TROISIÈME PARTIE - LES DRAC À L'ÉPREUVE DES FUSIONS DE RÉGIONS

Dans le cadre du programme de contrôle de la commission des finances, vos rapporteurs spéciaux avaient décidé cette année de s'intéresser à la gestion déconcentrée des crédits du ministère de la culture.

La mission « Culture » est caractérisée par un fort taux de déconcentration des crédits, dont la gestion est confiée aux directions régionales des affaires culturelles (DRAC). En 2019, le taux de déconcentration de la gestion des crédits atteindra 38 % du montant total des crédits de la mission , hors dépenses de personnel. La volonté du ministère est par ailleurs de renforcer cette déconcentration , 8 millions d'euros de crédits supplémentaires feront l'objet l'année prochaine d'une gestion déconcentrée en matière de création artistique.

Ce renforcement de la dimension déconcentrée de la gestion des crédits du ministère de la culture s'inscrit dans le cadre d'une volonté plus générale du Gouvernement , dont le cadre a été fixé par le Premier ministre dans une circulaire du 24 juillet 2018 : « un mouvement très important doit être engagé pour déconcentrer le maximum de décisions et d'actions au niveau territorial. Comme le souligne le décret du 7 mai 2015 portant charte de la déconcentration 11 ( * ) , celle-ci implique de confier aux échelons territoriaux des administrations civiles de l'État le pouvoir, les moyens et la capacité d'initiative pour animer, coordonner et mettre en oeuvre les politiques publiques définies au niveau national et européen. C'est la condition de l'efficience administrative, de la modernisation et de la simplification de l'action et d'un traitement de proximité au bénéfice des citoyens sur tout le territoire. Les administrations centrales doivent seulement assurer, au niveau national, un rôle de conception, d'animation, d'appui des services déconcentrés, d'orientation, d'évaluation et de contrôle. Ben souvent, tel n'est pas le cas aujourd'hui . » 12 ( * )

Dans ce contexte, il a semblé utile de s'intéresser à l'organisation et aux moyens des treize DRAC de France métropolitaine et des cinq directions des affaires culturelles en outre-mer, afin de mesurer si celles-ci sont en mesure de mettre en oeuvre les politiques publiques sur le territoire régional . Ces directions régionales, créées en 1977, se sont développées et ont diversifié progressivement leur champ d'intervention et leurs activités, initialement centrées sur les questions patrimoniales. Dernièrement, une majorité des DRAC de France métropolitaine a dû faire face à une réorganisation rendue inévitable par la fusion des régions issue de la réforme territoriale de 2014. Ces fusions ont constitué pour les administrations territoriales un véritable défi , qu'elles sont en passe d'avoir relevé . Néanmoins, la gestion déconcentrée des crédits implique de donner aux DRAC les moyens d'un véritable pilotage de leur action au plus près des réalités des territoires sur lesquels elles déploient la politique du ministère de la culture. Cette dimension a pu sembler, à certains égards, défaillante.

I. LA FUSION DES RÉGIONS : UN DÉFI EN PASSE D'ÊTRE RELEVÉ PAR LES DRAC

La loi du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral 13 ( * ) a substitué, à compter du 1 er janvier 2016, aux 22 régions métropolitaines existantes 13 régions constituées par l'addition de régions, sans modification des départements qui les composent. Cette évolution des contours des régions a impliqué une réorganisation des administrations déconcentrées de l'État. Le calendrier de ces fusions a été particulièrement contraint : les arbitrages concernant le choix des capitales régionales ou l'implantation des services déconcentrés ainsi fusionnés ont été connus tardivement, à l'été 2015. Les DRAC ont donc dû procéder à une réorganisation rapide et contrainte, non sans rencontrer de multiples difficultés. Certaines ont été surmontées par le travail des équipes en région, tandis que d'autres persistent en raison notamment de la taille de certaines des nouvelles régions créées à la suite des fusions.

A. DES DIFFICULTÉS SURMONTÉES

1. Le défi principal : la réorganisation en pôle et en sites « distants »

Le principal défi pour les DRAC fusionnées a consisté à absorber une réorganisation des services qui était guidée par la volonté du Gouvernement de ne pas recréer des services « miroirs » dans chacune des anciennes capitales régionales supprimées. C'est la raison pour laquelle il a fait le choix d'une organisation en pôles multi-sites , qui correspondent aux grands axes de la politique culturelle et par conséquent à la maquette budgétaire de la mission « Culture » : les patrimoines, la création artistique et la démocratisation culturelle.

Les agents qui constituent ces différents pôles sont répartis au sein des sites de la DRAC, deux voire trois pour les régions telles que la Nouvelle-Aquitaine ou le Grand Est. Ainsi, sur chacun des sites travaillent des agents relevant des trois pôles thématiques, mais également du secrétariat général, même si la plupart des fonctions de soutien ont été transférées au siège de la direction régionale.

Une des principales difficultés soulevées par cette organisation multi-sites en pôles était alors de nature managériale . En effet, les directeurs de pôles présents sur des sites dits « distants » n'étaient pas pour autant chargés de l'encadrement des agents relevant des autres pôles. Cette situation a été moins problématique en matière patrimoniale, puisque ces services bénéficient d'un niveau de hiérarchie intermédiaire, à l'inverse des agents des pôles création, démocratisation culturelle ou du secrétariat général.

Cette nouvelle organisation a été nettement critiquée par le rapport inter-inspections 14 ( * ) sur les missions, l'organisation et les moyens déconcentrés du ministère de la culture, qui relevait que « l'organisation issue de la réforme territoriale de 2015 paraît manifestement inadaptée aux réalités géographiques, politiques et sociologiques. Non seulement elle entraîne des pertes d'efficacité considérables dans les services (déplacements, gestion des courriers et des chaînes de décisions, etc.) mais elle est également source de perturbations pour les agents et de fatigue pour les cadres, notamment les directeurs ». Le rapport concluait ainsi sur la nécessité de revoir l'organisation des DRAC et proposait qu'un directeur adjoint couvrant la totalité des domaines d'intervention des DRAC soit nommé sur chaque site « distant ».

Si les rapporteurs spéciaux ont constaté que l'accompagnement des directions régionales dans la mise en oeuvre de la nouvelle organisation avait été insuffisant et que les agents de ces directions avaient pu vivre difficilement cette situation, ils ont noté au cours de leurs déplacements réalisés en mai et en septembre 2018 que la nouvelle organisation avait commencé à produire des effets positifs et que les personnels ne souhaitaient plus un retour en arrière .

2. Un accompagnement insuffisant des DRAC, mais des effets positifs de la nouvelle organisation

Unanimement dénoncé par les différents interlocuteurs que les rapporteurs spéciaux ont rencontré, le défaut d'accompagnement des directions régionales dans la réorganisation des services et des procédures en conséquence des fusions de région s'est ajouté aux délais déjà très courts dans lesquels la réforme a dû être mise en oeuvre. Les secrétaires généraux des DRAC fusionnées ont ainsi été réunis deux fois à Paris pour évoquer les problématiques liées à la réorganisation, ces réunions ont rapidement laissé place au format habituel rassemblant l'ensemble des DRAC, sans qu'une structure d'échanges dédiée soit maintenue.

Malgré le temps réduit pour procéder aux adaptations nécessaires, peu de conséquences ont été relevées sur la consommation des crédits . Certains retards ont pu être observés dans la consommation par les directions régionales fusionnées pour l'exercice 2016, mais le rythme habituel de consommation a été retrouvé dès l'exercice 2017. Par ailleurs, les DRAC ont continué à assumer l'ensemble de leurs missions sans conséquences pour leurs interlocuteurs régionaux, même si, compte tenu des délais, le budget 2016 des directions régionales fusionnées a pu davantage s'apparenter à une juxtaposition des budgets des anciennes structures.

La réorganisation a cependant été source de pertes de compétences et de ressources humaines selon les personnels d'encadrement rencontrés. Ceux-ci soulignent que si aucune mobilité n'a été forcée, la faiblesse de l'accompagnement dans les reconversions des personnels qui souhaitaient rester sur un site n'a pas facilité l'acceptation de la réforme par les agents. Ils ont souvent vécu la réorganisation comme un déclassement dans les sites maintenus dans les anciennes capitales de région. Pour autant, l'ensemble des personnels a eu à coeur de minimiser les effets des fusions sur l'action des DRAC et sur la consommation des crédits déconcentrés.

L'effet des fusions a conduit les équipes à comparer les méthodes de travail qui pouvaient différer d'une région à une autre, notamment parce que les DRAC doivent composer avec leurs partenaires locaux dont l'engagement en matière culturelle peut varier d'une région à une autre. L'homogénéisation des pratiques a donc parfois été douloureuse, avec la suspicion de vouloir imposer le modèle issu de la DRAC située dans la nouvelle capitale de région.

Néanmoins, des effets positifs ont été relevés . La taille des nouvelles directions régionales a par exemple permis en Nouvelle Aquitaine de créer un poste de conseiller « architecture » qui n'existait dans aucune des trois anciennes DRAC fusionnées. Par ailleurs, un véritable travail de mise en réseau des équipes s'est développé pour « faire région » selon les termes d'un directeur régional des affaires culturelles.

Au final, le rapport inter-inspections a donné le sentiment aux personnels des DRAC que n'avaient été relevées que les difficultés nées de la réforme et non les efforts et les progrès réalisés , ce qui a pu provoquer une certaine frustration chez les agents ayant participé à ces fusions. Le climat décrit dans les différents rapports d'étape des inspections a évolué et il semble désormais que la proposition de remettre en place des « DRAC miroirs » dans les sites distants ne soit ni possible ni souhaitable.

Le projet du ministère semble plutôt de donner au plus ancien conseiller présent sur un site « distant » la responsabilité fonctionnelle d'animation du collectif de travail, avec également une logique d'incarnation. Ce responsable sera dans la plupart des cas un responsable de pôle, agent le plus ancien dans le grade le plus élevé.


* 11 Décret n° 2015-510 du 7 mai 2015 portant charte de la déconcentration.

* 12 Circulaire n° 6030/SG du Premier ministre du 24 juillet 2018 sur la déconcentration et l'organisation des administrations centrales.

* 13 Loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.

* 14 Revue des missions, de l'organisation et des moyens des services déconcentrés du ministère de la culture par l'Inspection générale de l'administration, l'Inspection générale des affaires culturelles et l'Inspection générale des finances - février 2018.

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