III. LA POSITION DE VOTRE RAPPORTEUR : ACCOMPAGNER LA RENATIONALISATION DES SCA OU LA FIN DES CONCESSIONS PAR UN DISPOSITIF EFFICACE DE GESTION DES INFRASTRUCTURES AUTOROUTIÈRES

Votre rapporteur attire l'attention sur le fait que les négociations concernant l'avenir des concessions des SCA devraient débuter d'ici 5 à 7 ans.

Les dates d'échéance des concessions autoroutières varient en effet d'une entreprise à l'autre mais elles s'échelonnent globalement entre 2031 (pour le réseau confié à SANEF) et 2086 (tunnel Duplex A86 de 11 kilomètres confié à COFIROUTE). Les principales concessions des sociétés « historiques » à savoir APRR (1 867 kilomètres sous gestion), ASF (2 724 kilomètres), COFIROUTE (1 100 kilomètres), SANEF (1 400 kilomètres) et SAPN (372 kilomètres) arrivent à échéance respectivement en 2035, 2036, 2034, 2031 et 2033.

Sociétés concessionnaires autoroutières

Sociétés historiques

Longueur du réseau (km)

Début
de la concession

Fin
de la concession

SANEF

1388,3

09/11/1963

31/12/2031

SAPN

372,4

01/08/1963

31/08/2033

APRR

1867,4

19/09/1963

30/11/2035

AREA

409,4

05/04/1971

30/09/2036

ASF

2724,0

13/03/1961

30/04/2036

ESCOTA

471,0

21/05/1957

29/02/2032

COFIROUTE

1100,8

12/05/1970

30/06/2034

ATMB (autoroute)

126,3

15/04/1971

31/12/2050

SFTRF (autoroute)

67,5

31/12/1993

31/12/2050

Sociétés récentes

Longueur du réseau (km)

Début
de la concession

Fin
de la concession

ADELAC

19,6

28/10/2005

31/12/2060

ALBEA

17,5

29/12/2011

28/12/2066

ALIS

125,0

02/12/2001

31/12/2067

ARCOUR

101,0

09/04/2005

31/12/2070

ALICORNE

45,0

23/08/2008

23/08/2063

ALIENOR

150,0

19/12/2006

19/12/2066

ATLANDES

104,0

23/01/2011

21/01/2051

CCIH Tancarville (ouvrage d'art)

2,3

18/05/1951

17/05/2027

CCIH Normandie (ouvrage d'art)

7,4

06/05/1988

17/05/2027

Duplex A86 (ouvrage d'art)

11,5

25/11/1999

31/12/2086

CEVM
(ouvrage d'art)

3,3

10/10/2001

31/12/2079

Source : Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat à partir des données transmises par la DGITM.

Plusieurs scenarii sont envisageables à l'échéance des concessions. En premier lieu, l'hypothèse d'une renationalisation des sociétés exploitant les autoroutes peut être évoquée . Le coût financier d'une telle renationalisation est difficile à estimer, car il convient d'intégrer les indemnités de résiliation pour motif d'intérêt général, qui seraient fixées par le juge administratif pour les contrats de concessions qui ne prévoient pas de clauses de rachat, les indemnités pour la perte des achats et des investissements réalisés ainsi que la manque à gagner anticipé jusqu'à la fin de la concession 14 ( * ) mais aussi la dette de 30 milliards d'euros de ces sociétés, qui viendrait s'ajouter à la dette publique française. Au global, une renationalisation correspondrait à une somme d'environ 50 milliards euros (fourchette haute).

Votre rapporteur considère que s'il s'agit bien sûr d'une opération couteuse, l'État sera tout à fait en mesure de la rembourser sur le long terme. Au regard des taux d'intérêts actuels, votre rapporteur considère que l'État n'aura aucune difficulté à faire l'avance de cette somme et à se rembourser via les recettes des péages. Il s'agit donc essentiellement d'une opération comptable et pas d'une dépense nette de 50 milliards d'euros. Les SCA ont d'ailleurs acheté les autoroutes en 2006 avec un montage similaire.

Dans un tel scénario, la DGITM précise que le montant de l'indemnité « correspond aux dettes des sociétés concessionnaires augmentées des bénéfices prévisionnels de celles-ci d'ici l'échéance de leurs contrats. Ainsi, un tel rachat ne permettrait pas de récupérer la rentabilité prévisionnelle des SCA, mais au contraire il leur assurerait cette rentabilité de manière anticipée et sans même les exposer aux risques d'exploitation des autoroutes ».

En second lieu, l'hypothèse d'une reprise en main des concessions autoroutières par l'État à l'échéance des concessions pourrait être examinée. Elle pourrait se traduire par la création d'un établissement public industriel et commercial « Routes de France » compétent pour gérer l'ensemble des 9 200 kilomètres de réseau autoroutier, avec un contrat d'objectifs et de performance, des critères forts en matière d'aménagement du territoire, d'efficacité environnementale et de différenciation des tarifs selon des motifs sociaux. Ainsi, la fin des concessions permettrait d'avoir de nouveaux débats, sur la gratuité des autoroutes, la mobilité partagée, la mobilité connectée. En bref, le patrimoine routier pourrait être utilisé comme un vrai champ d'action publique.

Votre rapporteur considère que la puissance publique doit pouvoir disposer, à l'égard des infrastructures de transport national, d'une maîtrise pleine et entière puisque ces dernières sont des outils d'aménagement et d'égalité des territoires faisant d'elles des monopoles de fait.

En outre, votre rapporteur rappelle qu'au moment où il existe une fronde légitime dans notre pays sur les taxes et la vie chère, cette option est plus que pertinente . Il est à noter d'ailleurs, preuve de sa faisabilité, que l'Espagne s'est engagée dans cette voie en annonçant la renationalisation de 500 kilomètres de tronçons qui vont ainsi repasser sous maîtrise publique. Cette proposition rejoint par ailleurs trois des 42 directives exposées dans la plateforme du 29 novembre 2018 par le mouvement des gilets jaunes . Ainsi, cette plateforme appelle premièrement à poser « l'interdiction de vendre les biens appartenant à la France ».

Votre rapporteur rappelle toutefois qu'attendre la fin des concessions ne donne aucune garantie sur des hausses de tarifs futures du fait de nouveaux investissements qui pourraient être demandés par l'État aux sociétés concessionnaires. Dans cette hypothèse, de nouveaux accords pourraient également allonger encore la durée des concessions , ce qui semble un pari risqué selon votre rapporteur.

Si ce scénario était toutefois retenu, l'État devra pleinement jouer son rôle de concédant et assurer les obligations qui lui incombent . Sur ce point, la Cour des comptes dans son rapport précité de juillet 2013 précisait qu'« en dépit de constats défavorables figurant dans les audits, les dispositions contraignantes susceptibles d'être mises en oeuvre à l'encontre des sociétés concessionnaires (mise en demeure, pénalités) ne sont qu'exceptionnellement utilisées , ce qui pourrait engager la responsabilité du concédant en cas d'accident ».

Votre commission a toutefois considéré que les décisions prises doivent être assumées et que la question de la reprise en main des concessions se posera à l'échéance de celle-ci.

Lors de sa réunion du mercredi 20 février, la commission n'a pas adopté la proposition de loi. En conséquence et en application du premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion portera en séance sur le texte de la proposition de loi initiale.


* 14 Dans le cas d'APRR, par exemple, l'article 38 « Rachat de la concession » de son contrat de concession précise les modalités de calcul du préjudice.

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