EXPOSÉ GÉNÉRAL

Dans un rapport d'information de la délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire du Sénat de 2008, nos collègues Jacqueline Alquier et Claude Biwer définissaient l'enclavement d'un territoire comme le fait de « ne pas participer à un réseau et en conséquence, ne pas bénéficier de possibilités d'échanges ou d'accès aux différents points de ce réseau . De ce fait, l'enclavement constitue en général un facteur de difficulté » 1 ( * ) .

L'enclavement des territoires, qui se traduit par un éloignement des centres urbains et économiques, des emplois et des principaux services de la vie courante, est un phénomène difficile à objectiver . Comme nos collègues le remarquaient, « il n'est [...] pas évident de définir un critère objectif de l'enclavement qui soit pertinent, c'est-à-dire le type d'isolement qui pose réellement des problèmes au territoire concerné. Pourtant, ceci est indispensable pour définir les objectifs d'une politique de désenclavement et guider les choix de la puissance publique ».

Un tel exercice de définition est intervenu avec la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire 2 ( * ) , dite « loi Pasqua », qui visait à désenclaver les parties du territoire situées à une distance trop importante d'une grande infrastructure de transport routière, ferroviaire ou aéroportuaire . Son article 17 disposait ainsi qu'« en 2015, aucune partie du territoire français métropolitain continental ne sera située à plus de cinquante kilomètres ou de quarante-cinq minutes d'automobile soit d'une autoroute ou d'une route express à deux fois deux voies en continuité avec le réseau national, soit d'une gare desservie par le réseau ferroviaire à grande vitesse ». 3 ( * )

Le désenclavement d'un territoire passe, en priorité, par l'accès à des infrastructures de transport ainsi qu'à des services de transport rapide dans des délais raisonnables.

Force est de constater que, près de vingt-cinq ans après cette loi, certaines parties du territoire demeurent situées à des distances importantes des grandes infrastructures de transport , qu'il s'agisse des autoroutes, des gares desservies par une ligne à grande vitesse ou des aéroports, comme l'illustrent les cartes ci-dessous.

Communes situées à plus de 45 minutes d'un échangeur routier

Source : Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET)

Temps d'accès par commune à une gare desservie par un service commercial TGV

Source : CGET

Temps d'accès par commune à un aéroport accueillant
des vols commerciaux réguliers

Source : CGET

Quant à l'offre de transports publics, elle est, dans les territoires enclavés, au mieux limitée, au pire inexistante . Selon le Professeur Jean-Pierre Orfeuil, les territoires ruraux « ne sont majoritairement pas desservis par les transports publics : 54 % de leur population n'a pas d'arrêt de bus à moins de dix minutes du domicile, et avec de toute façon des fréquences de passage dissuasives » 4 ( * ) .

À cette problématique d'enclavement s'ajoute celle de la montée des inégalités économiques et sociales entre les territoires . Dans son rapport sur la cohésion des territoires de 2018 5 ( * ) , le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) distingue ainsi quatre grands espaces français :

- l'arc nord-est , caractérisé par des fragilités sociales (niveau de vie et de formation inférieur à la moyenne nationale), économiques (baisse de l'emploi) et démographiques (solde migratoire négatif) ;

- les franges littorales et le sillon rhodanien , caractérisés par un dynamisme démographique et économique tendant à s'étendre au-delà des métropoles ;

- l'Île-de-France , caractérisée par sa croissance mais également par une faible attractivité résidentielle et un risque de dislocation par rapport au reste du territoire ;

- les territoires ultra-marins , caractérisés par leur vulnérabilité et hétérogénéité en matière démographique et économique ainsi qu'au niveau de leurs conditions de vie.

Cette situation tend à se renforcer par les dynamiques à l'oeuvre, et en particulier le phénomène de métropolisation qui accroît les fractures existantes en concentrant, dans les grandes métropoles , les richesses présentes sur un territoire géographique plus large. Dans son rapport, le CGET identifie ainsi cinq dynamiques territoriales :

- le phénomène de métropolisation , qui a entraîné une forte croissance et une attractivité autour de grandes aires urbaines -il existe cependant au sein de ces métropoles des écarts de richesse importants ;

- les aires périurbaines , situées à proximité des métropoles, qui se sont développées de manière beaucoup plus homogène que les métropoles ;

- les territoires ruraux , qui se caractérisent par leur diversité : si certains connaissent une situation de croissance (par exemple ceux situés autour des villes, en zone littorale et dans les vallées urbaines françaises), d'autres, comme les territoires dont le développement a reposé historiquement sur les secteurs agricole et industriel, ou encore les campagnes peu denses, rencontrent d'importantes difficultés (déserts médicaux, zones blanches du numérique, etc.) ;

- les petites et moyennes villes , qui font preuve de dynamisme, bien que certaines éprouvent des difficultés. Ainsi, l'arc nord-est de la France fait face à des fragilités alors que le littoral atlantique, les Pyrénées et le sillon rhodanien profitent de la croissance économique ;

- le phénomène de désindustrialisation , qui a impacté plusieurs territoires (Hauts de France, Bretagne, Île-de-France, etc.), et qui nécessite de composer avec un nouveau modèle productif.

Les quatre grands espaces français

Source : CGET


* 1 Rapport d'information de Jacqueline Alquier et Claude Biwer fait au nom de la délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire du Sénat sur le niveau d'équipement de la France en infrastructures de transports et ses conséquences sur le désenclavement des régions française, 19 juin 2008.

* 2 Loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.

* 3 Ces objectifs de désenclavement ont été supprimés quatre ans plus tard, par la loi n° 99-533 du 25 juin 1999 d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire et portant modification de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.

* 4 Jean-Pierre Orfeuil, « Inégaux face à la mobilité » (extrait adapté de « La mobilité, nouvelle question sociale » du même auteur, Revue Sociologies, décembre 2010), Observatoire des inégalités, 14 décembre 2017.

* 5 Commissariat général à l'égalité des territoires, Rapport sur la cohésion des territoires, juillet 2018.

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