C. PRÉSERVER L'ÉQUILIBRE ENTRE L'EFFICACITÉ DES ENQUÊTES ET LA GARANTIE DES DROITS ET LIBERTÉS EN MATIÈRE PÉNALE

En matière de procédure pénale, votre commission a rétabli, pour l'essentiel, le texte que le Sénat avait adopté en première lecture. Les débats ont en effet révélé de vraies divergences avec le Gouvernement sur l'équilibre qu'il convient de trouver entre, d'une part, le souci légitime de simplifier la procédure pour faciliter le travail des services d'enquête et, d'autre part, la garantie des droits de la défense et des libertés.

Dans cette perspective, votre commission a réitéré sa position visant à restreindre les possibilités de recours à certaines techniques d'enquête très intrusives (articles 27 à 29). Elle a maintenu l'obligation de présentation au procureur pour la prolongation de la garde à vue , considérant qu'elle participe au contrôle de l'autorité judiciaire sur l'activité des services enquêteurs (article 31). Elle a rétabli la disposition affirmant le principe selon lequel la personne dont le domicile fait l'objet d'une perquisition doit pouvoir solliciter l'assistance de son avocat (article 32), laquelle permet d'équilibrer l'extension des pouvoirs des enquêteurs poursuivie par le texte.

Pour éviter que la justice ne devienne « virtuelle », comme le redoutent beaucoup d'organisations entendues par votre commission, celle-ci a souhaité davantage encadrer le recours à la plainte en ligne (article 26), ainsi que l' utilisation de la visioconférence (article 35).

Comme en première lecture, votre commission a supprimé la nouvelle procédure de comparution à délai différé , qui lui paraît emblématique d'une volonté de renforcer les prérogatives du parquet au détriment de la saisine du juge d'instruction, alors que l'information judiciaire présente pourtant des garanties supérieures en ce qui concerne le respect des droits de la défense.

En matière d'organisation judiciaire, elle a refusé la création d'un parquet national anti-terroriste (PNAT), qui ne lui paraît porteuse d'aucune amélioration véritable dans le fonctionnement de la justice (article 42 bis C).

Concernant le régime des peines, votre commission a rétabli le texte que le Sénat avait voté en première lecture, lequel prévoyait une importante refonte du système de l'aménagement des peines , de façon à ce que la peine prononcée soit en principe la peine exécutée (articles 45), et ne retenait pas la peine de détention à domicile sous surveillance électronique, supprimait la sanction-réparation, élargissait le champ du suivi socio-judiciaire et substituait au sursis probatoire une nouvelle peine autonome de probation (articles 46 et 47). Elle a confirmé son soutien à l'essentiel des dispositions relatives à l'unification des peines de stage et à la facilitation du prononcé des peines de travail d'intérêt général (article 43).

En revanche, votre commission n'a pas rétabli la rédaction que le Sénat avait adoptée en première lecture concernant le champ d'application de la procédure de jugement à juge unique en matière correctionnelle (article 40). Elle a ainsi entendu rassurer les représentants du monde judiciaire, qui craignaient que, sous couvert de simplification, la rédaction retenue élargisse ce champ de façon substantielle, au risque de dégrader la qualité de la décision judiciaire.

Dans le même esprit d'ouverture, votre commission a également accepté plusieurs modifications apportées au texte par l'Assemblée nationale lorsqu'elles ne soulevaient pas de difficultés de principe et qu'elles pouvaient apporter des améliorations, dans des matières souvent techniques.

Ainsi, pour s'en tenir aux ajouts les plus significatifs, votre commission a approuvé l'extension des possibilités d'anonymisation des policiers et des gendarmes dans les procédures (article 26 bis B). Elle a confirmé les dispositions qui visent à rendre possible la constitution d'un dossier entièrement numérique dans le cadre de la procédure pénale (article 32 bis ). Elle a accepté les précisions apportées aux critères de validation de la composition pénale (article 38), qui s'inspirent de celles prévues pour la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Elle a confirmé les mesures envisagées pour améliorer les procédures d'entraide internationale (article 42 ter ).

En matière pénitentiaire, votre commission a approuvé les précisions relatives aux règles de sécurité autour des établissements pénitentiaires (article 50 quater ), de même que les clarifications apportées au régime des fouilles (article 50 quinquies ).

Votre commission ne s'est pas non plus opposée à deux mesures visant à tirer les conséquences de censures décidées par le Conseil constitutionnel dans le cadre de questions prioritaires de constitutionnalité 9 ( * ) : d'une part, l'obligation d'information du tuteur ou du curateur de la personne gardée à vue (article 31) et, d'autre part, la création d'une voie de recours lorsqu'un détenu se voit privé de son droit de correspondance (article 35 bis ).

Elle a ainsi entendu réaffirmer les positions qu'elle avait défendues en première lecture, et qui avaient été bien accueillies par les professionnels de la justice, tout en portant un regard positif sur les mesures pragmatiques que l'Assemblée nationale a pu introduire dans le projet de loi.

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Votre commission a adopté le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et le projet de loi organique relatif au renforcement de l'organisation des juridictions ainsi modifiés.


* 9 Décision n° 2018-730 QPC du 14 septembre 2018, M. Mehdi K., et décision n° 2018-715 QPC du 22 juin 2018, Section française de l'Observatoire international des prisons.

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