EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 20 février 2019, la commission a examiné le rapport et le texte de la commission sur la proposition de loi n° 229 (2018-2019) de M. Bruno Gilles visant à améliorer la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux.

Mme Sophie Primas , présidente. - Nous examinons le rapport de Dominique Estrosi Sassone et du texte de la commission sur la proposition de loi de Bruno Gilles visant à améliorer la lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux.

Mme Dominique Estrosi Sassone , rapporteur. - Bruno Gilles, sénateur des Bouches-du-Rhône, a déposé cette proposition de loi après le dramatique événement survenu à Marseille en novembre dernier. L'effondrement de plusieurs immeubles de la rue d'Aubagne a en effet coûté la vie à huit personnes et obligé de très nombreuses autres à quitter leur logement. Beaucoup restent à ce jour sans solution de relogement.

Je remercie notre collègue pour la qualité de son travail sur ce sujet important. Même si de précédentes lois se sont attaquées à ce fléau, il reste beaucoup à faire en amont pour simplifier les procédures et favoriser les mesures préventives, en plus des mesures coercitives.

Entre 400 000 et 2,8 millions de logements seraient indignes ou potentiellement indignes. L'écart est important, mais c'est le résultat du mode de calcul et des définitions retenus. En effet, l'habitat indigne est un phénomène difficile à appréhender, qui présente de multiples facettes. Ce n'est pas qu'un phénomène urbain : il touche l'ensemble de notre territoire, y compris la ruralité. Selon l'Insee, plus de 1 million de logements qui présentent au moins trois défauts importants sont situés dans des agglomérations de plus de 200 000 habitants ou dans l'unité urbaine de Paris, mais 560 000 logements sont situés dans des communes rurales.

Ce phénomène ne concerne pas les seuls locataires puisqu'on trouve aussi, certes dans une moindre proportion, des propriétaires occupants de logements indignes, insalubres ou non décents.

La lutte contre l'habitat indigne est donc l'affaire de tous. L'existence en France, l'une des plus grandes puissances économiques, d'habitats indignes dans ces proportions doit nous interpeller. Ce doit être une priorité nationale.

Nos politiques publiques de lutte contre l'habitat indigne doivent prendre en compte, pour être efficaces, les différents aspects du phénomène pour adapter les réponses en fonction des territoires et des personnes concernées.

L'arsenal législatif de lutte contre l'habitat indigne et les marchands de sommeil a été renforcé par les trois dernières lois relatives au logement - loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR), loi relative à l'égalité et à la citoyenneté et loi portant évolution du logement, de l'aménagement du territoire et du numérique (ELAN). Je ne citerai que quelques-unes de ces mesures : l'instauration du permis de louer, qui soumet à autorisation préalable la mise en location d'un logement situé dans certaines zones comportant une importante proportion d'habitat dégradé ; sur le plan fiscal, une présomption de revenu a été instaurée sous certaines conditions pour les marchands de sommeil ; sur le plan pénal, les sanctions ont été renforcées, et certaines peines complémentaires comme la confiscation des biens ayant servi à l'infraction ont été rendues automatiques.

Nous avons également prévu la confiscation sous certaines conditions des biens du patrimoine des marchands de sommeil, au-delà de ceux qui ont servi à l'infraction.

En matière de polices administratives, la loi ALUR a mis en place un acteur unique pour simplifier le nombre d'acteurs intervenant dans la procédure. Ainsi, le préfet peut transférer aux présidents des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) délégataires des aides à la pierre ou aux maires ayant un service communal d'hygiène et de santé ses pouvoirs de police en matière d'insalubrité.

En outre, il est prévu le transfert aux présidents des EPCI des prérogatives des maires en matière de police spéciale de l'habitat indigne. Néanmoins, le maire peut s'opposer au transfert dans les six mois de l'élection du président de l'EPCI, ce dernier pouvant à son tour renoncer au transfert de compétence.

Un premier bilan effectué en 2015 a montré que 24 % des présidents d'EPCI exerçaient les compétences des maires en matière de police. Néanmoins, ce chiffre pourrait avoir évolué en raison de la réforme de l'intercommunalité mise en oeuvre avec la loi portant sur la nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe).

La loi ELAN a habilité le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour préciser les modalités de ce transfert et pour favoriser la création de services intercommunaux mutualisant les moyens matériels et financiers de lutte contre l'habitat indigne et les immeubles dangereux. Nous avions obtenu une mise en oeuvre différée du contenu de l'ordonnance qui devrait entrer en vigueur en 2021.

Malgré les améliorations apportées à ces polices, la réglementation actuelle comprend pas moins de treize polices qui s'appliquent à des situations différentes et qui font intervenir des autorités et des procédures diverses. Cette multiplication des polices n'est pas un gage d'efficacité et peut aussi être source de contentieux. Plus de 400 recours gracieux et administratifs en matière de police de l'insalubrité ont été recensés. Il est nécessaire de simplifier ces polices.

La loi ELAN habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour harmoniser et simplifier ces polices administratives dans un délai de dix-huit mois. Le Gouvernement a confié au député Guillaume Vuilletet une mission pour préparer cette réforme. Son rapport devrait être rendu à la fin du mois de mai.

Au regard des événements dramatiques survenus à Marseille, le Gouvernement doit impérativement accélérer ses travaux préparatoires et présenter son ordonnance dans des délais plus courts que ceux prévus par la loi ELAN, d'autant plus qu'il ressort de mes auditions que la réforme des polices mentionnées dans le code de la santé publique serait déjà prête.

Toute modification de la législation, aussi opportune soit-elle, doit, pour être efficace, s'accompagner d'une mobilisation forte et coordonnée des pouvoirs publics dans la mise en oeuvre de cette politique et d'un déploiement de moyens humains et financiers en adéquation avec les besoins.

La lutte contre l'habitat indigne est l'affaire de tous. Tous les acteurs, collectivités territoriales comme État, doivent se mobiliser pour dépister l'habitat indigne, engager les procédures administratives appropriées et, surtout, assurer le suivi des mesures prescrites.

Les collectivités territoriales sont des acteurs de premier plan. Si le manque de volontarisme de certaines collectivités a parfois été dénoncé, il ne faut pas stigmatiser les élus, mais les encourager et les accompagner. Leur action peut certainement être améliorée si l'on simplifie les procédures applicables et si on leur donne les moyens d'agir.

Devant la multiplicité des acteurs et des procédures, la coordination est un élément essentiel de réussite de la lutte contre l'habitat indigne. C'est le rôle du pôle national et des pôles départementaux de lutte contre l'habitat indigne.

Il me paraît indispensable que les magistrats soient associés à ces pôles. C'est le sens d'une circulaire qui vient d'être publiée et qui insiste sur la nécessité d'accélérer les procédures judiciaires à l'encontre des propriétaires qui louent des logements indignes. Les procureurs de la République sont également invités à créer des groupes locaux de traitement de la délinquance. Le renforcement des mesures de lutte contre l'habitat indigne et les marchands de sommeil n'a de sens que si la réponse pénale est rapide et exemplaire.

La lutte contre l'habitat indigne suppose que d'importants moyens tant humains que financiers soient mobilisés. En effet, le coût de cette politique n'est pas négligeable : coût des agents chargés de repérer les logements indignes, coût du relogement des personnes évacuées, coût de l'exécution d'office des travaux, etc. Dans le contexte de contrainte budgétaire, les communes et les EPCI ne sont pas toujours en capacité de déployer de tels moyens humains et financiers. La réforme des polices spéciales de l'habitat doit être l'occasion de repenser le financement de leur mise en oeuvre.

L'Agence nationale de l'habitat (ANAH) est l'interlocuteur unique en matière de financement, pour les propriétaires comme pour les collectivités territoriales. Chaque année, nous débattons lors de l'examen de la loi de finances du budget de l'ANAH. Le Gouvernement doit être cohérent et lui affecter des moyens à la hauteur des enjeux. Pour les propriétaires, la question du financement du reste à charge demeure prégnante, la suppression de l'APL-accession - que nous avons dénoncée -, qui était aussi utilisée pour la réalisation de travaux, a eu un impact sur le nombre de logements rénovés.

L'article 1 er de la proposition de loi prévoit d'appliquer l'autorisation de diviser aux opérations tendant à diviser le logement, qu'elles nécessitent ou non des travaux, et non aux seules opérations nécessitant des travaux.

À l'article 2, il est proposé d'inverser la logique actuelle du permis de louer en posant le principe selon lequel le silence de la collectivité sur la demande de permis de louer vaut décision de rejet à l'issue d'un délai de deux mois.

L'article 3 prévoit l'information des élus locaux en leur permettant un accès au casier judiciaire des personnes soumettant une déclaration préalable de location, un permis de louer ou un permis de diviser. Cette mesure, que le Sénat avait insérée dans la loi ELAN, a été supprimée en commission mixte paritaire.

L'article 4 créé un nouveau cas soumis à la procédure simplifiée d'expropriation pour les immeubles cumulant les conditions suivantes : l'immeuble a fait l'objet d'un arrêté prévoyant des mesures pour remédier à son insalubrité et d'une interdiction temporaire d'habiter ; le propriétaire n'a pas réalisé les travaux prescrits dans le délai d'un mois à compter de sa mise en demeure de le faire et ne s'est pas libéré de son obligation en concluant un bail à réhabilitation.

Plusieurs mesures doivent permettre d'accélérer les réponses apportées aux situations d'insalubrité et de dangerosité des immeubles. Ainsi, à l'article 5, la durée maximale d'habitation d'un immeuble déclaré irrémédiablement insalubre est réduite d'un an à trois mois. Il est en outre proposé à l'article 6 de raccourcir de trois mois à un mois le délai dans lequel l'agent doit se déplacer pour visiter un logement aux fins d'établir un constat en matière d'insalubrité ou de péril de l'immeuble.

En complément des mesures de lutte contre les marchands de sommeil adoptées dans les lois ALUR et ELAN, les sanctions pour non-respect des règles relatives au permis de louer et à la déclaration de mise en location sont renforcées aux articles 7 et 8.

Enfin, à l'article 9, l'exercice de l'action publique des associations de lutte contre l'habitat indigne est ouvert à trois nouveaux cas.

La démarche initiée par notre collègue Bruno Gilles va dans le bon sens. Chacun d'entre nous ne peut qu'être favorable à ce que des réponses plus rapides et plus efficaces soient apportées dans le traitement de l'habitat insalubre, dangereux et, plus largement, de l'habitat indigne. Certaines dispositions méritent sans doute d'être précisées.

J'ai procédé à plusieurs auditions, notamment des représentants des ministères concernés et des propriétaires, des maires. Il me reste encore quelques personnes à rencontrer : je pense aux représentants de l'Assemblée des communautés de France (AdCF) ou de la Fédération nationale de l'immobilier (Fnaim). Nous irons la semaine prochaine en Seine-Saint-Denis, à Aubervilliers et à Montfermeil, ainsi qu'à Marseille. Il me semble important de prendre en compte ces déplacements dans notre réflexion.

C'est pourquoi je vous propose de prendre un peu plus de temps pour approfondir notre réflexion sur les dispositifs proposés dans la proposition de loi. Je souhaiterais également étudier d'autres dispositifs qui permettraient de simplifier certaines procédures. Ce délai supplémentaire me permettait d'examiner la nécessité et la faisabilité d'autres dispositifs de prévention. Le volet préventif de la lutte contre l'habitat indigne est aussi important que le volet curatif et ne doit pas être oublié dans le débat.

Je vous propose à ce stade, après en avoir discuté avec Bruno Gilles, qui en comprend les raisons, d'adopter une motion tendant à renvoyer la proposition de loi en commission. Cela nous permettra de l'enrichir, et peut-être d'en corriger certaines imperfections.

Mme Annie Guillemot . - Nous suivrons la position de la rapporteure. Il faut en effet prendre en compte la suppression de l'APL-accession, la baisse des crédits aux offices d'HLM, les moyens consacrés aux réhabilitations, etc. En outre, le problème de l'habitat insalubre s'inscrit aussi plus généralement dans le contexte de crise du logement.

Il y a des marchands de sommeil, mais il se trouve aussi des propriétaires - de bonne foi - qui n'ont pas les moyens d'engager les réparations nécessaires. Trois associations que nous avons auditionnées nous ont dit que le renforcement de notre arsenal législatif avait conduit les marchands de sommeil à exercer une pression accrue sur leurs victimes pour faire respecter la loi du silence. Il y a même des tribunaux qui ont ordonné l'expulsion de locataires pour loyer impayé, alors que celui-ci était en réalité réglé en espèces !

Il y a des trous dans la raquette ! Récemment, un tribunal a jugé une affaire dans laquelle une famille payait à la fois l'hôtel et le loyer de son logement : ce n'est pas parce que le maire prend un arrêté visant à désigner un expert judiciaire que le bail est suspendu. Les associations demandent la création d'un arrêté de protection des personnes. Mais le maire ne peut être responsable de tout. Lorsqu'il y a un arrêté de péril imminent, il doit reloger les personnes concernées. En revanche, il faut attendre trois à quatre mois la nomination d'un expert par le tribunal, puis jusqu'à six mois la production du rapport d'expertise. L'arrêté du maire demandant une expertise ne pourrait-il pas suspendre le bail ?

Mme Cécile Cukierman . - Cette proposition de loi concerne tous les territoires et tous les types de logements. Prenons le temps d'examiner les réponses qu'il convient d'apporter à ces problématiques : votons, effectivement, le renvoi en commission, avec l'accord de l'auteur de ce texte. N'oublions pas que cet accord est indispensable, pour ce texte, mais aussi pour tous les autres...

Le maire est responsable, certes, mais l'État aussi.

Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Il s'agit d'un problème majeur, que l'on ne résoudra que par une action déterminée dans la durée, prenant en compte à la fois les aspects juridique, financier et humain. Notre pays a beaucoup construit après-guerre et, aujourd'hui, le parc de logements est vieillissant. Les investissements n'ont pas toujours été au rendez-vous.

En 2002, lorsque j'étais ministre, l'État a signé avec la ville de Marseille un plan de résorption de l'habitat insalubre, et les immeubles qui se sont effondrés récemment y étaient prioritaires. Des financements étaient prévus, des comités de suivi nommés, mais aucune administration responsable n'avait été désignée. Nous avons depuis amélioré nos dispositifs juridiques mais nous devons dire quelles sont les structures opérationnelles. Pourquoi ne pas s'inspirer des exemples de Tourcoing et de Roubaix ? Au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, les services d'hygiène municipale ont été créés dans les grandes villes pour que cette question soit suivie sur le long terme.

Certains maires redoutent les problèmes qu'implique l'exigence de relogement, notamment lorsque le parc social comporte peu de logements disponibles. Ils attendent donc le dernier moment pour agir. Notre texte devrait définir des stratégies de relogement pour régler cette question. C'est toute la difficulté à Marseille aujourd'hui.

Le pôle départemental ne me semble pas suffisamment opérationnel. Nous devrons proposer d'autres dispositions pour désigner les instances compétentes.

M. Marc Daunis . - Lors de l'audition des représentants de la Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP), je suis intervenu sur la notion de gouvernance qui doit être clarifiée. Pour l'instant, les responsabilités et les compétences sont bien trop diverses, et donc inefficaces. Le renvoi en commission devra nous permettre de travailler d'ici juin sur le pilotage opérationnel.

Mme Valérie Létard . - Nous devons prendre le temps d'approfondir ce sujet extrêmement compliqué, qui touche à la fois au local et au national et qui consomme beaucoup d'ingénierie.

À Roubaix, nous avons constaté que l'aide de l'échelon supérieur était indispensable, pour éviter à la commune de se trouver en difficulté dans la gestion de ces dossiers. Parfois, un fonctionnaire travaille une semaine entière pour parvenir à reloger une famille !

Les opérations de résorption de l'habitat insalubre (RHI) ne sont pas récentes et, à chaque fois, c'est un vrai casse-tête. Nous sommes obligés de construire des outils complexes. Sur la base des expériences positives, nous pourrions présenter des propositions constructives. Si la commune a un rôle déterminant à jouer, elle ne doit pas être la seule à agir. Peut-être l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI) doit-il plus s'investir.

Souvent, les personnes qui occupent des logements dégradés n'ont même plus accès au logement social : ce sont les plus fragiles, et elles ont souvent besoin de logements adaptés.

Dans les plans de vente de logements sociaux, prévus dans la loi ELAN, la vente d'un logement à un particulier lui interdit de bénéficier de l'aide de l'ANAH pendant les cinq années suivantes, alors qu'il s'agit souvent de logements qui n'ont pas été rénovés. Il va falloir revenir sur cette disposition.

M. Bernard Buis . - L'habitat indigne est effectivement l'affaire de tous. Nous devons prendre le temps de la réflexion.

Dans les petites communes, il est toujours difficile au maire de prendre un arrêté de péril imminent, car se pose immédiatement le problème du relogement. Les services de l'État doivent accompagner les communes mais ces dernières, souvent, ignorent à qui s'adresser. En matière de relogement, il faut travailler sur un périmètre plus vaste que celui de la commune. Les EPCI pourraient également proposer des logements.

M. Martial Bourquin . - Le réel problème, c'est le relogement qui, parfois, ne peut intervenir immédiatement dans les zones tendues. En outre, les logements indignes se trouvent souvent en centre-ville, qui parfois n'a pas été réhabilité depuis un demi-siècle. Je suis étonné des statistiques de l'Insee données par notre rapporteur sur les grandes métropoles. Certaines villes moyennes rencontrent de graves problèmes. Ce qui est arrivé à Marseille peut se produire ailleurs.

La répression est certes indispensable, mais il faut aussi trouver des moyens supplémentaires pour que l'ANAH intervienne efficacement.

N'oublions pas que si les EPCI sont responsables des programmes locaux de l'habitat (PLH), les maires sont les premiers à détecter les habitats indignes.

M. Joël Labbé . - Ce qui me frappe c'est qu'un tiers des logements indignes se trouvent en zone rurale. C'est sidérant. Nous allons devoir simplifier les procédures. En outre, il faudra bien que l'on s'interroge sur les moyens à consacrer à la lutte contre ce fléau : où trouver l'argent ?

Même si le sujet est tabou ces derniers temps, il faudra bien instaurer une fiscalité carbone, mais à la condition qu'elle soit juste et lisible. Nous serions bien inspirés de la flécher vers la rénovation des logements : cela entraînerait des créations d'emplois et garantirait une meilleure qualité de vie pour des milliers de familles. Enfin, l'Europe ne devrait pas comptabiliser ces investissements dans le montant de la dette nationale.

M. Laurent Duplomb . - Quid des logements indignes en milieu rural occupés par leurs propriétaires ? Les maires des zones rurales connaissent tous des personnes riches qui vivent dans des maisons insalubres. C'est la liberté des personnes de vivre ainsi. Comment le maire peut-il intervenir dans ces cas-là ?

En milieu rural, on dépense beaucoup d'argent à des choses superflues alors qu'on pourrait utiliser cet argent pour améliorer l'habitat, notamment via l'ANAH. Il faudrait pouvoir contraindre les propriétaires qui possèdent des biens à en vendre une partie pour rénover leur patrimoine. Réservons les aides à ceux qui n'ont réellement pas les moyens de rénover leur logement.

Mme Catherine Conconne . - Il y a environ cinq ans, un député martiniquais a fait voter une importante loi sur l'habitat insalubre et indigne en outre-mer. Pourquoi ne pas s'en inspirer ?

M. François Calvet . - Les dispositifs prévus pour rendre plus efficients les permis de louer vont dans le bon sens. C'est une démarche préventive.

Les aides au logement versés par les caisses d'allocations familiales (CAF) et par la mutualité sociale agricole (MSA) assurent, bien souvent, la rentabilité des logements indignes ! Les propriétaires minimisent le risque locatif en calant le niveau des loyers sur celui des aides au logement et ils exigent le versement direct de ces aides. Comment concilier l'attribution de ces aides et les politiques de rénovation de logement ?

Mme Anne-Marie Bertrand . - Élue des Bouches-du-Rhône, j'ai partagé le drame des Marseillais : 8 morts et 1 600 personnes à reloger... Les familles vivent dans des hôtels depuis des mois. Le montage technique et la stratégie de relogement sont les deux points essentiels sur lesquels nous devons apporter des réponses.

Mme Sophie Primas , présidente . - Nous sommes évidemment solidaires des habitants des Bouches-du-Rhône.

Mme Anne-Catherine Loisier . - La France est le pays où l'immobilier est le plus taxé. Nous devons réfléchir sur la fiscalité : quel peut-être le business model de la rénovation et de l'investissement pour faire reculer le nombre de logements insalubres ? Comment accompagner et même favoriser l'investissement dans la rénovation des logements ?

Mme Dominique Estrosi Sassone , rapporteur . - Nous aurons à nouveau ce débat en commission puis en séance au mois de juin prochain, une fois la proposition de loi réinscrite à l'ordre du jour.

Tout d'abord, nous sommes confrontés à la multiplicité des définitions de la dégradation de l'habitat : on parle d'indignité, de non décence, d'insalubrité. Un habitat peut cumuler plusieurs handicaps, ce qui multiplie les procédures si le logement est qualifié d'insalubre et de non décence, par exemple. Les procédures, mais aussi les pouvoirs dévolus aux préfets, aux maires, aux tribunaux d'instance, ne sont pas les mêmes. Nous devrons simplifier les définitions de la dégradation de l'habitat et les procédures afférentes.

Le volet administratif devra également être simplifié pour être plus efficace. Il faudrait désigner un acteur référent unique, un pilote, qui puisse mieux accompagner les maires et les propriétaires.

Nous avons également pointé les manques de moyens humains et financiers. Si l'on veut laisser le pouvoir au maire, qui est l'acteur de proximité le mieux à même d'identifier les logements indignes, il faut lui donner les moyens de l'exercer. Or les ressources humaines manquent, même dans les grandes villes dotées de services communaux d'hygiène et de santé (SCHS). Il s'écoule parfois de longs mois avant qu'un agent communal ait le temps de se déplacer pour constater l'état indigne d'un habitat. Les moyens d'intervention de l'ANAH devront également être revus.

Les propriétaires occupants peuvent être impécunieux : dans ce cas, ils ont accès à des aides, attribuées en fonction des ressources, mais qui souvent ne sont pas d'un montant suffisant.

M. Laurent Duplomb . - Certains propriétaires ont beaucoup de patrimoine, mais peu de ressources.

Mme Dominique Estrosi Sassone , rapporteur . - C'est vrai, mais les aides sont calculées en fonction des ressources.

Aujourd'hui, la CAF peut conserver les APL pour obliger les propriétaires à réaliser les travaux nécessaires.

J'en viens à la problématique du relogement : le drame de la rue d'Aubagne à Marseille s'est produit début novembre. D'autres immeubles ont, depuis, été évacués. Au 25 janvier 2019, 735 ménages, soit 1 644 personnes, devaient être relogés ; trois mois après, seuls 103 ménages, soit 196 personnes, l'ont été. Cela montre combien le relogement est difficile dans les zones tendues. Ces personnes à reloger s'ajoutent à tous les demandeurs en attente de logement social. Ceux qui sont logés à l'hôtel doivent quitter celui-ci tous les matins sans savoir où ils vont être accueillis pour la nuit suivante. Enfin, les offres de relogement ne correspondent pas toujours aux attentes des habitants : la rue d'Aubagne est au centre de Marseille et les offres peuvent se trouver dans la périphérie de la ville, alors que les enfants vont à l'école en plein centre-ville.

Mme Sophie Primas , présidente . - Ces premiers échanges démontrent l'importance du sujet et notre volonté d'aller plus loin. Nous irons à Montfermeil, à Aubervilliers et à Marseille pour mieux comprendre les dispositifs en place et voir comment les améliorer.

Je vous propose de voter la motion de renvoi en commission et donc de ne pas adopter le texte.

La commission décide de soumettre au Sénat une motion tendant au renvoi en commission de la proposition de loi. En conséquence, l'ensemble des amendements deviennent sans objet et la proposition de loi n'est pas adoptée.

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