N° 287

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2018-2019

Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 février 2019

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN NOUVELLE LECTURE , de programmation 2018 - 2022 et de réforme pour la justice et sur le projet de loi organique, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN NOUVELLE LECTURE , relatif au renforcement de l' organisation des juridictions ,

Par MM. François-Noël BUFFET et Yves DÉTRAIGNE

Sénateurs

TOME I

RAPPORT

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; MM. François Pillet, Jean-Pierre Sueur, François-Noël Buffet, Jacques Bigot, Mmes Catherine Di Folco, Sophie Joissains, M. Arnaud de Belenet, Mme Nathalie Delattre, MM. Pierre-Yves Collombat, Alain Marc , vice-présidents ; M. Christophe-André Frassa, Mme Laurence Harribey, MM. Loïc Hervé, André Reichardt , secrétaires ; Mme Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Philippe Bonnecarrère, Mmes Agnès Canayer, Maryse Carrère, MM. Mathieu Darnaud, Marc-Philippe Daubresse, Mme Jacky Deromedi, MM. Yves Détraigne, Jérôme Durain, Mme Jacqueline Eustache-Brinio, MM. Jean-Luc Fichet, Pierre Frogier, Mmes Françoise Gatel, Marie-Pierre de la Gontrie, M. François Grosdidier, Mme Muriel Jourda, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Jean Louis Masson, Mme Marie Mercier, MM. Jacques Mézard, Thani Mohamed Soilihi, Alain Richard, Vincent Segouin, Simon Sutour, Mmes Lana Tetuanui, Catherine Troendlé, M. Dany Wattebled .

Voir les numéros :

Première lecture : 462 , 463 (2017-2018), 11 , 12 , 13 , T.A. 7 et T.A. 8 (2018-2019)

Commission mixte paritaire : 202 , 203 et 204 (2018-2019)

Nouvelle lecture : 268 , 269 , 288 et 289 (2018-2019)

Première lecture : 1349 , 1350 , 1396 , 1397 , T.A. 206 et T.A. 207

Commission mixte paritaire : 1497

Nouvelle lecture : 1502 , 1503 , 1548 , 1549 , T.A. 216 et T.A. 217

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Après avoir entendu Mme Nicole Belloubet , garde des sceaux , ministre de la justice , le mercredi 30 janvier 2019, la commission des lois, réunie le mercredi 6 février 2019, sous la présidence de M. Philippe Bas , président , a examiné, en nouvelle lecture, le rapport de MM. François-Noël Buffet et Yves Détraigne , rapporteurs , et établi ses textes sur le projet de loi n° 269 (2018-2019) de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et sur le projet de loi organique n° 268 (2018-2019) relatif au renforcement de l'organisation des juridictions ( procédure accélérée ).

Alors que le Sénat était saisi en premier lieu de ces projets de loi dans la continuité des travaux de la commission des lois sur le redressement de la justice, l'Assemblée nationale, en première lecture, a largement rétabli le texte initial du Gouvernement, tout en y ajoutant une série de mesures soulevant de sérieuses difficultés. Réunies le 13 décembre 2018 sur ces deux projets de loi, les commissions mixtes paritaires n'ont pas été conclusives .

Dans la perspective de l'examen en nouvelle lecture, la commission avait organisé, le 30 janvier 2019, une table ronde avec les représentants des avocats, des magistrats et des fonctionnaires de greffe , afin de renouer le dialogue et de trouver des solutions d'avenir sur la réforme de la justice, au vu du texte résultant des travaux de l'Assemblée nationale et compte tenu de la forte hostilité exprimée au sein des milieux judiciaires contre la réforme telle que l'envisage le Gouvernement.

Cette table ronde a montré que les options retenues en première lecture par le Sénat étaient plus équilibrées et de nature à mieux répondre aux inquiétudes exprimées par les milieux judiciaires , tant en matière d'accès au juge et de protection des personnes les plus fragiles, concernant la justice civile, que de protection des libertés et des droits de la défense, concernant la procédure pénale, ou de maintien de la proximité de la justice, concernant la réforme de l'organisation judiciaire de première instance.

Lors de son audition par la commission, le 30 janvier 2019 également, Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice, a confirmé la volonté du Gouvernement de ne pas revenir sur les dispositions les plus contestées figurant dans le texte adopté par l'Assemblée nationale .

Dès lors, dans un esprit de compromis et de dialogue avec les milieux judiciaires, afin de montrer ce que devrait être une réforme à la fois ambitieuse et à l'écoute des professionnels de la justice, les rapporteurs ont proposé de procéder à une véritable nouvelle lecture , sur la base de trois principes :

- accepter les améliorations et ajouts de l'Assemblée nationale lorsqu'ils ne soulevaient pas de difficultés de principe ;

- refuser les ajouts discutables de l'Assemblée nationale ;

- réintroduire les modifications apportées par le Sénat en première lecture, tout en prenant en compte sur un certain nombre de sujets les critiques des représentants du monde judiciaire.

Les amendements adoptés par le Sénat en nouvelle lecture pourraient être présentés par les députés au stade de la lecture définitive des projets de loi. En effet, en vertu de l'article 45 de la Constitution, l'Assemblée nationale doit reprendre, en lecture définitive, le dernier texte voté par elle, en nouvelle lecture, modifié le cas échéant par un ou plusieurs des amendements adoptés par le Sénat : seuls les amendements adoptés par le Sénat sont alors recevables à l'Assemblée nationale.

Sur le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, la commission a donc adopté 147 amendements , dont 131 à l'initiative de ses rapporteurs. Sur le projet de loi organique relatif au renforcement de l'organisation des juridictions, elle a adopté 25 amendements à l'initiative de ses rapporteurs.

Ainsi, s'agissant des ajouts de l'Assemblée nationale, en matière pénale principalement, la commission a accepté, notamment, le retrait du contrôle des débits de boissons des missions du procureur de la République, la suppression de la participation de magistrats à diverses commissions administratives, l'extension des possibilités d'anonymisation des policiers et gendarmes dans les procédures, la mise en place d'un dossier entièrement numérique dans le cadre de la procédure pénale, les mesures pour améliorer les procédures d'entraide internationale, les précisions relatives aux règles de sécurité applicables autour des établissements pénitentiaires, les clarifications apportées au régime des fouilles en détention ou les dispositions visant à remédier à des décisions du Conseil constitutionnel sur des questions prioritaires de constitutionnalité.

En revanche, la commission n'a pas accepté, en particulier, la création du parquet national anti-terroriste, l'habilitation à réformer la justice pénale des mineurs par ordonnance, la mutualisation entre les greffes des conseils de prud'hommes et les greffes des nouveaux tribunaux de première instance, ainsi que la vaste réforme des tutelles introduite par voie d'amendements du Gouvernement, dans une logique de recherche d'économies de gestion, alors que les risques sont lourds pour la protection des personnes concernées du fait de la suppression du contrôle du juge sur de nombreux actes.

Enfin, sur les autres sujets, la commission a décidé, pour l'essentiel, de reprendre les modifications apportées par le Sénat en première lecture, tout en prenant en compte quand il y avait lieu les observations formulées par les représentants des milieux judiciaires.

En premier lieu, la commission a rétabli le relèvement de la trajectoire budgétaire de la mission « Justice » , conduisant à faire progresser ses crédits de 33,8 % de 2017 à 2022 , permettant la création de 13 700 emplois ainsi que la construction de 15 000 places supplémentaires de prison , en remplacement d'une progression des crédits de 23,5 % et la création de 6 500 emplois sur la même période dans le texte initial.

Ont également été rétablis, notamment, la certification obligatoire des services en ligne de règlement amiable des litiges, la suppression de l'extension de l'obligation de tentative de règlement amiable préalable à toute saisine du juge en matière civile, le maintien de la phase amiable dans la procédure de divorce contentieux, le contrôle effectif des comptes de gestion des tutelles ainsi que la possibilité de refuser une procédure entièrement dématérialisée pour les petits litiges civils ou les injonctions de payer. Concernant la révision des pensions alimentaires par les caisses d'allocations familiales, alors même qu'en première lecture le Sénat avait choisi de limiter l'expérimentation prévue aux seules hypothèses dans lesquelles les parties étaient d'accord sur le nouveau montant, la commission a décidé de supprimer le dispositif pour tenir compte des critiques exprimées par l'ensemble des acteurs du monde judiciaire.

En matière de procédure pénale et d'exécution des peines, elle a aussi rétabli la possibilité de se faire assister par un avocat lors d'une perquisition, l'obligation de présentation au procureur pour toute prolongation de garde à vue, la limitation de l'extension à de nombreux délits des techniques spéciales d'enquête, la suppression de la procédure de comparution à délai différé, la création d'une peine autonome de probation, ainsi que la refonte du système de l'aménagement des peines, en renforçant la responsabilité de la juridiction de jugement en la matière, de façon à faire en sorte que la peine prononcée soit en principe la peine exécutée.

Parmi les ajouts du Sénat en première lecture, la commission a rétabli la réforme des tribunaux de commerce, transformés en tribunaux des affaires économiques avec une compétence étendue à toutes les entreprises, ainsi que la réforme de l'aide juridictionnelle, avec le rétablissement d'une contribution pour l'aide juridique modulable et la consultation obligatoire d'un avocat avant toute demande d'aide juridictionnelle, afin d'assurer le filtrage des demandes.

Enfin, en matière d'organisation judiciaire, la commission a confirmé la suppression de la spécialisation de certains tribunaux en matière civile et pénale au sein d'un même département, et même à l'échelle de deux départements dans le texte de l'Assemblée nationale, et rétabli le dispositif d'encadrement de toute modification de la carte judiciaire ainsi que les garanties de localisation des emplois pour les fonctionnaires de greffe. Elle a supprimé l'expérimentation concernant les cours d'appel.

La commission des lois a adopté le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et le projet de loi organique relatif au renforcement de l'organisation des juridictions ainsi modifiés .

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