EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le jeudi 8 novembre 2018, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Marc Laménie, rapporteur spécial, sur la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».

M. Marc Laménie , rapporteur spécial . - La mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » n'offre guère de motifs de satisfaction.

Elle regroupe trois programmes aux enjeux financiers très inégaux : le programme 167 est consacré au financement de la journée défense et citoyenneté, la JDC, et à celui des actions de mémoire pour 33,8 millions d'euros ; le programme 158 finance à hauteur de 106 millions d'euros différentes indemnités accordées aux victimes d'actes de barbarie et de persécution commis pendant l'Occupation ; enfin, le programme 169 regroupe la majeure partie des crédits - 2,1 milliards d'euros - destinés à financer les témoignages de reconnaissance de la Nation envers ses anciens combattants.

Cette mission compte deux grands opérateurs de l'État : l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre, ONAC-VG, et l'Institution nationale des Invalides, INI.

Elle se caractérise par une forte baisse des crédits avec plus de 150 millions d'euros d'économies.

En ce qui concerne le programme 167, je relève que le bilan de la JDC peut faire l'objet d'appréciations contrastées. D'un côté, les jeunes expriment une certaine satisfaction, et, au-delà, on peut évidemment considérer qu'elle a le mérite d'assurer un lien entre les armées et la population française. De l'autre, son coût n'étant pas négligeable, de l'ordre de 150 millions d'euros, on peut se demander quelle est sa valeur ajoutée. Au demeurant, la perspective d'un service universel obligatoire a été confirmée, après quelques hésitations, ce qui équivaut à une sorte de réponse. Par ailleurs, il est regrettable que la JDC, qui est une obligation, soit encore insuffisamment respectée et que l'identification des jeunes décrocheurs à ce moment-là, opportunité rare, reste trop souvent sans prolongement.

En ce qui concerne la politique de la mémoire, la réduction des crédits est excessive. Certes, nous sommes sur le point d'achever la plus grande partie des commémorations de la Grande Guerre, ce qui justifie des économies, mais nous sommes bien au-delà de cela, d'autant que la mission reprend l'organisation du défilé du 14 juillet auparavant à la charge du ministère de la culture.

Deux motifs de satisfaction. Jusqu'à présent, le souvenir du centenaire s'est globalement bien déroulé grâce à un choix d'éviter le spectaculaire pour des manifestations dignes et participatives. Ensuite, le monument aux soldats morts en OPEX devrait enfin voir le jour après des péripéties invraisemblables... Il ne restera cependant plus grand-chose pour les autres manifestations et pour le nécessaire programme de rénovation des sépultures. Il faudra donc compter sur le dévouement des bénévoles, anciens combattants et autres.

Or le moins que l'on puisse en dire est que le budget pour 2019 ne témoigne pas aux anciens combattants la reconnaissance qui leur est due.

Il y a certes deux mesures dont nous pouvons nous féliciter : l'amélioration de la situation réservée aux harkis et l'attribution de la carte du combattant aux militaires demeurés en Algérie après le 2 juillet 1962. Cette dernière mesure a été constamment portée par le Sénat et est, enfin, mise en oeuvre. Pourquoi avoir attendu si longtemps ? Il est vrai qu'elle implique un certain coût. À terme, elle pourrait profiter à près de 50 000 personnes pour une charge totale de plus de 60 millions d'euros, dont 30 millions d'euros au titre des avantages fiscaux et sociaux.

Pour le reste, qui concerne la quasi-totalité des anciens combattants, nous avions eu un débat, l'an dernier, sur la revalorisation des pensions militaires d'invalidité, des prestations qui leur sont liées et de la retraite du combattant. Le budget pour 2019 n'applique aucune revalorisation, en se contentant de faire jouer une indexation, le « rapport constant », qui implique une progression de la valeur du point d'indice de la pension militaire d'invalidité de 0,7 %. C'est très inférieur à l'inflation envisagée ! C'est plus que pour les pensions de retraite, mais les allocations portées par la mission sont d'une tout autre nature et je ne suis pas certain que nous soyons nombreux ici à approuver la politique des retraites mise en oeuvre par le Gouvernement...

Je ne peux pas approuver ce choix, d'autant que les économies spontanées atteignent, du fait des évolutions démographiques, une masse considérable. Sans doute conscient des critiques auxquelles il s'exposerait, le ministère a proposé de retenir la perspective d'instituer une commission tripartite afin de suivre ces questions de revalorisation. En l'état, je ne peux pas souscrire à une initiative, dont nous ne connaissons pas les détails et dont il semble que la mise en oeuvre soit, au demeurant, repoussée.

Cette proposition est l'une des rares que la revue des dispositifs de reconnaissance de la Nation pour ses anciens combattants a conduit à envisager. La plupart des dossiers que nous avons à connaître lors des débats budgétaires ont reçu un avis défavorable. Je ne peux qu'en prendre acte et je regrette, par exemple, que le sujet des « harkis blancs » paraisse ne pas devoir prospérer. Il en va de même de l'effort qui pourrait être consacré à soutenir les aidants des grands invalides ou participants aux opérations intérieures contre les actes de terrorisme commis sur le territoire français et leurs victimes.

Ce ne sont pas de bons signaux ! Dans ces conditions, il est indispensable que l'ONAC-VG, qui est appelé à combler les trous du filet de protection, soit à même d'accomplir cette mission, en plus des tâches de gestion qu'il assume au bénéfice de ses nombreux ressortissants. Or, s'il faut espérer que la revalorisation des tarifs des médecins chargés de l'examen des dossiers de révision des pensions d'invalidité permette de diminuer les délais actuels, qui sont insupportables, on peut s'alarmer des effets de la réduction des moyens de l'ONAC-VG.

Un exemple parmi d'autres : de l'aveu même du ministère, les ressources déployées pour traiter les demandes correspondant aux dispositions adoptées pour améliorer le statut des opérations extérieures (OPEX), ne permettent pas à l'Office de faire face. Les demandes sont traitées avec beaucoup de retard. Dans ces conditions, nous pouvons nourrir quelques inquiétudes sur le sort de l'extension de la carte du combattant...

Un mot de l'Institution nationale des Invalides, qui est lancée dans un projet, dont il faut se féliciter, qui la verra participer mieux encore à l'offre globale de soins. Cependant, les conditions de financement de ce projet de 50 millions d'euros suscitent une certaine perplexité. Le ministère de la santé n'y concourt pas et la trésorerie de l'établissement devra être largement mobilisée. Or ses recettes propres sont en berne.

Je termine par le programme 158. J'ai récemment présenté un rapport sur la commission d'indemnisation des victimes de spoliations, la CIVS ; j'alertais sur les effets désastreux susceptibles de découler de la suppression de cette commission, un temps envisagée. J'en appelais, par ailleurs, à prendre une trentaine de mesures afin de constituer une « CIVS augmentée ». Je relève avec satisfaction que le Premier ministre a écarté la perspective de cette suppression, qui était inconsidérée et qu'il fallait conjurer. Par lettre, il m'a fait part de son souhait d'assurer à la CIVS les moyens d'assurer ses missions qui ont été renforcées dans un décret du 10 octobre dernier. Nous ne pouvons que nous en féliciter. Le budget pour 2019, qui multiplie par deux les crédits nécessaires à l'indemnisation des spoliations, témoigne que, contrairement à un discours lénifiant, la dette de réparation demeure très forte. Hélas, sur les éléments nécessaires au renforcement des missions de la CIVS, la programmation budgétaire va à rebours de ce qu'il conviendrait de mettre en place. Je forme des voeux pour que très vite cette évolution soit corrigée, mais en l'état, le programme 158 ne réunit pas les conditions de la relance que nous avons souhaitée et que le Premier ministre a très opportunément décidé de mettre en oeuvre.

Mme Christine Lavarde . - L'an passé, nous avons adopté un amendement prorogeant le délai laissé à l'ONAC-VG pour fusionner les maisons de retraite qu'il gère avec d'autres acteurs du secteur. Quel est l'état d'avancement de ce dossier ? Comment se déroulent ces fusions ?

M. Philippe Dallier . - Le rapport de Marc Laménie est relativement critique sur la JDC, ce qui m'apparaît assez justifié. Comment est-il possible de faire passer autant de messages, sur des sujets aussi différents - la laïcité, les dons d'organes, la sécurité sociale, la sécurité routière... -, en une seule journée ?

Il semble que le ministère entende améliorer l'efficacité du dispositif grâce à l'utilisation des outils numériques, mais notre rapporteur spécial craint des surcoûts importants. Pourquoi pensez-vous que l'utilisation de moyens numériques entraînera de tels surcoûts ?

Par ailleurs, on ne peut que s'étonner que le ministère engage une réforme de la JDC, alors même que se profile la mise en place du service national universel, le SNU... Certes, les coûts relatifs de ces deux dispositifs n'ont rien à voir : 150 millions d'euros pour la JDC, peut-être quelques milliards pour le SNU ! Enfin, je remarque que le coût de ce nouveau service national n'est aucunement inscrit dans la programmation financière pluriannuelle. Je ne sais pas où les moyens pourront être trouvés pour son financement...

M. Marc Laménie , rapporteur spécial . - Il est vrai que l'ONAC-VG a abandonné la gestion de certaines maisons de retraite, qui ont été reprises par d'autres acteurs. Cela correspond en partie à la redéfinition des missions de l'Office, qui doit mieux aider le monde combattant et développer son rôle social. Je vérifierai cette question avec la directrice générale de l'établissement. En tout état de cause, je suis très attaché au maintien d'une présence de l'ONAC-VG dans chaque département, car il a un rôle important d'information et de distribution d'aides.

Sur la JDC, je vous renvoie notamment au récent rapport que la Cour des comptes a réalisé à la demande de notre commission. J'ai assisté à l'une de ces journées et il est vrai que son programme est particulièrement chargé, surtout si l'on y intègre pleinement le volet éducation nationale. Le coût de la JDC est partagé entre les missions « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » et « Défense ». Comme l'indique Philippe Dallier, nous devrons être attentifs à la manière dont la JDC s'articule avec le futur service national universel, mais nous ne disposons pas d'informations à ce stade. Enfin, je souhaite rappeler que la JDC présente aussi un intérêt important, celui de susciter des vocations pour les métiers de la défense.

M. Vincent Éblé . - Quel avis proposez-vous en ce qui concerne l'adoption des crédits de la mission ?

M. Marc Laménie , rapporteur spécial . - Sans conviction, je propose un avis favorable...

Enfin, je propose d'adopter sans modification l'article 73 rattaché à la mission, qui revalorise l'allocation de reconnaissance et l'allocation viagère des conjoints survivants d'anciens membres des formations supplétives.

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ». Elle a en outre décidé de proposer d'adopter sans modification l'article 73 rattaché à la mission.

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Réunie à nouveau le jeudi 22 novembre 2018, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, et après avoir pris acte des modifications apportées par l'Assemblée nationale, la commission a confirmé son vote.

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