B. LA TRANSFORMATION DE LA POLITIQUE DE LA VILLE RESTE EN RETRAIT DES AMBITIONS

Votre rapporteur spécial note l'augmentation des crédits consacrés aux actions de l'État dans le cadre des contrats de ville et espère qu'ils viennent bien en complément , et non en remplacement, des politiques publiques de droit commun menées par les ministères, conformément au principe posé par la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine 39 ( * ) .

Il note toutefois que la territorialisation des politiques de la ville est insuffisamment développée et a pu constater les limites de la « co-construction » au sein des conseils citoyens.

1. La territorialisation inachevée de la politique de la ville

Répartis sur 1 514 quartiers dans plus de 850 communes, les crédits de l'action 01 sont spécifiquement réservés aux territoires présentant les plus fortes concentrations de pauvreté urbaine.

La politique de la ville met l'accent sur la contractualisation : 435 contrats de ville, pour la plupart intercommunaux, ont été signés en 2015 pour une période de cinq ans par l'État et les collectivités territoriales, les bailleurs sociaux et les principaux acteurs économiques, ainsi que des acteurs publics tels que les agences régionales de santé (ARS), les caisses d'allocations familiales (CAF) ou Pôle emploi.

L'efficacité de la politique de la ville et la mobilisation des ministères pour ce qui concerne les crédits de droit commun ne peuvent toutefois être évaluées que si le principe de territorialisation est véritablement respecté. Or il ressort des éléments recueillis par votre rapporteur spécial en réponse aux questionnaires, comme du document de politique transversale « Politique de la ville », que les ministères ne retiennent pas toujours une approche territorialisée dans le cadre du déploiement de leurs politiques. Ils retiennent parfois un zonage qui ne recoupe pas celui des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).

Ainsi les systèmes d'information ministériels ne permettent-ils généralement pas d'identifier une échelle infra-communale dans l'utilisation des crédits, ce qui rend nécessairement approximative l'estimation des crédits utilisés dans les QPV pour une politique donnée.

Les efforts de certains ministères méritent toutefois d'être notés, s'agissant par exemple de l'éducation et de la sécurité : 86 % des collèges et 84 % des écoles relevant de l'éducation prioritaire 40 ( * ) sont situés dans les QPV ou à proximité, ainsi que 77 zones de sécurité prioritaire (ZSP) sur 80.

Votre rapporteur spécial est attaché à ce que, en application du principe d'équité, les quartiers prioritaires de la politique de la ville bénéficient pleinement des crédits de droit communs de l'ensemble des politiques publiques . À cet effet, il paraît indispensable de progresser dans la territorialisation de ces politiques et l'adaptation des systèmes de données afin de mieux connaître et évaluer l'action de ces politiques dans les quartiers.

2. Les limites de la participation des citoyens aux projets

Selon l'article 1 er de la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, la politique de la ville doit s'appuyer notamment sur les conseils citoyens . Composés d'habitants tirés au sort et de représentants des associations et acteurs locaux, les conseils citoyens sont en principe associés à l'élaboration, à la mise en oeuvre et à l'évaluation des contrats de ville.

Or votre rapporteur spécial a pu constater que l'application de ce principe présente des limites certaines .

La complexité et la multiplicité des enjeux liés à la politique de la ville, qui est par essence multidisciplinaire, nécessitent un effort de formation, pour lequel a été créée une école du renouvellement urbain (ERU), à laquelle votre rapporteur spécial s'est rendu à Aubervilliers. Le conseil d'administration de cette école comprend des représentants de l'Union sociale de l'habitat, de l'Anru, du Commissariat général à l'Égalité des territoires (CGET) et de la Caisse des dépôts et consignations.

Cette formation, d'une durée d'une semaine, est réservée en priorité aux membres de conseils citoyens des 216 quartiers d'intérêt national bénéficiant de l'intervention de l'Anru au titre du NPNRU. Elle a bénéficié depuis 2016 à 371 membres des conseils citoyens, ce qui implique qu'une partie seulement des membres de chaque conseil citoyen de quartier d'intérêt national reçoit la formation. Or votre rapporteur spécial rappelle que l'article 7 de la loi pour la programmation pour la ville et la cohésion urbaine prévoyait que les contrats de ville définiraient des actions de formation pour l'ensemble des conseils citoyens, qui étaient au nombre de 1 157 au premier trimestre de 2017 selon le rapport 2017 de l'Observatoire national de la politique de la ville, et non uniquement pour ceux qui sont établis dans les quartiers d'intérêt national.

En outre votre rapporteur spécial a pu constater que, si les personnes concernées apprécient la qualité de la formation, celle-ci arrive bien souvent assez tard . En fait, les membres des conseils citoyens ont souvent l'impression de n'avoir été associés au projet qu'à un stade où les grandes orientations sont déjà fixées, leurs possibilités d'intervention sur la conception étant d'autant plus limitées.

Votre rapporteur spécial n'est donc pas convaincu que de grands progrès aient été accomplis dans l'association des habitants aux projets menés dans les quartiers . Il suivra avec intérêt les conclusions du bilan des conseils citoyens que la commission nationale du débat public (CNDP) réalise actuellement à la demande du ministère de la cohésion des territoires.


* 39 Article 1 er de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.

* 40 La politique d'éducation prioritaire a pour objectif de corriger l'impact des inégalités sociales et économiques sur la réussite scolaire par un renforcement de l'action pédagogique et éducative dans les écoles et établissements des territoires qui rencontrent les plus grandes difficultés sociales (ministère de l'éducation).

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