

- d' introduire ou de porte r une arme ou, sans motif légitime, tout objet susceptible de constituer une arme , y compris des fusées et artifices, dans une réunion publique, dans une manifestation sur la voie publique ou à ses abords immédiats ;

- de jeter un projectile présentant un danger pour la sécurité des personnes dans une manifestation sur la voie publique.

Le Sénat avait également souhaité punir des mêmes peines la tentative de ces délits.

Votre commission avait toutefois noté que le droit en vigueur permettait déjà de réprimer la plupart des infractions qui viennent d'être énumérées. L'intérêt de cet article 5 était donc surtout pédagogique, en explicitant davantage certaines incriminations.

Dans sa rédaction actuelle, l'article 431-10 du code pénal punit en effet de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende le fait de participer à une manifestation ou à une réunion publique en étant porteur d'une arme.

De plus, l'article 132-75 du code pénal retient une définition extensive de la notion d'arme : tout objet conçu pour tuer ou blesser ; mais aussi, tout objet susceptible de présenter un danger pour les personnes dès lors qu'il est utilisé pour tuer, blesser ou menacer ou qu'il est destiné par celui qui en est porteur à tuer, blesser ou menacer. En pratique, la jurisprudence a assimilé de nombreux objets à une arme, y compris des objets ramassés sur le parcours d'une manifestation.

S'agissant du jet de projectile, il peut aujourd'hui être poursuivi et réprimé sur le fondement de l'article 222-13 du code pénal, qui punit de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende les violences n'ayant entraîné aucune incapacité de travail lorsqu'elles ont été commises en faisant usage d'une arme.

2. La suppression de cet article par l'Assemblée nationale

Considérant que les dispositions de l'article 5 sont, pour l'essentiel, satisfaites par le droit existant et par l'état de la jurisprudence, la commission des lois de l'Assemblée nationale a décidé, sur proposition de sa rapporteure, de M. Jean-Félix Acquaviva et plusieurs députés du groupe Libertés et Territoires, de Mme Marietta Karamanli et plusieurs députés du groupe Socialistes et apparentés, de M. Ugo Bernalicis et les membres du groupe La France Insoumise ainsi que de M. Jacques Marilossian et plusieurs députés du groupe La République En Marche, de supprimer ledit article.

Cette suppression n'a pas été remise en cause en séance publique.

3. La position de votre commission

Les auditions auxquelles a procédé votre rapporteur ont confirmé que l'apport de cet article 5 était des plus limités et qu'il n'était donc pas justifié de demander son rétablissement.

Votre rapporteur s'est interrogé sur l'intérêt de pénaliser la tentative de port d'arme dans une manifestation. Cette disposition avait initialement été envisagée en lien avec la création, à l'article 1 er , de périmètres de contrôle lors des manifestations : au cours d'une inspection visuelle, un agent de police aurait pu constater qu'un individu tentait d'introduire une arme dans la manifestation, ce qui aurait pu donner lieu à des poursuites.

L'abandon de ces périmètres de contrôle réduit l'intérêt de cette mesure : si une personne porte une arme, l'actuel délit de port d'arme dans une manifestation est commis dès que la personne arrive dans la manifestation et celle-ci peut être immédiatement interpellée. La tentative d'introduire une arme, si elle était pénalisée, viserait donc un comportement antérieur à l'arrivée de la personne dans la manifestation. Or, avant cette arrivée, on voit mal comment, en l'absence de périmètre de contrôle, pourrait être caractérisée son intention ferme de se rendre armée dans la manifestation.

Pour ces raisons, votre commission a estimé qu'il n'y avait pas lieu de revenir sur la suppression décidée par l'Assemblée nationale.

Votre commission a donc confirmé la suppression de l'article 5.

Article 6
(art. 131-32-1 [nouveau], 222-47, 322-15, 431-8-1[nouveau], 431-11,
434-38-1 [nouveau] du code pénal ;
art. L. 211-13 [abrogé] du code de la sécurité intérieure)
Peine complémentaire d'interdiction de participer à des manifestations
sur la voie publique et élargissement des peines complémentaires applicables aux délits de participation délictueuse à une manifestation

Cet article vise principalement à modifier la peine complémentaire d'interdiction de participer à des manifestations sur la voie publique et à étendre le champ d'application de cette peine complémentaire.

1. Le dispositif initial de la proposition de loi

Dans sa version initiale, cet article poursuivait trois objectifs.

Tout d'abord, il tendait à faire évoluer le contenu de la peine complémentaire d'interdiction de participer à des manifestations sur la voie publique, prévue à l'article L. 211-13 du code de la sécurité intérieure.

Cette peine complémentaire peut être prononcée, en plus d'une peine principale, pour une durée maximale de trois ans , lorsque la personne poursuivie a été reconnue coupable de certaines infractions commises lors du déroulement de manifestations sur la voie publique : des violences, réprimées par les articles 222-7 à 222-13 du code pénal, ou certaines destructions, dégradations ou détériorations de biens, réprimées par les articles 322-1 à 322-3 et 322-6 à 322-10 du même code. La décision de condamnation précise les lieux dans lesquels s'applique cette interdiction.

La proposition de loi tendait à introduire une obligation de pointage pendant le temps des manifestations, dont le non-respect aurait été pénalement sanctionné. En parallèle, elle tendait à supprimer l'obligation pour la juridiction de préciser les lieux faisant l'objet de l'interdiction de manifester et prévoyait l'information obligatoire du préfet de toute condamnation à cette peine complémentaire.

En deuxième lieu, la proposition de loi visait à élargir le champ d'application de cette peine complémentaire à cinq nouvelles infractions : le fait de tracer des inscriptions, signes ou dessins (autrement dit, des tags) sans autorisation sur des façades, véhicules, voies publiques ou sur le mobilier urbain, infraction réprimée par le second alinéa de l'article 322-1 du code pénal ; la participation à un groupe violent (article 222-14-2 du même code) ; la participation délictueuse à une manifestation illicite sur la voie publique (article 431-9 dudit code) ; le nouveau délit de dissimulation du visage pendant une manifestation, tel qu'il résulte de l'article 4 de la proposition de loi ; enfin, le délit de port d'arme et de jet de projectile lors d'une manifestation sur la voie publique ou d'une réunion publique, tel qu'il résultait de l'article 5 de la proposition de loi.

En dernier lieu, la proposition de loi envisageait d'étendre le champ d'application des peines complémentaires d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, et d'interdiction de séjour . Aujourd'hui encourues seulement en cas de port d'arme lors d'une manifestation, ces peines complémentaires seraient étendues aux délits de participation à une manifestation illicite sur la voie publique et aux deux nouveaux délits prévus aux articles 4 et 5 de la proposition de loi.

2. Le dispositif adopté par le Sénat en première lecture

En première lecture, le Sénat a choisi de déplacer les dispositions relatives à la peine complémentaire d'interdiction de manifester sur la voie publique de l'article 211-13 du code de la sécurité intérieure, qui serait en conséquence abrogé, vers deux nouveaux articles 131-32-1 et 434-8 du code pénal. L'objectif était que ces dispositions soient mieux connues, et plus souvent appliquées, par le juge correctionnel, qui est souvent plus familier du code pénal que du code de la sécurité intérieure.

Sur le fond, le Sénat a décidé de maintenir l'obligation pour la juridiction de fixer les lieux faisant l'objet de l'interdiction de manifester , afin de garantir la conformité du dispositif à la Constitution. Dans sa décision n° 94-352 DC du 18 janvier 1995, le Conseil constitutionnel avait estimé que cette peine complémentaire ne méconnaissait pas les exigences constitutionnelles de la liberté individuelle, de la liberté d'aller et de venir et du droit d'expression collective des idées et des opinions au motif que l'interdiction de manifester était « limitée à des lieux fixés par la décision de condamnation ».

Le Sénat a également précisé les conditions de mise en oeuvre du pointage, qui aurait emporté, pour le condamné, l'obligation de répondre, le temps des manifestations, aux convocations de toute autorité publique désignée par la juridiction de jugement, sous réserve que l'obligation de pointage soit proportionnée au regard du comportement de la personne.

Il a enfin supprimé l'obligation d'information du préfet de toute condamnation à la peine complémentaire, au bénéfice des dispositifs de droit commun permettant l'information des forces de l'ordre, notamment l'alimentation du fichier des personnes recherchées.

3. Un dispositif complété par l'Assemblée nationale

Sur proposition de sa rapporteure et des députés du groupe La République En Marche, la commission des lois de l'Assemblée nationale est revenue sur trois dispositions adoptées par le Sénat.

Concernant tout d'abord la peine complémentaire d'interdiction de manifester, elle a supprimé la possibilité qui était donnée au juge de l'application des peines de modifier la liste des lieux dans lesquels s'appliquait cette interdiction , au motif qu'il n'appartient pas à un tel juge de modifier une décision de condamnation.

Elle a également supprimé l'obligation de pointage , jugée complexe à mettre en oeuvre, peu opérationnelle - lorsqu'une manifestation dure toute une journée, la personne condamnée pourrait sans difficulté satisfaire à son obligation de pointage avant de se rendre sur les lieux de la manifestation - et inutile au regard du caractère dissuasif de la sanction prévue en cas de violation de l'interdiction de manifester (un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende).

Enfin, elle n'a pas retenu l'extension de l'application de cette peine complémentaire aux tags , considérant que la peine complémentaire aurait été excessive au regard des peines principales encourues (travail d'intérêt général et amende).

En séance publique, l'Assemblée nationale a confirmé ces modifications et a adopté un amendement du Gouvernement tendant à ce que les procédures rapides (convocation par procès-verbal, comparution immédiate et comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité) puissent être appliquées aux délits liés à un attroupement .

Les délits en lien avec un attroupement

La section 2 du chapitre 1 er du titre III du livre IV du code pénal, intitulée « De la participation délictueuse à un attroupement », comporte une série d'infractions en lien avec un attroupement.

L'article 431-3 du code pénal définit tout d'abord un attroupement comme tout rassemblement de personnes sur la voie publique ou dans un lieu public susceptible de troubler l'ordre public. Un attroupement peut être dissipé par la force publique, après sommations.

L'article 431-4 du même code punit d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende le fait de continuer à participer à un attroupement après les sommations . La peine encourue est alourdie lorsque l'auteur des faits dissimule volontairement son visage afin de ne pas être identifié (trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende).

L'article 431-5 réprime ensuite le fait de participer à un attroupement en étant porteur d'une arme (trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende). La peine est portée à cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende si l'auteur porteur d'une arme continue à participer à l'attroupement après sommations ou s'il dissimule son visage afin de ne pas être identifié.

Enfin, l'article 431-6 punit d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende la provocation à un attroupement armé . La peine est portée à sept ans de prison et 100 000 euros d'amende si la provocation a été suivie d'effet.

La Cour de cassation a qualifié ces délits en lien avec un attroupement de délits politiques 20 ( * ) , ce qui a des conséquences sur le plan procédural.

L'article 397-6 du code de procédure pénal dispose en effet que les procédures de convocation par procès-verbal et de comparution immédiate ne s'appliquent pas aux délits politiques.

Convocation par procès-verbal et comparution immédiate

Ces deux procédures, définies aux articles 393 à 397-7 du code de procédure pénale, visent à procéder plus rapidement au jugement d'une affaire.

Le recours à la convocation sur procès-verbal est décidé par le procureur de la République, qui auditionne l'auteur supposé de l'infraction juste après sa garde à vue. Elle permet de juger la personne mise en cause dans un délai de six mois suivant la garde à vue, dans des affaires simples qui ne nécessitent pas une enquête approfondie.

Plus connue, la procédure de comparution immédiate permet au procureur de faire juger la personne mise en cause dès la fin de sa garde à vue . Cette procédure peut être utilisée pour les délits punis d'au moins deux ans d'emprisonnement (six mois en cas de flagrance). Lors de l'audience, le prévenu peut refuser d'être jugé immédiatement, ce qui entraîne alors le report du procès.

De même, l'article 495-16 du code de procédure pénale dispose que la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) ne s'applique pas aux délits politiques.

La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité

La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC) (appelée aussi « plaider-coupable » ) permet d'éviter un procès à une personne qui reconnaît les faits qui lui sont reprochés.

La procédure se déroule de la manière suivante : le procureur de la République propose à la personne mise en cause d'exécuter une ou plusieurs peines ; si elle l'accepte, le procureur saisit le président du tribunal correctionnel en vue d'une audience d'homologation ; le président du tribunal décide d'homologuer ou de rejeter la proposition du procureur, sans pouvoir la modifier.

Souvent proposée au stade de l'enquête préliminaire, la CRPC peut aussi être proposée à l'issue d'une information judiciaire. Si le juge d'instruction estime que les faits constituent un délit, que la personne mise en examen reconnaît les faits et qu'elle accepte la qualification pénale retenue, il peut, à la demande ou avec l'accord du procureur, du mis en examen et de la partie civile, prononcer par ordonnance le renvoi de l'affaire au procureur aux fins de mise en oeuvre d'une CRPC.

Le Gouvernement a estimé qu'il serait utile que ces procédures rapides puissent être appliquées aux délits liés à un attroupement, afin d'apporter une réponse pénale rapide à des comportements se plaçant délibérément en dehors du cadre de l'exercice de la liberté de manifestation.

4. La position de votre commission

Votre commission se félicite, en premier lieu, que l'Assemblée nationale ait conservé la plupart les dispositions prévues à cet article.

La principale différence entre la version du texte adoptée par le Sénat et celle adoptée par l'Assemblée nationale réside dans la suppression de l'obligation de pointage. Les personnes entendues par votre rapporteur ont confirmé que sa mise en oeuvre serait complexe, ne serait-ce qu'en raison de la difficulté de se tenir informé de l'ensemble des manifestations susceptibles d'être organisées, et sans doute peu efficace dans la mesure où le pointage ne saurait entraîner l'obligation pour la personne concernée de rester au commissariat pendant toute la durée d'une manifestation. Certaines manifestations pouvant durer plusieurs heures, le respect de l'obligation de pointage ne constituerait donc pas une garantie de non-participation à la manifestation.

Votre commission juge donc acceptable la décision prise par l'Assemblée nationale de supprimer cette disposition.

Elle approuve également les modifications apportées en ce qui concerne les procédures de comparution, convaincue de l'intérêt d'apporter une réponse rapide à ce type d'infractions afin de lutter contre la répétition de tels actes.

Il arrive aujourd'hui que les parquets engagent des poursuites en dénaturant la qualification juridique des faits, de manière à pouvoir obtenir une comparution à délai plus rapproché, ce qui aboutit fréquemment à des relaxes. Cette modification législative permettra un jugement plus rapide de ces affaires en donnant aux faits de chaque espèce leur véritable qualification juridique.

Votre commission a adopté cet article sans modification .

Article 6 bis (nouveau)
(art. 138 du code de procédure pénale)
Interdiction de manifester dans le cadre d'un contrôle judiciaire

Cet article, introduit par la commission des lois de l'Assemblée nationale à l'initiative de sa rapporteure, propose de compléter la liste des obligations et interdictions auxquelles une personne peut être astreinte dans le cadre d'un contrôle judiciaire , en ajoutant l'interdiction de manifester dans certains lieux déterminés.

1. Le cadre juridique du contrôle judiciaire

Le contrôle judiciaire est une mesure qui soumet la personne mise en cause dans une affaire pénale à une ou plusieurs obligations ou interdictions, dans l'attente de son procès. Le contrôle judiciaire fait partie, avec la détention provisoire ou l'assignation à résidence sous surveillance électronique, des mesures de sûreté pouvant être ordonnées avant jugement.

Le contrôle judiciaire intervient principalement dans trois hypothèses : il peut être prononcé par le juge d'instruction dans le cadre d'une information judiciaire à l'encontre d'une personne mise en examen ; il peut être décidé par le juge des libertés et de la détention, à la demande du procureur de la République, dans l'attente de la date du procès ; il peut enfin être ordonné par le tribunal correctionnel, notamment en cas de renvoi à une date ultérieure de l'audience de jugement.

L'article 138 du code de procédure pénale prévoit que le contrôle judiciaire peut être ordonné uniquement si une personne encourt une peine d'emprisonnement.

Les obligations et interdictions que le magistrat peut prononcer sont limitativement énumérées à l'article 138 précité. Y figurent par exemple l'interdiction d'entrer en contact avec certaines personnes désignées (victime ou complice présumées) ou encore l'interdiction de se rendre dans certains lieux déterminés.

En vertu de l'article 141-2 du code de procédure pénale, la personne qui ne respecte pas son contrôle judiciaire s'expose à être placée en détention provisoire.

2. Les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale

L'article 6 bis propose d'ajouter à la liste des obligations et interdictions prévues par l'article 138 du code de procédure pénale l'interdiction de manifester dans des lieux déterminés .

Actuellement, le contrôle judiciaire peut comporter l'interdiction, pour le mis en cause, de se rendre dans certains lieux, mais sans viser une activité en particulier.

Il s'agit donc de doter les magistrats d'un outil supplémentaire en leur permettant d'interdire au mis en cause de manifester en des lieux où il pourrait en revanche continuer à se rendre pour accomplir d'autres actes de la vie courante. Pour la rapporteure de l'Assemblée nationale, une telle interdiction pour des personnes déjà mises en cause pour des infractions en lien avec des manifestations permettrait de limiter, à l'occasion de ces évènements, le risque de réitération dans l'attente du procès.

3. La position de votre commission

La modification proposée permettrait en effet d'apporter une restriction ciblée et adaptée à la liberté d'aller et venir des personnes mises en cause pour des infractions survenues à l'occasion de manifestations. Le non-respect de cette obligation pourrait entraîner pour ces personnes une décision d'incarcération.

Votre rapporteur observe toutefois que la disposition adoptée par l'Assemblée nationale ne permet pas l'interpellation immédiate d'une personne placée sous contrôle judiciaire, en dehors de la commission de toute infraction, sur le fondement de l'article 141-4 du code procédure pénale. Cet article prévoit que les services de police ou de gendarmerie peuvent placer une personne soupçonnée d'avoir violé ses obligations en rétention judiciaire , pour une durée maximale de 24 heures, afin de l'entendre sur le non-respect de ses obligations.

Toutefois, le placement en rétention judicaire n'est possible qu'en cas de violation de certaines obligations énumérées à l'article 138 du code de procédure pénale. Or, comme l'Assemblée nationale n'a pas ajouté à l'article 141-4 du code de procédure pénale la nouvelle interdiction de manifester dans des lieux déterminés, une interpellation pour sa violation ne pourra donc pas intervenir.

Malgré cet oubli qui met en cause le caractère opérationnel de ce dispositif, votre rapporteur a proposé d'adopter cet article dans sa rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale, afin de ne pas compromettre l'entrée en vigueur dans les meilleurs délais des nombreuses autres dispositions contenues dans cette proposition de loi très attendues par les services de police et de gendarmerie.

La commission a adopté cet article sans modification .


* 17 D'un montant maximal de 1 500 euros, doublé en cas de récidive.

* 18 Dans le cadre d'une contravention, les policiers peuvent seulement contrôler l'identité du contrevenant, puis dresser un procès-verbal de leurs constatations, transmis au ministère public qui décide de poursuivre ou non.

* 19 Décision n° 80-127 DC, Sécurité et Liberté, 19 et 20 janvier 1981.

* 20 Cf . récemment l'arrêt Cass.Crim du 28 mars 2017, pourvoi n° 15-84.940. La chambre criminelle qualifie de délits politiques les infractions portant atteinte à l'existence, au fonctionnement ou à l'organisation de l'État.

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